Depuis mi-février, les affrontements se multiplient à Abidjan entre insurgés pro-Ouattara et Forces de défense et de sécurité (FDS) fidèles à M. Gbagbo, menaçant le régime en place jusqu'aux abords du Plateau, le quartier du palais présidentiel. Les civils sont les premières victimes, et l'ONU a accusé les forces du camp Gbagbo d'avoir tué jeudi de 25 à 30 d'entre eux, évoquant un possible "crime contre l'humanité".
Réagissant pour la première fois officiellement au sommet de l'Union africaine du 10 mars à Addis Abeba, qui avait confirmé l'élection de M. Ouattara comme président ivoirien lors du scrutin de novembre 2010, M. Gbagbo a dit "prendre acte des cadres de discussion proposés" par l'UA.
Il "attend le Haut représentant mandaté par l'institution pour envisager le schéma de dialogue interivoirien, seul gage de sortie pacifique de la crise, seul moyen pour préserver la sécurité des citoyens", indique le communiqué lu par le porte-parole du gouvernement, Ahoua Don Mello, sur la télévision d'Etat.
L'UA, dont la position avait été catégoriquement rejetée par le camp Gbagbo, avait décidé de réunir d'ici au 24 mars des négociations entre les parties ivoiriennes pour appliquer ses propositions, notamment un gouvernement d'union nationale incluant des partisans de M. Gbagbo.
Selon une source diplomatique à Abidjan, on ne savait pas pour l'heure "qui sera et quand sera nommé" le Haut représentant annoncé par l'UA à Abidjan. M. Gbagbo, qui doit s'adresser "bientôt" à la Nation, a par ailleurs appelé "les rebelles", terme dont il désigne les combattants du camp Ouattara, à "déposer les armes, à cesser les violences".
Sollicité par l'AFP, le camp Ouattara n'avait pas réagi dans l'immédiat.
L'escalade des violences avait été marquée jeudi, selon l'ONU, par la mort de 25 à 30 personnes tuées dans le quartier d'Abobo (nord), fief électoral de M. Ouattara et base des insurgés, par "les forces armées du camp" Gbagbo. Ce massacre pourrait constituer un "crime contre l'humanité", a indiqué un porte-parole du Haut commissariat de l'ONU aux droits de l'homme. La France a dénoncé un "massacre délibéré de civils".
Mais le gouvernement Gbagbo a dénoncé un "complot". "Il y a une synergie entre l'ONU, la France, les rebelles contre la Côte d'Ivoire", a déclaré à l'AFP le porte-parole Ahoua Don Mello. Le quartier d'Abobo avait été de nouveau la cible dans la nuit de jeudi à vendredi de tirs à l'arme lourde, ont rapporté à l'AFP plusieurs habitants.
"Vers minuit (locale et GMT), on a entendu des tirs d'arme lourde. On s'est mis sous le lit, à même le sol, de peur d'être tués", a raconté une habitante. Aucun bilan n'était immédiatement disponible.
Laurent Gbagbo a marqué un point à l'extérieur, la cour de justice de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) ayant donné l'ordre vendredi aux 15 Etats membres de s'abstenir de l'usage de la force en Côte d'Ivoire, dans une décision provisoire en attendant un jugement sur le fond.
La décision n'a cependant pas d'implication immédiate, la Cédéao semblant avoir écarté un éventuel usage de la force pour déloger M. Gbagbo. Le Nigeria, dont le chef d'Etat Goodluck Jonathan est le président en exercice de la Cédéao, avait souligné en février que toute action militaire de ce genre devait être placée "sous l'égide de l'ONU".
M. Jonathan a été accusé par M. Gbagbo d'apporter une "assistance militaire" au camp Ouattara en "convoyant près de 500 mercenaires sur Bouaké" (centre), fief de l'ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) alliée à son rival.
Le président ivoirien sortant a averti qu'il "n'hésitera pas à user de son droit légitime de défense" en cas d'"atrocités" contre des Ivoiriens.