Par une lecture superficielle, de prime abord, on est tenté de dire qu'il y a notoirement une antinomie entre les deux textes constitutionnels (articles 27, et 104). Pourtant, une étude fine permet, de restituer à chacun d'eux sa véritable fonction. Les questions soulevées ici, par les thèses qui s'affrontent juridiquement, sur la constitutionnalité, de sa démarche, sont nombreuses entre autres, quelle articulation, faire entre ces articles ; ou à quel article donner la primauté d'application ? Ou encore, une telle candidature est-elle recevable, après qu'il ait effectué, deux mandats consécutifs au sommet du pays ? Aussi, à moins d'être un bluff, ou une diversion (rien ne peut être exclu), l'annonce du président Wade, à vouloir de nouveau, se porter candidat en 2012, à l'élection présidentielle soulève un véritable questionnement de légalité constitutionnelle.
En tout état de cause, pour une traduction objectivement pertinente des textes constitutionnels (articles 27, et 104 de la constitution), pour éclairer, il est plus que nécessaire, de recentrer le débat sur les idées juridiques, et non sur un dogmatisme politique. Et sauf à travestir la réalité légale, le Chef de l'Etat ne peut point, s'appuyer sur l'article 104, ou sur l'article 27, ou sur aucun autre article de la constitution, pour arriver démocratiquement à ses fins. D'où sa candidature, à la prochaine élection présidentielle de 2012, si elle devait se confirmer, serait frappée d'inconstitutionnalité. Au-delà, de notre profonde aversion, pour cette entreprise de manipulation, nous nous inscrivons en faux, contre l'interprétation, des juristes défenseurs, et soutiens de la troisième candidature. Notre position n'est en rien hérétique, car notre lecture est plus conforme à la lettre, et à l'esprit de la constitution.
1) De l'impossibilité juridique, d'une troisième candidature sur le fondement, de l'article 104 de la constitution
Avec le recours à l'article 104, comme fondement de recevabilité, de la troisième candidature du Chef de l'Etat, se pose la question du droit transitoire, dans l'ordonnancement normatif de la constitution actuellement en vigueur. Notamment, en cas de conflit de normes entre cette disposition, et une autre (article 27 par exemple), à laquelle doit être accordée la prééminence, sur une base, de pur droit ? Sans nous engager, dans un développement très technique, ce que les puristes du droit sauront aisément comprendre, pour excuser notre très succincte incursion, dans la théorie du droit transitoire. Etant donné qu'un tel thème, peut à lui seul, faire l'objet d'une analyse contributive de fond, ce qui ne peut être le cas dans notre papier.
Selon le Larousse, ce qui est transitoire c'est « ce qui ne dure pas », ou encore ce qui « sert de transition, ou de passage d'un état de choses à un autre ». Suivant cette définition, ce texte (article 104) ne devrait pas normalement, soulever, débat du fait, qu'il est inclus dans les dispositions transitoires. D'autant plus, qu'il est admis, par la doctrine juridique, dans sa grande majorité, que le droit transitoire est temporaire, qu'il existe non durablement, en attendant l'entrée en vigueur de la loi appelée à régir la situation en cause. Donc, au-delà de la temporalité, d'un pareil droit, celui-ci, par essence, à vocation, à permettre une transition sans heurt, et pour éviter tout conflit de normes. Si elle (la disposition transitoire) n'a pas, pour fonction de régir durablement une situation juridique, elle ne peut, ni ne doit survivre, après l'entrée vigueur officielle de la règle qu'elle est censée « accompagner ». Et, au-delà de son hypothétique survie, quelle incongruité juridique, si l'article 104, devait en pareille situation, prévaloir sur l'article 27.
Pour bien appréhender, et situer l'esprit de l'article 104, il convient de rappeler, que le président Abdoulaye Wade a été élu en 2000, sous l'empire de la loi constitutionnelle de 1963 (article 22), pour un mandat de sept ans. Et, dans la nouvelle constitution adoptée en 2001, cette même durée était ramenée à cinq (article 27, dans sa rédaction originelle). En prescrivant à l'article 104 alinéa 1 que « le président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu'à son terme », les rédacteurs de la nouvelle constitution ont voulu, et/ou entendu seulement affirmer qu'il n'y a pas lieu d'organiser de nouvelles élections après l'adoption de la loi suprême. Juridiquement, cette démarche est conforme, à la situation, et peut aisément se comprendre, et s'expliquer. En ce sens que, si une telle disposition n'était pas prévue, l'organisation de nouvelles élections présidentielles, aussitôt après l'adoption de la constitution de 2001, par référendum, ne pouvait guère être exclue. Etant donné que, le mandat donné par le peuple était de sept ans, et seul le mandant peut retirer, proroger, ou diminuer (par exemple), le pouvoir qu'il confère au mandataire. Faut-il rappeler, que son élection, ou son pouvoir il le tient du peuple (la souveraineté populaire), qui lui a accordé cette confiance. Entre autres, la loi doit être lisible, stable, et intelligible, mais encore, énoncer avec précision ce qu'elle entend régir. De ces principes, les constituants par sagesse, pour ne pas bouleverser l'ordonnancement juridique, et singulièrement pour une question de sécurité juridique, n'ont pas jugé utile de toucher à la durée de sept ans de l'article 22 de la constitution de 1963. Il est à déplorer, ce n'est pas souvent le cas, et la controverse née des difficultés de compréhension, et/ou d'articulation, entre les articles 27, et 104 de la constitution, le confirme encore.
Ainsi, pour écarter une rétroactivité générale, les rédacteurs ont entendu exclure du champ d'application de la constitution la durée de sept ans, de l'article 22 de la constitution de 1963. Pour de fait, limiter au maximum les conséquences juridiques, que ferait peser une telle loi. Et, ces circonstances ont sans nul doute, concouru à l'énonciation qui soulève débat, à présent avec l'exception de non rétroactivité (article 104 alinéa 1), dans l'application des dispositions nouvellement adoptées en 2001. Ce qui veut dire encore, l'effectivité pleine, et entière de la durée du mandat de cinq ans, de la nouvelle constitution (article 27 alinéa 1) sera différée, à la fin de l'actuel mandat en cours (en 2007). Position confirmée, par l'alinéa 2 du même texte lorsqu'il dispose « toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables ». Et, les effets immédiats, et impératifs, des dispositions de la constitution de 2001, sont reconfirmés, ou réaffirmés à l'article 108 alinéa 2 qui énonce sans ambigüité « la Constitution adoptée entre en vigueur à compter du jour de sa promulgation par le président de la République. Cette promulgation doit intervenir dans les huit jours suivant la proclamation du résultat du référendum par le Conseil constitutionnel ».
De notre point de vue, la recherche dolosive, de point d'ancrage, assise sur l'article 104, pour légitimer cette troisième candidature est certes subtile, mais ne tient pas juridiquement, même s'il a le mérite d'élever le débat.
2) - De l'irrecevabilité d'une troisième candidature au titre de l'article 28 de la constitution
Comme développé plus haut (au numéro 1), l'article 104, du fait, de sa fonction en tant que, disposition à conséquence très limitée, par la période transitoire, ne peut aucunement, avoir primauté d'application sur l'article 27, qui est plus pérenne dans le temps. Celui-ci (l'article 27) ne souffre d'aucune exception, en ce sens qu'il formule « la durée du mandat du président de la République est de sept ans. Le mandat est renouvelable une seule fois. Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire ». Suivant la rédaction dudit article, bien volontiers, nous souscrivons (mais partiellement), à la thèse de ceux qui prétendent qu'il peut se représenter. Position qui n'est d'ailleurs pas discutée, d'autant plus que, être candidat, ne veut pas dire être élu. Toutefois, notre divergence d'analyse, d'approche, et de vision, avec ceux qui soutiennent la thèse de la possible candidature (au titre de l'article 27), est plus accentuée. Et pour causes, maladroitement, et incomplètement rédigée, cette disposition pose un très sérieux problème juridique, et nulle autre disposition de la constitution actuelle ne limite, le nombre de candidatures. En effet, l'article 27 ne vise pas spécifiquement le nombre de candidatures, mais le nombre de mandats. De plus, l'article 28 qui semble régir les candidatures, ne les limite pas. A notre avis, avec la rédaction très incomplète, des deux textes (articles 27 et 28 de la constitution), pour une application conforme, de dits articles, rien juridiquement ne s'oppose, à ce que le président de la République, ne puisse prétendre à une troisième candidature.
Cependant, au terme de l'article visé, si rien ne l'interdit juridiquement, d'être candidat, selon nous, il ne peut être (ré)élu. Vu que, son élection serait contraire à la même disposition (article 27), qui limite les mandats à deux. Rappelons simplement que, si l'exercice d'un mandat découle bien de la candidature, puisqu'il faut avoir été candidat, et remporté les élections pour entrer en fonction (effectuer sa mandature). En pareille circonstance, il est plus judicieux en terme de caractérisation, de parler de mandat implicite de la candidature, parce que dans sa substance, la dissociation des deux entités (candidature, et mandat), s'avère très compliquée. Ainsi, en tant que candidat, s'il est élu, il ne pourra exercer ses fonctions qu'après avoir modifié le dit article par référendum (article 27 alinéa 2), et cette correction doit intervenir avant les élections présidentielles. Il est à noter, les institutions du pays vont être « gelées » pendant la période calendaire de fin de fonctions (du président sortant), et de prises de nouvelles fonctions (du président nouvellement élu). Si le consultation populaire pour réviser cet article n'a pas eu lieu avant, le nouveau Chef de l'Etat (Abdoulaye Wade), n'a aucun pouvoir pour modifier la constitution en vigueur, ou en proposer une nouvelle au peuple. Etant donné que, c'est la prise effective de fonctions qui détermine la qualité de président de la République, selon nous. Et ici, il ne peut y avoir prise de fonction, du fait que son élection est fortement viciée. C'est pourquoi, sans passer par le référendum, le contournement de cette disposition, nous parait extrêmement difficile à mettre en œuvre.
Dès lors, si le président Wade tient à être candidat, il ne peut faire l'économie d'engager la modification, de cette disposition (article 27 alinéa 1), pour ne pas nous inscrire dans une situation juridique inextricable, qui n'honore pas la démocratie, et l'Etat de droit. Mais encore, que dire, du statu quo juridique crée par la situation d'un président légitimement élu (dans son cas), qui ne peut exercer son mandat, même s'il venait à prêter serment. Le fait de prêter serment ne légitime, ni ne valide, un éventuel exercice du mandat. Dans notre droit un acte nul, ou illicite ne peut produire aucun effet positif. Si sa candidature est légitime, sans une modification préalable de la constitution, en cas de réélection dans l'état actuel des textes, son futur mandat sera nul, de nul effet. D'où notre divergence avec ceux qui soutiennent la thèse de la possible candidature. En conséquence, pour une question de cohérence juridique, il est vivement conseillé, de mettre l'article 27 alinéa 1, en rapport avec ses intentions, avant de penser à lui permettre, de se représenter une troisième fois.
Au terme de notre apport au débat, il appert de ce qui précède que, le président de la République ne peut plus être candidat, à une élection présidentielle. Et, grossièrement, nous pouvons affirmer, l'intention d'être candidat, ne vaut aucunement acte de l'être. Selon nous, l'intention c'est ce qu'on se projette de faire, ou de ne pas faire, alors que l'acte est la réalisation, ou la concrétisation matérielle, du projet en amont. C'est pour cela, qu'elle n'est poursuivie, et/ou sanctionnée, que dans des situations ayant, souvent une implication pénale (exemple la tentative en droit pénal, si les conditions posées, par la loi, sont réunies). A notre avis, sur un fondement de droit, un simple vœu, (même si c'est pour candidater, à l'élection présidentielle), ne peut être source de saisine du juge constitutionnel, mieux encore, statuer sur un tel cas, ne relève en rien, des prérogatives de cette juridiction. D'où, sa saisine ne pourrait intervenir, qu'à partir du moment, où les candidatures à l'élection présidentielle sont ouvertes, et que le président Abdoulaye Wade, est véritablement enregistré comme candidat par le Conseil Constitutionnel (article 30 alinéa 1 de la constitution).
Etant donné qu'il y a, absence de base légale, pour candidater, au terme des articles de la constitution, et en particulier des articles 27, et 104. Si néanmoins cela devait se faire, ce serait le recul de la démocratie, une sérieuse remise en cause de la légalité républicaine, ce qui de facto, risque d'affaiblir dangereusement l'Etat de droit. C'est pourquoi, républicains, démocrates, et légalistes, nous ne pouvons rester silencieux. Devant cette entreprise de travestissement de la loi suprême, par des spéculateurs, peu enclins à l'intérêt général. Nous invitons vivement, si la notion d'Etat de droit, de démocratie, et/ou de légalité républicaine ont/a, encore un sens pour les juristes politiciens, qui soutiennent la volonté, du président de la République, de se ressaisir sans délai. Et, de garder raison, en restituant aux textes (articles 27, et 104 de la constitution), leurs véritables portées.
Mais enfin, rappelons, pour mémoire que pour le clan « wadiste », ce ne sera pas la première fois de passer, ou de vouloir passer en force en dépit, des règles constitutionnelles. Il y a, plus d'un an, nous avions eu droit à un débat semblable, lorsqu'il (le président Wade) a voulu ramener la durée du mandat de cinq ans, à sept ans. Lui, comme ses partisans arguaient que l'article 27 de la constitution, pouvait être modifié, par la voie parlementaire, alors qu'une telle procédure est anticonstitutionnelle, au regard dudit texte (article 27 alinéa 2). Mais enfin, quoique puissent dire les défenseurs de la troisième candidature, le Chef de l'Etat a effectué deux mandats consécutifs. S'il devait en faire un autre, le nouveau mandat s'ajouterait aux autres. Dire que le premier mandat n'est pas inclus, dans la computation, ou que la computation ne commence à courir, qu'à partir de son élection en 2007, est une vision plus politique, que juridique. Comme développé ci avant, de notre point de vue, le président Abdoulaye Wade ne peut plus être candidat, et doit partir à la fin de son mandat (en 2012). Mais de surcroit ne sera même pas candidat, puisque, le juge constitutionnel saisi d'une action en contestation de candidature, saura dire le droit en l'invalidant. Et, en censurant, toute tentative de forcing, et tripatouillage de la constitution, tout en se positionnant comme garant de l'Etat de droit. Comme le fit, en son temps la Cour Constitutionnelle du Niger (avec Mamadou Tandja).
Daouda N'DIAYE
Juriste/Analyste politique (France)
*Article dédié à El Hadji SIDIBE
En tout état de cause, pour une traduction objectivement pertinente des textes constitutionnels (articles 27, et 104 de la constitution), pour éclairer, il est plus que nécessaire, de recentrer le débat sur les idées juridiques, et non sur un dogmatisme politique. Et sauf à travestir la réalité légale, le Chef de l'Etat ne peut point, s'appuyer sur l'article 104, ou sur l'article 27, ou sur aucun autre article de la constitution, pour arriver démocratiquement à ses fins. D'où sa candidature, à la prochaine élection présidentielle de 2012, si elle devait se confirmer, serait frappée d'inconstitutionnalité. Au-delà, de notre profonde aversion, pour cette entreprise de manipulation, nous nous inscrivons en faux, contre l'interprétation, des juristes défenseurs, et soutiens de la troisième candidature. Notre position n'est en rien hérétique, car notre lecture est plus conforme à la lettre, et à l'esprit de la constitution.
1) De l'impossibilité juridique, d'une troisième candidature sur le fondement, de l'article 104 de la constitution
Avec le recours à l'article 104, comme fondement de recevabilité, de la troisième candidature du Chef de l'Etat, se pose la question du droit transitoire, dans l'ordonnancement normatif de la constitution actuellement en vigueur. Notamment, en cas de conflit de normes entre cette disposition, et une autre (article 27 par exemple), à laquelle doit être accordée la prééminence, sur une base, de pur droit ? Sans nous engager, dans un développement très technique, ce que les puristes du droit sauront aisément comprendre, pour excuser notre très succincte incursion, dans la théorie du droit transitoire. Etant donné qu'un tel thème, peut à lui seul, faire l'objet d'une analyse contributive de fond, ce qui ne peut être le cas dans notre papier.
Selon le Larousse, ce qui est transitoire c'est « ce qui ne dure pas », ou encore ce qui « sert de transition, ou de passage d'un état de choses à un autre ». Suivant cette définition, ce texte (article 104) ne devrait pas normalement, soulever, débat du fait, qu'il est inclus dans les dispositions transitoires. D'autant plus, qu'il est admis, par la doctrine juridique, dans sa grande majorité, que le droit transitoire est temporaire, qu'il existe non durablement, en attendant l'entrée en vigueur de la loi appelée à régir la situation en cause. Donc, au-delà de la temporalité, d'un pareil droit, celui-ci, par essence, à vocation, à permettre une transition sans heurt, et pour éviter tout conflit de normes. Si elle (la disposition transitoire) n'a pas, pour fonction de régir durablement une situation juridique, elle ne peut, ni ne doit survivre, après l'entrée vigueur officielle de la règle qu'elle est censée « accompagner ». Et, au-delà de son hypothétique survie, quelle incongruité juridique, si l'article 104, devait en pareille situation, prévaloir sur l'article 27.
Pour bien appréhender, et situer l'esprit de l'article 104, il convient de rappeler, que le président Abdoulaye Wade a été élu en 2000, sous l'empire de la loi constitutionnelle de 1963 (article 22), pour un mandat de sept ans. Et, dans la nouvelle constitution adoptée en 2001, cette même durée était ramenée à cinq (article 27, dans sa rédaction originelle). En prescrivant à l'article 104 alinéa 1 que « le président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu'à son terme », les rédacteurs de la nouvelle constitution ont voulu, et/ou entendu seulement affirmer qu'il n'y a pas lieu d'organiser de nouvelles élections après l'adoption de la loi suprême. Juridiquement, cette démarche est conforme, à la situation, et peut aisément se comprendre, et s'expliquer. En ce sens que, si une telle disposition n'était pas prévue, l'organisation de nouvelles élections présidentielles, aussitôt après l'adoption de la constitution de 2001, par référendum, ne pouvait guère être exclue. Etant donné que, le mandat donné par le peuple était de sept ans, et seul le mandant peut retirer, proroger, ou diminuer (par exemple), le pouvoir qu'il confère au mandataire. Faut-il rappeler, que son élection, ou son pouvoir il le tient du peuple (la souveraineté populaire), qui lui a accordé cette confiance. Entre autres, la loi doit être lisible, stable, et intelligible, mais encore, énoncer avec précision ce qu'elle entend régir. De ces principes, les constituants par sagesse, pour ne pas bouleverser l'ordonnancement juridique, et singulièrement pour une question de sécurité juridique, n'ont pas jugé utile de toucher à la durée de sept ans de l'article 22 de la constitution de 1963. Il est à déplorer, ce n'est pas souvent le cas, et la controverse née des difficultés de compréhension, et/ou d'articulation, entre les articles 27, et 104 de la constitution, le confirme encore.
Ainsi, pour écarter une rétroactivité générale, les rédacteurs ont entendu exclure du champ d'application de la constitution la durée de sept ans, de l'article 22 de la constitution de 1963. Pour de fait, limiter au maximum les conséquences juridiques, que ferait peser une telle loi. Et, ces circonstances ont sans nul doute, concouru à l'énonciation qui soulève débat, à présent avec l'exception de non rétroactivité (article 104 alinéa 1), dans l'application des dispositions nouvellement adoptées en 2001. Ce qui veut dire encore, l'effectivité pleine, et entière de la durée du mandat de cinq ans, de la nouvelle constitution (article 27 alinéa 1) sera différée, à la fin de l'actuel mandat en cours (en 2007). Position confirmée, par l'alinéa 2 du même texte lorsqu'il dispose « toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables ». Et, les effets immédiats, et impératifs, des dispositions de la constitution de 2001, sont reconfirmés, ou réaffirmés à l'article 108 alinéa 2 qui énonce sans ambigüité « la Constitution adoptée entre en vigueur à compter du jour de sa promulgation par le président de la République. Cette promulgation doit intervenir dans les huit jours suivant la proclamation du résultat du référendum par le Conseil constitutionnel ».
De notre point de vue, la recherche dolosive, de point d'ancrage, assise sur l'article 104, pour légitimer cette troisième candidature est certes subtile, mais ne tient pas juridiquement, même s'il a le mérite d'élever le débat.
2) - De l'irrecevabilité d'une troisième candidature au titre de l'article 28 de la constitution
Comme développé plus haut (au numéro 1), l'article 104, du fait, de sa fonction en tant que, disposition à conséquence très limitée, par la période transitoire, ne peut aucunement, avoir primauté d'application sur l'article 27, qui est plus pérenne dans le temps. Celui-ci (l'article 27) ne souffre d'aucune exception, en ce sens qu'il formule « la durée du mandat du président de la République est de sept ans. Le mandat est renouvelable une seule fois. Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire ». Suivant la rédaction dudit article, bien volontiers, nous souscrivons (mais partiellement), à la thèse de ceux qui prétendent qu'il peut se représenter. Position qui n'est d'ailleurs pas discutée, d'autant plus que, être candidat, ne veut pas dire être élu. Toutefois, notre divergence d'analyse, d'approche, et de vision, avec ceux qui soutiennent la thèse de la possible candidature (au titre de l'article 27), est plus accentuée. Et pour causes, maladroitement, et incomplètement rédigée, cette disposition pose un très sérieux problème juridique, et nulle autre disposition de la constitution actuelle ne limite, le nombre de candidatures. En effet, l'article 27 ne vise pas spécifiquement le nombre de candidatures, mais le nombre de mandats. De plus, l'article 28 qui semble régir les candidatures, ne les limite pas. A notre avis, avec la rédaction très incomplète, des deux textes (articles 27 et 28 de la constitution), pour une application conforme, de dits articles, rien juridiquement ne s'oppose, à ce que le président de la République, ne puisse prétendre à une troisième candidature.
Cependant, au terme de l'article visé, si rien ne l'interdit juridiquement, d'être candidat, selon nous, il ne peut être (ré)élu. Vu que, son élection serait contraire à la même disposition (article 27), qui limite les mandats à deux. Rappelons simplement que, si l'exercice d'un mandat découle bien de la candidature, puisqu'il faut avoir été candidat, et remporté les élections pour entrer en fonction (effectuer sa mandature). En pareille circonstance, il est plus judicieux en terme de caractérisation, de parler de mandat implicite de la candidature, parce que dans sa substance, la dissociation des deux entités (candidature, et mandat), s'avère très compliquée. Ainsi, en tant que candidat, s'il est élu, il ne pourra exercer ses fonctions qu'après avoir modifié le dit article par référendum (article 27 alinéa 2), et cette correction doit intervenir avant les élections présidentielles. Il est à noter, les institutions du pays vont être « gelées » pendant la période calendaire de fin de fonctions (du président sortant), et de prises de nouvelles fonctions (du président nouvellement élu). Si le consultation populaire pour réviser cet article n'a pas eu lieu avant, le nouveau Chef de l'Etat (Abdoulaye Wade), n'a aucun pouvoir pour modifier la constitution en vigueur, ou en proposer une nouvelle au peuple. Etant donné que, c'est la prise effective de fonctions qui détermine la qualité de président de la République, selon nous. Et ici, il ne peut y avoir prise de fonction, du fait que son élection est fortement viciée. C'est pourquoi, sans passer par le référendum, le contournement de cette disposition, nous parait extrêmement difficile à mettre en œuvre.
Dès lors, si le président Wade tient à être candidat, il ne peut faire l'économie d'engager la modification, de cette disposition (article 27 alinéa 1), pour ne pas nous inscrire dans une situation juridique inextricable, qui n'honore pas la démocratie, et l'Etat de droit. Mais encore, que dire, du statu quo juridique crée par la situation d'un président légitimement élu (dans son cas), qui ne peut exercer son mandat, même s'il venait à prêter serment. Le fait de prêter serment ne légitime, ni ne valide, un éventuel exercice du mandat. Dans notre droit un acte nul, ou illicite ne peut produire aucun effet positif. Si sa candidature est légitime, sans une modification préalable de la constitution, en cas de réélection dans l'état actuel des textes, son futur mandat sera nul, de nul effet. D'où notre divergence avec ceux qui soutiennent la thèse de la possible candidature. En conséquence, pour une question de cohérence juridique, il est vivement conseillé, de mettre l'article 27 alinéa 1, en rapport avec ses intentions, avant de penser à lui permettre, de se représenter une troisième fois.
Au terme de notre apport au débat, il appert de ce qui précède que, le président de la République ne peut plus être candidat, à une élection présidentielle. Et, grossièrement, nous pouvons affirmer, l'intention d'être candidat, ne vaut aucunement acte de l'être. Selon nous, l'intention c'est ce qu'on se projette de faire, ou de ne pas faire, alors que l'acte est la réalisation, ou la concrétisation matérielle, du projet en amont. C'est pour cela, qu'elle n'est poursuivie, et/ou sanctionnée, que dans des situations ayant, souvent une implication pénale (exemple la tentative en droit pénal, si les conditions posées, par la loi, sont réunies). A notre avis, sur un fondement de droit, un simple vœu, (même si c'est pour candidater, à l'élection présidentielle), ne peut être source de saisine du juge constitutionnel, mieux encore, statuer sur un tel cas, ne relève en rien, des prérogatives de cette juridiction. D'où, sa saisine ne pourrait intervenir, qu'à partir du moment, où les candidatures à l'élection présidentielle sont ouvertes, et que le président Abdoulaye Wade, est véritablement enregistré comme candidat par le Conseil Constitutionnel (article 30 alinéa 1 de la constitution).
Etant donné qu'il y a, absence de base légale, pour candidater, au terme des articles de la constitution, et en particulier des articles 27, et 104. Si néanmoins cela devait se faire, ce serait le recul de la démocratie, une sérieuse remise en cause de la légalité républicaine, ce qui de facto, risque d'affaiblir dangereusement l'Etat de droit. C'est pourquoi, républicains, démocrates, et légalistes, nous ne pouvons rester silencieux. Devant cette entreprise de travestissement de la loi suprême, par des spéculateurs, peu enclins à l'intérêt général. Nous invitons vivement, si la notion d'Etat de droit, de démocratie, et/ou de légalité républicaine ont/a, encore un sens pour les juristes politiciens, qui soutiennent la volonté, du président de la République, de se ressaisir sans délai. Et, de garder raison, en restituant aux textes (articles 27, et 104 de la constitution), leurs véritables portées.
Mais enfin, rappelons, pour mémoire que pour le clan « wadiste », ce ne sera pas la première fois de passer, ou de vouloir passer en force en dépit, des règles constitutionnelles. Il y a, plus d'un an, nous avions eu droit à un débat semblable, lorsqu'il (le président Wade) a voulu ramener la durée du mandat de cinq ans, à sept ans. Lui, comme ses partisans arguaient que l'article 27 de la constitution, pouvait être modifié, par la voie parlementaire, alors qu'une telle procédure est anticonstitutionnelle, au regard dudit texte (article 27 alinéa 2). Mais enfin, quoique puissent dire les défenseurs de la troisième candidature, le Chef de l'Etat a effectué deux mandats consécutifs. S'il devait en faire un autre, le nouveau mandat s'ajouterait aux autres. Dire que le premier mandat n'est pas inclus, dans la computation, ou que la computation ne commence à courir, qu'à partir de son élection en 2007, est une vision plus politique, que juridique. Comme développé ci avant, de notre point de vue, le président Abdoulaye Wade ne peut plus être candidat, et doit partir à la fin de son mandat (en 2012). Mais de surcroit ne sera même pas candidat, puisque, le juge constitutionnel saisi d'une action en contestation de candidature, saura dire le droit en l'invalidant. Et, en censurant, toute tentative de forcing, et tripatouillage de la constitution, tout en se positionnant comme garant de l'Etat de droit. Comme le fit, en son temps la Cour Constitutionnelle du Niger (avec Mamadou Tandja).
Daouda N'DIAYE
Juriste/Analyste politique (France)
*Article dédié à El Hadji SIDIBE