L’affaire Segura a pris une tournure encore plus dramatique depuis le weekend. Le Quotidien a appris que le Directeur général du Fonds monétaire international (Fmi), Dominique Strauss-Kahn, a envoyé une lettre comminatoire au chef de l’Etat sénégalais. Dans cette missive, dont l’objet porte sur la tentative de corruption dont son fonctionnaire Alex Segura Ubiergo a fait l’objet dans les derniers moments qu’il a passés dans ce pays (Le Quotidien n°2026 du lundi 12 octobre 2009), M. Strauss-Kahn oublie littéralement les formules diplomatiques souvent usitées entre personnages de haut rang, pour mettre en demeure le Président Wade de lui répondre dans les plus brefs délais.
Cette lettre est arrivée à Dakar le vendredi 23 octobre dernier, et date du jeudi 22. Hasard ou calcul intentionnel, elle arrive au moment même où débarque dans notre pays, la mission du Fmi chargée de faire l’évaluation périodique du programme sur l’Initiative de soutien à la politique économique (Ispe), le programme qui lie le Fonds au Sénégal. Au départ, le programme était sans décaissement, mais depuis que le Fonds a avancé de l’argent dans le cadre de la facilité d’amortissement des chocs exogènes, à la suite des difficultés de trésorerie que le pays a connues avec la hausse des prix des produits alimentaires sur le marché international, les choses ont un peu évolué.
Aveu de culpabilitE
Quoi qu’il puisse en être, cette lettre-ultimatum du patron du Fmi a fini de confirmer et d’aggraver l’embarras de la haute administration de l’Etat, dont Le Quotidien faisait mention dans son édition n° 2 034 du mercredi 21 octobre. D’après des personnes bien introduites à la Présidence de la République, M. Strauss-Kahn aurait été fortement irrité par des réponses qui lui auraient été servies par téléphone par le Président Abdoulaye Wade. Il se dit que, comme argument de défense devant cette histoire de corruption, le Président aurait rétorqué au n°1 du Fonds que Segura n’aurait pas dit toute la vérité à son comité d’éthique, en ce sens qu’il aurait omis de signaler que ce sont deux mallettes qui lui auraient été remises et non une.
Outre le fait que cet argumentaire des autorités sénégalaises constituait déjà un aveu de taille, en reconnaissant avoir remis au haut fonctionnaire «un cadeau d’une valeur financière substantielle», il avait la maladresse de vouloir rejeter sur le dénonciateur les turpitudes du coupable. C’est cet incident qui, semble-t-il, serait à la base de la sortie peu diplomatique du Directeur général du Fonds.
Maintenant, dans l’Administration, notamment au ministère de l’Economie et des finances, et à la Primature, on cherche à limiter les dégâts et à sauver ce qui peut encore l’être. En privé, même les ministres ne se cachent pas de reconnaître que cette affaire est plus qu’embarrassante : «C’est un véritable poison, qui, si l’on n’y prend garde, peut compromettre nos relations avec, non seulement les institutions de Bretton Woods, mais toute la communauté des bailleurs de fonds.»
LEthargie et crise de financements
Déjà, et Le Quotidien l’avait signalé, l’Ispe est quasiment en léthargie, et ce n’est pas la mission d’aujourd’hui qui va l’en sortir, au regard des derniers développements. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les autres partenaires regardent avec circonspection les développements de cette affaire. Au ministère de l’Economie et des finances, l’on craint que la Banque mondiale, dont l’engagement et la caution sont essentiels à la poursuite du financement de l’Autoroute à péage et de l’Aéroport de Diass, ne vienne à se retirer, ou à tout le moins, à geler sa participation à ces deux projets majeurs. Et, rien ne dit que le financement du Mca n’est pas non plus menacé, Obama n’étant pas, contrairement à Bush, un proche de Me Wade. Il y a en plus, que le Sénégal ne parvient plus depuis cette affaire, à obtenir d’engagements nouveaux de financement, de la part de ses partenaires, faute de la caution de ce tuteur de notre économie, qu’est devenu le Fmi. Et tant que cette affaire ne sera pas tirée au clair, cela risque d’en être encore ainsi pendant longtemps.
Il semblerait qu’au sein des organes de Bretton Woods, comme des autres partenaires techniques et financiers, le mot d’ordre actuellement, en ce qui concerne les relations avec le Sénégal, est devenu : «Vigilance et sévérité.» La confiance n’est plus de mise, à quelque niveau que ce soit. Tous se rappellent encore que le gouvernement n’avait pas hésité à maquiller les chiffres officiels, dans l’histoire des dépenses hors-budgets, pour tenter de tromper les fonctionnaires du Fonds. Cela lui avait réussi pendant un bon moment, avant que la bulle n’éclate, grâce d’ailleurs… à la vigilance de Segura. D’ailleurs, s’agissant de ce scandale, des observateurs se demandent avec insistance dans quelle mesure Segura n’a pas piégé l’Etat du Sénégal.
Mauvaise gestion du dossier
Ces personnes avancent l’argument selon lequel, si Alex Segura n’avait pas emporté l’argent de la corruption avec lui, il n’aurait détenu aucun élément de preuve pour mouiller les plus hautes autorités du Sénégal. Et de leur côté, lesdites autorités, ont fait preuve d’une incroyable légèreté dans le traitement de cette affaire.
Car, de qui l’ambassadeur du Sénégal en Espagne a-t-il reçu instruction d’accepter que Segura lui remette l’argent, et contre accusé de réception, qui plus est ? Ils ont ainsi donné à cet agent du Fmi un bon élément matériel de preuve à charge. Si le mot d’ordre avait été de nier, comme avait entrepris de le faire le pauvre Moustapha Guirassy qui, manifestement, n’était pas dans le secret des dieux, tout comme son Premier ministre, la meilleure des choses aurait été de ne pas reprendre l’argent, et laisser le Fmi se débrouiller avec sa patate chaude. Du moment que Segura avait pris le risque de quitter le territoire sénégalais avec l’argent, même s’il l’avait signalé à ses supérieurs, le Sénégal aurait dû faire le dos rond. Non seulement, on a mal agi au départ, mais en plus, on s’enfonce. Innocent ou pas, Segura a piégé nos dirigeants, et ils n’ont pas su gérer leur défense. Maintenant, il va leur falloir apprendre à faire le dos rond le plus fréquemment possible, dans les jours et les mois à venir, face aux bailleurs de fonds, sous peine de sanctions sévères. Le piège de Segura et de ses chefs s’est déjà refermé sur nous, et le Sénégal n’a plus son destin en mains.
source le quotidien
Cette lettre est arrivée à Dakar le vendredi 23 octobre dernier, et date du jeudi 22. Hasard ou calcul intentionnel, elle arrive au moment même où débarque dans notre pays, la mission du Fmi chargée de faire l’évaluation périodique du programme sur l’Initiative de soutien à la politique économique (Ispe), le programme qui lie le Fonds au Sénégal. Au départ, le programme était sans décaissement, mais depuis que le Fonds a avancé de l’argent dans le cadre de la facilité d’amortissement des chocs exogènes, à la suite des difficultés de trésorerie que le pays a connues avec la hausse des prix des produits alimentaires sur le marché international, les choses ont un peu évolué.
Aveu de culpabilitE
Quoi qu’il puisse en être, cette lettre-ultimatum du patron du Fmi a fini de confirmer et d’aggraver l’embarras de la haute administration de l’Etat, dont Le Quotidien faisait mention dans son édition n° 2 034 du mercredi 21 octobre. D’après des personnes bien introduites à la Présidence de la République, M. Strauss-Kahn aurait été fortement irrité par des réponses qui lui auraient été servies par téléphone par le Président Abdoulaye Wade. Il se dit que, comme argument de défense devant cette histoire de corruption, le Président aurait rétorqué au n°1 du Fonds que Segura n’aurait pas dit toute la vérité à son comité d’éthique, en ce sens qu’il aurait omis de signaler que ce sont deux mallettes qui lui auraient été remises et non une.
Outre le fait que cet argumentaire des autorités sénégalaises constituait déjà un aveu de taille, en reconnaissant avoir remis au haut fonctionnaire «un cadeau d’une valeur financière substantielle», il avait la maladresse de vouloir rejeter sur le dénonciateur les turpitudes du coupable. C’est cet incident qui, semble-t-il, serait à la base de la sortie peu diplomatique du Directeur général du Fonds.
Maintenant, dans l’Administration, notamment au ministère de l’Economie et des finances, et à la Primature, on cherche à limiter les dégâts et à sauver ce qui peut encore l’être. En privé, même les ministres ne se cachent pas de reconnaître que cette affaire est plus qu’embarrassante : «C’est un véritable poison, qui, si l’on n’y prend garde, peut compromettre nos relations avec, non seulement les institutions de Bretton Woods, mais toute la communauté des bailleurs de fonds.»
LEthargie et crise de financements
Déjà, et Le Quotidien l’avait signalé, l’Ispe est quasiment en léthargie, et ce n’est pas la mission d’aujourd’hui qui va l’en sortir, au regard des derniers développements. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les autres partenaires regardent avec circonspection les développements de cette affaire. Au ministère de l’Economie et des finances, l’on craint que la Banque mondiale, dont l’engagement et la caution sont essentiels à la poursuite du financement de l’Autoroute à péage et de l’Aéroport de Diass, ne vienne à se retirer, ou à tout le moins, à geler sa participation à ces deux projets majeurs. Et, rien ne dit que le financement du Mca n’est pas non plus menacé, Obama n’étant pas, contrairement à Bush, un proche de Me Wade. Il y a en plus, que le Sénégal ne parvient plus depuis cette affaire, à obtenir d’engagements nouveaux de financement, de la part de ses partenaires, faute de la caution de ce tuteur de notre économie, qu’est devenu le Fmi. Et tant que cette affaire ne sera pas tirée au clair, cela risque d’en être encore ainsi pendant longtemps.
Il semblerait qu’au sein des organes de Bretton Woods, comme des autres partenaires techniques et financiers, le mot d’ordre actuellement, en ce qui concerne les relations avec le Sénégal, est devenu : «Vigilance et sévérité.» La confiance n’est plus de mise, à quelque niveau que ce soit. Tous se rappellent encore que le gouvernement n’avait pas hésité à maquiller les chiffres officiels, dans l’histoire des dépenses hors-budgets, pour tenter de tromper les fonctionnaires du Fonds. Cela lui avait réussi pendant un bon moment, avant que la bulle n’éclate, grâce d’ailleurs… à la vigilance de Segura. D’ailleurs, s’agissant de ce scandale, des observateurs se demandent avec insistance dans quelle mesure Segura n’a pas piégé l’Etat du Sénégal.
Mauvaise gestion du dossier
Ces personnes avancent l’argument selon lequel, si Alex Segura n’avait pas emporté l’argent de la corruption avec lui, il n’aurait détenu aucun élément de preuve pour mouiller les plus hautes autorités du Sénégal. Et de leur côté, lesdites autorités, ont fait preuve d’une incroyable légèreté dans le traitement de cette affaire.
Car, de qui l’ambassadeur du Sénégal en Espagne a-t-il reçu instruction d’accepter que Segura lui remette l’argent, et contre accusé de réception, qui plus est ? Ils ont ainsi donné à cet agent du Fmi un bon élément matériel de preuve à charge. Si le mot d’ordre avait été de nier, comme avait entrepris de le faire le pauvre Moustapha Guirassy qui, manifestement, n’était pas dans le secret des dieux, tout comme son Premier ministre, la meilleure des choses aurait été de ne pas reprendre l’argent, et laisser le Fmi se débrouiller avec sa patate chaude. Du moment que Segura avait pris le risque de quitter le territoire sénégalais avec l’argent, même s’il l’avait signalé à ses supérieurs, le Sénégal aurait dû faire le dos rond. Non seulement, on a mal agi au départ, mais en plus, on s’enfonce. Innocent ou pas, Segura a piégé nos dirigeants, et ils n’ont pas su gérer leur défense. Maintenant, il va leur falloir apprendre à faire le dos rond le plus fréquemment possible, dans les jours et les mois à venir, face aux bailleurs de fonds, sous peine de sanctions sévères. Le piège de Segura et de ses chefs s’est déjà refermé sur nous, et le Sénégal n’a plus son destin en mains.
source le quotidien