Philippe Delerm : « Elle m’a apporté la certitude que j’étais un homme de bonheur »
‘‘« Parler de mon couple, accepter de livrer un peu de mon intimité est l’occasion pour moi de restituer une part de vérité essentielle de qui je suis, de ce qui fonde notre couple. Cela fait plus de quarante-deux ans que l’on est ensemble, avec Martine. Elle est celle qui m’a apporté la certitude que j’étais un homme de bonheur plus qu’un homme de plaisirs. Que j’étais doué pour goûter les choses et savoir arrêter le temps pour en profiter, et que cette réalité-là s’accompagnait d’une dimension angoissante puisque le bonheur, c’est aussi avoir quelqu’un à perdre.
Il existe une aquarelle de Martine qui est accompagnée de cette phrase : “J’ai peur du jour où je n’aurais plus peur.” Ce que j’ai appris de moi, je le retrouve dans ce vers d’un poème de René Guy Cadou écrit en hommage à sa femme Hélène : “Et lorsqu’il me suffit de savoir ton passé, les herbes les gibiers les fleuves me répondent.” (Vers tirés du poème « Hélène », in Hélène ou le Règne végétal (Seghers, 2011)). On est loin d’une idée mièvre du bonheur, mais quand on s’est rencontrés, ce n’était pas vraiment un concept à la mode !
Philippe Delerm est écrivain. Prochain ouvrage : Je vais passer pour un vieux con (Seuil, en librairies en septembre).
Notre fils unique, Vincent, partage aussi ce sens de la mélancolie. Mon couple m’a également appris que j’étais un homme d’enfance. Qu’il fallait préserver l’intensité de tout ce que l’on a connu et ressenti enfant. Je me souviens qu’une de nos toutes premières conversations, avec celle qui allait devenir ma femme, portait sur nos souvenirs d’école, précisément sur nos enfances à l’école.
Aujourd’hui, il me semble que Martine et moi sommes un couple de créateurs qui avons su nous nourrir de ces certitudes sur l’enfance, de ces exigences artistiques qui ont toujours été là, quand nous étions dans l’enseignement, que nous étions le couple un peu baba cool du club théâtre ou du club guitare de Beaumont-le-Roger. »
Denise Bombardier : « Cet amour a transformé ma façon de concevoir la liberté »
Denise Bombardier est écrivaine. Dernier livre paru : L’Anglais (Robert Laffont, 2012).
« Durant les premiers mois de bonheur, non seulement je n’arrivais pas à y croire, mais je ne me reconnaissais pas. La bagarreuse que je suis s’était tapie dans un coin de mon coeur et j’ai été jusqu’à craindre que mon plaisir à polémiquer – qui est devenu mon fonds de commerce professionnel à travers les années – fût en train de s’estomper. Cet amour miracle, qui avait en quelque sorte engourdi ma combativité, me faisait l’effet d’une chambre de décompression.
Je constate que j’en suis sortie plus sereine, et que cette sérénité, une enivrante légèreté de l’être, pour paraphraser Kundera, m’a permis de retrouver le goût des bagarres intellectuelles, des échanges vifs où l’humour désamorce l’ancienne agressivité devenue anachronique. Cet amour a aussi transformé ma façon de concevoir cette liberté que j’ai toujours revendiquée comme définissant mon identité. Je vis un amour fusionnel sans abandonner cette part de moi-même qui m’est exclusive. »
‘‘« Parler de mon couple, accepter de livrer un peu de mon intimité est l’occasion pour moi de restituer une part de vérité essentielle de qui je suis, de ce qui fonde notre couple. Cela fait plus de quarante-deux ans que l’on est ensemble, avec Martine. Elle est celle qui m’a apporté la certitude que j’étais un homme de bonheur plus qu’un homme de plaisirs. Que j’étais doué pour goûter les choses et savoir arrêter le temps pour en profiter, et que cette réalité-là s’accompagnait d’une dimension angoissante puisque le bonheur, c’est aussi avoir quelqu’un à perdre.
Il existe une aquarelle de Martine qui est accompagnée de cette phrase : “J’ai peur du jour où je n’aurais plus peur.” Ce que j’ai appris de moi, je le retrouve dans ce vers d’un poème de René Guy Cadou écrit en hommage à sa femme Hélène : “Et lorsqu’il me suffit de savoir ton passé, les herbes les gibiers les fleuves me répondent.” (Vers tirés du poème « Hélène », in Hélène ou le Règne végétal (Seghers, 2011)). On est loin d’une idée mièvre du bonheur, mais quand on s’est rencontrés, ce n’était pas vraiment un concept à la mode !
Philippe Delerm est écrivain. Prochain ouvrage : Je vais passer pour un vieux con (Seuil, en librairies en septembre).
Notre fils unique, Vincent, partage aussi ce sens de la mélancolie. Mon couple m’a également appris que j’étais un homme d’enfance. Qu’il fallait préserver l’intensité de tout ce que l’on a connu et ressenti enfant. Je me souviens qu’une de nos toutes premières conversations, avec celle qui allait devenir ma femme, portait sur nos souvenirs d’école, précisément sur nos enfances à l’école.
Aujourd’hui, il me semble que Martine et moi sommes un couple de créateurs qui avons su nous nourrir de ces certitudes sur l’enfance, de ces exigences artistiques qui ont toujours été là, quand nous étions dans l’enseignement, que nous étions le couple un peu baba cool du club théâtre ou du club guitare de Beaumont-le-Roger. »
Denise Bombardier : « Cet amour a transformé ma façon de concevoir la liberté »
Denise Bombardier est écrivaine. Dernier livre paru : L’Anglais (Robert Laffont, 2012).
« Durant les premiers mois de bonheur, non seulement je n’arrivais pas à y croire, mais je ne me reconnaissais pas. La bagarreuse que je suis s’était tapie dans un coin de mon coeur et j’ai été jusqu’à craindre que mon plaisir à polémiquer – qui est devenu mon fonds de commerce professionnel à travers les années – fût en train de s’estomper. Cet amour miracle, qui avait en quelque sorte engourdi ma combativité, me faisait l’effet d’une chambre de décompression.
Je constate que j’en suis sortie plus sereine, et que cette sérénité, une enivrante légèreté de l’être, pour paraphraser Kundera, m’a permis de retrouver le goût des bagarres intellectuelles, des échanges vifs où l’humour désamorce l’ancienne agressivité devenue anachronique. Cet amour a aussi transformé ma façon de concevoir cette liberté que j’ai toujours revendiquée comme définissant mon identité. Je vis un amour fusionnel sans abandonner cette part de moi-même qui m’est exclusive. »