Sa libération est aussi mystérieuse que sa capture. Benjamin Malbrancke a été relâché samedi 14 juillet par Ansar al-Charia, «les partisans de la loi islamique», le nom qu'al-Qaida s'est donné dans la province de Shabwa, dans le sud-est du Yémen, largement aux mains des djihadistes.
Ce Français, collaborateur de la Croix Rouge, avait été capturé à Hodeïda, à une trentaine de kilomètres du front de mer où Hilal fume tranquillement son narguilé. «Ne vous inquiétez pas si vous entendez des tirs. En ce moment, les fusillades sont aussi fréquentes que les feux d'artifices», tente de rassurer le jeune fonctionnaire du gouvernement yéménite. Des claquements secs résonnent dans la nuit. Hilal les attribue à des règlements de comptes, alors que l'armée quadrille la ville depuis l'attentat suicide du 11 juillet qui a fait 8 morts à l'académie de police de Sanaa.
Hodeïda connaît la moiteur et la misère, les trafics et les migrants. Mais les enlèvements d'étrangers, les règlements de comptes, les attaques de convois de marchandises, c'est nouveau pour l'ancien port ottoman, réputé comme étant l'une des villes les plus pacifiques d'un Yémen turbulent. Ici, pas de guerres tribales comme dans le nord du pays. Les Zaraniq, la principale tribu de la région, se tiennent tranquilles. Ces anciens guerriers se sont depuis longtemps reconvertis en agriculteurs.
«Les gens d'ici sont envahis par une guerre qui n'est pas la leur», explique Ishaq Salah, un avocat membre d'une association de défense des droits des habitants de la Tihama, la plaine côtière qui borde la mer Rouge. Il fait allusion à Shabwa, là où était détenu Benjamin Malbrancke. Shabwa est largement aux mains de djihadistes, mais ils reculent. Le nouveau président, Abd Rabbo Mansour Hadi, mène une lutte farouche avec une armée faible et divisée. La garde républicaine est toujours aux commandes du fils de l'ex-dictateur, Ali Abdallah Saleh. Mais les troupes yéménites, avec l'aide des drones américains, ont repris le 15 juin la province d'Abyan, où Ansar al-Charia avait proclamé un «Émirat islamique».
Corruption
Cette victoire a son revers. «La guerre à Shabwa entraîne des troubles dans tout le pays», explique Ishaq Salah. Des troubles qui prospèrent, dans la Tihama, sur la misère. Depuis quelques mois, les 500.000 habitants de Hodeïda subissent des coupures d'électricité quotidiennes et l'eau se fait rare. «Si al-Qaida achète des otages étrangers, il ne faut pas s'étonner qu'il y ait des enlèvements», remarque le journaliste Salem Aish-Habal. Il ne croit pas à la présence de djihadistes dans la région, malgré l'arrestation, fin avril, de cinq suspects soupçonnés appartenir à al-Qaida. Il connaît l'enseignante suisse enlevée le 13 mars dernier: «Des hommes armés se sont présentés chez elle. L'officier qui la protégeait n'a rien fait. Elle a été enlevée, comme ça, tout simplement. La question, c'est de savoir comment les otages ont été emmenés à Shabwa, alors qu'il y a des check-points de l'armée partout.»
Comme beaucoup de Yéménites, Salem Aish-Habal soupçonne l'ancien régime de fomenter les troubles: «Saleh vit toujours ici et c'était dans ses habitudes de manipuler al-Qaida. Je ne vois pas ce qui l'empêcherait de continuer.» Pour la première fois depuis longtemps, les djihadistes reculent au Yémen. Mais l'ancien régime, lui, n'a pas disparu.
Par Samuel Forey
Ce Français, collaborateur de la Croix Rouge, avait été capturé à Hodeïda, à une trentaine de kilomètres du front de mer où Hilal fume tranquillement son narguilé. «Ne vous inquiétez pas si vous entendez des tirs. En ce moment, les fusillades sont aussi fréquentes que les feux d'artifices», tente de rassurer le jeune fonctionnaire du gouvernement yéménite. Des claquements secs résonnent dans la nuit. Hilal les attribue à des règlements de comptes, alors que l'armée quadrille la ville depuis l'attentat suicide du 11 juillet qui a fait 8 morts à l'académie de police de Sanaa.
Hodeïda connaît la moiteur et la misère, les trafics et les migrants. Mais les enlèvements d'étrangers, les règlements de comptes, les attaques de convois de marchandises, c'est nouveau pour l'ancien port ottoman, réputé comme étant l'une des villes les plus pacifiques d'un Yémen turbulent. Ici, pas de guerres tribales comme dans le nord du pays. Les Zaraniq, la principale tribu de la région, se tiennent tranquilles. Ces anciens guerriers se sont depuis longtemps reconvertis en agriculteurs.
«Les gens d'ici sont envahis par une guerre qui n'est pas la leur», explique Ishaq Salah, un avocat membre d'une association de défense des droits des habitants de la Tihama, la plaine côtière qui borde la mer Rouge. Il fait allusion à Shabwa, là où était détenu Benjamin Malbrancke. Shabwa est largement aux mains de djihadistes, mais ils reculent. Le nouveau président, Abd Rabbo Mansour Hadi, mène une lutte farouche avec une armée faible et divisée. La garde républicaine est toujours aux commandes du fils de l'ex-dictateur, Ali Abdallah Saleh. Mais les troupes yéménites, avec l'aide des drones américains, ont repris le 15 juin la province d'Abyan, où Ansar al-Charia avait proclamé un «Émirat islamique».
Corruption
Cette victoire a son revers. «La guerre à Shabwa entraîne des troubles dans tout le pays», explique Ishaq Salah. Des troubles qui prospèrent, dans la Tihama, sur la misère. Depuis quelques mois, les 500.000 habitants de Hodeïda subissent des coupures d'électricité quotidiennes et l'eau se fait rare. «Si al-Qaida achète des otages étrangers, il ne faut pas s'étonner qu'il y ait des enlèvements», remarque le journaliste Salem Aish-Habal. Il ne croit pas à la présence de djihadistes dans la région, malgré l'arrestation, fin avril, de cinq suspects soupçonnés appartenir à al-Qaida. Il connaît l'enseignante suisse enlevée le 13 mars dernier: «Des hommes armés se sont présentés chez elle. L'officier qui la protégeait n'a rien fait. Elle a été enlevée, comme ça, tout simplement. La question, c'est de savoir comment les otages ont été emmenés à Shabwa, alors qu'il y a des check-points de l'armée partout.»
Comme beaucoup de Yéménites, Salem Aish-Habal soupçonne l'ancien régime de fomenter les troubles: «Saleh vit toujours ici et c'était dans ses habitudes de manipuler al-Qaida. Je ne vois pas ce qui l'empêcherait de continuer.» Pour la première fois depuis longtemps, les djihadistes reculent au Yémen. Mais l'ancien régime, lui, n'a pas disparu.
Par Samuel Forey