Guido Westerwelle, ministre allemand des Affaires étrangères, anime un groupe de réflexion sur l'avenir de l'UE réunissant les chefs de la diplomatie européens. Il a reçu jeudi trois quotidiens européens.
LE FIGARO. - Vous avez adopté un ton plus optimiste depuis quelques jours au sujet de la crise européenne. Pourquoi?
Guido WESTERWELLE. - L'évolution de la situation est positive. Il y a du progrès en Irlande et au Portugal. En Italie, le gouvernement a introduit des réformes courageuses. La compétitivité de la Grèce est en hausse, malgré une situation qui reste très difficile. Et l'Espagne vient de réussir à placer des obligations souveraines à des taux d'intérêt favorables. C'est le résultat d'un mélange de solidarité, d'une politique orientée sur la croissance et de réformes.
En Allemagne, des décisions importantes ont été prises, avec notamment le feu vert de la Cour constitutionnelle au MES (Mécanisme européen de stabilité). Les élections aux Pays-Bas ont montré que la raison l'a emporté sur le populisme anti-européen. Et aussi, les décisions de la Banque centrale européenne (BCE) sont de nature à contribuer à la sortie de crise. Ainsi, le mois de septembre peut devenir un tournant dans la crise de la dette. C'est pourquoi je crois que l'on voit poindre la lumière au bout du tunnel.
Certains en Allemagne, notamment le président de la Bundesbank, redoutent que le programme de rachat d'obligations lancé par la BCE ne devienne un mode de financement de la dette…
L'Allemagne attache une grande importance à l'indépendance de la Bundesbank et de la BCE. Aussi respectons-nous les décisions de l'une et de l'autre. L'annonce par la BCE de son programme de rachat ne doit pas être considérée de façon isolée, mais avec l'ensemble des autres mesures décidées récemment. Ce qui m'amène à croire - je me répète - que le mois de septembre peut devenir un tournant dans la crise.
Nous devons réapprendre à nous ouvrir aux bonnes nouvelles en Europe. Sur d'autres continents la confiance en soi s'est fermement installée. En Europe, nous nous complaisons dans le doute. C'est une attitude très négative que nous devons changer.
Paris a ouvert la voie à la ratification du pacte budgétaire et de la «règle d'or». Certains économistes doutent cependant de la capacité de la France à plafonner ses déficits à 3% dès 2013. Un rallongement du délai est-il imaginable?
Nous avons adopté les règles de frein à l'endettement parce que la politique de surendettement dans toute l'Europe était le principal facteur de la crise. C'est pourquoi nous nous félicitons que nous nous soyons si clairement engagés tous ensemble à faire reculer la dette. L'Allemagne et la France partagent ces objectifs communs.
François Hollande défend une «intégration solidaire» - notamment, au bout du compte, une forme de mutualisation des dettes. Cela fait-il partie de vos réflexions?
L'Allemagne soutient une politique de croissance, de solidarité et de discipline budgétaire. Ces trois piliers vont ensemble. Nous avons fait preuve de solidarité dès le début. Les fonds européens de sauvetage seront mis en place. Mais l'Allemagne est opposée à un mécanisme de mutualisation de la dette. L'Allemagne est un pays fédéral depuis plus de 60 ans et nous sommes réunifiés depuis 22 ans. Et, jusqu'à ce jour, il n'existe pas de mutualisation de la dette entre nos Länder, ni avec l'État fédéral. Il peut y avoir et il y a en Europe une aide ciblée, pour des pays qui connaissent des difficultés. Mais une mutualisation des dettes mettrait l'Europe en danger. Chacun doit porter la responsabilité de ses décisions.
L'Espagne doit-elle faire appel à l'aide européenne?
Nous n'avons pas de conseil à lui donner. J'ai un très grand respect pour le gouvernement de Mariano Rajoy. Notre propre expérience nous a montré la difficulté d'imposer une politique courageuse de réformes face à une vague de manifestations. Mais si l'on garde son cap, les peuples s'en portent mieux au bout du compte.
Vous louez les réformes structurelles en Italie et en Espagne. La France peut-elle faire l'économie de telles réformes?
Je ne veux pas me mêler du débat actuel en France. J'ai confiance dans le fait que le gouvernement français fera le nécessaire. La France et l'Allemagne font du bon travail ensemble.
L'Allemagne est animée par une discussion sur l'interdiction ou non du film anti-islam. En France, les caricatures de Charlie Hebdo font débat. Peut-on concilier le respect des religions et la liberté d'expression?
Ce film ne justifie nullement la violence envers des diplomates, bien qu'il soit absurde et repoussant. La liberté d'expression est une valeur très importante, mais elle n'est pas sans limites. Elle ne peut pas servir à justifier les dénigrements et les insultes. J'appelle à ne pas jeter d'huile sur le feu. L'Europe doit montrer qu'elle est un continent respectueux des autres civilisations. La liberté est sœur de la responsabilité. Mais une chose est claire: c'est à la justice indépendante d'examiner de près les situations au cas par cas.
La crise a-t-elle affaibli la volonté européenne de mettre en œuvre une politique de défense commune?
La crise de la dette a au contraire montré la nécessité de passer à la prochaine étape d'intégration. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne notre politique de sécurité et de défense commune. Plus d'intégration dans une politique de sécurité et de défense commune fera baisser le coût pour le contribuable et améliorera en même temps la sécurité pour l'ensemble de l'Europe. Dans ce monde en évolution, nous devons prendre conscience de notre communauté de destins en Europe.
Il ne faut pas non plus négliger l'aspect psychologique de la crise de la dette. L'Europe doit montrer au monde qu'elle croit en son modèle et qu'elle est capable de le défendre. La phase actuelle est comparable aux bouleversements de la fin des années 1980 et du début des années 1990, après la chute du mur de Berlin. Aujourd'hui, nous décidons pour les décennies à venir si l'Europe sera un continent vieillissant ou un continent capable de s'adapter aux nouveaux défis. Nous ne pourrons préserver notre modèle social et écologique qu'en renforçant notre compétitivité. Le savoir et l'éducation sont notre principale richesse et la clé de notre réussite.
Par Patrick Saint-Paul
LE FIGARO. - Vous avez adopté un ton plus optimiste depuis quelques jours au sujet de la crise européenne. Pourquoi?
Guido WESTERWELLE. - L'évolution de la situation est positive. Il y a du progrès en Irlande et au Portugal. En Italie, le gouvernement a introduit des réformes courageuses. La compétitivité de la Grèce est en hausse, malgré une situation qui reste très difficile. Et l'Espagne vient de réussir à placer des obligations souveraines à des taux d'intérêt favorables. C'est le résultat d'un mélange de solidarité, d'une politique orientée sur la croissance et de réformes.
En Allemagne, des décisions importantes ont été prises, avec notamment le feu vert de la Cour constitutionnelle au MES (Mécanisme européen de stabilité). Les élections aux Pays-Bas ont montré que la raison l'a emporté sur le populisme anti-européen. Et aussi, les décisions de la Banque centrale européenne (BCE) sont de nature à contribuer à la sortie de crise. Ainsi, le mois de septembre peut devenir un tournant dans la crise de la dette. C'est pourquoi je crois que l'on voit poindre la lumière au bout du tunnel.
Certains en Allemagne, notamment le président de la Bundesbank, redoutent que le programme de rachat d'obligations lancé par la BCE ne devienne un mode de financement de la dette…
L'Allemagne attache une grande importance à l'indépendance de la Bundesbank et de la BCE. Aussi respectons-nous les décisions de l'une et de l'autre. L'annonce par la BCE de son programme de rachat ne doit pas être considérée de façon isolée, mais avec l'ensemble des autres mesures décidées récemment. Ce qui m'amène à croire - je me répète - que le mois de septembre peut devenir un tournant dans la crise.
Nous devons réapprendre à nous ouvrir aux bonnes nouvelles en Europe. Sur d'autres continents la confiance en soi s'est fermement installée. En Europe, nous nous complaisons dans le doute. C'est une attitude très négative que nous devons changer.
Paris a ouvert la voie à la ratification du pacte budgétaire et de la «règle d'or». Certains économistes doutent cependant de la capacité de la France à plafonner ses déficits à 3% dès 2013. Un rallongement du délai est-il imaginable?
Nous avons adopté les règles de frein à l'endettement parce que la politique de surendettement dans toute l'Europe était le principal facteur de la crise. C'est pourquoi nous nous félicitons que nous nous soyons si clairement engagés tous ensemble à faire reculer la dette. L'Allemagne et la France partagent ces objectifs communs.
François Hollande défend une «intégration solidaire» - notamment, au bout du compte, une forme de mutualisation des dettes. Cela fait-il partie de vos réflexions?
L'Allemagne soutient une politique de croissance, de solidarité et de discipline budgétaire. Ces trois piliers vont ensemble. Nous avons fait preuve de solidarité dès le début. Les fonds européens de sauvetage seront mis en place. Mais l'Allemagne est opposée à un mécanisme de mutualisation de la dette. L'Allemagne est un pays fédéral depuis plus de 60 ans et nous sommes réunifiés depuis 22 ans. Et, jusqu'à ce jour, il n'existe pas de mutualisation de la dette entre nos Länder, ni avec l'État fédéral. Il peut y avoir et il y a en Europe une aide ciblée, pour des pays qui connaissent des difficultés. Mais une mutualisation des dettes mettrait l'Europe en danger. Chacun doit porter la responsabilité de ses décisions.
L'Espagne doit-elle faire appel à l'aide européenne?
Nous n'avons pas de conseil à lui donner. J'ai un très grand respect pour le gouvernement de Mariano Rajoy. Notre propre expérience nous a montré la difficulté d'imposer une politique courageuse de réformes face à une vague de manifestations. Mais si l'on garde son cap, les peuples s'en portent mieux au bout du compte.
Vous louez les réformes structurelles en Italie et en Espagne. La France peut-elle faire l'économie de telles réformes?
Je ne veux pas me mêler du débat actuel en France. J'ai confiance dans le fait que le gouvernement français fera le nécessaire. La France et l'Allemagne font du bon travail ensemble.
L'Allemagne est animée par une discussion sur l'interdiction ou non du film anti-islam. En France, les caricatures de Charlie Hebdo font débat. Peut-on concilier le respect des religions et la liberté d'expression?
Ce film ne justifie nullement la violence envers des diplomates, bien qu'il soit absurde et repoussant. La liberté d'expression est une valeur très importante, mais elle n'est pas sans limites. Elle ne peut pas servir à justifier les dénigrements et les insultes. J'appelle à ne pas jeter d'huile sur le feu. L'Europe doit montrer qu'elle est un continent respectueux des autres civilisations. La liberté est sœur de la responsabilité. Mais une chose est claire: c'est à la justice indépendante d'examiner de près les situations au cas par cas.
La crise a-t-elle affaibli la volonté européenne de mettre en œuvre une politique de défense commune?
La crise de la dette a au contraire montré la nécessité de passer à la prochaine étape d'intégration. C'est particulièrement vrai en ce qui concerne notre politique de sécurité et de défense commune. Plus d'intégration dans une politique de sécurité et de défense commune fera baisser le coût pour le contribuable et améliorera en même temps la sécurité pour l'ensemble de l'Europe. Dans ce monde en évolution, nous devons prendre conscience de notre communauté de destins en Europe.
Il ne faut pas non plus négliger l'aspect psychologique de la crise de la dette. L'Europe doit montrer au monde qu'elle croit en son modèle et qu'elle est capable de le défendre. La phase actuelle est comparable aux bouleversements de la fin des années 1980 et du début des années 1990, après la chute du mur de Berlin. Aujourd'hui, nous décidons pour les décennies à venir si l'Europe sera un continent vieillissant ou un continent capable de s'adapter aux nouveaux défis. Nous ne pourrons préserver notre modèle social et écologique qu'en renforçant notre compétitivité. Le savoir et l'éducation sont notre principale richesse et la clé de notre réussite.
Par Patrick Saint-Paul