L’hommage au Pr Assane Seck qui a fêté ses 90 ans le 1er février dernier, a été le prétexte pour le Collectif des Cadres Casamançais, maître-d’œuvre de la manifestation, d’organiser le lundi dernier , à l’Université de Ziguinchor une conférence sur « L’histoire politique du Sénégal dans sa dimension casamançaise ». Un sujet introduit par Yaya Mané, historien-archéologue qui a commencé par attirer l’attention de l’assistance sur le peu d’écrits sur l’histoire de la Casamance. Néanmoins les recherches menées lui ont permis de distinguer quatre étapes dans l’évolution de cette histoire politique du Sénégal dans sa dimension casamançaise qui part de ce qu’il appelle la « Préhistoire » jusqu’à la période post-deuxième guerre, en passant par celle dite « Proto-historique ».
Ainsi, le conférencier relèvera dans cette période pré-historique l’émergence de comportements de type politique qui étaient le fait des résistants face au colonisateur. Et en ce qui concerne la Casamance, l’on distinguera deux types de résistance : celles dites de territoire et de terroir. La première porte la marque de la Moyenne-Casamance, la seconde, celle de la Basse Casamance. Yaya Mané constatera que dans cette partie du Sénégal la contestation du pouvoir est un comportement marqué. Et elle n’était pas l’apanage des hommes. Il existe des figures féminines qui ont, de façon soutenue, combattu le colonisateur allant jusqu’à encourager les jeunes à fuir le recrutement dans les régiments du colon. C’est pendant la période proto-historique que les personnalités politiques ont commencé véritablement à émerger, à l’image de Fodé Kaba Doumbya, Sounkarou etc. Les chefs de canton installés par le colon jouaient le rôle de représentation au niveau local. Arfang Sonko, Benjamin Diatta, Ansou Massine etc, en sont, entre autres, les figures marquantes.
Le Mfdc dans sa version originale
La période d’après-guerre est marquée par la naissance du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) dans sa version originale, c’est-à-dire un mouvement de revendication des droits des populations casamançaises. C’est surtout, précise le conférencier, avec la loi Lamine Guèye, qu’on verra apparaître une élite politique en Casamance. Dans la première phase de ce combat cette élite politique a posé le débat en termes de représentation de Casamance dans toutes les instances de décision du pays. C’est ainsi que, par exemple, le mécanisme de représentation de la Casamance naturelle au Conseil National du Sénégal est contesté par cette élite qui ne pouvait plus digérer le fait que des gens d’autres régions représentent la Casamance dans cette instance. Le Pr Assane Seck qui ne se reconnaissait pas dans le Mfdc avait créé le Mac pour porter la voix des sans voix des Casamançais.
Avec le temps, le débat politique qui était posé en termes de représentation de la Casamance dans ces instances, va avoir désormais, au sein du Mfdc (pas dans sa version originale) une coloration idéologique mettant en avant la revendication d’indépendance ou de souveraineté de cette région méridionale par rapport au reste du Sénégal.
Dans cette archéologie de l’histoire politique de notre pays, Yaya Mané n’a pas manqué de mentionner la question de l’indépendance qui a constitué une véritable période de rupture. A l’époque, Lamine Guèye avait bénéficié du soutien d’Assane Seck, le patron du PRA-Sénégal qui a massivement voté Non en Casamance. Le Conférencier a aussi relevé que les premiers compagnons de Me Abdoulaye Wade qui a créé le Parti démocratique sénégalais (Pds), comme formation de contribution, étaient en partie des Casamançais : Marcel Bassène, Famara Mané, Diatou Bathily, Amy Camara, Coumba Ndiaye etc.
Les déterminants de la vie politique casamançaise
L’historien-archéologue mettra l’accent sur quelques déterminants et caractéristiques de la vie politique en Casamance. C’est ainsi qu’il fera remarquer que la question de l’indépendance était portée par le colon elle-même et certains milieux économiques. L’administration, dit-il, avait tergiversé à l’époque. Toujours, parmi ces caractéristiques de cette vie politique en Casamance, il y a l’usage de la violence en période électorale illustrée par l’attaque de Lamine Guèye dans le Bignona. Yaya Mané a aussi parlé des premières milices de Kabada et des comités d’action qui étaient de véritables machines de guerre. Il constate, dans la même période, l’apparition, parmi le personnel politique qui s’est forgé dans le combat, des instituteurs. Mais, c’est à partir de 68 que les hommes politiques vont se forger en exploitant à fond leur position étatique. C’est à cette même période que la fonction subversive de la politique se fera sentir avec le départ qui est fait entre Casamançais de souche et Casamançais d’adoption. Le combat politique s’inscrivait dans une logique de destruction de l’adversaire.
L’autre déterminant souligné par le conférencier, c’est la division que l’on constatait au sein de l’élite politique Casamançaise. L’opposition au sein d’un même parti, entre Emile Badiane et Assane Seck, l’illustrait de fort belle manière. Et le pouvoir en place qui semblait avoir tout intérêt dans ses divisions, les exacerbait.
Victimes de la répression
Le dernier déterminant évoqué par l’historien-archéologue, c’est la répression dont l’élite politique Casamançaise a beaucoup souffert. Et le mot de la fin de Yaya Mané veut restaurer à la politique sa vraie dimension morale : « la politique est sale, mais il faut l’anoblir ».
Dans les discussions, Me Boubacar Badji a attiré l’attention sur les rues de Dakar où les traces de la résistance casamançaise tendent à disparaître du fait des changements de nom, comme c’est le cas avec les rues Caronne, Sandiniéry etc. Il demande alors aux fils de la Casamance de revendiquer leur patrimoine. Quant au Proviseur Nouha Cissé, il attirera l’attention du conférencier sur le fait que le mouvement de contestation au lendemain de la loi Lamine Guèye, n’était pas l’apanage de la Casamance. Elle (loi) a plutôt constitué une « bouffée d’oxygène » partout ailleurs. En plus, la bataille idéologique a été, selon lui, plus qu’une politisation à caractère régionaliste qu’un combat contre le jacobinisme et pour la redistribution des gains à toutes les populations.
La nature a horreur du vide
L’historien souligne, par ailleurs, qu’après la mort d’Emile Badiane, l’élite politique a brillé par son absence dans le combat pour la défense des intérêts des populations. C’est à la même période que l’on a constaté la mal gouvernance dans la Casamance naturelle. Et comme la nature a horreur du vide, le Mfdc, version Diamacoune, va s’engouffrer dans la brèche pour faire de la récupération en surfant sur les vagues du malaise social qui s’est emparé des populations qui avaient le sentiment d’être des étrangers sur leurs propres terres. Un autre intervenant a invité le conférencier à une lecture différentielle dans l’approche de notre historicité. Pour lui, l’enjeu était religieux, plutôt que territorial. Conséquence, la véritable autorité n’est pas politique, mais traditionnelle ou religieuse.
Le moment est donc venu de dépassionner l’histoire de la Casamance, souligne un autre intervenant qui explique, pour illustrer son propos, que le fait que les rivières du Sud soient rattachées à Gorée, cela est loin d’être un trait caractéristique de la Casamance. D’autres régions ont connu le même phénomène.
Le Pr Assane Seck a été, à plusieurs reprises, interpellé. Mais le temps très court lui a juste permis de répondre à deux questions : celle de Me Boubacar Badj, relative aux rues de Dakar où les traces de la résistance casamançaise sont en train de disparaître du fait de la volonté des Lébous et celle de Nouha Cissé au sujet du comportement de l’élite politique au soir de la disparition d’Emile Badiane.
Pour les rues, le Pr Assane Seck affirme qu’à l’époque l’attention des autorités Casamançaises était attirée. Les Casamançais ne doivent pas rester les bras croisés, ils doivent se battrent pour réclamer leur dû, dit-il.
La période de faiblesse
En ce qui concerne l’interpellation du Proviseur Nouha Cissé, l’ancien Ministre d’Etat concède que depuis la disparition d’Emile Badiane en 1972, les défenses des revendications locales sont passées au second plan. Les hommes politiques s’occupaient plus de compétition entre eux que de défense des intérêts des populations. Emile Badiane avait une aura dans les départements de Bignona et d’Oussouye et il était difficile de le remplacer. « De ce côté-là, c’est une période de faiblesse », souligne le Pr Assane Seck, avant de faire cette révélation : « Deux ou trois mois avant le décès d’Emile Badiane en octobre 1972, le Président Senghor avait convoqué les responsables politiques socialistes de la Casamance pour nous inviter à cesser toute compétition l’un contre l’autre. J’ai toujours pensé qu’Emile Badiane était plus légitime à occuper le poste de président de l’union régionale. Je lui ai jamais apporté la contradiction à ce niveau », confie-t-il.
Les divergences entre les deux hommes n’ont jamais empêché les concertations lorsqu’il s’agit des intérêts de la Casamance. Comme c’était le cas à la veille d’un Conseil des ministres pour arrêter une position commune sur des questions bien précises.
source sud quotidien
Ainsi, le conférencier relèvera dans cette période pré-historique l’émergence de comportements de type politique qui étaient le fait des résistants face au colonisateur. Et en ce qui concerne la Casamance, l’on distinguera deux types de résistance : celles dites de territoire et de terroir. La première porte la marque de la Moyenne-Casamance, la seconde, celle de la Basse Casamance. Yaya Mané constatera que dans cette partie du Sénégal la contestation du pouvoir est un comportement marqué. Et elle n’était pas l’apanage des hommes. Il existe des figures féminines qui ont, de façon soutenue, combattu le colonisateur allant jusqu’à encourager les jeunes à fuir le recrutement dans les régiments du colon. C’est pendant la période proto-historique que les personnalités politiques ont commencé véritablement à émerger, à l’image de Fodé Kaba Doumbya, Sounkarou etc. Les chefs de canton installés par le colon jouaient le rôle de représentation au niveau local. Arfang Sonko, Benjamin Diatta, Ansou Massine etc, en sont, entre autres, les figures marquantes.
Le Mfdc dans sa version originale
La période d’après-guerre est marquée par la naissance du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (Mfdc) dans sa version originale, c’est-à-dire un mouvement de revendication des droits des populations casamançaises. C’est surtout, précise le conférencier, avec la loi Lamine Guèye, qu’on verra apparaître une élite politique en Casamance. Dans la première phase de ce combat cette élite politique a posé le débat en termes de représentation de Casamance dans toutes les instances de décision du pays. C’est ainsi que, par exemple, le mécanisme de représentation de la Casamance naturelle au Conseil National du Sénégal est contesté par cette élite qui ne pouvait plus digérer le fait que des gens d’autres régions représentent la Casamance dans cette instance. Le Pr Assane Seck qui ne se reconnaissait pas dans le Mfdc avait créé le Mac pour porter la voix des sans voix des Casamançais.
Avec le temps, le débat politique qui était posé en termes de représentation de la Casamance dans ces instances, va avoir désormais, au sein du Mfdc (pas dans sa version originale) une coloration idéologique mettant en avant la revendication d’indépendance ou de souveraineté de cette région méridionale par rapport au reste du Sénégal.
Dans cette archéologie de l’histoire politique de notre pays, Yaya Mané n’a pas manqué de mentionner la question de l’indépendance qui a constitué une véritable période de rupture. A l’époque, Lamine Guèye avait bénéficié du soutien d’Assane Seck, le patron du PRA-Sénégal qui a massivement voté Non en Casamance. Le Conférencier a aussi relevé que les premiers compagnons de Me Abdoulaye Wade qui a créé le Parti démocratique sénégalais (Pds), comme formation de contribution, étaient en partie des Casamançais : Marcel Bassène, Famara Mané, Diatou Bathily, Amy Camara, Coumba Ndiaye etc.
Les déterminants de la vie politique casamançaise
L’historien-archéologue mettra l’accent sur quelques déterminants et caractéristiques de la vie politique en Casamance. C’est ainsi qu’il fera remarquer que la question de l’indépendance était portée par le colon elle-même et certains milieux économiques. L’administration, dit-il, avait tergiversé à l’époque. Toujours, parmi ces caractéristiques de cette vie politique en Casamance, il y a l’usage de la violence en période électorale illustrée par l’attaque de Lamine Guèye dans le Bignona. Yaya Mané a aussi parlé des premières milices de Kabada et des comités d’action qui étaient de véritables machines de guerre. Il constate, dans la même période, l’apparition, parmi le personnel politique qui s’est forgé dans le combat, des instituteurs. Mais, c’est à partir de 68 que les hommes politiques vont se forger en exploitant à fond leur position étatique. C’est à cette même période que la fonction subversive de la politique se fera sentir avec le départ qui est fait entre Casamançais de souche et Casamançais d’adoption. Le combat politique s’inscrivait dans une logique de destruction de l’adversaire.
L’autre déterminant souligné par le conférencier, c’est la division que l’on constatait au sein de l’élite politique Casamançaise. L’opposition au sein d’un même parti, entre Emile Badiane et Assane Seck, l’illustrait de fort belle manière. Et le pouvoir en place qui semblait avoir tout intérêt dans ses divisions, les exacerbait.
Victimes de la répression
Le dernier déterminant évoqué par l’historien-archéologue, c’est la répression dont l’élite politique Casamançaise a beaucoup souffert. Et le mot de la fin de Yaya Mané veut restaurer à la politique sa vraie dimension morale : « la politique est sale, mais il faut l’anoblir ».
Dans les discussions, Me Boubacar Badji a attiré l’attention sur les rues de Dakar où les traces de la résistance casamançaise tendent à disparaître du fait des changements de nom, comme c’est le cas avec les rues Caronne, Sandiniéry etc. Il demande alors aux fils de la Casamance de revendiquer leur patrimoine. Quant au Proviseur Nouha Cissé, il attirera l’attention du conférencier sur le fait que le mouvement de contestation au lendemain de la loi Lamine Guèye, n’était pas l’apanage de la Casamance. Elle (loi) a plutôt constitué une « bouffée d’oxygène » partout ailleurs. En plus, la bataille idéologique a été, selon lui, plus qu’une politisation à caractère régionaliste qu’un combat contre le jacobinisme et pour la redistribution des gains à toutes les populations.
La nature a horreur du vide
L’historien souligne, par ailleurs, qu’après la mort d’Emile Badiane, l’élite politique a brillé par son absence dans le combat pour la défense des intérêts des populations. C’est à la même période que l’on a constaté la mal gouvernance dans la Casamance naturelle. Et comme la nature a horreur du vide, le Mfdc, version Diamacoune, va s’engouffrer dans la brèche pour faire de la récupération en surfant sur les vagues du malaise social qui s’est emparé des populations qui avaient le sentiment d’être des étrangers sur leurs propres terres. Un autre intervenant a invité le conférencier à une lecture différentielle dans l’approche de notre historicité. Pour lui, l’enjeu était religieux, plutôt que territorial. Conséquence, la véritable autorité n’est pas politique, mais traditionnelle ou religieuse.
Le moment est donc venu de dépassionner l’histoire de la Casamance, souligne un autre intervenant qui explique, pour illustrer son propos, que le fait que les rivières du Sud soient rattachées à Gorée, cela est loin d’être un trait caractéristique de la Casamance. D’autres régions ont connu le même phénomène.
Le Pr Assane Seck a été, à plusieurs reprises, interpellé. Mais le temps très court lui a juste permis de répondre à deux questions : celle de Me Boubacar Badj, relative aux rues de Dakar où les traces de la résistance casamançaise sont en train de disparaître du fait de la volonté des Lébous et celle de Nouha Cissé au sujet du comportement de l’élite politique au soir de la disparition d’Emile Badiane.
Pour les rues, le Pr Assane Seck affirme qu’à l’époque l’attention des autorités Casamançaises était attirée. Les Casamançais ne doivent pas rester les bras croisés, ils doivent se battrent pour réclamer leur dû, dit-il.
La période de faiblesse
En ce qui concerne l’interpellation du Proviseur Nouha Cissé, l’ancien Ministre d’Etat concède que depuis la disparition d’Emile Badiane en 1972, les défenses des revendications locales sont passées au second plan. Les hommes politiques s’occupaient plus de compétition entre eux que de défense des intérêts des populations. Emile Badiane avait une aura dans les départements de Bignona et d’Oussouye et il était difficile de le remplacer. « De ce côté-là, c’est une période de faiblesse », souligne le Pr Assane Seck, avant de faire cette révélation : « Deux ou trois mois avant le décès d’Emile Badiane en octobre 1972, le Président Senghor avait convoqué les responsables politiques socialistes de la Casamance pour nous inviter à cesser toute compétition l’un contre l’autre. J’ai toujours pensé qu’Emile Badiane était plus légitime à occuper le poste de président de l’union régionale. Je lui ai jamais apporté la contradiction à ce niveau », confie-t-il.
Les divergences entre les deux hommes n’ont jamais empêché les concertations lorsqu’il s’agit des intérêts de la Casamance. Comme c’était le cas à la veille d’un Conseil des ministres pour arrêter une position commune sur des questions bien précises.
source sud quotidien