L'image d'Al-Jazeera restera longtemps liée à la diffusion des menaces vidéo d'al-Qaïda. Qui ne se souvient pas des images d'Oussama Ben Laden revendiquant les attentats du 11 septembre ? "L'Amérique ne connaîtra plus jamais la sécurité", c'est par ce genre de messages que le public occidental a découvert l'existence de la chaîne qatari.
Mohamed Merah -ou son complice-, a choisi d'envoyer le montage vidéo des tueries de Toulouse et Montauban au siège parisien d'Al-Jazeera. En se réclamant de la nébuleuse al-Qaïda dans sa lettre d'accompagnement, le jeune homme comptait sur une diffusion en boucle sur Al-Jazeera, à l'instar des pontes du groupe terroriste.
La direction de ce canal aux 40 millions de téléspectateurs a finalement refusé de diffuser la vidéo. Mais le fait est là. Merah, ou tout du moins son entourage, a envoyé le fichier montrant en images les différentes tueries, avec de la musique et des versets du Coran. "On entend la voix de cette personne qui a commis les assassinats et les cris des victimes", a décrit le chef du bureau français de la chaîne d'info.
Al-Jazeera est-elle la lucarne des terroristes islamistes ?
Le média qatari a régulièrement été la cible de nombreuses voix occidentales, l'accusant de donner une visibilité aux terroristes sur sa chaîne. C'est ce qui a fait associer les notions de "terrorisme" avec "Al-Jazeera". Les seules images de la chaîne reprises par les médias occidentaux étaient les messages des principaux dirigeants terroristes, dont Ben Laden, Mollah Omar, les otages français du Niger...
"C'est Bernard Henri-Lévy qui a rapidement parlé de Ben Laden TV, dès l'automne 2001", note Théo Corbucci, journaliste spécialiste des médias du Proche et Moyen-Orient. Lors des événements du Printemps arable, Hillary Clinton a au contraire salué le travail de la chaîne: "It's real news" - "C'est vraiment de l'info".
Pour Mohammed El Oifi, chercheur à l'Ifri (Institut français des relations internationales) et auteur de L’effet Al-Jazeera (2004), la chaîne n'aurait jamais diffusé la vidéo dans sa version brute. "Un passage court aurait été isolé, contextualisé et aurait permis d'ouvrir le débat avec un traitement journalistique", note cet universitaire également maître de conférences à l'IEP de Paris.
"Mohammed Merah n'a pas compris le fonctionnement d'Al-Jazeera", précise-t-il, "la chaîne ne fait pas de propagande et n'aurait pas servi de porte-parole à son action", avant d'ajouter qu'elle "ne se serait pourtant pas privée d'en diffuser des morceaux édulcorés, au nom de la liberté d'expression".
La direction de la chaîne a certainement été empêchée par l'émir du Qatar, qui noue des relations de plus en plus proche avec l'État français. "Sans cette nouvelle donne, le chef des informations l'aurait immédiatement diffusée", laisse entendre Mohammed El Oifi.
Théo Corbucci se montre quant à lui plus mesuré. "La chaîne n'a plus grand chose à prouver et se montre désormais plus mesuré dans la course au sensationnel", d'où le luxe d'une certaine sagesse.
Le média porte-parole des islamistes ?
Créée par le Qatar fin 1996, Al-Jazeera a révolutionné le paysage télévisuel arabe, dominé jusqu'alors par les chaînes étatiques, et servi les ambitions politiques de ce richissime petit émirat gazier du Golfe. C'est l'émir Hamad Ibn Khalifa Al-Thani qui la finance avec des fonds quasi-illimités.
"L'essor de la chaîne a été perçu comme une avancée, un lieu de démocratisation", détaille Théo Corbucci, auteur d'une grande enquête sur la genèse du média qatari. "Il faudra maintenant évaluer la position d'Al-Jazeera lorsque les révolutions arabes seront réellement terminées", prévient-il.
Après avoir été pendant des années une tribune pour les contestataires des régimes autoritaires du Maghreb et du Moyen-Orient, la chaîne s'est targuée d'avoir contribué au Printemps arabe. Elle a en effet directement participé au rayonnement du mouvement, retransmettant en direct les soulèvements qui ont provoqué la chute de quatre autocrates arabes.
Al-Jazeera avait déjà eu des démêlés avec les régimes arabes qu'elle irritait par sa couverture, souvent jugée impertinente ou orientée.
Désormais ses détracteurs jugent la ligne éditoriale trop favorable aux islamistes qui triomphent dans les pays du Printemps arabe. Au cœur des événements, le groupe Al-Jazeera Satellite Network a connu un changement à sa tête, dans des circonstances peu claires, avec le départ en septembre de son directeur général d'origine palestinienne, Wadah Khanfar, qui avait des sympathies islamistes.
"Si Al-Jazeera était vraiment une chaîne islamiste, toutes les femmes seraient voilées, ce qui n'est de loin pas le cas", déclare Mohammed El Oifi. Un clan de laïcs libéraux est en place à l'intérieur de la chaîne, en opposition directe avec les islamistes, accompagné d'un cercle de nationalistes arabes, en perte de vitesse depuis 2003.
"Quant à l'émir lui-même, il prend soin de ménager toutes les sensibilités, sans pour autant donner trop d'espace aux affaires internes du Qatar", souffle Mohammed El Oifi. "It’s real news", disait-on. Pas de doute, Al-Jazeera est bien entré dans l’establishment.
SOURCE:huffingtonpost.fr
Mohamed Merah -ou son complice-, a choisi d'envoyer le montage vidéo des tueries de Toulouse et Montauban au siège parisien d'Al-Jazeera. En se réclamant de la nébuleuse al-Qaïda dans sa lettre d'accompagnement, le jeune homme comptait sur une diffusion en boucle sur Al-Jazeera, à l'instar des pontes du groupe terroriste.
La direction de ce canal aux 40 millions de téléspectateurs a finalement refusé de diffuser la vidéo. Mais le fait est là. Merah, ou tout du moins son entourage, a envoyé le fichier montrant en images les différentes tueries, avec de la musique et des versets du Coran. "On entend la voix de cette personne qui a commis les assassinats et les cris des victimes", a décrit le chef du bureau français de la chaîne d'info.
Al-Jazeera est-elle la lucarne des terroristes islamistes ?
Le média qatari a régulièrement été la cible de nombreuses voix occidentales, l'accusant de donner une visibilité aux terroristes sur sa chaîne. C'est ce qui a fait associer les notions de "terrorisme" avec "Al-Jazeera". Les seules images de la chaîne reprises par les médias occidentaux étaient les messages des principaux dirigeants terroristes, dont Ben Laden, Mollah Omar, les otages français du Niger...
"C'est Bernard Henri-Lévy qui a rapidement parlé de Ben Laden TV, dès l'automne 2001", note Théo Corbucci, journaliste spécialiste des médias du Proche et Moyen-Orient. Lors des événements du Printemps arable, Hillary Clinton a au contraire salué le travail de la chaîne: "It's real news" - "C'est vraiment de l'info".
Pour Mohammed El Oifi, chercheur à l'Ifri (Institut français des relations internationales) et auteur de L’effet Al-Jazeera (2004), la chaîne n'aurait jamais diffusé la vidéo dans sa version brute. "Un passage court aurait été isolé, contextualisé et aurait permis d'ouvrir le débat avec un traitement journalistique", note cet universitaire également maître de conférences à l'IEP de Paris.
"Mohammed Merah n'a pas compris le fonctionnement d'Al-Jazeera", précise-t-il, "la chaîne ne fait pas de propagande et n'aurait pas servi de porte-parole à son action", avant d'ajouter qu'elle "ne se serait pourtant pas privée d'en diffuser des morceaux édulcorés, au nom de la liberté d'expression".
La direction de la chaîne a certainement été empêchée par l'émir du Qatar, qui noue des relations de plus en plus proche avec l'État français. "Sans cette nouvelle donne, le chef des informations l'aurait immédiatement diffusée", laisse entendre Mohammed El Oifi.
Théo Corbucci se montre quant à lui plus mesuré. "La chaîne n'a plus grand chose à prouver et se montre désormais plus mesuré dans la course au sensationnel", d'où le luxe d'une certaine sagesse.
Le média porte-parole des islamistes ?
Créée par le Qatar fin 1996, Al-Jazeera a révolutionné le paysage télévisuel arabe, dominé jusqu'alors par les chaînes étatiques, et servi les ambitions politiques de ce richissime petit émirat gazier du Golfe. C'est l'émir Hamad Ibn Khalifa Al-Thani qui la finance avec des fonds quasi-illimités.
"L'essor de la chaîne a été perçu comme une avancée, un lieu de démocratisation", détaille Théo Corbucci, auteur d'une grande enquête sur la genèse du média qatari. "Il faudra maintenant évaluer la position d'Al-Jazeera lorsque les révolutions arabes seront réellement terminées", prévient-il.
Après avoir été pendant des années une tribune pour les contestataires des régimes autoritaires du Maghreb et du Moyen-Orient, la chaîne s'est targuée d'avoir contribué au Printemps arabe. Elle a en effet directement participé au rayonnement du mouvement, retransmettant en direct les soulèvements qui ont provoqué la chute de quatre autocrates arabes.
Al-Jazeera avait déjà eu des démêlés avec les régimes arabes qu'elle irritait par sa couverture, souvent jugée impertinente ou orientée.
Désormais ses détracteurs jugent la ligne éditoriale trop favorable aux islamistes qui triomphent dans les pays du Printemps arabe. Au cœur des événements, le groupe Al-Jazeera Satellite Network a connu un changement à sa tête, dans des circonstances peu claires, avec le départ en septembre de son directeur général d'origine palestinienne, Wadah Khanfar, qui avait des sympathies islamistes.
"Si Al-Jazeera était vraiment une chaîne islamiste, toutes les femmes seraient voilées, ce qui n'est de loin pas le cas", déclare Mohammed El Oifi. Un clan de laïcs libéraux est en place à l'intérieur de la chaîne, en opposition directe avec les islamistes, accompagné d'un cercle de nationalistes arabes, en perte de vitesse depuis 2003.
"Quant à l'émir lui-même, il prend soin de ménager toutes les sensibilités, sans pour autant donner trop d'espace aux affaires internes du Qatar", souffle Mohammed El Oifi. "It’s real news", disait-on. Pas de doute, Al-Jazeera est bien entré dans l’establishment.
SOURCE:huffingtonpost.fr