Scandant «nous voulons étudier. L’éducation va mal» et, brandissant des foulards et brassards rouges, les élèves ont obligé le cortège présidentiel à s’immobiliser, le temps que Wade leur prête une oreille attentive. Faisant l’exposé de leurs doléances, le président du foyer socio-éducatif Malick Thiam dira au président de la République de prendre langue avec les enseignants car, lui et ses camarades ne veulent pas qu’on «bloque la formation des futurs cadres du Sénégal. On veut étudier. N’est-ce-pas vous qui disiez que nous sommes l’avenir du pays. Les bulletins du premier semestre ne sont pas encore publiés. On vient et on rentre chaque jour sans faire cours. A deux mois du bac, on n’a même pas fait le quart du programme. C’est honteux alors il faut parler avec les professeurs». Parlant de leur établissement, Daouda Thiaw de la classe de TS2 laisser entendre qu’il «va mal. C’est le lycée le plus pauvre du Sénégal. Nous n’avons ni laboratoire ni salle informatique. Nous avons un déficit de professeurs, cause pour laquelle, nous ne faisons pas le crédit horaire normal. Dans toutes les disciplines, il y a réduction horaire. Nous voulons que la construction du nouveau lycée, entamé depuis longtemps, se termine mais avec des salles de classe suffisantes».
C’était assez pour que le chef de l’Etat sorte de ses gongs en s’en prenant à sa sécurité et à Papa Samba Mboup. D’ailleurs Wade, qui ne cessait de rabrouer ses collaborateurs, avait le visage renfrogné, n’hésitant pas à taper du poing sur le véhicule où avait pris place Aida Mbodji. Il ne cessait de montrer des signes de colère en houspillant sa sécurité qui, avec les nervis recrutés par la 4e vice-présidente de l’Assemblée nationale avait du mal à contenir tout ce monde. Même quand il s’est agi pour le cortège présidentiel de faire le tour de la ville, les élèves qui, certainement, se disaient qu’il ne fallait pas lâcher leur proie, ont accompagné le patron des libéraux jusqu’au terrain jouxtant la mairie de Bambey. Là aussi, il a fallu que les nervis recrutés par Aida Mbodji usent des biceps pour repousser les élèves. Très atteinte, Aïda Mbodji dont les propos étaient entrecoupés par les huées des élèves et de ses adversaires politiques n’a pas pu parler plus de deux minutes. Elle a juste pu dire au pape du Sopi «ce terrain appartient à la mutuelle des femmes libérales Calebasse de développement, maintenant, nous le prenons et le donnons au Secrétaire général et à notre parti». A sa suite, le chef de file des libéraux qui, par endroits, demandait aux batteurs de tam-tams d’arrêter et aux élèves de baisser les pancartes, se réjouira en ces termes de l’accueil. Abdoulaye Wade dira : «Jamais, je n’ai vu un tel rassemblement à Bambey. Donc, je vous félicite pour votre mobilisation, pour votre engagement. Je félicite les femmes avec leur boulangerie moderne. J’ai vu aussi le terrain que vous avez offert au parti.»
BAMBEY, DE VILLAGE A VILLE MODERNE
Aux élèves qui brandissaient des bandeaux rouges, il dira : «Vous voulez étudier, vous demandez que les enseignants arrêtent les grèves intempestives et politiques. Ce sont des grèves politiques. J’ai tout fait pour l’enseignement au Sénégal plus que dans aucun pays du monde mais certains partis de l’opposition ne veulent pas le comprendre. Ils manipulent les enseignants. Il y a des syndicats qui sont des syndicats politiques mais, je les combattrai. Je n’admettrai pas qu’ils soient un obstacle à l’Education au Sénégal. Les enseignants sont faits pour enseigner, il faut qu’ils enseignent. Personne ne peut mettre en doute le droit de grève mais, il ne faut pas exagérer. On va terminer le lycée déjà commencé et on vous donnera du matériel moderne.»
Mais pour Wade, ce qui s’est passé à Bambey est un épiphénomène et pour lui «les grèves politiques ne changeront rien au grand mouvement du Sopi qui est parti depuis 1974 et qui s’amplifie de jour en jour».
Aux responsables politiques qui espéraient décrocher une audience, Wade fera faux-bond mais, trouvera au moins le temps de leur dire : «Je vous demande de reprendre cette mairie et de la confier au Pds. Et j’ai promis à Aïda Mbodji de la soutenir pour faire de Bambey une ville moderne, car Bambey reste un village, un gros village. Il faut le transformer en cité moderne. Populations, je vous remercie et vous fais confiance.»
Abdoulaye Wade qui n’est descendu de son véhicule qu’un bref instant pour serrer la main du préfet a encore mesuré son degré d’impopularité parce que les habitants de la commune vaquaient librement à leurs occupations et faisaient comme si de rien n’était. N’eut été les militants et sympathisants venus du département, Wade allait trouver le désert à Bambey.
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