En fin de compte, on a beau critiquer Abdoulaye Wade, mais, comparé à ses collaborateurs, le président de la République passerait pour un enfant de chœur. Sa générosité débordante fait de lui l’adulé d’aujourd’hui et le banni de demain, celui que ses plus fidèles lieutenants, une fois remerciés, lui tournent le dos et se déclarent prêts à le combattre, « au nom du peuple sénégalais ». Si seulement ces nouveaux patriotes qui parlent au nom du peuple pouvaient la fermer, la République leur en serait reconnaissante. Ce sont ceux à qui le prince a retiré le fromage du bec, et qui se sont mis à l’insulter, après s’être aplati devant lui en toute nudité. On se rappelle encore les CD incendiaires du faux-messie de Thiès, qui disait « avoir l’intention d’enlever Abdoulaye Wade de la présidence du Sénégal, parce que devenu un danger pour la République », sans mentionner la sortie du leader de « And Jeffour » sur les voleurs qu’on peut fréquenter sans être un des leurs ; l’ancien Premier-ministre et enfant de Fatick, qui, parce que devenu indésirable et contraint de tourner le dos aux avantages du pouvoir, mettait les Sénégalais en garde sur la fiabilité du fichier électoral, dont il a été l’éminent gardien. Et le dernier en date, son excellence, Cheikh Tidiane Gadio, qui n’a pas encore fini de se tordre de douleur due à la violence du coup de pied au cul gracieusement administré par le père de Karim en guise de « reconnaissance » et au nom de la diplomatie sénégalaise. Quelques heures seulement après avoir été débarqué de force du bateau ivre du Sopi, l’ex ministre de l’ « extérieur » nous apprenait qu’il avait nouvellement décidé de « combattre la mal gouvernance ». Si et seulement si Gadio avait remué la langue sept fois avant de piailler, il saurait qu’il demeure la dernière personne sur qui le peuple sénégalais compte pour combattre la mal-gouvernance, encore moins pour mettre fin au régime de Wade. On ne peut pas cautionner une politique pendant prés de dix ans au cours desquelles on a profité d’un système qui ne vous a rien refusé, pour ensuite vomir là-dessus, tout simplement parce que les « vautours » ne vous convient plus au festin. Pendant dix bonnes années, alors que le prix du baril était au plus haut, Cheikh Tidiane Gadio et ses semblables faisaient le tour du monde en première classe, logeaient dans des hôtels de luxe, aux frais du pauvre contribuable, qui pendant ce temps, croupissait sous la canicule, les inondations, et subissait les coupures intempestives de courant. Bien évidemment, Gadio n’avait rien à foutre des souffrances du bas-peuple, ses priorités étant ailleurs. C’est maintenant seulement qu’il se découvre nouvellement « patriote » et « citoyen », au point de mettre en place un mouvement qui n’a rien de citoyen, si ce n’est une stratégie maladroite de reconquête du pouvoir, avec la publication d’un manifeste pas plus crédible qu’un numéro du Journal de Mickey. Au lieu de servir l’Etat quand il en avait l’occasion, Gadio s’est servi lui-même, parce que même pour accompagner ses hôtes à la Maison des Esclaves, monsieur se déplaçait en jet-privé. Et ce n’est pas le maire de l’île de Gorée qui nous démentira. Le meilleur service que Gadio peut rendre à la République, par respect pour le peuple, c’est de garder le silence, de tourner la page et d’arrêter de faire une fixation sur le passé. Osons espérer qu’il aura la décence de ne pas briguer les suffrages des Sénégalais, parce que, pendant 10 ans qu’il aura dormi dans les avions de Wade, Gadio rêvait à tout, sauf aux préoccupations du peuple. Reste à lever un coin du voile sur son passage au ministère des Affaires Etrangères, symbole d’une diplomatie dont le coût des représentations diplomatiques pléthoriques constitue pour l’économie sénégalaise une menace aussi sérieuse qu’un nuage de cendres.
Momar Mbaye
mbayemomar@yahoo.fr
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