Sidy Diop, 57 ans, vigile du cimetière de Thiaroye, est un grenier à révélations. Dans la solitude des lieux qu’il surveille depuis 22 ans, ce vigile à l’ancienne qui symbolise à lui seul l’histoire du cimetière de Thiaroye raconte la part de mystique dans l’ambiance lugubre de ce cimetière très spécial. Sidy Diop en profite pour dénoncer la désinvolture dont font montre les Sénégalais à l’endroit de ces vaillants Africains sauvagement assassinés par l’Armée française, avant d’être ensevelis nuitamment dans des fosses communes. Sidy Diop révèle sa part de Thiaroye…
« Cela fait vingt-deux ans que je veille sur le cimetière de Thiaroye. Au début, c’était difficile. C’est avec mes maigres moyens que j’ai commencé à désherber ce cimetière. Puis, à veiller sur les tombes. C’est comme cela qu’un jour un capitaine sénégalais, (Hansou Sagna, devenu colonel de l’Armée sénégalaise, Ndlr) qui à l’époque servait au camp militaire de Thiaroye, m’a remarqué au cours d’une inspection. Il m’a demandé pourquoi je faisais cela, je lui ai répondu que moi-même je ne savais pas. Il était ébahi et il m’a fait venir le lendemain au camp militaire de Thiaroye pour dire que dorénavant j’étais choisi pour servir de guide aux visiteurs, veiller sur les tombes et entretenir le cimetière.
J’ai accepté, même s’il n’y avait pas de contrepartie financière. Pendant toutes ces années, j’ai travaillé de façon bénévole, jusqu’à l’arrivée du Président Wade qui, un jour précédent sa visite dans ce cimetière, a dépêché son Chef de protocole, Bruno (Diatta). Après un long échange, j’ai donné à Bruno main à main mon dossier, ensuite, il l’a remis au président de la République Me Abdoulaye Wade. Au cours d’une visite, le président de la République, Me Abdoulaye Wade, devant toute l’assistance, a instruit le maire de Pikine Daour Niang Ndiaye, à l’époque, de m’octroyer un salaire et de me faire un rappel de tous les mois qui ont précédés sa visite. Malheureusement rien n’a été fait. Pendant trois ans, je n’ai rien reçu. Cela ne m’a pas découragé, j’ai continué à veiller sur les tombes des tirailleurs. A la seconde visite de Me Wade, j’ai pu échanger avec lui et il était furieux de constater que ses directives n’ont pas été suivies d’effet. Le Président m’a fait venir à la Présidence. Après cette audience, il a commencé à m’octroyer un salaire de 250.000 FCfa. C’est pour vous dire combien le Président Wade tenait au respect de la mémoire de ces tirailleus sénégalais. Mais après sa perte du pouvoir, je ne reçois plus mon salaire.
« Les Sénégalais n’ont pas de considération pour le cimetière de Thiaroye »
C’est avec ce salaire pourtant que je payais l’équipement pour nettoyer les lieux. Il m’arrivait aussi avec cet argent d’intéresser le second gardien. Mais comme c’est devenu une passion, je n’en ai pas fait un drame. J’ai continué et fort heureusement entre-temps Pape Sagna Mbaye nous a aidés à mieux nous occuper des lieux. Cependant, ce qui me désole le plus c’est que ce cimetière ne semble pas être la préoccupation des Sénégalais. Passée la journée du tirailleur où il y a une forte affluence, c’est l’oubli. Seuls des tirailleurs qui ont survécu à la tuerie de Thiaroye44 me tenaient compagnie, ils venaient prier en la mémoire de leurs frères d’armes. Mais un à un, tous ces tirailleurs sont aujourd’hui décédés. Les Sénégalais n’ont pas de considérations pour ce cimetière, cela est inconcevable. Ils ont versé leur sang et ont fait honneur à l’Afrique. Comment voulez-vous que les Européens aient de la considération pour nous, si nous n’avons aucun respect pour ces tirailleurs ?
Nous saluons l’idée de l’actuel maire de Pikine Pape Sagna Mbaye qui a construit un mémorial qui jouxte les tombes des tirailleurs. Il a été inauguré le 31 décembre 2010 par l’ancien ministre des Forces armées, Bécaye Diop. Aujourd’hui, l’Etat du Sénégal doit veiller à ce que le Président François Hollande tienne parole et déclassifie les archives. D’ailleurs, de petits-fils de tirailleurs sénégalais regroupés en association sont sur le point de déposer une plainte contre la France. Parce que cela leur fait mal que ce cimetière soit non seulement délaissé, mais aussi que les archives ne soient pas déclassées. En tout cas, dans ce cimetière, j’ai une mission et je vais la remplir. Chaque 9 décembre, nous organisons un récital de Coran avec un religieux du nom de Massou Niang venu de la Gambie, une quarantaine d’imams des localités environnantes du cimetière s’associe à ce récital. Le saint homme reste ici et passe trois nuits successives dans le cimetière, près des tombes. Nous l’avons toujours fait jusqu’à l’année dernière, lorsque des gens malintentionnés sont allés « travailler » l’oreille des militaires qui nous l’ont interdit.
Chaque jeudi, la nuit, aux environs de 21 heures 30 mn, il se passe ici une chose inexplicable. Une lumière vive quitte le cimetière pour monter au ciel. Et souvent, il y a des saints qui, sans qu’on s’y attende apparaissent dans le cimetière. Je certifie avoir vu ici la nuit à l’état de veille un saint homme enturbanné. Soit en rêve ou en semi-éveil Serigne Touba, Serigne Fallou, Cheikh Oumar Foutiyou, Serigne Babacar Sy ont fait des apparitions furtives dans ce cimetière. C’est vous dire que les Sénégalais gagneraient à avoir plus de considération pour ces lieux. S’ils savaient…
L’Observateur
« Cela fait vingt-deux ans que je veille sur le cimetière de Thiaroye. Au début, c’était difficile. C’est avec mes maigres moyens que j’ai commencé à désherber ce cimetière. Puis, à veiller sur les tombes. C’est comme cela qu’un jour un capitaine sénégalais, (Hansou Sagna, devenu colonel de l’Armée sénégalaise, Ndlr) qui à l’époque servait au camp militaire de Thiaroye, m’a remarqué au cours d’une inspection. Il m’a demandé pourquoi je faisais cela, je lui ai répondu que moi-même je ne savais pas. Il était ébahi et il m’a fait venir le lendemain au camp militaire de Thiaroye pour dire que dorénavant j’étais choisi pour servir de guide aux visiteurs, veiller sur les tombes et entretenir le cimetière.
J’ai accepté, même s’il n’y avait pas de contrepartie financière. Pendant toutes ces années, j’ai travaillé de façon bénévole, jusqu’à l’arrivée du Président Wade qui, un jour précédent sa visite dans ce cimetière, a dépêché son Chef de protocole, Bruno (Diatta). Après un long échange, j’ai donné à Bruno main à main mon dossier, ensuite, il l’a remis au président de la République Me Abdoulaye Wade. Au cours d’une visite, le président de la République, Me Abdoulaye Wade, devant toute l’assistance, a instruit le maire de Pikine Daour Niang Ndiaye, à l’époque, de m’octroyer un salaire et de me faire un rappel de tous les mois qui ont précédés sa visite. Malheureusement rien n’a été fait. Pendant trois ans, je n’ai rien reçu. Cela ne m’a pas découragé, j’ai continué à veiller sur les tombes des tirailleurs. A la seconde visite de Me Wade, j’ai pu échanger avec lui et il était furieux de constater que ses directives n’ont pas été suivies d’effet. Le Président m’a fait venir à la Présidence. Après cette audience, il a commencé à m’octroyer un salaire de 250.000 FCfa. C’est pour vous dire combien le Président Wade tenait au respect de la mémoire de ces tirailleus sénégalais. Mais après sa perte du pouvoir, je ne reçois plus mon salaire.
« Les Sénégalais n’ont pas de considération pour le cimetière de Thiaroye »
C’est avec ce salaire pourtant que je payais l’équipement pour nettoyer les lieux. Il m’arrivait aussi avec cet argent d’intéresser le second gardien. Mais comme c’est devenu une passion, je n’en ai pas fait un drame. J’ai continué et fort heureusement entre-temps Pape Sagna Mbaye nous a aidés à mieux nous occuper des lieux. Cependant, ce qui me désole le plus c’est que ce cimetière ne semble pas être la préoccupation des Sénégalais. Passée la journée du tirailleur où il y a une forte affluence, c’est l’oubli. Seuls des tirailleurs qui ont survécu à la tuerie de Thiaroye44 me tenaient compagnie, ils venaient prier en la mémoire de leurs frères d’armes. Mais un à un, tous ces tirailleurs sont aujourd’hui décédés. Les Sénégalais n’ont pas de considérations pour ce cimetière, cela est inconcevable. Ils ont versé leur sang et ont fait honneur à l’Afrique. Comment voulez-vous que les Européens aient de la considération pour nous, si nous n’avons aucun respect pour ces tirailleurs ?
Nous saluons l’idée de l’actuel maire de Pikine Pape Sagna Mbaye qui a construit un mémorial qui jouxte les tombes des tirailleurs. Il a été inauguré le 31 décembre 2010 par l’ancien ministre des Forces armées, Bécaye Diop. Aujourd’hui, l’Etat du Sénégal doit veiller à ce que le Président François Hollande tienne parole et déclassifie les archives. D’ailleurs, de petits-fils de tirailleurs sénégalais regroupés en association sont sur le point de déposer une plainte contre la France. Parce que cela leur fait mal que ce cimetière soit non seulement délaissé, mais aussi que les archives ne soient pas déclassées. En tout cas, dans ce cimetière, j’ai une mission et je vais la remplir. Chaque 9 décembre, nous organisons un récital de Coran avec un religieux du nom de Massou Niang venu de la Gambie, une quarantaine d’imams des localités environnantes du cimetière s’associe à ce récital. Le saint homme reste ici et passe trois nuits successives dans le cimetière, près des tombes. Nous l’avons toujours fait jusqu’à l’année dernière, lorsque des gens malintentionnés sont allés « travailler » l’oreille des militaires qui nous l’ont interdit.
Chaque jeudi, la nuit, aux environs de 21 heures 30 mn, il se passe ici une chose inexplicable. Une lumière vive quitte le cimetière pour monter au ciel. Et souvent, il y a des saints qui, sans qu’on s’y attende apparaissent dans le cimetière. Je certifie avoir vu ici la nuit à l’état de veille un saint homme enturbanné. Soit en rêve ou en semi-éveil Serigne Touba, Serigne Fallou, Cheikh Oumar Foutiyou, Serigne Babacar Sy ont fait des apparitions furtives dans ce cimetière. C’est vous dire que les Sénégalais gagneraient à avoir plus de considération pour ces lieux. S’ils savaient…
L’Observateur