Il est attablé dans un café, à deux pas de l’immense base où il termine sa formation d’officier. Il porte un uniforme vert olive, comme ces dizaines de jeunes, que l’on croise chaque jour en Israël, pays où le service militaire dure trois ans pour les garçons et deux ans pour les filles.
Dans une autre vie, il s’appelait Ibrahima Bari, orphelin de Labé, la deuxième ville de Guinée Conakry. « En Afrique, il n’y a pas de travail, j’ai décidé de changer ma vie », dit-il pour expliquer son départ.
A l’époque, il n’a que quinze ans, son odyssée le mène au Maroc, au Caire, puis dans le Sinaï égyptien, où les passeurs organisent la traversée clandestine vers Israël. Avi se souvient des longues journées dans le désert, où les passeurs bédouins avaient parqué les migrants dans des tentes, en attendant le moment propice pour franchir la frontière. Il se souvient de la nourriture rare et de l’eau sale. Il se souvient aussi de ce pick-up à l’arrière duquel on les avait entassés « comme des sardines ». Et voilà la frontière, le grillage que l’on coupe. Et de l’autre côté, l’inconnu.
Comme des dizaines de milliers de clandestins africains ayant passé cette frontière à pied ces dernières années, le jeune guinéen atterrit dans le quartier de la gare routière de Tel Aviv, où il erre à la recherche d’un travail ou du statut de réfugié (qui lui sera refusé). Mais une institution accueillant les enfants en difficulté puis une famille israélienne d’adoption changent son destin. Ibrahima devient Avi, il apprend l’hébreu, obtient la nationalité israélienne en 2008 et rejoint l’armée l’année suivante. « A l’armée tu apprends la culture israélienne, l’histoire », explique le jeune officier, « ça te fait aimer le pays ». Le jeune homme dit se sentir « à 90% israélien » et assure qu’il « ferait tout pour défendre Israël ».
Avi ne s’est pas converti au judaïsme et se définit comme un « Africain-Israélien ». Il dit avoir assez peu souffert du racisme même si un épisode récent l’a marqué : lors de sa formation d’officier le mot « kouchi » (« nègre », en hébreu) a résonné à ses oreilles, pour la première fois. « Ca ma touché », admet le jeune homme qui assure que son officier a « réglé le problème ».
A l’issue de sa formation d’officier, Avi Bari sera affecté à la gestion des ressources humaines de l’armée. Le jeune homme est en contact avec sa famille guinéenne : un oncle et des cousins. Il leur rendra visite dans quelques années, à l’occasion du long voyage que les appelés israéliens s’offrent traditionnellement à l’issue de leurs années sous l’uniforme.
Avi a aussi un rêve : devenir diplomate et travailler au rapprochement de son pays d’origine et de son pays d’adoption. La Guinée et Israël n’ont aujourd’hui aucune relation diplomatique.
Nicolas Falez, RFI