La cinquantaine sonnée, Mme Anta Faye, employée dans une société de la place, ajoute avoir confié la garde de ses enfants à sa bonne. « Leur père travaille. Il a le même agenda que moi », se justifie-t-elle avant d’ajouter : « c’est Dieu qui éduque nos enfants. Nous n’avons pas le temps de nous occuper pleinement d’eux. Nous sommes préoccupés par la dépense quotidienne. L’essentiel aujourd’hui, c’est de mettre les enfants dans de bonnes conditions d’études ».
Avant que Mme Faye ne prenne congé de nous, Dame Diop, un homme de teint clair, vêtu d’un grand boubou blanc, s’assoie à côté d’elle. Le regard fixé sur notre enregistreur, il lance sur un ton moqueur : « Lou khewati ? j’espère que vous ne parlez pas de politique ». Non, il m’interpelle sur la supposée démission des parents par rapport l’éducation de leurs enfants. Quelle démission ? s’interroge notre interlocuteur, habitant de Castor, l’air un peu surpris. « Jamais les parents ne démissionneront de l’éducation de leurs enfants. Les parents font ce qu’ils peuvent faire. Ils se battent nuit et jour pour donner une bonne éducation à leurs enfants », souligne-t-il. Toutefois, M. Diop, qui est fonctionnaire à la retraite, précise : « il y a actuellement des paramètres qui entrent encompte dans l’éducation des enfants et qui échappent au contrôle des parents. Il s’agit de la télévision, de Internet, etc. ». Chapelet à la main, un autre vieux s’invite au débat : « auparavant, à 20 heures, juste après le repas du soir, nous étions en discussion avec notre grand-père qui nous racontait des événements qui se sont déroulés pendant l’histoire coloniale. Il nous faisait notre arbre généalogique ». Le vieil homme au chapelet nous lance : je suis sûr que tu ne peux pas citer quatre de tes arrières grands-parents ». Ceux qui assistent aux échanges éclatent de rire.
Le bus ayant presque fait le plein, le chauffeur et le receveurprennent leurs positions respectives. Le trajet peut bien démarrer. Les passagers se bousculent devant le guichet. Une dame, environ la cinquantaine, avance difficilement après avoir acheté un billet. Un jeune l’invite à prendre sa place. Un geste qui n’échappe pas à Dame Diop. «Cet acte prouve qu’il y a encore des enfants bien éduqués. Dans chaque domaine de la vie nationale, il y a des brebis galeuses », dit-il. La dame accompagne les propos de M. Diop avec des prières pour le jeune homme.
A l’arrêt situé en face de la place de l’Obélisque, nous quittons le bus. Quelques passagers nous y remplacent. Ils laissent derrière eux des hommes et femmes qui attendent également un car pour rentrer. Il est 17 heures 10. « J’ai hâte d’arriver chez moi. Depuis une dizaine de minutes, j’attends le bus n°13. J’ai quitté chez moi depuis 7 heures. Heureusement, mes enfants sont partis en vacances chez leur grand-père », confie Mme Aicha Ndiaye. Habitante de Dieuppeul Castor, elle poursuit : « comme je n’ai pas toujours le temps de m’occuper d’eux, je préfère les envoyer au village pour qu’ils apprennent à vivre en milieu rural ». Et Mme Ndiaye d’ajouter : « je n’ai pas les moyens de les envoyer en colonie de vacances. Je ne préfère pas aussi les laisser errer dans les rues ou jouer ».
En face de notre interlocutrice, sur le terrain de football, une centaine de jeunes jouent au ballon. D’autres sont restés sur la touche pour manifestement supporter leurs copains. « Dans ces conditions, personne ne peut assurer à ses enfants une bonne éducation. Les enfants sont de plus en plus influencés par leur environnement », déplore Mme Ndiaye. « Nous sommes souvent assaillis par les difficultés quotidiennes au point que nous sommes obligés de presque mettre de côté le contrôle des enfants », ajoute-telle.
Les enseignants, les maîtres coraniques jouaient un rôle important dans le contrôle des enfants. Mais ces deux éducateurs semblent perdre leur lustre d’antan. « Nous n’osons plus corriger comme il le faut les enfants avec une cravache. Si nous le faisons, leurs parents peuvent nous poursuivre en justice. Et puis nous aussi, nous joignons difficilement les deux bouts. Il n’y a plus de motivation », se désole cet enseignant sous le sceau de l’anonymat.
Nouveaux outils d’éducation
Le bruit des véhicules et les forts nuages ne gênent pas les enfants qui continuent de jouer. « Nous sommes en vacances. Nous n’avons plus de leçons. Il faut que nous jouions », lance un jeune. Manifestement excités par les
propos du jeune homme, deux autres enfants s’approchent et confient : « si on ne joue pas, on va dans les salles de jeu ou au cyber ». Internet occupe de plus en plus une place importante dans le quotidien des enfants. Il a un impact sur son éducation. Mme Aïssatou Ly Niang, présidente du Comité national des enseignantes pour la promotion de la scolarisation des filles (Cnespscofi), admet qu’il y a aujourd’hui émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication.Toutefois, elle pense que même si le contexte a changé, les valeurs traditionnelles qui font la fierté de la société sénégalaise sont toujours là. « Il y a dans Internet et la télévision des choses qui peuvent contribuer à éduquer les enfants. Quand je regarde un film avec mes enfants, j’essaie de leur donner la leçon de vie véhiculée à travers les images. Si ce sont de bonnes images, je leur demande de copier, si c’est le contraire, je les exhorte à bannir cela dans leur vie. L’éducation doit commencer dans l’espace familial. Tout n’est pas mauvais à la télévision », souligne-t-elle. Même si elle ne met pas tous
les parents dans le même sac, elle estime qu’il y a des chefs de famille démissionnaires. « Je ne peux pas dire que tous les parents sont démissionnaires. Certains continuent de jouer pleinement leur rôle en procédant au suivi et au contrôle de la scolarité de leurs enfants. Mais il y a des parents démissionnaires », martèle-t-elle. Et la présidente de la Cnespscofi d’ajouter : « il y a des parents qui laissent leurs filles s’habiller n’importe comment avec toutes les conséquences que cela peut engendrer. L’habillement est un support en rapport avec l’école. Le parent doit s’occuper des enfants, faire un suivi régulier de leur scolarité ».
Mme Niang estime que dans la cellule, les parents doivent jouer pleinement leur rôle. « L’école n’est que le prolongement de la famille. Si l’enfant a une bonne éducation de base, il va forcément répercuter cela dans son vécu quotidien, à l’école et à la rue », indique-t-elle, invitant les parents à ne pas se décharger sur l’école. Le temps est un facteur poussant à la démission des parents. « Quand on se lève à 5 heures du matin pour aller au travail, on peut ne pas avoir le temps de contrôler si son enfant porte une tenue extravagante ou pas », explique-t-elle. Toutefois, souligne Mme Niang, « on peut toujours trouver le temps de s’occuper de l’éducation de ses enfants pour ne pas avoir des surprises désagréables ».
Avant que Mme Faye ne prenne congé de nous, Dame Diop, un homme de teint clair, vêtu d’un grand boubou blanc, s’assoie à côté d’elle. Le regard fixé sur notre enregistreur, il lance sur un ton moqueur : « Lou khewati ? j’espère que vous ne parlez pas de politique ». Non, il m’interpelle sur la supposée démission des parents par rapport l’éducation de leurs enfants. Quelle démission ? s’interroge notre interlocuteur, habitant de Castor, l’air un peu surpris. « Jamais les parents ne démissionneront de l’éducation de leurs enfants. Les parents font ce qu’ils peuvent faire. Ils se battent nuit et jour pour donner une bonne éducation à leurs enfants », souligne-t-il. Toutefois, M. Diop, qui est fonctionnaire à la retraite, précise : « il y a actuellement des paramètres qui entrent encompte dans l’éducation des enfants et qui échappent au contrôle des parents. Il s’agit de la télévision, de Internet, etc. ». Chapelet à la main, un autre vieux s’invite au débat : « auparavant, à 20 heures, juste après le repas du soir, nous étions en discussion avec notre grand-père qui nous racontait des événements qui se sont déroulés pendant l’histoire coloniale. Il nous faisait notre arbre généalogique ». Le vieil homme au chapelet nous lance : je suis sûr que tu ne peux pas citer quatre de tes arrières grands-parents ». Ceux qui assistent aux échanges éclatent de rire.
Le bus ayant presque fait le plein, le chauffeur et le receveurprennent leurs positions respectives. Le trajet peut bien démarrer. Les passagers se bousculent devant le guichet. Une dame, environ la cinquantaine, avance difficilement après avoir acheté un billet. Un jeune l’invite à prendre sa place. Un geste qui n’échappe pas à Dame Diop. «Cet acte prouve qu’il y a encore des enfants bien éduqués. Dans chaque domaine de la vie nationale, il y a des brebis galeuses », dit-il. La dame accompagne les propos de M. Diop avec des prières pour le jeune homme.
A l’arrêt situé en face de la place de l’Obélisque, nous quittons le bus. Quelques passagers nous y remplacent. Ils laissent derrière eux des hommes et femmes qui attendent également un car pour rentrer. Il est 17 heures 10. « J’ai hâte d’arriver chez moi. Depuis une dizaine de minutes, j’attends le bus n°13. J’ai quitté chez moi depuis 7 heures. Heureusement, mes enfants sont partis en vacances chez leur grand-père », confie Mme Aicha Ndiaye. Habitante de Dieuppeul Castor, elle poursuit : « comme je n’ai pas toujours le temps de m’occuper d’eux, je préfère les envoyer au village pour qu’ils apprennent à vivre en milieu rural ». Et Mme Ndiaye d’ajouter : « je n’ai pas les moyens de les envoyer en colonie de vacances. Je ne préfère pas aussi les laisser errer dans les rues ou jouer ».
En face de notre interlocutrice, sur le terrain de football, une centaine de jeunes jouent au ballon. D’autres sont restés sur la touche pour manifestement supporter leurs copains. « Dans ces conditions, personne ne peut assurer à ses enfants une bonne éducation. Les enfants sont de plus en plus influencés par leur environnement », déplore Mme Ndiaye. « Nous sommes souvent assaillis par les difficultés quotidiennes au point que nous sommes obligés de presque mettre de côté le contrôle des enfants », ajoute-telle.
Les enseignants, les maîtres coraniques jouaient un rôle important dans le contrôle des enfants. Mais ces deux éducateurs semblent perdre leur lustre d’antan. « Nous n’osons plus corriger comme il le faut les enfants avec une cravache. Si nous le faisons, leurs parents peuvent nous poursuivre en justice. Et puis nous aussi, nous joignons difficilement les deux bouts. Il n’y a plus de motivation », se désole cet enseignant sous le sceau de l’anonymat.
Nouveaux outils d’éducation
Le bruit des véhicules et les forts nuages ne gênent pas les enfants qui continuent de jouer. « Nous sommes en vacances. Nous n’avons plus de leçons. Il faut que nous jouions », lance un jeune. Manifestement excités par les
propos du jeune homme, deux autres enfants s’approchent et confient : « si on ne joue pas, on va dans les salles de jeu ou au cyber ». Internet occupe de plus en plus une place importante dans le quotidien des enfants. Il a un impact sur son éducation. Mme Aïssatou Ly Niang, présidente du Comité national des enseignantes pour la promotion de la scolarisation des filles (Cnespscofi), admet qu’il y a aujourd’hui émergence des nouvelles technologies de l’information et de la communication.Toutefois, elle pense que même si le contexte a changé, les valeurs traditionnelles qui font la fierté de la société sénégalaise sont toujours là. « Il y a dans Internet et la télévision des choses qui peuvent contribuer à éduquer les enfants. Quand je regarde un film avec mes enfants, j’essaie de leur donner la leçon de vie véhiculée à travers les images. Si ce sont de bonnes images, je leur demande de copier, si c’est le contraire, je les exhorte à bannir cela dans leur vie. L’éducation doit commencer dans l’espace familial. Tout n’est pas mauvais à la télévision », souligne-t-elle. Même si elle ne met pas tous
les parents dans le même sac, elle estime qu’il y a des chefs de famille démissionnaires. « Je ne peux pas dire que tous les parents sont démissionnaires. Certains continuent de jouer pleinement leur rôle en procédant au suivi et au contrôle de la scolarité de leurs enfants. Mais il y a des parents démissionnaires », martèle-t-elle. Et la présidente de la Cnespscofi d’ajouter : « il y a des parents qui laissent leurs filles s’habiller n’importe comment avec toutes les conséquences que cela peut engendrer. L’habillement est un support en rapport avec l’école. Le parent doit s’occuper des enfants, faire un suivi régulier de leur scolarité ».
Mme Niang estime que dans la cellule, les parents doivent jouer pleinement leur rôle. « L’école n’est que le prolongement de la famille. Si l’enfant a une bonne éducation de base, il va forcément répercuter cela dans son vécu quotidien, à l’école et à la rue », indique-t-elle, invitant les parents à ne pas se décharger sur l’école. Le temps est un facteur poussant à la démission des parents. « Quand on se lève à 5 heures du matin pour aller au travail, on peut ne pas avoir le temps de contrôler si son enfant porte une tenue extravagante ou pas », explique-t-elle. Toutefois, souligne Mme Niang, « on peut toujours trouver le temps de s’occuper de l’éducation de ses enfants pour ne pas avoir des surprises désagréables ».