Ainsi, il ne cessait de répéter avec force conviction, apparemment du moins, qu’il mettrait en œuvre « une politique de rupture sobre, vertueuse, transparente et efficace ». Dans cette perspective, il nous promettait fermement de « réduire de façon drastique les directions et agences nationales ».
Il convient de rappeler, qu’entre les deux tours de l’élection présidentielle, au moment où il était presque assuré d’être élu, il a donné une conférence de presse (restreinte) le mercredi 7 mars, à l’Hôtel Terrou bi. Il y conviait les invités à un échange au cours duquel ils pouvaient exprimer leurs préoccupations et lui poser toutes les questions relatives à son projet de société. Les initiateurs de cette conférence m’avaient fait l’insigne honneur de m’y convier, et je les en remercie vivement ici. Au cours des échanges qu’il a eus avec quelques-uns des invités, il a réaffirmé vigoureusement ses engagements.
Après ces rappels nécessaires, l’honnêteté commande de reconnaître que le président Sall a posé des actes qui confortent ses engagements. En son temps, je n’avais pas manqué de les signaler et de les appuyer fortement. Et j’en ferai autant chaque fois qu’il me sera donné de constater qu’il prend des mesures de rupture qui nous écartent le plus loin possible de l’odieux système des Wade et de leur clan.
Donc, en un peu plus de cent jours, il a pris des actes diversement appréciés. Certains m’ont laissé carrément sur ma faim. Par rapport à d’autres, j’ai de sérieuses réserves. Pour ne prendre que la première mesure ayant porté sur la réduction des directions et agences nationales, elle a été particulièrement décevante : elle n’a supprimé que quelques directions (50) et agences nationales (9). En outre, certaines mesures individuelles prises en Conseils des Ministres soulèvent de nombreuses interrogations. Il convient cependant, avant de poursuivre cette réflexion, de reconnaître que le président de la République dispose du pouvoir constitutionnel de nomination à tous les emplois civils et militaires, comme d’organiser le fonctionnement de l’administration à sa convenance. Ces prérogatives, personne ne devrait pouvoir les lui contester. Cependant, les citoyens qui l’ont porté à la magistrature suprême – et même les autres – ont le droit d’apprécier ses actes par rapport à leurs attentes et à ce qu’ils considèrent comme l’l’intérêt du pays.
Pour revenir par la première réduction des directions et agences nationales annoncée, elle est loin, très loin d’être drastique, comme le promettait le candidat Sall. Pour le moment donc, de très nombreuses agences et directions dont la pertinence et l’opportunité sont loin d’être prouvées sont maintenues. Il est vrai que, venu présider le « mercredi » du 13 juin 2012 de l’École nationale d’Administration, Monsieur Momar Aly Ndiaye a annoncé la mise en place d’une Commission d’évaluation des directions et des agences restantes. Il en a ensuite dévoilé la composition et l’objectif. Rappelons, en passant, que ce M. Ndiaye, transfuge du Ps puis du Pds, a été nommé tout récemment, Délégué à la Réforme de l’État et à l’Assistance technique, en remplacement de Monsieur Abdou Karim Lo. Au moment de sa promotion fulgurante, il était Secrétaire général adjoint du Gouvernement. M. Ndiaye serait informaticien de formation.
Pour ce « mercredi » du 13 juin 2012 donc, le sujet retenu était « La réforme de l’Administration sénégalaise : rationalisation et perspectives ». Il était présenté par Monsieur Abdoul Aziz Tall, Conseiller en management, qui a travaillé durant de longues années au Bureau Organisation et Méthode (Bom), en qualité de conseiller en organisation. Son Cv est bien plus riche encore et il avait bien meilleur profil pour succéder à Abdou Karim Lo. Simple constatation et non une contestation d’une nomination de celui qui en a la prérogative constitutionnelle !
Bref, le tout nouveau Délégué a salué la « réduction du nombre de (ministres) par le président Sall et la suppression d’agences et de structures inappropriées », et a annoncé que la cure de l’administration n’allait pas s’arrêter en si bon chemin. Nous avons retenu en tout cas que, au titre des textes législatifs et réglementaires, le Conseil des Ministres du 19 juillet 2012 a examiné et adopté le projet de décret modifiant le décret n° 2012-543 du 24 mai 2012, portant répartition des services de l’État et du contrôle des établissement publics.
Les mesures individuelles vont en tout cas bon train, en attendant la signature et la publication du projet de décret annoncé. Nombre de ces mesures sont loin, malheureusement, d’être en phase avec les engagements fermes du président Sall. Pour en rappeler seulement deux, il répondait à un intervenant, et de façon catégorique, que les critères qu’il mettrait en avant dans la nomination de ministres et autres hauts fonctionnaires, étaient la compétence et la bonne moralité. C’était à l’occasion de la conférence de presse du 7 mars 2012 au Teerou bi évoquée plus haut. Le second exemple est tiré de la déclaration qu’il a faite lorsqu’il commentait le projet de Code de transparence dans la gestion des affaires publiques, examiné et adopté au Conseil des Ministres du 27 juin 2012. Il disait exactement ceci : « (…) Ainsi, nul ne peut être nommé ou affecté à un poste comportant des responsabilités financières sans qu’aient été vérifiées préalablement ses compétences techniques, ses aptitudes professionnelles et les garanties de déontologie qu’il présente. »
Je ne suis pas sûr que ledit Code soit déjà en application. S’il l’avait été rigoureusement en tout cas, certaines nominations n’auraient jamais été prises. C’est, notamment, le cas de ce professeur d’Éducation physique et sportive – M. M. pour ne pas le nommer carrément –, bombardé Directeur de l’Administration générale et de l’Équipement (Dage), au Ministère de la Famille, de l’Enfance et de l’Entreprenariat féminin, lors du Conseil des Ministres du 19 juillet 2012. On pouvait aussi donner de nombreux autres exemples de nominations d’« économistes », d’inspecteurs de la Coopération ou d’animation, d’ « experts-consultants » en communication, etc aux importantes fonctions de Dage, sans vérifier au préalable que ces derniers ont des compétences en matière de finances publiques et, principalement, de procédures budgétaires parfois fort complexes. De telles mesures individuelles, nos différents Conseil des Ministres en prennent beaucoup.
Nous avons également le sentiment que la fonction de chef de Service de l’Administration générale et de l’Équipement (Sage) a pratiquement disparu. On y nommait des fonctionnaires de la hiérarchie B, généralement formés au Centre de Formation et de Perfection administratifs (Cfpa), avant que cette école ne fût intégrée dans l’École nationale d’Administration, comme section B : secrétaires d’administration, contrôleurs du Trésor, des impôts, contrôleurs à vocation communale, etc. Les sage sont rarement nommés aujourd’hui : les titulaires des plus « petits » ministères », qui peuvent se réduire parfois à deux ou trois modestes directions au plus, s’empressent de nommer des Dage, sans se préoccuper le moins du monde de leur profil professionnel. On se soucie davantage des sinécures à distribuer que de l’efficacité, et on nomme des parents, des amis, des camarades de parti, des recommandés qui sont loin d’avoir le profil de l’emploi. Pendant ce temps, des administrateurs civils, des inspecteurs du Trésor, des secrétaires d’administration et des contrôleurs de toutes catégories et de classe exceptionnelle ou qui n’en sont pas loin, tournent les pouces dans des bureaux où ils sont exilés. Il semble, heureusement, qu’on les en sorte de plus en plus, pour le bien de notre administration. Le Conseil des Ministres du 12 juillet 2012 a fait des efforts appréciables à cet égard.
Des administrateurs civils compétents et expérimentés, nous en comptons en grand nombre dans notre pays, qui ont bien le profil idéal pour occuper les fonctions les plus hautes et les plus prestigieuses : Directeur de Cabinet du président de la République, du Premier Ministre, Secrétaire général de la présidence de la République ou du Gouvernement, etc. Certains postes stratégiques sont faits pour des profils bien déterminés, dont nous ne manquons point.
Je précise ici sans ambages, que je ne saurais nourrir aucun complexe vis-à-vis des énarques. Rien, vraiment rien n’expliquerait un tel complexe. Le témoignage que je fais ici en leur faveur, je le dois à la seule vérité.
Le même souci de la vérité, de la sobriété, de la rupture et de l’efficacité m’incline à exprimer mes réserves par rapport au nombre de ministres conseillers spéciaux qui continue d’augmenter. J’ai les mêmes réserves par rapports aux arguments qui les justifient. Aussi loin que remontent mes souvenirs, je n’ai pas le sentiment que les directeurs de Cabinet des présidents de la 5ème République qui se son succédé en France aient jamais été ministres, en plus de leurs prestigieuses fonctions. Ni, par ailleurs, les secrétaires généraux de l’Élysée, de Matignon ou du Quai d’Orsay. Ils étaient généralement tous énarques ou au moins diplômés de Sciences PO, à l’exception notable peut-être de Georges Pompidou, agrégé de lettres classiques, passé banquier.
Qui peut me citer un ministre conseiller spécial du président Sall qui ait bien meilleure allure que Jacques Attali ou Henri Guaino ? Pourtant, aucun d’eux n’a jamais été ministre. Du moins pas à ma connaissance. Le président Sall n’a pas besoin de forcer et de forger des statuts à ses conseillers pour leur donner certains avantages. Un simple décret y suffirait. Les présidents Senghor et Diouf, jusqu’à Jean Collin en tout cas, nommaient leurs plus proches collaborateurs sur la base d’un arrêté. Il ne faudrait pas galvauder la fonction ministérielle, comme du temps des Wade. La fonction de conseiller spécial du président de la République, n’est-elle pas déjà suffisamment revalorisante ?
Pour revenir aux nominations du président Macky Sall, je passerai difficilement sous silence celle intervenue lors du Conseil des Ministres du 19 juillet 2012, d’un Directeur de l’Enfance au Ministère de la Famille, de l’Enfance et de l’Entreprenariat féminin, alors que ce même Ministère a, sous sa tutelle, l’Agence nationale de la Petite Enfance et de la Case des Tout Petits, qui a déjà sa tête, comme Directrice générale, une jeune étudiante en sociologie. Pendant ce temps, le Ministère de l’Éducation nationale a, elle aussi, son Directeur (ou sa Directrice) de l’Éducation préscolaire. Toutes ces trois structures, qui ont à leur tête des directeurs ou des directrices, prennent en charge la petite enfance (0 à 5-6 ans). Alors, pourquoi ne pas les fondre en une seule rattachée à un Ministère, à celui de l’Éducation par exemple ? Sobriété, humilité, rupture, efficacité, ou êtes-vous ?
Ces jours derniers, les différents quotidiens et hebdomadaires de la place ont commenté abondamment la nomination d’un nouveau Directeur général à la tête de la Senelec. Je ne m’y appesantirai pas outre mesure. Tout au plus, exprimerai-je mon étonnement devant l’empressement du président de la République à appeler le directeur général déchu à ses côtés, comme ministre conseiller spécial (encore un !). Nous avons quand même besoin de comprendre le sens de certaines nominations ! Et si le directeur déchu, dont la longue gestion n’a pas été des plus performantes, s’appelait seulement Mody Niang, et non Seydina Issa Laye Kane ! Le temps n’est-il pas enfin venu pour nous tous, de faire l’effort de nous libérer de certaines pesanteurs qui plombent terriblement notre marche vers l’émergence économique ?
Nous aurions pu évoquer la nomination surprenante, comme président du Conseil d’Administration (Pca) de la Rts (sic) de ce compatriote, dont le seul mérite était de passer le plus clair de son temps à couvrir d’injures indécentes, toutes celles et tous ceux d’entre nous qui n’étaient pas d’accord avec la politique de son ancien mentor. Les agents de la Rts ne devraient pas être fiers de cette curieuse nomination qui est, en tous points, une réplique de celle Mamadou Mansaly, à la tête du Conseil d’Administration de la Société industrielle de Réparations navales (Sirn). Comme quoi, nous serions encore loin d’être sortis de l’ornière du wadisme !
Je pourrais m’étendre longuement, plus longuement encore sur le maintien de nombre directions et d’agences nationales impertinentes et inopportunes, et où on continue de nommer des directeurs généraux qui ne sont manifestement à leur place. Je ne saurais donc pas, non plus, aborder l’autre poste stratégique, celui de secrétaire général de ministère, qui est aussi en train de perdre gravement de son lustre d’antan. Il convient de le recadrer et d’en rappeler la mission. Sinon, nous risquerions de nous retrouver bientôt avec 25 secrétaires généraux de ministère et, peut-être, avec plusieurs secrétaires généraux adjoints, puisque le Conseil des Ministres du 19 juillet 2012 en a nommé un au Ministère des Affaires étrangères.
Je viens de passer en revue une situation qui ne pouvait pas tenir compte du Projet de décret modifiant le décret n° 2012-543 du 24 mai 2012, examiné et adopté par le Conseil des Ministres du 19 juillet 2012. J’attends d’en connaître les différentes dispositions pour me faire une idée de ce qui sera éliminé ou maintenu. En attendant, ma préoccupation est que le président de la République ne donne pas raison à ses adversaires cachés ou connus qui affirment, pour certains, que « Macky Sall, c’est Abdoulaye Wade moins l’âge » et, pour d’autres, que « sa gouvernance, c’est du wadisme sans Wade ». La seule voie, la voie royale qu’il doit emprunter pour les démentir, c’est de respecter rigoureusement les engagements qu’il a pris et de ne pas dissoudre son temps à vouloir « récompenser », coûte que coûte, des ralliés et les membres de son Parti. Tous nos compatriotes ne pourraient, en aucun cas, se retrouver chacun avec un poste. Le seul qui mérite vraiment d’être récompensé, c’est d’abord notre brave peuple. Et le président Sall, qui a à son avantage l’expérience malheureuse de son ancien mentor, devrait savoir comment y arriver et assurer, éventuellement, sa réélection en 2017 ou en 2019, si telle était sa volonté. Tout autre choix hasardeux et politicien nous tirerait vers le détestable système des Wade et le Parti taré, sur lequel ils se sont appuyés pendant douze ans, pour nous en faire voir de toutes les couleurs (bleues). Et il échapperait difficilement au cataclysme.
Dakar, le 25 juillet 2012
Mody Niang, e-mail : modyniang@arc.sn
Il convient de rappeler, qu’entre les deux tours de l’élection présidentielle, au moment où il était presque assuré d’être élu, il a donné une conférence de presse (restreinte) le mercredi 7 mars, à l’Hôtel Terrou bi. Il y conviait les invités à un échange au cours duquel ils pouvaient exprimer leurs préoccupations et lui poser toutes les questions relatives à son projet de société. Les initiateurs de cette conférence m’avaient fait l’insigne honneur de m’y convier, et je les en remercie vivement ici. Au cours des échanges qu’il a eus avec quelques-uns des invités, il a réaffirmé vigoureusement ses engagements.
Après ces rappels nécessaires, l’honnêteté commande de reconnaître que le président Sall a posé des actes qui confortent ses engagements. En son temps, je n’avais pas manqué de les signaler et de les appuyer fortement. Et j’en ferai autant chaque fois qu’il me sera donné de constater qu’il prend des mesures de rupture qui nous écartent le plus loin possible de l’odieux système des Wade et de leur clan.
Donc, en un peu plus de cent jours, il a pris des actes diversement appréciés. Certains m’ont laissé carrément sur ma faim. Par rapport à d’autres, j’ai de sérieuses réserves. Pour ne prendre que la première mesure ayant porté sur la réduction des directions et agences nationales, elle a été particulièrement décevante : elle n’a supprimé que quelques directions (50) et agences nationales (9). En outre, certaines mesures individuelles prises en Conseils des Ministres soulèvent de nombreuses interrogations. Il convient cependant, avant de poursuivre cette réflexion, de reconnaître que le président de la République dispose du pouvoir constitutionnel de nomination à tous les emplois civils et militaires, comme d’organiser le fonctionnement de l’administration à sa convenance. Ces prérogatives, personne ne devrait pouvoir les lui contester. Cependant, les citoyens qui l’ont porté à la magistrature suprême – et même les autres – ont le droit d’apprécier ses actes par rapport à leurs attentes et à ce qu’ils considèrent comme l’l’intérêt du pays.
Pour revenir par la première réduction des directions et agences nationales annoncée, elle est loin, très loin d’être drastique, comme le promettait le candidat Sall. Pour le moment donc, de très nombreuses agences et directions dont la pertinence et l’opportunité sont loin d’être prouvées sont maintenues. Il est vrai que, venu présider le « mercredi » du 13 juin 2012 de l’École nationale d’Administration, Monsieur Momar Aly Ndiaye a annoncé la mise en place d’une Commission d’évaluation des directions et des agences restantes. Il en a ensuite dévoilé la composition et l’objectif. Rappelons, en passant, que ce M. Ndiaye, transfuge du Ps puis du Pds, a été nommé tout récemment, Délégué à la Réforme de l’État et à l’Assistance technique, en remplacement de Monsieur Abdou Karim Lo. Au moment de sa promotion fulgurante, il était Secrétaire général adjoint du Gouvernement. M. Ndiaye serait informaticien de formation.
Pour ce « mercredi » du 13 juin 2012 donc, le sujet retenu était « La réforme de l’Administration sénégalaise : rationalisation et perspectives ». Il était présenté par Monsieur Abdoul Aziz Tall, Conseiller en management, qui a travaillé durant de longues années au Bureau Organisation et Méthode (Bom), en qualité de conseiller en organisation. Son Cv est bien plus riche encore et il avait bien meilleur profil pour succéder à Abdou Karim Lo. Simple constatation et non une contestation d’une nomination de celui qui en a la prérogative constitutionnelle !
Bref, le tout nouveau Délégué a salué la « réduction du nombre de (ministres) par le président Sall et la suppression d’agences et de structures inappropriées », et a annoncé que la cure de l’administration n’allait pas s’arrêter en si bon chemin. Nous avons retenu en tout cas que, au titre des textes législatifs et réglementaires, le Conseil des Ministres du 19 juillet 2012 a examiné et adopté le projet de décret modifiant le décret n° 2012-543 du 24 mai 2012, portant répartition des services de l’État et du contrôle des établissement publics.
Les mesures individuelles vont en tout cas bon train, en attendant la signature et la publication du projet de décret annoncé. Nombre de ces mesures sont loin, malheureusement, d’être en phase avec les engagements fermes du président Sall. Pour en rappeler seulement deux, il répondait à un intervenant, et de façon catégorique, que les critères qu’il mettrait en avant dans la nomination de ministres et autres hauts fonctionnaires, étaient la compétence et la bonne moralité. C’était à l’occasion de la conférence de presse du 7 mars 2012 au Teerou bi évoquée plus haut. Le second exemple est tiré de la déclaration qu’il a faite lorsqu’il commentait le projet de Code de transparence dans la gestion des affaires publiques, examiné et adopté au Conseil des Ministres du 27 juin 2012. Il disait exactement ceci : « (…) Ainsi, nul ne peut être nommé ou affecté à un poste comportant des responsabilités financières sans qu’aient été vérifiées préalablement ses compétences techniques, ses aptitudes professionnelles et les garanties de déontologie qu’il présente. »
Je ne suis pas sûr que ledit Code soit déjà en application. S’il l’avait été rigoureusement en tout cas, certaines nominations n’auraient jamais été prises. C’est, notamment, le cas de ce professeur d’Éducation physique et sportive – M. M. pour ne pas le nommer carrément –, bombardé Directeur de l’Administration générale et de l’Équipement (Dage), au Ministère de la Famille, de l’Enfance et de l’Entreprenariat féminin, lors du Conseil des Ministres du 19 juillet 2012. On pouvait aussi donner de nombreux autres exemples de nominations d’« économistes », d’inspecteurs de la Coopération ou d’animation, d’ « experts-consultants » en communication, etc aux importantes fonctions de Dage, sans vérifier au préalable que ces derniers ont des compétences en matière de finances publiques et, principalement, de procédures budgétaires parfois fort complexes. De telles mesures individuelles, nos différents Conseil des Ministres en prennent beaucoup.
Nous avons également le sentiment que la fonction de chef de Service de l’Administration générale et de l’Équipement (Sage) a pratiquement disparu. On y nommait des fonctionnaires de la hiérarchie B, généralement formés au Centre de Formation et de Perfection administratifs (Cfpa), avant que cette école ne fût intégrée dans l’École nationale d’Administration, comme section B : secrétaires d’administration, contrôleurs du Trésor, des impôts, contrôleurs à vocation communale, etc. Les sage sont rarement nommés aujourd’hui : les titulaires des plus « petits » ministères », qui peuvent se réduire parfois à deux ou trois modestes directions au plus, s’empressent de nommer des Dage, sans se préoccuper le moins du monde de leur profil professionnel. On se soucie davantage des sinécures à distribuer que de l’efficacité, et on nomme des parents, des amis, des camarades de parti, des recommandés qui sont loin d’avoir le profil de l’emploi. Pendant ce temps, des administrateurs civils, des inspecteurs du Trésor, des secrétaires d’administration et des contrôleurs de toutes catégories et de classe exceptionnelle ou qui n’en sont pas loin, tournent les pouces dans des bureaux où ils sont exilés. Il semble, heureusement, qu’on les en sorte de plus en plus, pour le bien de notre administration. Le Conseil des Ministres du 12 juillet 2012 a fait des efforts appréciables à cet égard.
Des administrateurs civils compétents et expérimentés, nous en comptons en grand nombre dans notre pays, qui ont bien le profil idéal pour occuper les fonctions les plus hautes et les plus prestigieuses : Directeur de Cabinet du président de la République, du Premier Ministre, Secrétaire général de la présidence de la République ou du Gouvernement, etc. Certains postes stratégiques sont faits pour des profils bien déterminés, dont nous ne manquons point.
Je précise ici sans ambages, que je ne saurais nourrir aucun complexe vis-à-vis des énarques. Rien, vraiment rien n’expliquerait un tel complexe. Le témoignage que je fais ici en leur faveur, je le dois à la seule vérité.
Le même souci de la vérité, de la sobriété, de la rupture et de l’efficacité m’incline à exprimer mes réserves par rapport au nombre de ministres conseillers spéciaux qui continue d’augmenter. J’ai les mêmes réserves par rapports aux arguments qui les justifient. Aussi loin que remontent mes souvenirs, je n’ai pas le sentiment que les directeurs de Cabinet des présidents de la 5ème République qui se son succédé en France aient jamais été ministres, en plus de leurs prestigieuses fonctions. Ni, par ailleurs, les secrétaires généraux de l’Élysée, de Matignon ou du Quai d’Orsay. Ils étaient généralement tous énarques ou au moins diplômés de Sciences PO, à l’exception notable peut-être de Georges Pompidou, agrégé de lettres classiques, passé banquier.
Qui peut me citer un ministre conseiller spécial du président Sall qui ait bien meilleure allure que Jacques Attali ou Henri Guaino ? Pourtant, aucun d’eux n’a jamais été ministre. Du moins pas à ma connaissance. Le président Sall n’a pas besoin de forcer et de forger des statuts à ses conseillers pour leur donner certains avantages. Un simple décret y suffirait. Les présidents Senghor et Diouf, jusqu’à Jean Collin en tout cas, nommaient leurs plus proches collaborateurs sur la base d’un arrêté. Il ne faudrait pas galvauder la fonction ministérielle, comme du temps des Wade. La fonction de conseiller spécial du président de la République, n’est-elle pas déjà suffisamment revalorisante ?
Pour revenir aux nominations du président Macky Sall, je passerai difficilement sous silence celle intervenue lors du Conseil des Ministres du 19 juillet 2012, d’un Directeur de l’Enfance au Ministère de la Famille, de l’Enfance et de l’Entreprenariat féminin, alors que ce même Ministère a, sous sa tutelle, l’Agence nationale de la Petite Enfance et de la Case des Tout Petits, qui a déjà sa tête, comme Directrice générale, une jeune étudiante en sociologie. Pendant ce temps, le Ministère de l’Éducation nationale a, elle aussi, son Directeur (ou sa Directrice) de l’Éducation préscolaire. Toutes ces trois structures, qui ont à leur tête des directeurs ou des directrices, prennent en charge la petite enfance (0 à 5-6 ans). Alors, pourquoi ne pas les fondre en une seule rattachée à un Ministère, à celui de l’Éducation par exemple ? Sobriété, humilité, rupture, efficacité, ou êtes-vous ?
Ces jours derniers, les différents quotidiens et hebdomadaires de la place ont commenté abondamment la nomination d’un nouveau Directeur général à la tête de la Senelec. Je ne m’y appesantirai pas outre mesure. Tout au plus, exprimerai-je mon étonnement devant l’empressement du président de la République à appeler le directeur général déchu à ses côtés, comme ministre conseiller spécial (encore un !). Nous avons quand même besoin de comprendre le sens de certaines nominations ! Et si le directeur déchu, dont la longue gestion n’a pas été des plus performantes, s’appelait seulement Mody Niang, et non Seydina Issa Laye Kane ! Le temps n’est-il pas enfin venu pour nous tous, de faire l’effort de nous libérer de certaines pesanteurs qui plombent terriblement notre marche vers l’émergence économique ?
Nous aurions pu évoquer la nomination surprenante, comme président du Conseil d’Administration (Pca) de la Rts (sic) de ce compatriote, dont le seul mérite était de passer le plus clair de son temps à couvrir d’injures indécentes, toutes celles et tous ceux d’entre nous qui n’étaient pas d’accord avec la politique de son ancien mentor. Les agents de la Rts ne devraient pas être fiers de cette curieuse nomination qui est, en tous points, une réplique de celle Mamadou Mansaly, à la tête du Conseil d’Administration de la Société industrielle de Réparations navales (Sirn). Comme quoi, nous serions encore loin d’être sortis de l’ornière du wadisme !
Je pourrais m’étendre longuement, plus longuement encore sur le maintien de nombre directions et d’agences nationales impertinentes et inopportunes, et où on continue de nommer des directeurs généraux qui ne sont manifestement à leur place. Je ne saurais donc pas, non plus, aborder l’autre poste stratégique, celui de secrétaire général de ministère, qui est aussi en train de perdre gravement de son lustre d’antan. Il convient de le recadrer et d’en rappeler la mission. Sinon, nous risquerions de nous retrouver bientôt avec 25 secrétaires généraux de ministère et, peut-être, avec plusieurs secrétaires généraux adjoints, puisque le Conseil des Ministres du 19 juillet 2012 en a nommé un au Ministère des Affaires étrangères.
Je viens de passer en revue une situation qui ne pouvait pas tenir compte du Projet de décret modifiant le décret n° 2012-543 du 24 mai 2012, examiné et adopté par le Conseil des Ministres du 19 juillet 2012. J’attends d’en connaître les différentes dispositions pour me faire une idée de ce qui sera éliminé ou maintenu. En attendant, ma préoccupation est que le président de la République ne donne pas raison à ses adversaires cachés ou connus qui affirment, pour certains, que « Macky Sall, c’est Abdoulaye Wade moins l’âge » et, pour d’autres, que « sa gouvernance, c’est du wadisme sans Wade ». La seule voie, la voie royale qu’il doit emprunter pour les démentir, c’est de respecter rigoureusement les engagements qu’il a pris et de ne pas dissoudre son temps à vouloir « récompenser », coûte que coûte, des ralliés et les membres de son Parti. Tous nos compatriotes ne pourraient, en aucun cas, se retrouver chacun avec un poste. Le seul qui mérite vraiment d’être récompensé, c’est d’abord notre brave peuple. Et le président Sall, qui a à son avantage l’expérience malheureuse de son ancien mentor, devrait savoir comment y arriver et assurer, éventuellement, sa réélection en 2017 ou en 2019, si telle était sa volonté. Tout autre choix hasardeux et politicien nous tirerait vers le détestable système des Wade et le Parti taré, sur lequel ils se sont appuyés pendant douze ans, pour nous en faire voir de toutes les couleurs (bleues). Et il échapperait difficilement au cataclysme.
Dakar, le 25 juillet 2012
Mody Niang, e-mail : modyniang@arc.sn