Ben Bella aura tout juste eu le temps de voir les 50 ans de la République algérienne, dont il fut le premier président entre 1962 et 1965. Une figure historique est morte. Une figure surprenante, qui, avant de s'illustrer dans la lutte armée, avait joué aussi un an pour l'Olympique de Marseille et pour équipe de France militaire. Au cours de sa longue existence - il est né en 1916 -, Ben Bella aura fait trois séjours en prison. Chacun d'entre eux illustre une facette de son combat.
Le 13 mai 1950, il tombe une première fois aux mains des Français, alors qu'il se cache depuis près d'un an. Depuis le fameux casse de la poste d'Oran dont il fut un des organisateurs avec Aït Ahmed. Il s'agit alors de financer l'Organisation spéciale (OS), bras armé du parti du Peuple algérien. À cette époque, l'insurrection est prévue pour 1949. Elle n'aura lieu, on le sait, que cinq ans plus tard, le 1er novembre 1954. Fin janvier 1949, Ben Bella n'est qu'un ancien adjudant de l'armée française, décoré par de Gaulle en Italie - il reviendra souvent sur cette scène et son admiration pour son ancien ennemi - et il est responsable de l'OS pour l'Oranie.
Un homme de l'Ouest
Ben Bella est un homme de l'Ouest, il n'est même pas algérien, puisque ses deux parents sont nés marocains. Il n'obtiendra la nationalité algérienne qu'en 1962, lors de la fondation de l'État. C'est lui qui fournit le tuyau de la grande poste d'Oran, le premier grand coup d'éclat de la lutte armée. Comme beaucoup de ses membres, Ben Bella a été marqué par la répression sanglante des manifestations de Sétif, le 8 mai 1945. Au début, les Français croient que le casse a été réalisé par des malfrats. Ils mettront près d'un an à comprendre qu'il s'agit d'une opération pour financer une organisation paramilitaire de 2 000 membres. Lorsqu'il est arrêté, en mai 1950, Ben Bella est devenu le chef de l'OS. Il va rester deux ans en prison. Il mettra à profit ce séjour pour apprendre l'arabe, car le français est sa seule langue. En mars 1952, il s'évade dans des conditions rocambolesques, avant d'être exfiltré au Caire.
Le 22 octobre 1956, un avion transportant quelques-uns des chefs historiques du FLN en exil au Caire (la délégation extérieure) est contraint d'atterrir à Alger. Ben Bella se rendait du Maroc vers la Tunisie pour un congrès avec les chefs d'État maghrébins. C'est une prise historique pour les militaires français qui imposent cette action au gouvernement socialiste - Guy Mollet, Alain Savary -, qui est furieux, mais qui s'incline. En réalité, la France surestime le poids de Ben Bella, très populaire, haut en couleur, mais isolé au sein du FLN : on est à l'époque, après le congrès de la Soummam d'août 1956, au début d'une guerre des chefs - l'intérieur, les maquis, contre les chefs en exil au Caire, les politiques contre les militaires accusés de ne pas fournir assez d'armes - qui n'aura pas lieu.
Il aurait voulu être le Nasser algérien
Car, à la descente de leur avion, Ben Bella et ses acolytes se retrouvent menottés et conduits en prison, d'abord en Algérie puis sur l'île d'Aix, gardée par 150 gendarmes. Les habitants de l'île ne gardent pas un très bon souvenir de cette époque. Durant cette période, Ben Bella réussit de sa prison à être nommé vice-président du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne). Sa mouvance, très influencée par Nasser, est sur le point de triompher.
Libéré en 1962, Ben Bella bénéficie de l'aura du prisonnier. Il lui faudra cependant batailler et éliminer certains de ses rivaux pour être élu à la fin de l'année 1962, après avoir manifesté des désaccords avec le GPRA et le contenu des accords d'Evian. En 1963, il est nommé aussi Premier ministre. Il concentre tous les pouvoirs alors même qu'il tente une politique calquée sur le modèle égyptien. Il aurait voulu être le Nasser algérien. Il donne les terres des pieds-noirs aux paysans, distribue les usines aux ouvriers, met en place un rêve d'auto-gestion, qui va vite se heurter à la réalité, au FLN et aux militaires. Il est plus préoccupé de sa gloire, des affaires diplomatiques que des réalités d'un pays à qui il proposa toutefois une voie originale. Que serait devenue l'Algérie si Ben Bella était resté au pouvoir ? C'est la grande question, insoluble, qu'on est en droit de poser.
Exil
En 1965, il est renversé par son ministre de la Défense, Boumedienne, qui l'envoie croupir en prison. Commence un troisième séjour qui durera jusqu'en 1979. Il échappe de peu à une condamnation à mort : de Gaulle, selon Ben Bella, aurait plaidé en sa faveur.
Après un exil de dix ans à Lausanne, il est revenu en Algérie en 1990, où il soutenait, malgré quelques réserves, Bouteflika, qu'il appelait son "petit frère". Dans une longue interview donnée l'an dernier à Renaud de Rochebrune pour le magazine Jeune Afrique, il revisitait toute l'histoire de la guerre d'Algérie en s'attribuant systématiquement le beau rôle - surtout pour l'insurrection du 1er novembre 1954, où il ne fut pas décisionnaire -, disqualifiant ses anciens camarades de lutte. Des déclarations à l'image du personnage, populaire, grande gueule et égocentrique.
Le 13 mai 1950, il tombe une première fois aux mains des Français, alors qu'il se cache depuis près d'un an. Depuis le fameux casse de la poste d'Oran dont il fut un des organisateurs avec Aït Ahmed. Il s'agit alors de financer l'Organisation spéciale (OS), bras armé du parti du Peuple algérien. À cette époque, l'insurrection est prévue pour 1949. Elle n'aura lieu, on le sait, que cinq ans plus tard, le 1er novembre 1954. Fin janvier 1949, Ben Bella n'est qu'un ancien adjudant de l'armée française, décoré par de Gaulle en Italie - il reviendra souvent sur cette scène et son admiration pour son ancien ennemi - et il est responsable de l'OS pour l'Oranie.
Un homme de l'Ouest
Ben Bella est un homme de l'Ouest, il n'est même pas algérien, puisque ses deux parents sont nés marocains. Il n'obtiendra la nationalité algérienne qu'en 1962, lors de la fondation de l'État. C'est lui qui fournit le tuyau de la grande poste d'Oran, le premier grand coup d'éclat de la lutte armée. Comme beaucoup de ses membres, Ben Bella a été marqué par la répression sanglante des manifestations de Sétif, le 8 mai 1945. Au début, les Français croient que le casse a été réalisé par des malfrats. Ils mettront près d'un an à comprendre qu'il s'agit d'une opération pour financer une organisation paramilitaire de 2 000 membres. Lorsqu'il est arrêté, en mai 1950, Ben Bella est devenu le chef de l'OS. Il va rester deux ans en prison. Il mettra à profit ce séjour pour apprendre l'arabe, car le français est sa seule langue. En mars 1952, il s'évade dans des conditions rocambolesques, avant d'être exfiltré au Caire.
Le 22 octobre 1956, un avion transportant quelques-uns des chefs historiques du FLN en exil au Caire (la délégation extérieure) est contraint d'atterrir à Alger. Ben Bella se rendait du Maroc vers la Tunisie pour un congrès avec les chefs d'État maghrébins. C'est une prise historique pour les militaires français qui imposent cette action au gouvernement socialiste - Guy Mollet, Alain Savary -, qui est furieux, mais qui s'incline. En réalité, la France surestime le poids de Ben Bella, très populaire, haut en couleur, mais isolé au sein du FLN : on est à l'époque, après le congrès de la Soummam d'août 1956, au début d'une guerre des chefs - l'intérieur, les maquis, contre les chefs en exil au Caire, les politiques contre les militaires accusés de ne pas fournir assez d'armes - qui n'aura pas lieu.
Il aurait voulu être le Nasser algérien
Car, à la descente de leur avion, Ben Bella et ses acolytes se retrouvent menottés et conduits en prison, d'abord en Algérie puis sur l'île d'Aix, gardée par 150 gendarmes. Les habitants de l'île ne gardent pas un très bon souvenir de cette époque. Durant cette période, Ben Bella réussit de sa prison à être nommé vice-président du GPRA (Gouvernement provisoire de la République algérienne). Sa mouvance, très influencée par Nasser, est sur le point de triompher.
Libéré en 1962, Ben Bella bénéficie de l'aura du prisonnier. Il lui faudra cependant batailler et éliminer certains de ses rivaux pour être élu à la fin de l'année 1962, après avoir manifesté des désaccords avec le GPRA et le contenu des accords d'Evian. En 1963, il est nommé aussi Premier ministre. Il concentre tous les pouvoirs alors même qu'il tente une politique calquée sur le modèle égyptien. Il aurait voulu être le Nasser algérien. Il donne les terres des pieds-noirs aux paysans, distribue les usines aux ouvriers, met en place un rêve d'auto-gestion, qui va vite se heurter à la réalité, au FLN et aux militaires. Il est plus préoccupé de sa gloire, des affaires diplomatiques que des réalités d'un pays à qui il proposa toutefois une voie originale. Que serait devenue l'Algérie si Ben Bella était resté au pouvoir ? C'est la grande question, insoluble, qu'on est en droit de poser.
Exil
En 1965, il est renversé par son ministre de la Défense, Boumedienne, qui l'envoie croupir en prison. Commence un troisième séjour qui durera jusqu'en 1979. Il échappe de peu à une condamnation à mort : de Gaulle, selon Ben Bella, aurait plaidé en sa faveur.
Après un exil de dix ans à Lausanne, il est revenu en Algérie en 1990, où il soutenait, malgré quelques réserves, Bouteflika, qu'il appelait son "petit frère". Dans une longue interview donnée l'an dernier à Renaud de Rochebrune pour le magazine Jeune Afrique, il revisitait toute l'histoire de la guerre d'Algérie en s'attribuant systématiquement le beau rôle - surtout pour l'insurrection du 1er novembre 1954, où il ne fut pas décisionnaire -, disqualifiant ses anciens camarades de lutte. Des déclarations à l'image du personnage, populaire, grande gueule et égocentrique.