Le commerce entre les arabo-berbères et les communes voisines y était florissant à quelques mètres d’un lieu très connu qu’est « Dinguiral Tamarowi » C’est aussi cet espace qui caractérise et symbolise la résidence limitrophe de l’ « almami ». Parmi les 51 « almami » que le Fouta a connus, 11 étaient de la famille Wane et originaires de Mboumba. Le mandat le plus long fut celui de Sada Ibra Wane et a duré 18 mois. D’ailleurs le terme « Tata almami » outre sa fonction de délimitation de la résidence de l’ « almami», rassemblait plusieurs familles alliées de celui-ci sans lesquelles il serait dépourvu d’autorité et de prestige. L’instabilité du pouvoir était une caractéristique essentielle du règne des « almami ». Cette instabilité était en partie liée aux luttes intestines mais aussi aux tentatives d’accaparement du pouvoir.
I – S’intéresser au méconnu du connu : la commune de Mboumba doit beaucoup au Lao, les WANE à Souley NDIAYE II.
L’histoire des institutions dans le Fouta qu’on tente de résumer ici résulte notamment des travaux de Boubou SALL, 1er Maire de Podor, de Yaya WANE, Sociologue et des récits que certains tentent d’embellir ou de dévaloriser par des séquences pour mieux sacraliser un mythe avec le risque d’instrumentaliser nos semblables.
En bonne logique d’intégration sociale, les institutions haalpulaar sont souples dans leur objectif de solidarité et d’intégration des personnes. Malheureusement, par des éloges partiels et parcellaires, quelques instruits tentent de détourner et de figer l’histoire pour des logiques visant à satisfaire uniquement leur égo.
La logique démocratique à laquelle aspirent beaucoup de personnes s’implante progressivement pour être en adéquation avec les nécessités de justice sociale et de respect de la dignité humaine.
Entre le XIème et le XIIème siècle, le Tékrour (qui regroupait toute la zone du Fuuta : Dimar, Tooro, Laao, Yirlaabe, Boosoa, Hebbiyaabe, Damga et Ngenaar) a été dominé par l’empire soninké du Ghana, puis annexé par l’empire manding du Mali. Ce sont des peuls Jallunke qui par des résistances farouches ont libéré le Fouta et maintenu des familles manding : ce sont les Dabo, Coulibali, Cissé, Camara, Kébé, Tamboura, Soumaré… On retrouve ces familles dans le Fouta et à Mboumba notamment.
Selon l’histoire légendaire, les premiers occupants du Tékrour furent les Ja-Oogo, dont le règne aurait totalisé 140 ans. Ils furent remplacés par les Manding, Soosbe (Manna qui renvoie à Hamady Manna) qui conservèrent le pouvoir pendant 300 ans.
Après quoi, c’est la première période peule, celle des Jallunke, appelée aussi Tonjong. Plusieurs dynasties se sont succédé : 2 arabo-berbères, soninké, manding et 3 dynasties peules dont les Jallunke. Ces dynasties peules constituent l’aristocratie des Denyanké.
Le pouvoir des Almami (Imams) s’est installé progressivement avec l’accord de Souley Njaay II qui leur a adjoint les membres de sa famille pour faciliter leur implantation dans le Fouta, notamment à Mboumba.
Sous son règne, Souley Njaay II aura facilité et contribué à l’implantation de l’« almami ». Il a protégé et valorisé les militants de l’islam. Il a accordé des « droits de propriété foncière » sur de gigantesques domaines à beaucoup de familles dans le Fouta notamment Wane et à Ceerno Sidiiki Daf de Kanel (quartier Thiélol) de Ceeno Palel. Souley Njaay II a donné sa fille pour épouse à Tapsiiri Amadou Hamat Wane de Kanel (quartier Laao). Le roi Souley Njaay II a facilité l’implantation de l’islam et contribué à la création d’un « parti » maraboutique dirigé par Ceerno Suleyman Baal de Boodé (Laao).
En 1776, Suleyman Baal n’a pas voulu diriger le pouvoir pour lui-même et mourut en 1778, année où plusieurs provinces du Fouta ont pris leur autonomie, mais aussi année de la 1ère intronisation des Imams (Almaameebe). Commandeur des croyants l’« almami » est une déformation lexicale du terme imamat. Presque 51 « almami » se sont succédé ; certains comme Yuusuf Siré Aaba LY (Jaaba) revinrent au pouvoir plusieurs fois. Les « almami » n’étaient pas des discriminants et leur noblesse d’esprit était liée à leur conception de la justice sociale et à l’égalité entre les êtres humains.
Ils étaient proches de leurs administrés et partageaient des espaces communs (cimetière, mosquée…etc.). Contrairement à ce que nous avons pu lire, il n’y a pas de cimetière exclusivement réservé aux « almami» : c’était une des preuves de leur humilité et de leur vision de l’islam. Convaincus que leurs missions résultaient de la volonté du peuple qui les a élus, ils tenaient à ménager les administrés même si les affrontements entre les prétendants à la fonction étaient vifs et sanglants entre certaines contrées.
Un tableau retrace l’accès aux responsabilités des « almami ». Preuve que Mboumba n’a pas le monopole exclusif de l’imamat contrairement aux discours souvent véhiculés. Sans l’implication des familles Ba, Dem, Diallo, Ndiaye et le soutien de certains villages du Lao, l’almami Birane n’aurait pas remporté la bataille de Jorodou, près de Ngouy contre l’almami Youssouf Ly de Diaba.
La juridiction de l’ « almami » se limitait à la zone du Lao.
Bâtisseur des mosquées, Abdul Kader Kan a été combattu par le Damel du Kayor, Amari Ngoné, allié au Burba du Jolof et au Brak du Walo. C’est à cette occasion qu’Abdul Kader fut prisonnier et détenu pendant 3 ans.
Après Abdul Kader, les « almami » suivants étaient dépourvus de pouvoir réel. Chemin faisant les institutions de l’Etat moderne s’installèrent progressivement, certes avec plus de difficultés dans certaines contrées mais globalement sans problèmes excepté dans le Toro. L’implantation de l’école permit l’instruction de citoyens, toute origine sociale confondue, dévoués pour la chose publique.
II - Agir contre les injustices à Mboumba pour pérenniser une communauté de destin paisible
Oui c’est à Mboumba où il a été déjà reçu en 1854 que Louis Léon César FAIDHERBE est venu chercher des appuis auprès de l’« almami » Mamadou. Ainsi un accord de défense et d’assistance mutuelle a été signé ici en 1858 après avoir mis en place un poste militaire la même année à Matam et à Dimar, où la résistance des femmes à FAIDHERBE fut farouche. C’était tout le contraire dans le Lao. Le poste de Fanaye verra le jour un an plus tard, en 1859.
Ainsi, El Haj Omar n’a pas obtenu de l’ « almami » Mamadou du Lao l’appui qu’il souhaitait. Entre la conquête coloniale incarnée par FAIDHERBE et la résistance d’El Haj Omar, l’« almami » a préféré l’alliance avec FAIDHERBE, célèbre lillois du Nord Pas de Calais arrivé au Sénégal le 5 août 1852.
Comme pour consolider les liens entre Mboumba et le Nord-Pas de Calais, c’est un heureux hasard que ce département du Nord de la France d’où est originaire FAIDHERBE finance dans cette commune la construction d’un lycée régional qui sera de Haute Qualité Environnementale (HQE) dans le cadre de la coopération décentralisée.
Un ouvrage qui va couronner, somme toute, ce qui fut initié en matière d’alphabétisation et se traduit par la construction d’une classe qui deviendra, en 1894 l’école de Mboumba. Chemin faisant l’école connut de nouvelles constructions en 1951, confirmant ainsi le choix de faire de cette commune un pôle dynamique d’instruction publique.
Devenu Ministre de l’éducation nationale et de la culture en 1967, le docteur Ibra Mamadou WANE, natif du village, poursuivit l’œuvre de l’école laïque voulue par SENGHOR en l’étendant rapidement à d’autres collectivités comme pour désengorger l’école de Mboumba qui forma les enfants venant des villages limitrophes. Contre toute étroitesse d’esprit et tout sectarisme, le Président SENGHOR et son équipe ont toujours mis en avant la cohésion sociale et les valeurs de la République pour que les citoyens accèdent à leur dignité d’être.
Ancien interne des hôpitaux de Nice, le docteur Ibra Mamadou WANE, y joua un rôle fondamental et reprit à son compte cette formule de Jaurès à laquelle nous adhérons « Assez parlé d’égalité, il est temps de faire des égaux » et d’abattre donc les cloisons et clivages débiles volontairement instaurés. En effet, « faire des égaux » était une des missions de l’école républicaine malgré les obstacles liées aux discriminations fondées sur le sexe ou l’origine socioprofessionnelle des parents.
Ceux qui étaient considérés comme étant des captifs de guerre et socialement classés au bas de l’échelle sociale ont pu accéder au savoir par l’instruction et donc à un statut plus valorisant. Un grand obstacle a été levé. « Plus grand est l’obstacle…plus grande est la gloire de le surmonter » (Molière).
Convaincu que « si l’on est instruit on ne peut pas devenir esclave » au sens de Lakanal, l’Etat moderne a permis l’instruction et une plus grande ouverture vers « l’autre ». L’école y joua un rôle fondamental pour donner au plus durable des édifices, qu’est la République, la plus solide des fondations qu’est l’égalité en droits et en devoirs de toutes les personnes. On pouvait espérer que par ses missions d’instruction, l’école sortît certains de ces anciens élèves des logiques de discriminations et d’enfermement. C’est oublier qu’accéder à l’instruction n’implique pas forcément accéder à la culture et l’ouverture d’esprit.
Aujourd’hui, cette histoire est porteuse d’avenir à condition que les logiques d’instrumentalisation sociales n’enferment pas les générations présentes et futures dans un parcours discriminatoire de marginalisation et de dévalorisation. Parce que cette histoire est collective selon les contrées, aucune famille ne peut en revendiquer la paternité encore moins la supériorité.
C’est d’ailleurs signe de danger et de crise identitaire profonde que d’invoquer sa supériorité et ou son infériorité individuelle ou familiale par rapport aux individus.
En Europe, Adolf HITLER a voulu manifester la supériorité de la « race » aryenne en Occident. On sait ce qu’il en est advenu.
Au Rwanda ce sont des discours xénophobes poussés jusqu’à la classification qui ont conduit aux affrontements entre Tutsis et Hutus alors que rien de fondamental ne les distingue.
Au Sénégal, malgré l’invocation de l’islam et de lois républicaines qui prônent l’égalité entre les personnes quels que soient leurs sexes, origines ou religions, des discours xénophobes et dangereux continuent de se propager.
Paradoxe des temps, c’est à Mboumba que certains cherchent à ouvrir une page que l’Occident se presse de refermer.
Non à la classification des familles et des personnes qu’aucune fortune ou infortune ne saurait légitimer ! Assez de souffrances longtemps ensevelies mais toujours contenues. Il est temps que cessent les offenses à la dignité humaine.
Que se passerait-il aujourd’hui si à Mboumba la famille DIOUF d’origine sérer revendiquait ses domaines fonciers accaparés par d’autres familles ?
Diantre, comment peut-on exercer des fonctions de service public et agir activement dans le privé pour la dévalorisation, l’humiliation et la discrimination des personnes ?
C’est connu : l’ivresse du pouvoir rime avec absence de lucidité.
Comment peut-on agir pour que le village que fut Mboumba soit érigé en commune par le décret n°2008-748 du 10 juillet 2008 et être réfractaire à l’exercice de la dignité du pouvoir de suffrage, au point de tenter de bloquer l’institution municipale qui résulte de ce statut?
N’est-ce pas paradoxal et dangereux de vouloir s’accrocher aux « institutions » haalpular traditionnelles devenues inopérantes par la force des choses ?
Aujourd’hui plus qu’hier, les préoccupations fondamentales sont, notamment, « le mieux vivre ensemble » des citoyens de la République du Sénégal. Cela renvoie aussi à des actions de solidarité, à des imaginations rassemblant les forces et les énergies de tous les individus porteurs de dynamiques constructives pour que l’histoire d’aujourd’hui qui sous-tend celle de demain soit capable de dépasser les vicissitudes de celle d’hier.
Cet espoir est permis au Sénégal, une terre si fertile en esprits brillants capables d’impulser des dynamiques porteuses d’avenir parce que respectueuses de la dignité humaine et contre toute forme d’asservissement de l’être humain.
Depuis l’application du décret n°2008-748 du 10 juillet 2008 à Mboumba, c’est l’aube de la liberté et la dignité retrouvée par tous ceux qui en étaient privés.
Puisse donc, Mboumba ne jamais oublier sa vocation d’ouverture culturelle et d’intégration des diversités pour continuer de se frayer un passage paisible dans un Sénégal qui se cherche.
A mes concitoyens, je devais ces propos car me croyant des vôtres et restant toujours attaché à l’égale dignité des personnes en droit et en devoir.
Ibra Ciré NDIAYE
Docteur en droit
Anthropologue du droit
Université Paris I-
Panthéon-Sorbonne
I – S’intéresser au méconnu du connu : la commune de Mboumba doit beaucoup au Lao, les WANE à Souley NDIAYE II.
L’histoire des institutions dans le Fouta qu’on tente de résumer ici résulte notamment des travaux de Boubou SALL, 1er Maire de Podor, de Yaya WANE, Sociologue et des récits que certains tentent d’embellir ou de dévaloriser par des séquences pour mieux sacraliser un mythe avec le risque d’instrumentaliser nos semblables.
En bonne logique d’intégration sociale, les institutions haalpulaar sont souples dans leur objectif de solidarité et d’intégration des personnes. Malheureusement, par des éloges partiels et parcellaires, quelques instruits tentent de détourner et de figer l’histoire pour des logiques visant à satisfaire uniquement leur égo.
La logique démocratique à laquelle aspirent beaucoup de personnes s’implante progressivement pour être en adéquation avec les nécessités de justice sociale et de respect de la dignité humaine.
Entre le XIème et le XIIème siècle, le Tékrour (qui regroupait toute la zone du Fuuta : Dimar, Tooro, Laao, Yirlaabe, Boosoa, Hebbiyaabe, Damga et Ngenaar) a été dominé par l’empire soninké du Ghana, puis annexé par l’empire manding du Mali. Ce sont des peuls Jallunke qui par des résistances farouches ont libéré le Fouta et maintenu des familles manding : ce sont les Dabo, Coulibali, Cissé, Camara, Kébé, Tamboura, Soumaré… On retrouve ces familles dans le Fouta et à Mboumba notamment.
Selon l’histoire légendaire, les premiers occupants du Tékrour furent les Ja-Oogo, dont le règne aurait totalisé 140 ans. Ils furent remplacés par les Manding, Soosbe (Manna qui renvoie à Hamady Manna) qui conservèrent le pouvoir pendant 300 ans.
Après quoi, c’est la première période peule, celle des Jallunke, appelée aussi Tonjong. Plusieurs dynasties se sont succédé : 2 arabo-berbères, soninké, manding et 3 dynasties peules dont les Jallunke. Ces dynasties peules constituent l’aristocratie des Denyanké.
Le pouvoir des Almami (Imams) s’est installé progressivement avec l’accord de Souley Njaay II qui leur a adjoint les membres de sa famille pour faciliter leur implantation dans le Fouta, notamment à Mboumba.
Sous son règne, Souley Njaay II aura facilité et contribué à l’implantation de l’« almami ». Il a protégé et valorisé les militants de l’islam. Il a accordé des « droits de propriété foncière » sur de gigantesques domaines à beaucoup de familles dans le Fouta notamment Wane et à Ceerno Sidiiki Daf de Kanel (quartier Thiélol) de Ceeno Palel. Souley Njaay II a donné sa fille pour épouse à Tapsiiri Amadou Hamat Wane de Kanel (quartier Laao). Le roi Souley Njaay II a facilité l’implantation de l’islam et contribué à la création d’un « parti » maraboutique dirigé par Ceerno Suleyman Baal de Boodé (Laao).
En 1776, Suleyman Baal n’a pas voulu diriger le pouvoir pour lui-même et mourut en 1778, année où plusieurs provinces du Fouta ont pris leur autonomie, mais aussi année de la 1ère intronisation des Imams (Almaameebe). Commandeur des croyants l’« almami » est une déformation lexicale du terme imamat. Presque 51 « almami » se sont succédé ; certains comme Yuusuf Siré Aaba LY (Jaaba) revinrent au pouvoir plusieurs fois. Les « almami » n’étaient pas des discriminants et leur noblesse d’esprit était liée à leur conception de la justice sociale et à l’égalité entre les êtres humains.
Ils étaient proches de leurs administrés et partageaient des espaces communs (cimetière, mosquée…etc.). Contrairement à ce que nous avons pu lire, il n’y a pas de cimetière exclusivement réservé aux « almami» : c’était une des preuves de leur humilité et de leur vision de l’islam. Convaincus que leurs missions résultaient de la volonté du peuple qui les a élus, ils tenaient à ménager les administrés même si les affrontements entre les prétendants à la fonction étaient vifs et sanglants entre certaines contrées.
Un tableau retrace l’accès aux responsabilités des « almami ». Preuve que Mboumba n’a pas le monopole exclusif de l’imamat contrairement aux discours souvent véhiculés. Sans l’implication des familles Ba, Dem, Diallo, Ndiaye et le soutien de certains villages du Lao, l’almami Birane n’aurait pas remporté la bataille de Jorodou, près de Ngouy contre l’almami Youssouf Ly de Diaba.
La juridiction de l’ « almami » se limitait à la zone du Lao.
Bâtisseur des mosquées, Abdul Kader Kan a été combattu par le Damel du Kayor, Amari Ngoné, allié au Burba du Jolof et au Brak du Walo. C’est à cette occasion qu’Abdul Kader fut prisonnier et détenu pendant 3 ans.
Après Abdul Kader, les « almami » suivants étaient dépourvus de pouvoir réel. Chemin faisant les institutions de l’Etat moderne s’installèrent progressivement, certes avec plus de difficultés dans certaines contrées mais globalement sans problèmes excepté dans le Toro. L’implantation de l’école permit l’instruction de citoyens, toute origine sociale confondue, dévoués pour la chose publique.
II - Agir contre les injustices à Mboumba pour pérenniser une communauté de destin paisible
Oui c’est à Mboumba où il a été déjà reçu en 1854 que Louis Léon César FAIDHERBE est venu chercher des appuis auprès de l’« almami » Mamadou. Ainsi un accord de défense et d’assistance mutuelle a été signé ici en 1858 après avoir mis en place un poste militaire la même année à Matam et à Dimar, où la résistance des femmes à FAIDHERBE fut farouche. C’était tout le contraire dans le Lao. Le poste de Fanaye verra le jour un an plus tard, en 1859.
Ainsi, El Haj Omar n’a pas obtenu de l’ « almami » Mamadou du Lao l’appui qu’il souhaitait. Entre la conquête coloniale incarnée par FAIDHERBE et la résistance d’El Haj Omar, l’« almami » a préféré l’alliance avec FAIDHERBE, célèbre lillois du Nord Pas de Calais arrivé au Sénégal le 5 août 1852.
Comme pour consolider les liens entre Mboumba et le Nord-Pas de Calais, c’est un heureux hasard que ce département du Nord de la France d’où est originaire FAIDHERBE finance dans cette commune la construction d’un lycée régional qui sera de Haute Qualité Environnementale (HQE) dans le cadre de la coopération décentralisée.
Un ouvrage qui va couronner, somme toute, ce qui fut initié en matière d’alphabétisation et se traduit par la construction d’une classe qui deviendra, en 1894 l’école de Mboumba. Chemin faisant l’école connut de nouvelles constructions en 1951, confirmant ainsi le choix de faire de cette commune un pôle dynamique d’instruction publique.
Devenu Ministre de l’éducation nationale et de la culture en 1967, le docteur Ibra Mamadou WANE, natif du village, poursuivit l’œuvre de l’école laïque voulue par SENGHOR en l’étendant rapidement à d’autres collectivités comme pour désengorger l’école de Mboumba qui forma les enfants venant des villages limitrophes. Contre toute étroitesse d’esprit et tout sectarisme, le Président SENGHOR et son équipe ont toujours mis en avant la cohésion sociale et les valeurs de la République pour que les citoyens accèdent à leur dignité d’être.
Ancien interne des hôpitaux de Nice, le docteur Ibra Mamadou WANE, y joua un rôle fondamental et reprit à son compte cette formule de Jaurès à laquelle nous adhérons « Assez parlé d’égalité, il est temps de faire des égaux » et d’abattre donc les cloisons et clivages débiles volontairement instaurés. En effet, « faire des égaux » était une des missions de l’école républicaine malgré les obstacles liées aux discriminations fondées sur le sexe ou l’origine socioprofessionnelle des parents.
Ceux qui étaient considérés comme étant des captifs de guerre et socialement classés au bas de l’échelle sociale ont pu accéder au savoir par l’instruction et donc à un statut plus valorisant. Un grand obstacle a été levé. « Plus grand est l’obstacle…plus grande est la gloire de le surmonter » (Molière).
Convaincu que « si l’on est instruit on ne peut pas devenir esclave » au sens de Lakanal, l’Etat moderne a permis l’instruction et une plus grande ouverture vers « l’autre ». L’école y joua un rôle fondamental pour donner au plus durable des édifices, qu’est la République, la plus solide des fondations qu’est l’égalité en droits et en devoirs de toutes les personnes. On pouvait espérer que par ses missions d’instruction, l’école sortît certains de ces anciens élèves des logiques de discriminations et d’enfermement. C’est oublier qu’accéder à l’instruction n’implique pas forcément accéder à la culture et l’ouverture d’esprit.
Aujourd’hui, cette histoire est porteuse d’avenir à condition que les logiques d’instrumentalisation sociales n’enferment pas les générations présentes et futures dans un parcours discriminatoire de marginalisation et de dévalorisation. Parce que cette histoire est collective selon les contrées, aucune famille ne peut en revendiquer la paternité encore moins la supériorité.
C’est d’ailleurs signe de danger et de crise identitaire profonde que d’invoquer sa supériorité et ou son infériorité individuelle ou familiale par rapport aux individus.
En Europe, Adolf HITLER a voulu manifester la supériorité de la « race » aryenne en Occident. On sait ce qu’il en est advenu.
Au Rwanda ce sont des discours xénophobes poussés jusqu’à la classification qui ont conduit aux affrontements entre Tutsis et Hutus alors que rien de fondamental ne les distingue.
Au Sénégal, malgré l’invocation de l’islam et de lois républicaines qui prônent l’égalité entre les personnes quels que soient leurs sexes, origines ou religions, des discours xénophobes et dangereux continuent de se propager.
Paradoxe des temps, c’est à Mboumba que certains cherchent à ouvrir une page que l’Occident se presse de refermer.
Non à la classification des familles et des personnes qu’aucune fortune ou infortune ne saurait légitimer ! Assez de souffrances longtemps ensevelies mais toujours contenues. Il est temps que cessent les offenses à la dignité humaine.
Que se passerait-il aujourd’hui si à Mboumba la famille DIOUF d’origine sérer revendiquait ses domaines fonciers accaparés par d’autres familles ?
Diantre, comment peut-on exercer des fonctions de service public et agir activement dans le privé pour la dévalorisation, l’humiliation et la discrimination des personnes ?
C’est connu : l’ivresse du pouvoir rime avec absence de lucidité.
Comment peut-on agir pour que le village que fut Mboumba soit érigé en commune par le décret n°2008-748 du 10 juillet 2008 et être réfractaire à l’exercice de la dignité du pouvoir de suffrage, au point de tenter de bloquer l’institution municipale qui résulte de ce statut?
N’est-ce pas paradoxal et dangereux de vouloir s’accrocher aux « institutions » haalpular traditionnelles devenues inopérantes par la force des choses ?
Aujourd’hui plus qu’hier, les préoccupations fondamentales sont, notamment, « le mieux vivre ensemble » des citoyens de la République du Sénégal. Cela renvoie aussi à des actions de solidarité, à des imaginations rassemblant les forces et les énergies de tous les individus porteurs de dynamiques constructives pour que l’histoire d’aujourd’hui qui sous-tend celle de demain soit capable de dépasser les vicissitudes de celle d’hier.
Cet espoir est permis au Sénégal, une terre si fertile en esprits brillants capables d’impulser des dynamiques porteuses d’avenir parce que respectueuses de la dignité humaine et contre toute forme d’asservissement de l’être humain.
Depuis l’application du décret n°2008-748 du 10 juillet 2008 à Mboumba, c’est l’aube de la liberté et la dignité retrouvée par tous ceux qui en étaient privés.
Puisse donc, Mboumba ne jamais oublier sa vocation d’ouverture culturelle et d’intégration des diversités pour continuer de se frayer un passage paisible dans un Sénégal qui se cherche.
A mes concitoyens, je devais ces propos car me croyant des vôtres et restant toujours attaché à l’égale dignité des personnes en droit et en devoir.
Ibra Ciré NDIAYE
Docteur en droit
Anthropologue du droit
Université Paris I-
Panthéon-Sorbonne