Une trajectoire professionnelle finalement incongrue
A sa nomination nous étions partagés entre surprise heureuse et scepticisme en comparant le profil du premier ministre aux missions et responsabilités découlant du poste de premier ministre. Au-delà du nom et de la réputation d’homme rigoureux, travailleur, bien d’aspects relatifs à sa trajectoire se sont révélés en contradiction avec les exigences de gouvernance en phase avec les attentes des sénégalais après la défection du régime de Wade. Le conflit d’intérêt, la collision et le trafic d’influence ont été les premiers risques identifiés au moment de sa nomination au poste de premier ministre. Le banquier, administrateur de sociétés, dans un contexte où l’élite financière mondiale est considérée comme une horde de grands bandits à col blanc qui ont mis l’économie globalisée sens dessous - dessus, est-il doté de la sensibilité nécessaire pour redresser notre économie réduite à un désastre incommensurable par l’ancien régime. Perçu comme fils de…, enfant gâté de la république, à la trajectoire purement élitiste sans connivence avec le vécu de plus de 95 pour cent des sénégalais, le sieur Mbaye pourrait-il disposer de la perspicacité sociale requise pour comprendre rapidement les souffrances des sénégalais et développer cette empathie nécessaire au règlement des dilemmes de l’ultime prise de décision concernant leur sort. Il nous semble qu’il lui manque l’étoffe politique et l’encrage social pour être à la hauteur de la tâche.
Son réseau professionnel ne semble pas non plus constituer un avantage comparatif à sa faveur. Pour preuve, ses anciens collègues doutent de son impartialité dans le choix de ses partenaires. Même son ancien patron Jean Claude Mimran l’a interpellé dans une interview publiée dans Le Quotidien du 13 Septembre 2012, sur sa présence dans la gestion d’affaires privées en incompatibilité à ses fonctions de premier ministre. Ce qui est en somme, une conditionnalité de la gouvernance transparente. Nous constatons à cet effet toute sa gène car lui-même a déclaré être perturbé par le fait de devoir faire sa déclaration de patrimoine. Encore un aveu de malaise suffisant pour l’amener à interpeller sa propre conscience et son registre de moralité en vue de répondre à la question de la congruence entre sa personne et les responsabilités de premier ministre, car dans une perspective de gouvernance vertueuse, l’exemplarité devient un principe fondamental.
Démarche imprécise sur les questions urgentes
Monsieur le premier ministre avoue implicitement son impuissance par rapport à une priorité de la stratégie du « yonnu yokuté » à savoir la réduction du coût de la vie. Pourtant les difficultés étaient bien connues d’avance et l’aveu d’échec pourrait être assimilé à une preuve d’incompétence ou encore de mauvaise foi au service d’effet d’annonces à finalité purement politicienne. Certains experts de la question et organisations de la société civile avaient pourtant alerté à l’époque sur la complexité de la question au su du contexte de libéralisation et d’inexistence de contrôle économique efficace pour que le gouvernement puisse contrôler les prix des denrées au Sénégal. Les sacrifices budgétaires consenties à cet effet n’ont pas fait plus d’effet que la goute d’eau jetée dans la mer. Dans le contexte de morosité économique actuel, les sénégalais attendent plus de créativité et de précision dans la politique gouvernementale. Ce qui ne ressort pas de la déclaration de politique générale encore moins des actes posés jusque là.
Affaire Hisséne Habré : une question de morale républicaine
L’affaire Hisséne Habré qui le rattrape est l’illustration la plus évidente de sa disqualification à diriger le gouvernement pour deux raisons, au moins. La première est liée au contexte judicaire de l’affaire. Le Sénégal s’est engagé dans la procédure de jugement de l’ancien homme fort du Tchad, alors que selon les révélations confirmées par le premier ministre, il pourrait lui-même être appelé à la barre soit comme témoin ou même complice pour avoir placé les biens de l’ancien président accusé dans sa gestion des affaires publiques de son pays. La seconde est d’ordre éthique. Elle est la mesure de toute chose selon le juge Kéba Mbaye. Le fils ainé du chantre de l’éthique au Sénégal peut –il se permettre autant de légèreté en avouant son implication dans le « blanchiment » de l’argent de l’ancien dictateur qui en tant que président d’un pays africain s’est enrichi au pouvoir au point de s’exiler avec 16 milliards de FCFA non dévalués et d’autres biens précieux en bandoulière. En attendant que cette affaire soit élucidée, Monsieur MBAYE doit nous mettre à l’aise en adoptant une posture républicaine. Jeunes africains engagés pour un continent nouveau, debout et indépendant, ne pouvons cautionner d’avoir un premier ministre qui pourrait être receleur de biens mal acquis par des fossoyeurs du développement d’un pays africain très pauvre. Ceci quelque soit le cadre juridique et institutionnel de l’époque, c’est une question de morale et d’intégrité, pour la cause des peuples africains maltraités et brimés par des hommes politiques criminels et pilleurs des ressources publiques.
Ce précédent grave dans la trajectoire du premier ministre est une entrave réelle à ses responsabilités de pilote de l’entreprise gouvernementale de lutte contre l’enrichissement illicite et le rapatriement des biens mal acquis. Le commandant à bord ne pourra pas regarder le rétroviseur et se retrouve ainsi amputé d’une capacité nécessaire pour tenir le gouvernail. S’il n’est pas remplacé, il risque de faire échouer notre pirogue Sunugal sur les berges du « yakulé ».
Macky Sall attendu sur ses responsabilités
Le Président Macky SALL qui déclare avec fermeté sa volonté de gouverner le Sénégal dans la vertu est interpellé. Nous magnifions toutes ses déclarations concernant son autorité l’intransigeante, le bannissement de l’impunité, mais nous l’attendons aux actes. Sa trajectoire politique, sociale et professionnelle lui vaut l’image d’un Président prêt à gouverner et donc à faire des choix judicieux et efficace, notamment sur les hommes qui composent son équipe. Il est donc interpelé sur ces responsabilités de gardien de ses propres promesses et de guide sur la voie du « yokuté » et de la gouvernance vertueuse et sobre. Il est responsable de ces choix qu’il devra assumer tout seul devant le peuple qui l’a élu contre la mal gouvernance. Il devra rassurer les sénégalais sur ce cas précis en exigeant de son premier ministre plus de transparence et de reddition de comptes par rapport aux risques de conflit d’intérêt, de collision et à sa bonne moralité relativement à son passé d’homme d’affaires.
Elimane H. KANE, elihkane@gmail.com
Consultant indépendant, membre du Forum civil.
A sa nomination nous étions partagés entre surprise heureuse et scepticisme en comparant le profil du premier ministre aux missions et responsabilités découlant du poste de premier ministre. Au-delà du nom et de la réputation d’homme rigoureux, travailleur, bien d’aspects relatifs à sa trajectoire se sont révélés en contradiction avec les exigences de gouvernance en phase avec les attentes des sénégalais après la défection du régime de Wade. Le conflit d’intérêt, la collision et le trafic d’influence ont été les premiers risques identifiés au moment de sa nomination au poste de premier ministre. Le banquier, administrateur de sociétés, dans un contexte où l’élite financière mondiale est considérée comme une horde de grands bandits à col blanc qui ont mis l’économie globalisée sens dessous - dessus, est-il doté de la sensibilité nécessaire pour redresser notre économie réduite à un désastre incommensurable par l’ancien régime. Perçu comme fils de…, enfant gâté de la république, à la trajectoire purement élitiste sans connivence avec le vécu de plus de 95 pour cent des sénégalais, le sieur Mbaye pourrait-il disposer de la perspicacité sociale requise pour comprendre rapidement les souffrances des sénégalais et développer cette empathie nécessaire au règlement des dilemmes de l’ultime prise de décision concernant leur sort. Il nous semble qu’il lui manque l’étoffe politique et l’encrage social pour être à la hauteur de la tâche.
Son réseau professionnel ne semble pas non plus constituer un avantage comparatif à sa faveur. Pour preuve, ses anciens collègues doutent de son impartialité dans le choix de ses partenaires. Même son ancien patron Jean Claude Mimran l’a interpellé dans une interview publiée dans Le Quotidien du 13 Septembre 2012, sur sa présence dans la gestion d’affaires privées en incompatibilité à ses fonctions de premier ministre. Ce qui est en somme, une conditionnalité de la gouvernance transparente. Nous constatons à cet effet toute sa gène car lui-même a déclaré être perturbé par le fait de devoir faire sa déclaration de patrimoine. Encore un aveu de malaise suffisant pour l’amener à interpeller sa propre conscience et son registre de moralité en vue de répondre à la question de la congruence entre sa personne et les responsabilités de premier ministre, car dans une perspective de gouvernance vertueuse, l’exemplarité devient un principe fondamental.
Démarche imprécise sur les questions urgentes
Monsieur le premier ministre avoue implicitement son impuissance par rapport à une priorité de la stratégie du « yonnu yokuté » à savoir la réduction du coût de la vie. Pourtant les difficultés étaient bien connues d’avance et l’aveu d’échec pourrait être assimilé à une preuve d’incompétence ou encore de mauvaise foi au service d’effet d’annonces à finalité purement politicienne. Certains experts de la question et organisations de la société civile avaient pourtant alerté à l’époque sur la complexité de la question au su du contexte de libéralisation et d’inexistence de contrôle économique efficace pour que le gouvernement puisse contrôler les prix des denrées au Sénégal. Les sacrifices budgétaires consenties à cet effet n’ont pas fait plus d’effet que la goute d’eau jetée dans la mer. Dans le contexte de morosité économique actuel, les sénégalais attendent plus de créativité et de précision dans la politique gouvernementale. Ce qui ne ressort pas de la déclaration de politique générale encore moins des actes posés jusque là.
Affaire Hisséne Habré : une question de morale républicaine
L’affaire Hisséne Habré qui le rattrape est l’illustration la plus évidente de sa disqualification à diriger le gouvernement pour deux raisons, au moins. La première est liée au contexte judicaire de l’affaire. Le Sénégal s’est engagé dans la procédure de jugement de l’ancien homme fort du Tchad, alors que selon les révélations confirmées par le premier ministre, il pourrait lui-même être appelé à la barre soit comme témoin ou même complice pour avoir placé les biens de l’ancien président accusé dans sa gestion des affaires publiques de son pays. La seconde est d’ordre éthique. Elle est la mesure de toute chose selon le juge Kéba Mbaye. Le fils ainé du chantre de l’éthique au Sénégal peut –il se permettre autant de légèreté en avouant son implication dans le « blanchiment » de l’argent de l’ancien dictateur qui en tant que président d’un pays africain s’est enrichi au pouvoir au point de s’exiler avec 16 milliards de FCFA non dévalués et d’autres biens précieux en bandoulière. En attendant que cette affaire soit élucidée, Monsieur MBAYE doit nous mettre à l’aise en adoptant une posture républicaine. Jeunes africains engagés pour un continent nouveau, debout et indépendant, ne pouvons cautionner d’avoir un premier ministre qui pourrait être receleur de biens mal acquis par des fossoyeurs du développement d’un pays africain très pauvre. Ceci quelque soit le cadre juridique et institutionnel de l’époque, c’est une question de morale et d’intégrité, pour la cause des peuples africains maltraités et brimés par des hommes politiques criminels et pilleurs des ressources publiques.
Ce précédent grave dans la trajectoire du premier ministre est une entrave réelle à ses responsabilités de pilote de l’entreprise gouvernementale de lutte contre l’enrichissement illicite et le rapatriement des biens mal acquis. Le commandant à bord ne pourra pas regarder le rétroviseur et se retrouve ainsi amputé d’une capacité nécessaire pour tenir le gouvernail. S’il n’est pas remplacé, il risque de faire échouer notre pirogue Sunugal sur les berges du « yakulé ».
Macky Sall attendu sur ses responsabilités
Le Président Macky SALL qui déclare avec fermeté sa volonté de gouverner le Sénégal dans la vertu est interpellé. Nous magnifions toutes ses déclarations concernant son autorité l’intransigeante, le bannissement de l’impunité, mais nous l’attendons aux actes. Sa trajectoire politique, sociale et professionnelle lui vaut l’image d’un Président prêt à gouverner et donc à faire des choix judicieux et efficace, notamment sur les hommes qui composent son équipe. Il est donc interpelé sur ces responsabilités de gardien de ses propres promesses et de guide sur la voie du « yokuté » et de la gouvernance vertueuse et sobre. Il est responsable de ces choix qu’il devra assumer tout seul devant le peuple qui l’a élu contre la mal gouvernance. Il devra rassurer les sénégalais sur ce cas précis en exigeant de son premier ministre plus de transparence et de reddition de comptes par rapport aux risques de conflit d’intérêt, de collision et à sa bonne moralité relativement à son passé d’homme d’affaires.
Elimane H. KANE, elihkane@gmail.com
Consultant indépendant, membre du Forum civil.