«On a désormais le devoir d’être soi, de se forger une personnalité. Avec, pour corollaire, la nécessité de se montrer et de jouer avec cette identité», explique Gérard Mermet. On pourrait bien aujourd’hui appliquer aux Sénégalais ce que le sociologue français écrivait alors à propos de ses concitoyens : «Ils n’ont plus confiance, les gens, dans les institutions et ont compris qu’ils devaient prendre en main leur propre destin. Cela leur donne plus de dynamisme personnel, mais aussi l’envie de s’investir auprès des autres. C’est ce que j’appelle l’égologie, attitude en pleine expansion : s’occuper de sa propre vie sans se désintéresser de celle des autres. Ce n’est pas forcément par altruisme, mais parce que tout le monde y a intérêt. Nous sommes en train de vivre une période de transformation, un véritable changement de civilisation, le mot n’est pas trop fort.»
LE DROIT A L’EXISTENCE
Il n’y a pas de doute : les Imams en revendiquant la baisse des factures d’électricité, les marchands leur droit de déambuler pour écouler leurs marchandises, les Kédoviens celui de profiter des exploitations minières dans leur contrée, s’occupent chacun de «sa propre vie sans se désintéresser de celle des autres». Celui qui dirige chacun de ces mouvements n’est pas «forcément altruiste, mais tout le monde a intérêt» dans cet investissement. Et puis, c’est ce «changement de civilisation» qui s’imprime dans le nouveau modèle de prise en charge des revendications, surtout sociales, structurant les mouvements des marchands ambulants, des Imams et des populations des Parcelles assainies et maintenant, de plus en plus, des gens dans les collectivités locales. Cette dimension alternative, sous la forme de surgissement de nouveaux pôles de radicalité, est parfois perçue comme des manifestations d’une panne des projets politiques.
Face à cette émergence d’identités citoyennes remarquables, à quoi assiste-t-on ? A ces velléités de récupérations politiciennes par le pouvoir ou à des critiques adressées à l’opposition, quant à son incapacité à se greffer aux révoltes citoyennes. Ces postures sont symptomatiques d’une pensée prisonnière d’une tradition politique d’accaparement. Elles ne saisissent pas, en tant que pensée unique et furtive, l’exigence temporelle et spatiale d’émergence de pôles de citoyenneté autonomes à côté de l’espace politique classique. Au fond, nous sommes victimes d’une vision réductrice de la démocratie réduite à ce que René Rémond appelle «l’expression périodique des électeurs», alors qu’elle est une «décision politique», -ajoutons citoyenne- «pour peser sur l’histoire».
Le développement de l’égologie est pourtant une construction d’un espace de légitimité, autre que l’espace politique ou à côté de celui-ci. La revendication ou l’exigence des forces politiques à être à l’avant-garde des manifestations des Imams, des jeunes marchands ambulants ou des émeutiers contre l’électricité ou l’exploitation minière à Kédougou, participe en réalité à l’étouffement d’une émergence citoyenne. Pourquoi donc au Sénégal, des Imams, des jeunes de la banlieue, des défenseurs du littoral, des associations contre les violences faites aux femmes ou d’exploitation des domestiques n’auraient pas le droit à des vies autonomes à côté de l’espace politique partisan ? L’émergence d’identités citoyennes remarquables est l’expression de l’existence d’une démocratie percluse à laquelle il faut donner une autre jambe valide. Il faut la laisser s’épanouir. Et puis, elle s’épanouira de plus en plus pour revendiquer le droit de prendre des destins singuliers en main.
source le quotidien
LE DROIT A L’EXISTENCE
Il n’y a pas de doute : les Imams en revendiquant la baisse des factures d’électricité, les marchands leur droit de déambuler pour écouler leurs marchandises, les Kédoviens celui de profiter des exploitations minières dans leur contrée, s’occupent chacun de «sa propre vie sans se désintéresser de celle des autres». Celui qui dirige chacun de ces mouvements n’est pas «forcément altruiste, mais tout le monde a intérêt» dans cet investissement. Et puis, c’est ce «changement de civilisation» qui s’imprime dans le nouveau modèle de prise en charge des revendications, surtout sociales, structurant les mouvements des marchands ambulants, des Imams et des populations des Parcelles assainies et maintenant, de plus en plus, des gens dans les collectivités locales. Cette dimension alternative, sous la forme de surgissement de nouveaux pôles de radicalité, est parfois perçue comme des manifestations d’une panne des projets politiques.
Face à cette émergence d’identités citoyennes remarquables, à quoi assiste-t-on ? A ces velléités de récupérations politiciennes par le pouvoir ou à des critiques adressées à l’opposition, quant à son incapacité à se greffer aux révoltes citoyennes. Ces postures sont symptomatiques d’une pensée prisonnière d’une tradition politique d’accaparement. Elles ne saisissent pas, en tant que pensée unique et furtive, l’exigence temporelle et spatiale d’émergence de pôles de citoyenneté autonomes à côté de l’espace politique classique. Au fond, nous sommes victimes d’une vision réductrice de la démocratie réduite à ce que René Rémond appelle «l’expression périodique des électeurs», alors qu’elle est une «décision politique», -ajoutons citoyenne- «pour peser sur l’histoire».
Le développement de l’égologie est pourtant une construction d’un espace de légitimité, autre que l’espace politique ou à côté de celui-ci. La revendication ou l’exigence des forces politiques à être à l’avant-garde des manifestations des Imams, des jeunes marchands ambulants ou des émeutiers contre l’électricité ou l’exploitation minière à Kédougou, participe en réalité à l’étouffement d’une émergence citoyenne. Pourquoi donc au Sénégal, des Imams, des jeunes de la banlieue, des défenseurs du littoral, des associations contre les violences faites aux femmes ou d’exploitation des domestiques n’auraient pas le droit à des vies autonomes à côté de l’espace politique partisan ? L’émergence d’identités citoyennes remarquables est l’expression de l’existence d’une démocratie percluse à laquelle il faut donner une autre jambe valide. Il faut la laisser s’épanouir. Et puis, elle s’épanouira de plus en plus pour revendiquer le droit de prendre des destins singuliers en main.
source le quotidien