Nichée entre deux immeubles, au fond d’une ruelle ensablée du quartier dakarois des Parcelles Assainies, l’école privée Yakaar (espoir, en wolof) accueille 400 écoliers. Dès la classe de CI (cours d’initiation), les élèves apprennent le français, la langue officielle.
Le français en baisse
Debout devant le tableau, deux écoliers commentent un combat de lutte. Les phrases sont courtes, et les dialogues calqués sur leur quotidien. C’est en fait la maîtresse, Khaïta Ba, qui donne l’exemple. Cette méthode, basée sur la répétition, permet d’enseigner le français à ces élèves dont la langue maternelle est le wolof.
«Comme le français n’est pas leur langue maternelle, notre méthode consiste à partir d’une situation de communication: nous montrons une situation aux élèves (comme la lutte) et ensuite nous leur faisons répéter les dialogues jusqu’à ce qu’ils les maîtrisent», explique l’enseignante, visiblement très satisfaite par ces exercices.
Pendant une matinée, on parle donc famille, sport et éducation dans ces cours. Les professeurs mettent l’accent sur la prononciation. Les cours sont vivants, les écoliers participent avec joie. Peu importe si l’on glisse une ou deux fautes sur l’emploi des déterminants; l’essentiel est de participer activement au cours.
Seulement, les enseignants constatent avec amertume que malgré leurs efforts et multiples recettes, tous le reconnaissent: le niveau des élèves en français est en baisse. Et bien souvent, les enseignants ont recours au wolof pour expliquer une consigne ou donner les devoirs.
«Les élèves ne lisent pas à la maison, cela rend l’enseignement plus difficile», se désole Bousso Guiro, une enseignante en classe de CP. «Dans la Cité Fadia [un quartier des Parcelles Assainies, ndlr] beaucoup de parents n’ont pas été instruits et ils n’incitent pas leurs enfants à pratiquer le français à la maison», poursuit-elle.
Difficile dans de telles conditions d’appliquer les leçons apprises à l’école. Du coup, «les écoliers ne parlent français qu’à l’école, c’est insuffisant», souligne Khady Diallo, une enseignante en classe de CE1, qui s’emploie à mettre l’accent sur «la lecture, la construction des phrases pour rehausser le niveau des élèves en français».
Le wolof l'emporte
Dans les rues agitées de la cité Fadia, tout le monde parle wolof: des petites quincailleries, en passant par les kiosques à journaux, aux salons de coiffure. Dans sa boutique, Abdou Diallo vend ses produits cosmétiques et alimentaires en wolof.
«Je ne parle quasiment jamais français à mes clients», reconnaît ce vendeur haalpulaar.
Les rares fois où il entame une conversation en français, «l’interlocuteur achève la discussion en wolof», raconte-t-il en souriant. Mais en famille, Abdou Diallo communique dans sa langue maternelle, le pulaar:
«Lorsque nous recevons des amis qui ne comprennent pas notre langue, nous passons au wolof. Mais jamais au français.»
C’est un fait: le wolof prédomine. Il a même pris le pas sur l’usage du français, dont l'utilisation se limite désormais au travail, dans les tribunaux, l’école et certaines administrations.
Le français trop «livresque»
Ce phénomène inquiète les linguistes de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Pour Mamadou Cissé, fervent défenseur de la langue française, c'est la disparition d’activités culturelles autour de la langue française qui a favorisé son déclin.
Concernant ces fréquents va-et-vient du français vers le wolof, il estime que «cela traduit une forme d’insécurité linguistique dans laquelle les gens se trouvent». Les Sénégalais seraient-ils plus à l’aise en wolof parce que cette langue reflète une culture qui leur semble plus proche, plus accessible?
«Jusqu’à présent, nous avions une approche livresque de la langue française», explique le linguiste de l’Ucad. «Le français n’est pas une langue véhiculaire. Mais il était soutenu par de la bonne lecture, les livres étaient accessibles. Le théâtre et les loisirs en français ont disparu!»
Aujourd’hui, les pièces de théâtre se jouent en wolof —tout comme la plupart des émissions télévisées.
Pour répondre à cet intérêt pour les autres langues nationales, le gouvernement mène depuis 2002 une expérience pilote dans 155 classes où les élèves apprennent l’une des six langues nationales.
Slateafrique.com
Le français en baisse
Debout devant le tableau, deux écoliers commentent un combat de lutte. Les phrases sont courtes, et les dialogues calqués sur leur quotidien. C’est en fait la maîtresse, Khaïta Ba, qui donne l’exemple. Cette méthode, basée sur la répétition, permet d’enseigner le français à ces élèves dont la langue maternelle est le wolof.
«Comme le français n’est pas leur langue maternelle, notre méthode consiste à partir d’une situation de communication: nous montrons une situation aux élèves (comme la lutte) et ensuite nous leur faisons répéter les dialogues jusqu’à ce qu’ils les maîtrisent», explique l’enseignante, visiblement très satisfaite par ces exercices.
Pendant une matinée, on parle donc famille, sport et éducation dans ces cours. Les professeurs mettent l’accent sur la prononciation. Les cours sont vivants, les écoliers participent avec joie. Peu importe si l’on glisse une ou deux fautes sur l’emploi des déterminants; l’essentiel est de participer activement au cours.
Seulement, les enseignants constatent avec amertume que malgré leurs efforts et multiples recettes, tous le reconnaissent: le niveau des élèves en français est en baisse. Et bien souvent, les enseignants ont recours au wolof pour expliquer une consigne ou donner les devoirs.
«Les élèves ne lisent pas à la maison, cela rend l’enseignement plus difficile», se désole Bousso Guiro, une enseignante en classe de CP. «Dans la Cité Fadia [un quartier des Parcelles Assainies, ndlr] beaucoup de parents n’ont pas été instruits et ils n’incitent pas leurs enfants à pratiquer le français à la maison», poursuit-elle.
Difficile dans de telles conditions d’appliquer les leçons apprises à l’école. Du coup, «les écoliers ne parlent français qu’à l’école, c’est insuffisant», souligne Khady Diallo, une enseignante en classe de CE1, qui s’emploie à mettre l’accent sur «la lecture, la construction des phrases pour rehausser le niveau des élèves en français».
Le wolof l'emporte
Dans les rues agitées de la cité Fadia, tout le monde parle wolof: des petites quincailleries, en passant par les kiosques à journaux, aux salons de coiffure. Dans sa boutique, Abdou Diallo vend ses produits cosmétiques et alimentaires en wolof.
«Je ne parle quasiment jamais français à mes clients», reconnaît ce vendeur haalpulaar.
Les rares fois où il entame une conversation en français, «l’interlocuteur achève la discussion en wolof», raconte-t-il en souriant. Mais en famille, Abdou Diallo communique dans sa langue maternelle, le pulaar:
«Lorsque nous recevons des amis qui ne comprennent pas notre langue, nous passons au wolof. Mais jamais au français.»
C’est un fait: le wolof prédomine. Il a même pris le pas sur l’usage du français, dont l'utilisation se limite désormais au travail, dans les tribunaux, l’école et certaines administrations.
Le français trop «livresque»
Ce phénomène inquiète les linguistes de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar (Ucad). Pour Mamadou Cissé, fervent défenseur de la langue française, c'est la disparition d’activités culturelles autour de la langue française qui a favorisé son déclin.
Concernant ces fréquents va-et-vient du français vers le wolof, il estime que «cela traduit une forme d’insécurité linguistique dans laquelle les gens se trouvent». Les Sénégalais seraient-ils plus à l’aise en wolof parce que cette langue reflète une culture qui leur semble plus proche, plus accessible?
«Jusqu’à présent, nous avions une approche livresque de la langue française», explique le linguiste de l’Ucad. «Le français n’est pas une langue véhiculaire. Mais il était soutenu par de la bonne lecture, les livres étaient accessibles. Le théâtre et les loisirs en français ont disparu!»
Aujourd’hui, les pièces de théâtre se jouent en wolof —tout comme la plupart des émissions télévisées.
Pour répondre à cet intérêt pour les autres langues nationales, le gouvernement mène depuis 2002 une expérience pilote dans 155 classes où les élèves apprennent l’une des six langues nationales.
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