L’As : Vous venez de boucler le tournage de votre clip. Quels sont vos sentiments, au terme d’intenses séances de travail sur le terrain ?
Coumba Gawlo Seck : Je viens de boucler le tournage du clip de la vidéo « mbeuguel », qui est l’une des chansons préférées du public dans cet album « Dieureudieuf ». Et c’est un clip très fort, du point de vue de la conception, de l’image, des costumes, du style. Bref, à tous les niveaux. Je voulais aussi une vidéo très très forte, vu que la chanson, en elle-même, est une chanson très très forte, de par son intro, les tonalités vocales, les sonos qu’il y a…. Donc, il fallait que la vidéo soit à la même hauteur que la chanson pour ne pas décevoir le public. On y a mis les moyens qu’il faut avec deux nuits de tournage. Ce qui n’était pas évident. C’est une vidéo que j’aime beaucoup. Et je suis sûre qu’il va plaire au public. Du moins, je l’espère. Autre chose qu’il faut noter également, c’est qu’à travers ce clip, on va découvrir plusieurs autres facettes de ma personnalité. Parce qu’on va beaucoup me voir dans cette vidéo en train de danser toute seule, d’assurer des chorégraphies. Parce que le métier que je fais est un métier dans lequel il faut savoir se surpasser, surprendre également. En plus, puisque je suis convaincue que le mot : « impossible » ne doit pas exister dans ce métier, je me suis dit que je vais surprendre mon public et lui montrer que j’ai fait beaucoup d’efforts, du point de vue de la danse. Le premier objectif, c’était ça. Le second, c’est que j’ai voulu, à travers ce clip, rendre hommage à une grande danseuse des années 50-60 nommée, Joséphine Becker, à travers les costumes et autres. Car, dans cette vidéo, je suis un peu habillée comme elle. Je l’ai beaucoup aimée.
Mbeuguel, c’est un thème qui revient souvent dans vos albums. Est-ce que vous n’avez pas l’impression de faire comme les autres ? Non ! Moi, je pense que l’amour…est au début, au milieu et à la fin de toute chose. L’amour pour son prochain, l’amour pour sa famille, l’amour pour les personnes qui nous sont chères, pour son travail, pour soi-même. L’amour est la source de la vie. Même dans le boulot, quand on n’aime pas ce que l’on fait, on ne pourra jamais avancer. Et personnellement, j’aime les gens, les échanges…. C’est pourquoi l’amour revient toujours dans mes chansons. C’est important de garder de l’amour en soi.
Vos détracteurs vous accusent souvent de puiser dans un registre qui heurte la morale des Sénégalais, pour ce qui est des tenues et de la mise en scène. Est-ce que vous avez pensé corriger ça ? Écoutez ! Je pense que vous avez dit quelque chose de très important au début de votre question, en faisant allusion aux détracteurs. Ben, écoutez ! les détracteurs, ce qu’ils disent, je m’en fous, parce que ce sont des détracteurs. Le plus important, c’est d’écouter les critiques qui sont positives. Qui viennent de personnes qui sont positives. Des critiques fondées et logiques. Maintenant, il faut savoir que, depuis la sortie des tubes « sa li, sa lé », « bine-bine » et autres, j’ai beaucoup changé. J’ai beaucoup mûri. Parce que la carrière d’un artiste est faite de plusieurs étapes. Maintenant, je suis arrivée à une autre étape de ma carrière et de ma vie professionnelle. Je pense que j’ai d’autres aspirations, d’autres visions de l’art. D’autres visions de mes obligations professionnelles, de mes choix. Par moments, on fait des choix dans la vie personnelle ou professionnelle. Surtout professionnelle. En un moment donné, on se dit, maintenant, j’ai envie d’aller à un autre niveau. Je pense que ce qu’il faut voir maintenant dans mes vidéos, c’est l’originalité. C’est l’audace, la créativité. Voilà ce qui est le plus important.
Ça veut dire que vous avez atteint, au plan professionnel, une certaine maturité ? Beaucoup de maturité ! Parce que, quand on est à son 20ème album, on n’a plus grand chose à apprendre. Même si chaque jour est source d’apprentissage, de leçons. On apprend tous les jours de la vie. Mais, malgré tout, il y a beaucoup de choses qui ont été faites.
En parlant de « Amadou ». Pourquoi avoir repris le clip, de façon plus osée ? En fait, je n’ai pas repris « Amadou ». J’ai, disons…C’est certainement lors d’un show en live. Il y a parfois des chansons que vous entendez dans les sorties d’albums et qui sont reprises par la suite, lors des live. Donc, dans la carrière d’un artiste, surtout dans les pays développés, il y a toujours des sorties d’albums normales et des sorties d’albums live.
Nous parlons du clip même ? Du clip ?
Il paraît que ça a été repris. Mieux, c’est une fois qu’il a été diffusé. Et, depuis rien ? Non, Non ! Le clip n’a pas été repris. Jusque-là, les vidéos, qui ont été faites, sont celles qui sont sorties avec l’album « Dieureudieuf ». Et puis, le dernier « Mbeuguel », qui me permet de rendre hommage à Joséphine Becker.
Pour le Fesman, vous faites partie des grosses pointures de la musique retenues pour l’organisation de la manifestation. Comment ça s’est passé ? Oui ! J’ai effectivement été approchée dès le départ par Alioune Badara Bèye. Qui m’a choisie en tant qu’ambassadrice. Je fais partie des ambassadeurs du Fesman aux côtés de Thione Seck, Ismaël Lô, Baba Maal, Omar Pène et Youssou Ndour. Mon rôle donc, a été de véhiculer le message sur le Fesman en tant qu’ambassadrice. C’est quelque chose qui m’honore beaucoup.
Vous êtes donc la seule femme ? Oui, oui ! Je suis la seule femme. Je pense qu’ils ont voulu choisir aussi des ambassadeurs par rapport à la dimension internationale de chaque personne dans le milieu du showbiz.
Sous forme de contrat ? Non, il n’y a pas de contrat. Quand on fait quelque chose pour son pays…, il n’y a qu’un contrat moral qui puisse vous lier. J’ai été choisie par mon pays pour être ambassadrice d’un événement aussi gigantesque que le Fesman. Vous devinez aisément qu’il ne peut y avoir d’autre contrat, si ce n’est moral. Et je suis à la fois très honorée et flattée d’avoir été choisie pour véhiculer ce message à l’endroit des autres artistes du monde que je connais dans le cadre de mes concerts. Ni plus ni moins.
Pas de contrat, signifie-t-il pas de contrepartie financière ? Non, pas forcément ! Parce que c’est déjà… (elle ne termine pas sa pensée). Je trouve que c’est déjà un grand honneur d’avoir été choisi, en tant qu’ambassadeur pour véhiculer un événement qui se passe dans son pays. Pour le développer, pour le faire connaître, pour le véhiculer auprès d’autres artistes. Car l’idée, c’était de choisir des personnes comme moi et les autres que j’ai citées, pour que chacun puisse, lors de ses grandes tournées nationales, internationales et les rencontres avec les artistes d’autres pays, pouvoir faire la promotion du Fesman. Je pense que chacun, en ce qui le concerne, a déjà commencé ce travail. Pour ma part, j’ai commencé à jouer ce rôle déjà avec des artistes tels que : Axel Réd et d’autres.
Lors du Conseil présidentiel sur le Fesman, pourquoi le Président Wade avait-il tiré à bout portant sur vous ? Le président de la République a tiré à bout portant sur qui ?
Les organisateurs, les artistes, bref il n’était pas du tout satisfait de tout ce beau monde… (Sur un ton ferme ) Non ! le président de la République ne s’en est pas pris à nous, parce que les artistes, nous ne sommes pas les organisateurs du Fesman. Nous sommes des ambassadeurs de bonne volonté, qui ne sont ni payés, ni recrutés par le président de la République, encore moins par un autre. Jusque-là, on n’a reçu aucun franc du Fesman. Du moins, moi, je n’ai jamais rien reçu. Je lève haut la main pour le dire. Nous ne savons rien du Fesman. En conséquence, nous n’avons pas de compte à rendre au président de la République. Qui, également, ne nous a jamais rien demandé. Je pense que si le chef de l’Etat, pour utiliser encore votre expression, a tiré à bout portant sur des gens, c’était sur les organisateurs pour montrer son insatisfaction quant au niveau d’organisation. Par rapport à des dysfonctionnements qu’il y aurait eu notamment sur le retard des préparatifs. Et nous, en tant qu’artistes, nous ne pouvons que constater et observer. D’autant que ce sont les organisateurs qui doivent faire les choses, venir nous dire voilà où nous en sommes et, maintenant, ce que nous attendons de vous.
Que pensez-vous du Fesman tour ? Je pense que le Fesman tour entre dans le cadre d’une bonne campagne de communication. Car les gens ne savent pas, jusqu’ici, ce que c’est le Fesman.
Quel a été votre sentiment, lorsque vous avez appris que le Fesman tour a été confié à un label autre que le vôtre ? Je pense que le champ est assez vaste. Chacun peut y trouver sa place. Nous, nous sommes un label de production, notamment le label : « Sabar ». C’est un label de production, de distribution et d’organisation de spectacle. Et, nous avons, quand même, beaucoup d’années d’expérience dans ce métier, grâce à Dieu. Nous arrivons à réaliser beaucoup d’événements, qui vont au-delà du Fesman tour. Nous faisons des tournées en dehors du Sénégal, donc, en Afrique, en Europe. On nous confie des événements de grande envergure, et parfois par des organismes internationaux. Et, jusque-là, nous avons fait preuve de professionnalisme et de satisfaction à l’endroit de nos partenaires. Car c’est un point d’honneur de réussir les choses et de répondre à l’attente des partenaires. D’autres événements nous ont été confiés dans le passé. Maintenant, si, de la même manière, il y en a d’autres qui arrivent à faire la même chose, en tant qu’acteur de la musique, je ne peux que m’en réjouir et leur souhaiter bonne chance et bon vent. Et, si on nous demande notre avis, comme c’est parfois le cas, ce sera toujours un plaisir, pour nous, de le donner. J’avoue que, dans le cadre du Fesman tour, j’ai été approchée, personnellement par Sindiély (NDLR : la fille du président de la République, Sindjély Wade). Elle m’a personnellement téléphonée pour m’en parler. Elle m’a dit sa motivation par rapport à cet événement qui lui tient à coeur. Mieux, qu’elle souhaitait que je sois à ses côtés pour le déroulement et la réussite de cet événement. Maintenant, il était question à la suite de cela qu’elle revienne vers moi. Parce que, quand elle m’appelait, elle n’était pas au Sénégal. Je reste à l’écoute et j’attends. C’est toujours un plaisir quand on sollicite mes services. Quand, on ne me les confie pas, je ne m’en mêle pas.
Votre contact avec Sindièly, c’est avant ou après qu’elle a confié le Fesman tour à Awadi et cie ? Ça, je ne saurais le savoir. Car, quand j’ai été approchée par Sindiély, elle ne m’avait pas dit qu’elle avait confié le projet à tel ou tel. Je me suis juste limitée à ce qu’elle m’a dit ,lorsqu’on s’est parlés au téléphone, à la confiance qu’elle m’a témoignée et au rôle qu’elle disait que je pouvais jouer dans ce Fesman tour. J’avoue que c’est quelqu’un de très prudent. Quand elle ne maîtrise pas certaines choses, elle les confie à quelqu’un qui s’y connaît mieux. Pour le reste, j’attends que l’on se voie, puisque c’est ce qu’elle m’avait dit. Maintenant, si c’est Awadi, qui est choisi, je lui souhaite de tout cœur plein succès. Et, je n’ai pas de doute qu’il réussisse sa mission, parce qu’il est quelqu’un de très dynamique, qui connaît le métier et qui est très ambitieux. Je l’apprécie beaucoup.
Depuis lors, vous n’avez pas eu des nouvelles de Sindiély ? Non, depuis lors, je n’ai pas eu de ses nouvelles.
Ça remonte à quand ? Quand elle m’a sollicitée, deux jours après, j’ai vu à la télévision une conférence de presse sur le Fesman tour. Mais, depuis lors, je n’ai pas eu de ses nouvelles. Je continue mon chemin et je travaille sur mes autres projets.
Quels sont vos rapports avec Sindiély ? De bons rapports.Moi, j’ai connu Sindiély, quand son père était dans l’opposition. Le Président Wade a toujours été comme un père pour moi. J’allais assez souvent lui rendre visite au point E. De même qu’à son épouse, Mme Viviane Wade. On entretient d’excellentes relations. Mais je suis une personne, qui, quand les abeilles commencent à tourner autour d’une chose, préfère prendre ses distances. Je préfère être là quand on a besoin de moi, qu’être là juste pour être là. J’ai été là avant, maintenant, il vaut mieux laisser la place aux autres, parce qu’ils en ont plus besoin.
Et avec Karim Wade ? Avec lui aussi, on a des relations sympathiques, c’est tout. Il arrive qu’on se croise au Palais. Rien de plus. Je peux dire qu’on a des relations…, des relations sereines.
Vous étiez très proche de Katoucha Niane. Que retenez-vous d’elle ? Si je devais parler de Katoucha Niane, j’aurais beaucoup de choses à dire. Et mes autres amies se fâcheraient contre moi. D’ailleurs, il y en a beaucoup qui se sont fâchées contre moi, parce qu’elles trouvaient que j’aimais Katoucha plus qu’elles. Katoucha était une personne exceptionnelle. Une personne comme j’en ai rarement vue. Une personne entière, honnête, qui ne parlait jamais des autres. Surtout de mal. C’est aussi une personne qui m’a beaucoup apprise de la vie. Vraiment, c’est quelqu’un qui me manque énormément. C’est vers elle que j’allais pour me confier, sans crainte, ni peur de retrouver mes faiblesses, ma fragilité sur la place publique. C’est elle qui n’hésitait pas à me dire : « Coumba Gawlo Seck, tu peux pleurer autant que tu veux ». Et la minute qui suit, elle se lève et va me chercher de l’eau ». J’avoue qu’elle me manque terriblement.
C’est le fait de ne plus avoir quelqu’un avec qui parler qui vous manque ? Tout me manque chez Katoucha. Sa sympathie, son sourire, sa générosité, sa joie de vivre parce que c’est un éternel enfant. On avait beaucoup de choses en commun. Elle me manque tout court.
Les éléments de l’enquête faisaient état d’une « mort par accident ». Avez-vous des nouveaux éléments concernant son décès ? Il ne faut pas remuer le couteau dans la plaie. C’était très très douloureux pour tout le monde, surtout pour sa famille. On se demande toujours dans quelles conditions elle est morte. Est-ce qu’elle avait souffert ? Est-ce qu’elle avait mal, c’était douloureux ? C’est difficile pour la famille et pour tout le monde. Je pense que, maintenant, il est bon de laisser son âme se reposer en paix.
Aujourd’hui, il ne se passe pas un jour sans qu’on ne parle de viols sur des enfants. Qu’est-ce que cela vous fait ?
Moi, je crois que ce qu’il faut faire, c’est de sanctionner. Il y a des fois où ça ne sert à rien de sensibiliser. On ne fait que ça tous les jours. Mais, apparemment, on a affaire maintenant à des détraqués. Je ne comprends plus rien de ce qui se passe dans notre société. Récemment, j’ai été déprimée par la photo d’un enfant que j’ai vue à la « Une » d’un journal. Sur l’image poignante, une fille qui portait un enfant dont le père était son propre père. Je l’ai vu dans un quotidien de la place avec ce titre : « scandale à Yeumbeul ; une fille violée par son père ». Et puis, l’enfant avait sous les bras un enfant de son propre père. Donc, ils ont le même père. Que va-t-elle devenir pour le restant de ces jours ? C’est extrêmement choquant. Et, tous les jours, on voit des choses comme ça. Je pense que les auteurs de tels faits, il faut les condamner à vie.
Peut-être, les castrer ? Voilà, je suis d’accord, pour qu’on castre certains hommes qui abusent des enfants. Mais je pense que les parents, aussi devraient être plus regardants à l’endroit de leurs enfants. Je suis foncièrement opposée à l’avortement qui est une pratique condamnée par l’Islam, mais, il y a des situations où il ne faut pas laisser venir un enfant au monde. Par exemple, lorsqu’un père viole sa propre fille, je ne vois pas pourquoi faudrait-il laisser prospérer cette grossesse. Si on le sait à temps, il faut aller voir les médecins pour essayer de trouver une solution. Parce que cet enfant, ainsi que sa mère sont condamnés à jamais. Ce sont des choses qui me choquent et qui font saigner mon cœur.
L’actualité, c’est aussi les dépassements budgétaires, les problèmes fonciers, le système éducatif…. Au regard de tous ces maux, êtes-vous satisfaite de la gestion du pays ?
On vit dans un pays, où certaines personnes sont confrontées à de sérieux ennuis. Au niveau de la banlieue, il y a des gens qui vivent dans l’eau. J’en parle, parce que j’en sais quelque chose. Je suis issue de la banlieue et d’une famille modeste. J’ai habité Guédiawaye, Pikine, Thiaroye, Guinaw rail, Fass mbao… J’ai habité partout. Ce qui fait que je comprends parfaitement les problèmes de la banlieue. Ce serait une excellente idée de trouver des solutions par rapport à ça. Les tenants et les aboutissants des dépassements budgétaires et tout ce qui s’en suit, je n’en comprends absolument rien. Surtout que non seulement nos gouvernants doivent disposer d’un plan de gestion, de tableaux de suivi du budget, ainsi que des ressources humaines qui doivent autoriser ce qui doit être dépensé ou pas. Sans compter le fait qu’avant de procéder à des dépenses, il a été prévu un plan de décaissement. Comment donc, il peut y avoir des dépassements budgétaires ? A moins qu’il y ait une mauvaise gestion, quelque part. À cela, s’ajoutent les enseignants qui râlent par-ci et par-là parce qu’ils sont mal payés. Ce sont des pères de familles. Il faut trouver les moyens d’améliorer leurs conditions de vie et de travail. Les enseignants sont ceux qui dispensent le Savoir. Je pense que, dans un pays, les secteurs dans lesquels il faut concentrer beaucoup d’efforts, c’est celui de l’éducation, de la santé.
Et pour les grévistes de la faim de l’hôtel Indépendance ? Très souvent, les gens, qui font recours à la grève de la faim, sont confrontés à des difficultés et ont le sentiment de n’avoir pas été, à un moment de leur existence, écoutés par les décideurs. Avec les travailleurs de l’hôtel Indépendance, j’avoue que je ne dispose pas de toutes les informations, pour pouvoir me prononcer sur cette grève de la faim. Mais tout ce que je sais, c’est que dans la grève des travailleurs de Ama ou de l’hôtel Indépendance, l’éthique exige que toute personne qui travaille, doit rentrer dans ses fonds à la fin du mois. D’autant qu’il y a des travailleurs comme ceux de Ama, qui côtoient à longueur de journée le danger, parce qu’ils exercent leur boulot sans masques, ni gants. À ces risques s’ajoute le fait qu’ils sont payés en monnaie de singe.
Après le renom, l’argent et le succès, quel est aujourd’hui le défi de Coumba Gawlo ? Je me lance plein de défis. Le défi de faire de telle sorte que, à la fin de ma carrière, mon nom puisse, à travers la musique, faire partie de ceux des personnes qui ont beaucoup apporté à leur pays. Le défi de faire partie, dans le monde, des personnes qui ont crée des choses qui marquent dans le domaine de l’industrie culturelle. Qui ont marqué l’histoire de par leurs investissements, la création d’emplois, le développement de l’industrie culturelle, parce que j’y crois. Faire partie des personnes qui ont fait le plus de disques pour leurs fans. Et puis, dans le cadre de mes actions humanitaires, je souhaite faire partie des personnes qui sensibilisent pour attirer l’attention des jeunes sur certains fléaux.
Gawlo et le mariage ? Yalla mo kham, yalla mo kham ! (NDLR : seul Dieu sait)
C’est en bonne voie ? Je ne sais pas. Yalla mo kham ! mangui dégglou Yalla dal, limou déf nonou la (NDLR : je laisse tout entre les mains de Dieu ). Je crois en Dieu. Dieu m’a donné tellement de choses à mon âge. C’est ce que je dis à tout le monde, à ma famille. Il m’a donné tant de choses à mon âge. Ce qu’il me donnera dans l’avenir, je prendrai les yeux fermés. Ce qu’il ne me donne pas, j’accepte Sa Volonté, je me mets à genoux et je continue à prier.
Propos recueillis par Madou MBODJ et Hadja Diaw NDIAYE
Coumba Gawlo n’est décidément pas comme « ces » autres !
L’immeuble est niché au cœur de Sacré-Cœur 3. Sacré-Cœur « montagne », devrait-on rebaptiser le coin parce qu’il faut avoir des prédispositions d’escaladeur pour arriver aux bureaux de la célèbre chanteuse Coumba Gawlo Seck. Devant l’entrée, aucune inscription n’indique quoi que ce soit. Un gardien vient vers Madou Mbodji. Il le reconnaît. Le temps de monter pour avertir la conseillère en Com de notre présence, il redescend pour dire que le feu est vert. Avant de nous laisser passer, il prend le soin de noter les identités du reporter photographe et de votre serviteur. Ici, on n’entre pas comme dans un Moulin ! Encore moins comme au Palais. Au premier, les deux secrétaires sont en rouge et tout sourire. On nous installe dans le balcon, où est aménagé un petit salon en fer forgé. Il n’y fait pas froid, sous ce soleil d’hivernage. Heureusement, la conseillère en Com vient à notre secours. Vêtue d’un ensemble lin de couleur blanche, elle informe que Coumba ne va pas tarder, c’est la faute aux embouteillages. Même pas cinq minutes de retard, y a pas de quoi fouetter un chat, entre Sénégalais, on se comprend. Au deuxième, des boissons rafraîchissantes ne sont pas de refus. Haut jaune poussin décolleté à l’avant, sans manche, noué à la taille, pantalon bleu, chaussures noires font ressortir sa taille svelte. Elle ouvre la porte de son bureau, avance avec un large sourire, et tend la main. La chanteuse s’excuse de ne pouvoir nous recevoir « tout de suite », juste un détail à régler avec le chanteur Pape Diouf. Priorité à la famille ! Pragmatique, la chanteuse ne s’éternise pas et revient au bout d’une dizaine de minutes. Elle se retire dans son bureau. De l’autre côté de la baie vitrée, votre serviteur, son chien de garde, qui est assis en face de la porte, guette la réaction de Coumba. Qui jette un regard sur le protocole de questions. Brève réunion restreinte de quelques membres du staff, elle rouvre la porte et lance : « je suis à vous, je m’excuse de vous avoir fait attendre ». Elle nous installe. Présentations, mots de bienvenue et c’est parti ! Trentaine de questions sur son dernier clip, l’organisation du Fesman, actualité... Lorsqu’au bout de deux heures, la conseillère en Com pousse un grand ouf de soulagement, le constat qui s’impose comme le nez sur la figure, c’est que Coumba Gawlo Seck en a dans la tête ! Elle a une excellente culture générale, est très imprégnée de l’actu, dépasse de loin toutes les autres chanteuses sénégalaises. La comparaison frise la diffamation ! Pas de faux-fuyant ni de questions tabou. Avec elle, ce ne sont pas des débilités du genre couleur, plat préféré, rapports avec les autres artistes, ce qu’elle déteste ou aime le plus chez l’autre, son pire ou plus beau souvenir… Ce sont des débats sur les objectifs d’une entreprise qui a fini de se faire un nom depuis 7 ans, des thèmes comme la prise en charge des personnes victimes de sévices sexuels, la scolarisation des filles qui devront, à la majorité se prendre en charge pour ne pas tout supporter, sans broncher, d’un mari polygame juste bon à faire des bébés chaque année, des défis à relever… Lorsque nous avons posé la redondante question de son mariage, la tête à l’arrière, elle a éclaté de rire, avant de lancer à sa conseillère en Com : « Je te l’avais dit qu’ils ne pourraient pas s’empêcher de poser cette question ». En plus, ça lit dans les pensées de journalistes ! Sacrée Coumba, la voix d’or.
Hadja Diaw NDIAYE
LAS
Coumba Gawlo Seck : Je viens de boucler le tournage du clip de la vidéo « mbeuguel », qui est l’une des chansons préférées du public dans cet album « Dieureudieuf ». Et c’est un clip très fort, du point de vue de la conception, de l’image, des costumes, du style. Bref, à tous les niveaux. Je voulais aussi une vidéo très très forte, vu que la chanson, en elle-même, est une chanson très très forte, de par son intro, les tonalités vocales, les sonos qu’il y a…. Donc, il fallait que la vidéo soit à la même hauteur que la chanson pour ne pas décevoir le public. On y a mis les moyens qu’il faut avec deux nuits de tournage. Ce qui n’était pas évident. C’est une vidéo que j’aime beaucoup. Et je suis sûre qu’il va plaire au public. Du moins, je l’espère. Autre chose qu’il faut noter également, c’est qu’à travers ce clip, on va découvrir plusieurs autres facettes de ma personnalité. Parce qu’on va beaucoup me voir dans cette vidéo en train de danser toute seule, d’assurer des chorégraphies. Parce que le métier que je fais est un métier dans lequel il faut savoir se surpasser, surprendre également. En plus, puisque je suis convaincue que le mot : « impossible » ne doit pas exister dans ce métier, je me suis dit que je vais surprendre mon public et lui montrer que j’ai fait beaucoup d’efforts, du point de vue de la danse. Le premier objectif, c’était ça. Le second, c’est que j’ai voulu, à travers ce clip, rendre hommage à une grande danseuse des années 50-60 nommée, Joséphine Becker, à travers les costumes et autres. Car, dans cette vidéo, je suis un peu habillée comme elle. Je l’ai beaucoup aimée.
Mbeuguel, c’est un thème qui revient souvent dans vos albums. Est-ce que vous n’avez pas l’impression de faire comme les autres ? Non ! Moi, je pense que l’amour…est au début, au milieu et à la fin de toute chose. L’amour pour son prochain, l’amour pour sa famille, l’amour pour les personnes qui nous sont chères, pour son travail, pour soi-même. L’amour est la source de la vie. Même dans le boulot, quand on n’aime pas ce que l’on fait, on ne pourra jamais avancer. Et personnellement, j’aime les gens, les échanges…. C’est pourquoi l’amour revient toujours dans mes chansons. C’est important de garder de l’amour en soi.
Vos détracteurs vous accusent souvent de puiser dans un registre qui heurte la morale des Sénégalais, pour ce qui est des tenues et de la mise en scène. Est-ce que vous avez pensé corriger ça ? Écoutez ! Je pense que vous avez dit quelque chose de très important au début de votre question, en faisant allusion aux détracteurs. Ben, écoutez ! les détracteurs, ce qu’ils disent, je m’en fous, parce que ce sont des détracteurs. Le plus important, c’est d’écouter les critiques qui sont positives. Qui viennent de personnes qui sont positives. Des critiques fondées et logiques. Maintenant, il faut savoir que, depuis la sortie des tubes « sa li, sa lé », « bine-bine » et autres, j’ai beaucoup changé. J’ai beaucoup mûri. Parce que la carrière d’un artiste est faite de plusieurs étapes. Maintenant, je suis arrivée à une autre étape de ma carrière et de ma vie professionnelle. Je pense que j’ai d’autres aspirations, d’autres visions de l’art. D’autres visions de mes obligations professionnelles, de mes choix. Par moments, on fait des choix dans la vie personnelle ou professionnelle. Surtout professionnelle. En un moment donné, on se dit, maintenant, j’ai envie d’aller à un autre niveau. Je pense que ce qu’il faut voir maintenant dans mes vidéos, c’est l’originalité. C’est l’audace, la créativité. Voilà ce qui est le plus important.
Ça veut dire que vous avez atteint, au plan professionnel, une certaine maturité ? Beaucoup de maturité ! Parce que, quand on est à son 20ème album, on n’a plus grand chose à apprendre. Même si chaque jour est source d’apprentissage, de leçons. On apprend tous les jours de la vie. Mais, malgré tout, il y a beaucoup de choses qui ont été faites.
En parlant de « Amadou ». Pourquoi avoir repris le clip, de façon plus osée ? En fait, je n’ai pas repris « Amadou ». J’ai, disons…C’est certainement lors d’un show en live. Il y a parfois des chansons que vous entendez dans les sorties d’albums et qui sont reprises par la suite, lors des live. Donc, dans la carrière d’un artiste, surtout dans les pays développés, il y a toujours des sorties d’albums normales et des sorties d’albums live.
Nous parlons du clip même ? Du clip ?
Il paraît que ça a été repris. Mieux, c’est une fois qu’il a été diffusé. Et, depuis rien ? Non, Non ! Le clip n’a pas été repris. Jusque-là, les vidéos, qui ont été faites, sont celles qui sont sorties avec l’album « Dieureudieuf ». Et puis, le dernier « Mbeuguel », qui me permet de rendre hommage à Joséphine Becker.
Pour le Fesman, vous faites partie des grosses pointures de la musique retenues pour l’organisation de la manifestation. Comment ça s’est passé ? Oui ! J’ai effectivement été approchée dès le départ par Alioune Badara Bèye. Qui m’a choisie en tant qu’ambassadrice. Je fais partie des ambassadeurs du Fesman aux côtés de Thione Seck, Ismaël Lô, Baba Maal, Omar Pène et Youssou Ndour. Mon rôle donc, a été de véhiculer le message sur le Fesman en tant qu’ambassadrice. C’est quelque chose qui m’honore beaucoup.
Vous êtes donc la seule femme ? Oui, oui ! Je suis la seule femme. Je pense qu’ils ont voulu choisir aussi des ambassadeurs par rapport à la dimension internationale de chaque personne dans le milieu du showbiz.
Sous forme de contrat ? Non, il n’y a pas de contrat. Quand on fait quelque chose pour son pays…, il n’y a qu’un contrat moral qui puisse vous lier. J’ai été choisie par mon pays pour être ambassadrice d’un événement aussi gigantesque que le Fesman. Vous devinez aisément qu’il ne peut y avoir d’autre contrat, si ce n’est moral. Et je suis à la fois très honorée et flattée d’avoir été choisie pour véhiculer ce message à l’endroit des autres artistes du monde que je connais dans le cadre de mes concerts. Ni plus ni moins.
Pas de contrat, signifie-t-il pas de contrepartie financière ? Non, pas forcément ! Parce que c’est déjà… (elle ne termine pas sa pensée). Je trouve que c’est déjà un grand honneur d’avoir été choisi, en tant qu’ambassadeur pour véhiculer un événement qui se passe dans son pays. Pour le développer, pour le faire connaître, pour le véhiculer auprès d’autres artistes. Car l’idée, c’était de choisir des personnes comme moi et les autres que j’ai citées, pour que chacun puisse, lors de ses grandes tournées nationales, internationales et les rencontres avec les artistes d’autres pays, pouvoir faire la promotion du Fesman. Je pense que chacun, en ce qui le concerne, a déjà commencé ce travail. Pour ma part, j’ai commencé à jouer ce rôle déjà avec des artistes tels que : Axel Réd et d’autres.
Lors du Conseil présidentiel sur le Fesman, pourquoi le Président Wade avait-il tiré à bout portant sur vous ? Le président de la République a tiré à bout portant sur qui ?
Les organisateurs, les artistes, bref il n’était pas du tout satisfait de tout ce beau monde… (Sur un ton ferme ) Non ! le président de la République ne s’en est pas pris à nous, parce que les artistes, nous ne sommes pas les organisateurs du Fesman. Nous sommes des ambassadeurs de bonne volonté, qui ne sont ni payés, ni recrutés par le président de la République, encore moins par un autre. Jusque-là, on n’a reçu aucun franc du Fesman. Du moins, moi, je n’ai jamais rien reçu. Je lève haut la main pour le dire. Nous ne savons rien du Fesman. En conséquence, nous n’avons pas de compte à rendre au président de la République. Qui, également, ne nous a jamais rien demandé. Je pense que si le chef de l’Etat, pour utiliser encore votre expression, a tiré à bout portant sur des gens, c’était sur les organisateurs pour montrer son insatisfaction quant au niveau d’organisation. Par rapport à des dysfonctionnements qu’il y aurait eu notamment sur le retard des préparatifs. Et nous, en tant qu’artistes, nous ne pouvons que constater et observer. D’autant que ce sont les organisateurs qui doivent faire les choses, venir nous dire voilà où nous en sommes et, maintenant, ce que nous attendons de vous.
Que pensez-vous du Fesman tour ? Je pense que le Fesman tour entre dans le cadre d’une bonne campagne de communication. Car les gens ne savent pas, jusqu’ici, ce que c’est le Fesman.
Quel a été votre sentiment, lorsque vous avez appris que le Fesman tour a été confié à un label autre que le vôtre ? Je pense que le champ est assez vaste. Chacun peut y trouver sa place. Nous, nous sommes un label de production, notamment le label : « Sabar ». C’est un label de production, de distribution et d’organisation de spectacle. Et, nous avons, quand même, beaucoup d’années d’expérience dans ce métier, grâce à Dieu. Nous arrivons à réaliser beaucoup d’événements, qui vont au-delà du Fesman tour. Nous faisons des tournées en dehors du Sénégal, donc, en Afrique, en Europe. On nous confie des événements de grande envergure, et parfois par des organismes internationaux. Et, jusque-là, nous avons fait preuve de professionnalisme et de satisfaction à l’endroit de nos partenaires. Car c’est un point d’honneur de réussir les choses et de répondre à l’attente des partenaires. D’autres événements nous ont été confiés dans le passé. Maintenant, si, de la même manière, il y en a d’autres qui arrivent à faire la même chose, en tant qu’acteur de la musique, je ne peux que m’en réjouir et leur souhaiter bonne chance et bon vent. Et, si on nous demande notre avis, comme c’est parfois le cas, ce sera toujours un plaisir, pour nous, de le donner. J’avoue que, dans le cadre du Fesman tour, j’ai été approchée, personnellement par Sindiély (NDLR : la fille du président de la République, Sindjély Wade). Elle m’a personnellement téléphonée pour m’en parler. Elle m’a dit sa motivation par rapport à cet événement qui lui tient à coeur. Mieux, qu’elle souhaitait que je sois à ses côtés pour le déroulement et la réussite de cet événement. Maintenant, il était question à la suite de cela qu’elle revienne vers moi. Parce que, quand elle m’appelait, elle n’était pas au Sénégal. Je reste à l’écoute et j’attends. C’est toujours un plaisir quand on sollicite mes services. Quand, on ne me les confie pas, je ne m’en mêle pas.
Votre contact avec Sindièly, c’est avant ou après qu’elle a confié le Fesman tour à Awadi et cie ? Ça, je ne saurais le savoir. Car, quand j’ai été approchée par Sindiély, elle ne m’avait pas dit qu’elle avait confié le projet à tel ou tel. Je me suis juste limitée à ce qu’elle m’a dit ,lorsqu’on s’est parlés au téléphone, à la confiance qu’elle m’a témoignée et au rôle qu’elle disait que je pouvais jouer dans ce Fesman tour. J’avoue que c’est quelqu’un de très prudent. Quand elle ne maîtrise pas certaines choses, elle les confie à quelqu’un qui s’y connaît mieux. Pour le reste, j’attends que l’on se voie, puisque c’est ce qu’elle m’avait dit. Maintenant, si c’est Awadi, qui est choisi, je lui souhaite de tout cœur plein succès. Et, je n’ai pas de doute qu’il réussisse sa mission, parce qu’il est quelqu’un de très dynamique, qui connaît le métier et qui est très ambitieux. Je l’apprécie beaucoup.
Depuis lors, vous n’avez pas eu des nouvelles de Sindiély ? Non, depuis lors, je n’ai pas eu de ses nouvelles.
Ça remonte à quand ? Quand elle m’a sollicitée, deux jours après, j’ai vu à la télévision une conférence de presse sur le Fesman tour. Mais, depuis lors, je n’ai pas eu de ses nouvelles. Je continue mon chemin et je travaille sur mes autres projets.
Quels sont vos rapports avec Sindiély ? De bons rapports.Moi, j’ai connu Sindiély, quand son père était dans l’opposition. Le Président Wade a toujours été comme un père pour moi. J’allais assez souvent lui rendre visite au point E. De même qu’à son épouse, Mme Viviane Wade. On entretient d’excellentes relations. Mais je suis une personne, qui, quand les abeilles commencent à tourner autour d’une chose, préfère prendre ses distances. Je préfère être là quand on a besoin de moi, qu’être là juste pour être là. J’ai été là avant, maintenant, il vaut mieux laisser la place aux autres, parce qu’ils en ont plus besoin.
Et avec Karim Wade ? Avec lui aussi, on a des relations sympathiques, c’est tout. Il arrive qu’on se croise au Palais. Rien de plus. Je peux dire qu’on a des relations…, des relations sereines.
Vous étiez très proche de Katoucha Niane. Que retenez-vous d’elle ? Si je devais parler de Katoucha Niane, j’aurais beaucoup de choses à dire. Et mes autres amies se fâcheraient contre moi. D’ailleurs, il y en a beaucoup qui se sont fâchées contre moi, parce qu’elles trouvaient que j’aimais Katoucha plus qu’elles. Katoucha était une personne exceptionnelle. Une personne comme j’en ai rarement vue. Une personne entière, honnête, qui ne parlait jamais des autres. Surtout de mal. C’est aussi une personne qui m’a beaucoup apprise de la vie. Vraiment, c’est quelqu’un qui me manque énormément. C’est vers elle que j’allais pour me confier, sans crainte, ni peur de retrouver mes faiblesses, ma fragilité sur la place publique. C’est elle qui n’hésitait pas à me dire : « Coumba Gawlo Seck, tu peux pleurer autant que tu veux ». Et la minute qui suit, elle se lève et va me chercher de l’eau ». J’avoue qu’elle me manque terriblement.
C’est le fait de ne plus avoir quelqu’un avec qui parler qui vous manque ? Tout me manque chez Katoucha. Sa sympathie, son sourire, sa générosité, sa joie de vivre parce que c’est un éternel enfant. On avait beaucoup de choses en commun. Elle me manque tout court.
Les éléments de l’enquête faisaient état d’une « mort par accident ». Avez-vous des nouveaux éléments concernant son décès ? Il ne faut pas remuer le couteau dans la plaie. C’était très très douloureux pour tout le monde, surtout pour sa famille. On se demande toujours dans quelles conditions elle est morte. Est-ce qu’elle avait souffert ? Est-ce qu’elle avait mal, c’était douloureux ? C’est difficile pour la famille et pour tout le monde. Je pense que, maintenant, il est bon de laisser son âme se reposer en paix.
Aujourd’hui, il ne se passe pas un jour sans qu’on ne parle de viols sur des enfants. Qu’est-ce que cela vous fait ?
Moi, je crois que ce qu’il faut faire, c’est de sanctionner. Il y a des fois où ça ne sert à rien de sensibiliser. On ne fait que ça tous les jours. Mais, apparemment, on a affaire maintenant à des détraqués. Je ne comprends plus rien de ce qui se passe dans notre société. Récemment, j’ai été déprimée par la photo d’un enfant que j’ai vue à la « Une » d’un journal. Sur l’image poignante, une fille qui portait un enfant dont le père était son propre père. Je l’ai vu dans un quotidien de la place avec ce titre : « scandale à Yeumbeul ; une fille violée par son père ». Et puis, l’enfant avait sous les bras un enfant de son propre père. Donc, ils ont le même père. Que va-t-elle devenir pour le restant de ces jours ? C’est extrêmement choquant. Et, tous les jours, on voit des choses comme ça. Je pense que les auteurs de tels faits, il faut les condamner à vie.
Peut-être, les castrer ? Voilà, je suis d’accord, pour qu’on castre certains hommes qui abusent des enfants. Mais je pense que les parents, aussi devraient être plus regardants à l’endroit de leurs enfants. Je suis foncièrement opposée à l’avortement qui est une pratique condamnée par l’Islam, mais, il y a des situations où il ne faut pas laisser venir un enfant au monde. Par exemple, lorsqu’un père viole sa propre fille, je ne vois pas pourquoi faudrait-il laisser prospérer cette grossesse. Si on le sait à temps, il faut aller voir les médecins pour essayer de trouver une solution. Parce que cet enfant, ainsi que sa mère sont condamnés à jamais. Ce sont des choses qui me choquent et qui font saigner mon cœur.
L’actualité, c’est aussi les dépassements budgétaires, les problèmes fonciers, le système éducatif…. Au regard de tous ces maux, êtes-vous satisfaite de la gestion du pays ?
On vit dans un pays, où certaines personnes sont confrontées à de sérieux ennuis. Au niveau de la banlieue, il y a des gens qui vivent dans l’eau. J’en parle, parce que j’en sais quelque chose. Je suis issue de la banlieue et d’une famille modeste. J’ai habité Guédiawaye, Pikine, Thiaroye, Guinaw rail, Fass mbao… J’ai habité partout. Ce qui fait que je comprends parfaitement les problèmes de la banlieue. Ce serait une excellente idée de trouver des solutions par rapport à ça. Les tenants et les aboutissants des dépassements budgétaires et tout ce qui s’en suit, je n’en comprends absolument rien. Surtout que non seulement nos gouvernants doivent disposer d’un plan de gestion, de tableaux de suivi du budget, ainsi que des ressources humaines qui doivent autoriser ce qui doit être dépensé ou pas. Sans compter le fait qu’avant de procéder à des dépenses, il a été prévu un plan de décaissement. Comment donc, il peut y avoir des dépassements budgétaires ? A moins qu’il y ait une mauvaise gestion, quelque part. À cela, s’ajoutent les enseignants qui râlent par-ci et par-là parce qu’ils sont mal payés. Ce sont des pères de familles. Il faut trouver les moyens d’améliorer leurs conditions de vie et de travail. Les enseignants sont ceux qui dispensent le Savoir. Je pense que, dans un pays, les secteurs dans lesquels il faut concentrer beaucoup d’efforts, c’est celui de l’éducation, de la santé.
Et pour les grévistes de la faim de l’hôtel Indépendance ? Très souvent, les gens, qui font recours à la grève de la faim, sont confrontés à des difficultés et ont le sentiment de n’avoir pas été, à un moment de leur existence, écoutés par les décideurs. Avec les travailleurs de l’hôtel Indépendance, j’avoue que je ne dispose pas de toutes les informations, pour pouvoir me prononcer sur cette grève de la faim. Mais tout ce que je sais, c’est que dans la grève des travailleurs de Ama ou de l’hôtel Indépendance, l’éthique exige que toute personne qui travaille, doit rentrer dans ses fonds à la fin du mois. D’autant qu’il y a des travailleurs comme ceux de Ama, qui côtoient à longueur de journée le danger, parce qu’ils exercent leur boulot sans masques, ni gants. À ces risques s’ajoute le fait qu’ils sont payés en monnaie de singe.
Après le renom, l’argent et le succès, quel est aujourd’hui le défi de Coumba Gawlo ? Je me lance plein de défis. Le défi de faire de telle sorte que, à la fin de ma carrière, mon nom puisse, à travers la musique, faire partie de ceux des personnes qui ont beaucoup apporté à leur pays. Le défi de faire partie, dans le monde, des personnes qui ont crée des choses qui marquent dans le domaine de l’industrie culturelle. Qui ont marqué l’histoire de par leurs investissements, la création d’emplois, le développement de l’industrie culturelle, parce que j’y crois. Faire partie des personnes qui ont fait le plus de disques pour leurs fans. Et puis, dans le cadre de mes actions humanitaires, je souhaite faire partie des personnes qui sensibilisent pour attirer l’attention des jeunes sur certains fléaux.
Gawlo et le mariage ? Yalla mo kham, yalla mo kham ! (NDLR : seul Dieu sait)
C’est en bonne voie ? Je ne sais pas. Yalla mo kham ! mangui dégglou Yalla dal, limou déf nonou la (NDLR : je laisse tout entre les mains de Dieu ). Je crois en Dieu. Dieu m’a donné tellement de choses à mon âge. C’est ce que je dis à tout le monde, à ma famille. Il m’a donné tant de choses à mon âge. Ce qu’il me donnera dans l’avenir, je prendrai les yeux fermés. Ce qu’il ne me donne pas, j’accepte Sa Volonté, je me mets à genoux et je continue à prier.
Propos recueillis par Madou MBODJ et Hadja Diaw NDIAYE
Coumba Gawlo n’est décidément pas comme « ces » autres !
L’immeuble est niché au cœur de Sacré-Cœur 3. Sacré-Cœur « montagne », devrait-on rebaptiser le coin parce qu’il faut avoir des prédispositions d’escaladeur pour arriver aux bureaux de la célèbre chanteuse Coumba Gawlo Seck. Devant l’entrée, aucune inscription n’indique quoi que ce soit. Un gardien vient vers Madou Mbodji. Il le reconnaît. Le temps de monter pour avertir la conseillère en Com de notre présence, il redescend pour dire que le feu est vert. Avant de nous laisser passer, il prend le soin de noter les identités du reporter photographe et de votre serviteur. Ici, on n’entre pas comme dans un Moulin ! Encore moins comme au Palais. Au premier, les deux secrétaires sont en rouge et tout sourire. On nous installe dans le balcon, où est aménagé un petit salon en fer forgé. Il n’y fait pas froid, sous ce soleil d’hivernage. Heureusement, la conseillère en Com vient à notre secours. Vêtue d’un ensemble lin de couleur blanche, elle informe que Coumba ne va pas tarder, c’est la faute aux embouteillages. Même pas cinq minutes de retard, y a pas de quoi fouetter un chat, entre Sénégalais, on se comprend. Au deuxième, des boissons rafraîchissantes ne sont pas de refus. Haut jaune poussin décolleté à l’avant, sans manche, noué à la taille, pantalon bleu, chaussures noires font ressortir sa taille svelte. Elle ouvre la porte de son bureau, avance avec un large sourire, et tend la main. La chanteuse s’excuse de ne pouvoir nous recevoir « tout de suite », juste un détail à régler avec le chanteur Pape Diouf. Priorité à la famille ! Pragmatique, la chanteuse ne s’éternise pas et revient au bout d’une dizaine de minutes. Elle se retire dans son bureau. De l’autre côté de la baie vitrée, votre serviteur, son chien de garde, qui est assis en face de la porte, guette la réaction de Coumba. Qui jette un regard sur le protocole de questions. Brève réunion restreinte de quelques membres du staff, elle rouvre la porte et lance : « je suis à vous, je m’excuse de vous avoir fait attendre ». Elle nous installe. Présentations, mots de bienvenue et c’est parti ! Trentaine de questions sur son dernier clip, l’organisation du Fesman, actualité... Lorsqu’au bout de deux heures, la conseillère en Com pousse un grand ouf de soulagement, le constat qui s’impose comme le nez sur la figure, c’est que Coumba Gawlo Seck en a dans la tête ! Elle a une excellente culture générale, est très imprégnée de l’actu, dépasse de loin toutes les autres chanteuses sénégalaises. La comparaison frise la diffamation ! Pas de faux-fuyant ni de questions tabou. Avec elle, ce ne sont pas des débilités du genre couleur, plat préféré, rapports avec les autres artistes, ce qu’elle déteste ou aime le plus chez l’autre, son pire ou plus beau souvenir… Ce sont des débats sur les objectifs d’une entreprise qui a fini de se faire un nom depuis 7 ans, des thèmes comme la prise en charge des personnes victimes de sévices sexuels, la scolarisation des filles qui devront, à la majorité se prendre en charge pour ne pas tout supporter, sans broncher, d’un mari polygame juste bon à faire des bébés chaque année, des défis à relever… Lorsque nous avons posé la redondante question de son mariage, la tête à l’arrière, elle a éclaté de rire, avant de lancer à sa conseillère en Com : « Je te l’avais dit qu’ils ne pourraient pas s’empêcher de poser cette question ». En plus, ça lit dans les pensées de journalistes ! Sacrée Coumba, la voix d’or.
Hadja Diaw NDIAYE
LAS