Il faut une fin à tout, assurément, et nous l’assumons dans l’acceptation mais sans résignation. « En vérité, en vérité, je vous le dis, si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul; mais, s'il meurt, il porte beaucoup de fruit. » (Jean, 12, 20-33).
D’Alioune Fall, j’ai hérité une ressemblance physique troublante, un patrimoine moral jumeau, le sens aigu du devoir, des valeurs et traditions familiales ceddo, l’humour caustique, le sens de la dérision, l’esprit moqueur et le sourire à toute épreuve.
Et aussi, selon ses contemporains que, par bonheur, nous avons toujours à nos côtés, comme le flegmatique et cultivé Ibrahima Dème, qui m’expliqua que « kéwël du tëp dom ja bët », il m’a infusé sa passion de l’écriture remarquée à son école de journalisme de Paris et le feu sacré du journalisme dont, avec les pionniers Annette Mbaye d’Erneville et Bara Diouf, ils ont triomphalement porté les lettres de noblesse dans la presse et les médias de notre si belle et pacifique nation sénégalaise.
Un feu sacré qu’il a également transmis à Sokhna Dieng Mbacké, sa cousine et mythique journaliste de l’ORTS, Djadji Touré, le binôme de cette dernière, Abdoulaye Diaw, Golbert Diagne, Mansour Sow, Abdoulaye Fofana junior, et bien avant eux, à son cousin Chérif Fall, aux manettes de l’émission « Regard sur le Sénégal d’autrefois », parmi tant d’autres. La belle époque de la presse sénégalaise, une presse noble et patriotique, à hauteur d’homme, sous l’œil vigilant et protecteur de Léopold Sédar Senghor.
Ce qui n’empêchait l’éclosion de jeunes esprits libres, libérés et provocateurs, comme Cheikh Ngaïdo Ba, réalisateur du premier JT de l’ORTS passé au grand écran, Nguevane Niane ou bien Abdou Aziz Diop, éloigné par son PDG en République fédérale d’Allemagne, à la Deutsche Welle, pour échapper aux fourches caudines du jacobinisme senghorien. Ce journaliste portait beau et consacrait sa carrière à servir le Sénégal. Hélas, ce journalisme a fini de nos jours par lâcher l’affaire!
D’Aida Camara, nous aurions pu hériter la beauté si mon père en avait manqué. Quel manque de modestie, certes, mais « kuy xalam di sa jaayu »! Toute notre vie, nous avons entendu « votre mère était trop belle, elle en a fait chavirer des cœurs. À Sindoné, dans l’île de Saint-Louis et à Dakar, on s’arrêtait pour la regarder passer, toujours élégamment vêtue à la dernière mode. Elle avait le monde à ses pieds, de l’allure et en plus elle était magnifiquement gentille, généreuse, une vraie reine de beauté et du cœur…. », et tutti quanti avec des trémolos.
Je retiens d’elle, non pas son physique de statue gréco-romaine, incontestable, inutile d’en rajouter, mais plutôt ses qualités morales et sociales. Générosité avec les siens d’abord, hospitalité, ouverture d’esprit, autorité naturelle, de l’allure, une franchise directe, artiste dans l’âme et protectrice des arts, le peintre Pape Ibra Tall était son complice de la Nouvelle Vague, actrice dans la trilogie "Liberté" du réalisateur Yves Ciampi aux côtés de Nanette Senghor et Iba Gueye, sens de la fête, elle, la muse de l’ensemble lyrique traditionnel du Théâtre national Daniel Sorano et la marraine de l’hymne du Festival des arts nègres de 1966, sur la pochette duquel elle prête ses traits, cuisinière exceptionnelle et experte en couture cela va sans dire, viatique autrefois de la parfaite future jeune mariée.
Elle est aussi celle qui a donné la migraine au protocole de la présidence de la République, lors d’un événement public présidé par le chef de l’Etat. L’anecdote, abondamment documentée par Tonton Hadj Mansour, m’a été aussi racontée par feu Samba Bâ dudit protocole présidentiel et bien d’autres témoins. Sans le savoir, elle s’était assise à la place dévolue à Colette Senghor, par manque de vigilance des agents du protocole. Lorsqu’ils se sont rendus compte de leur impair, il était trop tard. Elle a sèchement refusé de se lever et de changer de place. Panique dans la tribune présidentielle….
« Voyons, on ne fait pas se lever une dame une fois assise, elle a raison », a tranché le Président Léopold Sédar Senghor arrivé sur ces entrefaites, approuvant sa légitime attitude. Il a fallu installer un autre siège pour Colette Senghor, amusée par le niet catégorique de l’épouse du journaliste et patron de l’ORTS.
Table et gîte ouverts, elle aimait converser et échanger avec les camarades de ses enfants, et par-dessus tout recevoir, dans sa maison ses concitoyens Domu Ndar et sa belle-famille. Comme Mamadou et Baye Abdou Ndiaye, cousins germains d’Alioune Fall, qu’elle appelait « mes petits chéris», et pour lequel elle rentrait en cuisine, quand il leur arrivait de quitter leurs champs de mil à Ngomene. Avec le dandy Ibrahima Dème, elle faisait revivre la belle épopée de Ndar, capitale du raffinement, de la beauté et de l’AOF. Telle la passion du Gouverneur français pour Tata Ami Dème. Ou le sobriquet Aïda « Belbastic ». Avec Papinou Abdou Samba Tôro et Élisabeth Diouf aussi , « tu te souviens Aïda…… », ils riaient aux éclats des histoires de cette île qui habite dans leur cœur à jamais.
Stoïcisme aussi, je ne l’ai jamais vue pleurer même lorsque, à quelques mois d’intervalle, elle a perdu successivement Mariama et Ousmane, issus de son premier mariage avec le Dr. Abass Ndao, médecin-chef de l’ex-Repos Mandel. Son regard troublé a juste reflété son déchirement intérieur. Il est vrai qu’en 1960 déjà, en une fraction de seconde, son monde s’était déjà écroulé, lorsqu’à la Gueule Tapée, un camion de l’entrepreneur El Hadj Doudou Basse était venu lui arracher son petit bonheur de Pape Aly Ndao. Un drame que le couple n’a pu surmonter…Quelques années auparavant, pour faire plaisir à son beau-père Abdoulaye Camara, le médecin avait envoyé sa douce moitié à Saint-Louis par avion pour donner naissance à Pape Aly, le fils adulé dont le baptême avait été dignement célébré à Sindoné.
Et puis était venu mon père la consoler et l’aimer d’un amour fou et incompressible jusqu’à la fin. Gentlemen comme on n’en fait plus, Dr. Abass Ndao et Alioune Fall, unis par l’amour d’elle, ont partagé la plus belle des amitiés, le journaliste élevant le dernier fils du docteur, le médecin accueillant les filles Fall le week-end, à son domicile de fonction de Repos Mandel. Je les revois encore, taillant conversation sur le parvis de l’hôpital, l’un avec sa pipe qui sentait bon l’Amsterdamer, l’autre tirant sur son gros cigare. Ousmane Ndao s’est toujours considéré comme un Fall et son fils porte le nom d’Alioune Fall.
Un ami, qui a perdu sa mère il y a cinq mois, m’écrit qu’ « on ne se remet jamais de la disparition d’une mère puisque c’est une partie de soi-même qui s’en va. Ce beau visage que j’ai vu ne peut être que le reflet d’un cœur qui brille de tendresse et d’affection pour les autres. Puisse Dieu te Donner la force de supporter cette épreuve et l’Élever dans Ses Plus Hauts Paradis. Amine ». Merci Sogué.
Les mots ne peuvent exprimer la perte dévastatrice. Mais il faut retenir que sa vie a été utile, joyeuse, exceptionnelle, qu’elle a aimé plus que tout l’île de Saint-Louis du Sénégal, son royaume d’enfance où elle retournait à la moindre occasion, qu’elle a régné sur les cœurs et qu’elle était LA princesse de son père, de sa mère, de sa grand-mère, de ses frères et sœurs utérins et consanguins, et des deux hommes de sa vie qui l’ont aimée « to the moon and beyond ». Elle n’a jamais manqué de rien, sauf d’une éducation sévère (lol), elle a eu une vie de rêve… Chez son père Abdoulaye Camara, à Sindoné et à Ndjoloffene, elle, prunelle de ses yeux, décidait de tout et si quelqu’un, même une belle-mère, ne trouvait grâce à ses yeux, il était immédiatement renvoyé par le Vieux. Pour durer chez son père, il fallait lui plaire à elle d’abord. Ne faisant confiance à personne pour la garder, durant son enfance, son paternel l’emmenait carrément dans les prétoires où il officiait comme interprète-traducteur…
Aïda Camara sera éternellement regrettée à Sindoné, à Mbott, à la Gueule Tapée, à Bambey, à Paris et partout ailleurs où sa trace survit dans le souvenir des gens qu’elle a choyés. Ses « goro » sont tous venus à ses obsèques et ont témoigné de sa gentillesse et de ses largesses. Tata Rose Correa a perdu sa moitié, Seynabou Soumaré que tu promenais partout sur l’île de Saint-Louis, bien attachée au dos, a perdu son roc. Dernièrement, tu lui as demandé de te rappeler le nom de ton maître de Coran, le grand érudit Makhtar Diop, père de Me Fadilou Diop et grand-père de Fatima Zahra. Et vous avez ri aux larmes au souvenir de la punition qu’il t’avait infligée en raison de ta franchise et de l’intervention de ton paternel, fou de rage, après ta version très personnelle de l’histoire…
Va en paix rejoindre, à 86 ans, les matriarches de ton « meen », ta grand-mère Ndialllou Paye et ta mère Mariam Zayatt, ainsi que tes enfants aînés qui t’ont précédée. Après avoir éclairé notre chemin depuis 1962, tu nous as fourni les armes pour continuer la route sans toi. Avec Marie Christine Barrault, nous savons que « Les vivants ferment les yeux des morts. Les morts ouvrent les yeux des vivants. Ils leur ouvrent une fenêtre sur l’au-delà, les obligent à s’élever au-dessus des distractions terrestres pour scruter des ténèbres qu’ils illuminent. Ils sont vivants en nous, qui les avons aimés. C’est un bel endroit pour continuer à vivre…Et je sais que les êtres avec qui nous étions en fusion continuent de nous tenir la main. L’amour partagé avec eux ne disparaît pas avec leur dépouille corporelle. Il subsiste, enchanté, galvanisé ! Quelle ânerie que l’expression « il a rendu l’âme « ! C’est son malheureux corps qu’il a rendu, justement, pas son âme. Elle continue de vivre, à la fois proche et éternelle. »
Nous prierons pour toi cinq fois et plus dans la journée, comme pour tous nos morts. Ta dernière demeure sera parfumée de la fine pluie de nos Fatiha et Ikhlass. Comme tu l’avais expressément demandé à ton frère Abdou Aziz Camara, Tonton Cheikh Gaye a été remercié en ton nom devant l’assistance réunie lors de ta prière mortuaire. Une nouvelle fois, merci infiniment Tonton Cheikh. Merci à notre tante Ndeye Binta Odette Rita qui a accompli ta dernière toilette et à notre oncle Abdou Aziz qui t’a portée lui-même en terre.
À bientôt et d’ores et déjà, au dimanche 13 février 2022 pour commémorer, dans la piété, la sobriété et la dignité, tes 40 jours dans la paix et la lumière de la vérité.
Qu’il Plaise à Dieu Subhana Wa Taala de t’Accueillir dans Son Paradis et d’Accorder à ta belle âme le repos éternel.
Amen.
La famille
D’Alioune Fall, j’ai hérité une ressemblance physique troublante, un patrimoine moral jumeau, le sens aigu du devoir, des valeurs et traditions familiales ceddo, l’humour caustique, le sens de la dérision, l’esprit moqueur et le sourire à toute épreuve.
Et aussi, selon ses contemporains que, par bonheur, nous avons toujours à nos côtés, comme le flegmatique et cultivé Ibrahima Dème, qui m’expliqua que « kéwël du tëp dom ja bët », il m’a infusé sa passion de l’écriture remarquée à son école de journalisme de Paris et le feu sacré du journalisme dont, avec les pionniers Annette Mbaye d’Erneville et Bara Diouf, ils ont triomphalement porté les lettres de noblesse dans la presse et les médias de notre si belle et pacifique nation sénégalaise.
Un feu sacré qu’il a également transmis à Sokhna Dieng Mbacké, sa cousine et mythique journaliste de l’ORTS, Djadji Touré, le binôme de cette dernière, Abdoulaye Diaw, Golbert Diagne, Mansour Sow, Abdoulaye Fofana junior, et bien avant eux, à son cousin Chérif Fall, aux manettes de l’émission « Regard sur le Sénégal d’autrefois », parmi tant d’autres. La belle époque de la presse sénégalaise, une presse noble et patriotique, à hauteur d’homme, sous l’œil vigilant et protecteur de Léopold Sédar Senghor.
Ce qui n’empêchait l’éclosion de jeunes esprits libres, libérés et provocateurs, comme Cheikh Ngaïdo Ba, réalisateur du premier JT de l’ORTS passé au grand écran, Nguevane Niane ou bien Abdou Aziz Diop, éloigné par son PDG en République fédérale d’Allemagne, à la Deutsche Welle, pour échapper aux fourches caudines du jacobinisme senghorien. Ce journaliste portait beau et consacrait sa carrière à servir le Sénégal. Hélas, ce journalisme a fini de nos jours par lâcher l’affaire!
D’Aida Camara, nous aurions pu hériter la beauté si mon père en avait manqué. Quel manque de modestie, certes, mais « kuy xalam di sa jaayu »! Toute notre vie, nous avons entendu « votre mère était trop belle, elle en a fait chavirer des cœurs. À Sindoné, dans l’île de Saint-Louis et à Dakar, on s’arrêtait pour la regarder passer, toujours élégamment vêtue à la dernière mode. Elle avait le monde à ses pieds, de l’allure et en plus elle était magnifiquement gentille, généreuse, une vraie reine de beauté et du cœur…. », et tutti quanti avec des trémolos.
Je retiens d’elle, non pas son physique de statue gréco-romaine, incontestable, inutile d’en rajouter, mais plutôt ses qualités morales et sociales. Générosité avec les siens d’abord, hospitalité, ouverture d’esprit, autorité naturelle, de l’allure, une franchise directe, artiste dans l’âme et protectrice des arts, le peintre Pape Ibra Tall était son complice de la Nouvelle Vague, actrice dans la trilogie "Liberté" du réalisateur Yves Ciampi aux côtés de Nanette Senghor et Iba Gueye, sens de la fête, elle, la muse de l’ensemble lyrique traditionnel du Théâtre national Daniel Sorano et la marraine de l’hymne du Festival des arts nègres de 1966, sur la pochette duquel elle prête ses traits, cuisinière exceptionnelle et experte en couture cela va sans dire, viatique autrefois de la parfaite future jeune mariée.
Elle est aussi celle qui a donné la migraine au protocole de la présidence de la République, lors d’un événement public présidé par le chef de l’Etat. L’anecdote, abondamment documentée par Tonton Hadj Mansour, m’a été aussi racontée par feu Samba Bâ dudit protocole présidentiel et bien d’autres témoins. Sans le savoir, elle s’était assise à la place dévolue à Colette Senghor, par manque de vigilance des agents du protocole. Lorsqu’ils se sont rendus compte de leur impair, il était trop tard. Elle a sèchement refusé de se lever et de changer de place. Panique dans la tribune présidentielle….
« Voyons, on ne fait pas se lever une dame une fois assise, elle a raison », a tranché le Président Léopold Sédar Senghor arrivé sur ces entrefaites, approuvant sa légitime attitude. Il a fallu installer un autre siège pour Colette Senghor, amusée par le niet catégorique de l’épouse du journaliste et patron de l’ORTS.
Table et gîte ouverts, elle aimait converser et échanger avec les camarades de ses enfants, et par-dessus tout recevoir, dans sa maison ses concitoyens Domu Ndar et sa belle-famille. Comme Mamadou et Baye Abdou Ndiaye, cousins germains d’Alioune Fall, qu’elle appelait « mes petits chéris», et pour lequel elle rentrait en cuisine, quand il leur arrivait de quitter leurs champs de mil à Ngomene. Avec le dandy Ibrahima Dème, elle faisait revivre la belle épopée de Ndar, capitale du raffinement, de la beauté et de l’AOF. Telle la passion du Gouverneur français pour Tata Ami Dème. Ou le sobriquet Aïda « Belbastic ». Avec Papinou Abdou Samba Tôro et Élisabeth Diouf aussi , « tu te souviens Aïda…… », ils riaient aux éclats des histoires de cette île qui habite dans leur cœur à jamais.
Stoïcisme aussi, je ne l’ai jamais vue pleurer même lorsque, à quelques mois d’intervalle, elle a perdu successivement Mariama et Ousmane, issus de son premier mariage avec le Dr. Abass Ndao, médecin-chef de l’ex-Repos Mandel. Son regard troublé a juste reflété son déchirement intérieur. Il est vrai qu’en 1960 déjà, en une fraction de seconde, son monde s’était déjà écroulé, lorsqu’à la Gueule Tapée, un camion de l’entrepreneur El Hadj Doudou Basse était venu lui arracher son petit bonheur de Pape Aly Ndao. Un drame que le couple n’a pu surmonter…Quelques années auparavant, pour faire plaisir à son beau-père Abdoulaye Camara, le médecin avait envoyé sa douce moitié à Saint-Louis par avion pour donner naissance à Pape Aly, le fils adulé dont le baptême avait été dignement célébré à Sindoné.
Et puis était venu mon père la consoler et l’aimer d’un amour fou et incompressible jusqu’à la fin. Gentlemen comme on n’en fait plus, Dr. Abass Ndao et Alioune Fall, unis par l’amour d’elle, ont partagé la plus belle des amitiés, le journaliste élevant le dernier fils du docteur, le médecin accueillant les filles Fall le week-end, à son domicile de fonction de Repos Mandel. Je les revois encore, taillant conversation sur le parvis de l’hôpital, l’un avec sa pipe qui sentait bon l’Amsterdamer, l’autre tirant sur son gros cigare. Ousmane Ndao s’est toujours considéré comme un Fall et son fils porte le nom d’Alioune Fall.
Un ami, qui a perdu sa mère il y a cinq mois, m’écrit qu’ « on ne se remet jamais de la disparition d’une mère puisque c’est une partie de soi-même qui s’en va. Ce beau visage que j’ai vu ne peut être que le reflet d’un cœur qui brille de tendresse et d’affection pour les autres. Puisse Dieu te Donner la force de supporter cette épreuve et l’Élever dans Ses Plus Hauts Paradis. Amine ». Merci Sogué.
Les mots ne peuvent exprimer la perte dévastatrice. Mais il faut retenir que sa vie a été utile, joyeuse, exceptionnelle, qu’elle a aimé plus que tout l’île de Saint-Louis du Sénégal, son royaume d’enfance où elle retournait à la moindre occasion, qu’elle a régné sur les cœurs et qu’elle était LA princesse de son père, de sa mère, de sa grand-mère, de ses frères et sœurs utérins et consanguins, et des deux hommes de sa vie qui l’ont aimée « to the moon and beyond ». Elle n’a jamais manqué de rien, sauf d’une éducation sévère (lol), elle a eu une vie de rêve… Chez son père Abdoulaye Camara, à Sindoné et à Ndjoloffene, elle, prunelle de ses yeux, décidait de tout et si quelqu’un, même une belle-mère, ne trouvait grâce à ses yeux, il était immédiatement renvoyé par le Vieux. Pour durer chez son père, il fallait lui plaire à elle d’abord. Ne faisant confiance à personne pour la garder, durant son enfance, son paternel l’emmenait carrément dans les prétoires où il officiait comme interprète-traducteur…
Aïda Camara sera éternellement regrettée à Sindoné, à Mbott, à la Gueule Tapée, à Bambey, à Paris et partout ailleurs où sa trace survit dans le souvenir des gens qu’elle a choyés. Ses « goro » sont tous venus à ses obsèques et ont témoigné de sa gentillesse et de ses largesses. Tata Rose Correa a perdu sa moitié, Seynabou Soumaré que tu promenais partout sur l’île de Saint-Louis, bien attachée au dos, a perdu son roc. Dernièrement, tu lui as demandé de te rappeler le nom de ton maître de Coran, le grand érudit Makhtar Diop, père de Me Fadilou Diop et grand-père de Fatima Zahra. Et vous avez ri aux larmes au souvenir de la punition qu’il t’avait infligée en raison de ta franchise et de l’intervention de ton paternel, fou de rage, après ta version très personnelle de l’histoire…
Va en paix rejoindre, à 86 ans, les matriarches de ton « meen », ta grand-mère Ndialllou Paye et ta mère Mariam Zayatt, ainsi que tes enfants aînés qui t’ont précédée. Après avoir éclairé notre chemin depuis 1962, tu nous as fourni les armes pour continuer la route sans toi. Avec Marie Christine Barrault, nous savons que « Les vivants ferment les yeux des morts. Les morts ouvrent les yeux des vivants. Ils leur ouvrent une fenêtre sur l’au-delà, les obligent à s’élever au-dessus des distractions terrestres pour scruter des ténèbres qu’ils illuminent. Ils sont vivants en nous, qui les avons aimés. C’est un bel endroit pour continuer à vivre…Et je sais que les êtres avec qui nous étions en fusion continuent de nous tenir la main. L’amour partagé avec eux ne disparaît pas avec leur dépouille corporelle. Il subsiste, enchanté, galvanisé ! Quelle ânerie que l’expression « il a rendu l’âme « ! C’est son malheureux corps qu’il a rendu, justement, pas son âme. Elle continue de vivre, à la fois proche et éternelle. »
Nous prierons pour toi cinq fois et plus dans la journée, comme pour tous nos morts. Ta dernière demeure sera parfumée de la fine pluie de nos Fatiha et Ikhlass. Comme tu l’avais expressément demandé à ton frère Abdou Aziz Camara, Tonton Cheikh Gaye a été remercié en ton nom devant l’assistance réunie lors de ta prière mortuaire. Une nouvelle fois, merci infiniment Tonton Cheikh. Merci à notre tante Ndeye Binta Odette Rita qui a accompli ta dernière toilette et à notre oncle Abdou Aziz qui t’a portée lui-même en terre.
À bientôt et d’ores et déjà, au dimanche 13 février 2022 pour commémorer, dans la piété, la sobriété et la dignité, tes 40 jours dans la paix et la lumière de la vérité.
Qu’il Plaise à Dieu Subhana Wa Taala de t’Accueillir dans Son Paradis et d’Accorder à ta belle âme le repos éternel.
Amen.
La famille