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ÉMEUTES DE KEDOUGOU : L’ÉTAT DÉCIDE A FAIRE LA LUMIÈRE

Trois jours après la marche des jeunes de Kédougou, qui s’est muée en émeute, les ministres d’Etat, ministres de l’Intérieur et des Forces armées, Cheikh Tidiane Sy et Bécaye Diop se sont rendus hier dans la capitale de la région minière du Sénégal. Une visite qui a permis de constater de visu les dégâts matériels occasionnés dans les édifices publics, mais aussi la voolonté de l’Etat de faire la lumière sur ces manifestations.


Rédigé par leral.net le Samedi 27 Décembre 2008 à 08:40 | | 0 commentaire(s)|

ÉMEUTES DE KEDOUGOU : L’ÉTAT DÉCIDE A FAIRE LA LUMIÈRE
Il est 12h 30 lorsque le convoi des deux ministres accompagnés d’officiers supérieurs de l’Armée dont le général Abdoulaye Fall de la Gendarmerie est entré dans une ville où règne un calme plat. Les populations vaquent tranquillement à leurs occupations dans une ville cependant quadrillée par des forces de l’ordre, notamment les éléments du Groupement mobile d’intervention (Gmi), de la Gendarmerie territoriale ainsi que des militaires. « 576 hommes de ces différents corps assurent actuellement la sécurisation de la ville », confie le commandant Daouda Diop de la Division Communication de la Gendarmerie. Ils sont dans les endroits sensibles. Leur apparat, surtout celui des éléments du Gign encagoulés, peut dissuader plus d’un manifestant. Certes règne le calme dans la ville, mais les séquelles des affrontements sont partout visibles. Et le décor qui s’offre au visiteur dans les édifices publics est indescriptible.

Symboles de l’Etat détruits

La visite a démarré par la Compagnie et la Brigade de la Gendarmerie. A la Brigade, le spectacle est désolant : 5 véhicules calcinés, la toiture détruite, des cailloux partout, les chambres à coucher brûlées, partout des débris de pare-brise. Ici, le commandant, l’adjudant-chef Dramé a été victime de quelques blessures légères. « Tout cela n’est rien par rapport à ce que vous allez voir dans les autres sites », dit le Gouverneur Mamadou Diome, devant la désolation des visiteurs. « Je n’ai jamais vu ça. Ils mettront 50 ans pour rattraper tout cela », s’exprime un commandant de la Gendarmerie. « Nous avons enregistré 9 blessés légers », dit le lieutenant Ndour de la Compagnie de Kédougou.

Après les gendarmes, c’est au tour des policiers notamment de la Brigade mobile de surveillance plus connue sous le nom de Bms, d’être victimes de la furie des manifestants. Tout y est incendié : les 3 bâtiments, 1 véhicule, 1 motocycle, la toiture mais également la porte en fer du magasin d’armement défoncée. « Sans doute pour prendre des armes », dit un policier.

A la Brigade de Gendarmerie comme à la Bms, aucun bureau n’a échappé à la furie destructrice des émeutiers. « Ils ont tout brûlé », se désole le Préfet Mamadou Mbaye qui constate que les émeutiers ne se sont attaqués qu’aux « symboles de l’Etat ». En effet, les attaques perpétrées ont été dirigées contre « tout ce qui peut symboliser l’Etat dans la capitale de la nouvelle région de Kédougou », comme le soutient le ministre d’Etat, ministre de l’Intérieur, Cheikh Tidiane Sy.

De là, on arrive au Service de l’Urbanisme. Là aussi, c’est le même constat de désolation. Des troncs d’arbre qui ont servi à mettre le feu sont encore en place. Les portes sont défoncées, les bureaux saccagés et brûlés.

Archives administratives disparues

« L’administration est à genou à Kédougou. La ville est désormais sans mémoire ». Ces propos de l’adjoint au Gouverneur chargé des Affaires administratives, El Hadji Madické Dramé, ne sont pas de trop. Les services de Sécurité, de Justice, de l’Education, de la Douane, de La Poste, etc., tous ont perdu leurs archives.

Au Tribunal départemental, après avoir défoncé le grand portail en fer, les manifestants ont tout cassé et saccagé. Les vitres cassées, on marche sur des tessons de verre, les archives sont calcinées ou déchirées comme on le constate par terre, mobilier détruit, du matériel (comme les ordinateurs) volé, selon le président du Tribunal, le magistrat Gorgui Diouf, visiblement très affecté. « Tout ce qui n’a pas été emporté a été détruit », ajoute-t-il. C’est le cas des tables et bancs de la salle d’audience. On y ramasse un cocktail molotov. Même le mât du drapeau national n’a pas été épargné. « On ne sait pas ce qu’ils ont fait du drapeau », affirme le commandant Daouda Diop de la Gendarmerie. Expliquant la scène, le magistrat Diouf dont le bureau est totalement calciné raconte : « ils sont arrivés alors que j’étais en audience de conciliation. Je m’étais réfugié dans les toilettes avec les plaignants pendant 3 heures. Ils ont voulu défoncer la porte. J’ai vécu des moments terribles. Ils ont donné l’ordre de tout brûler. Certains manifestants étaient ivres parce que j’ai retrouvé dehors des bouteilles de bière ».

Comme le tribunal, l’Inspection départementale de l’Education, a reçu la visite des émeutiers. Tout est brûlé. « Il n’y a plus d’archives, la mémoire de l’Education est partie en fumée. C’est une documentation constituée depuis l’époque coloniale sur l’évolution des structures, des effectifs, le fichier du personnel qui a disparu », se désole l’inspecteur Aliou Sylla qui était absent au moment des faits. Pour lui, il sera difficile d’organiser les examens dans la nouvelle région.

Mais le spectacle est plus désolant à la Préfecture : tout le bâtiment et son contenu (archives) ont été brûlés. Quatre (4) véhicules calcinés dont celui du Préfet et du personnel de l’Urbanisme. Des archives déchirées sont jetées dans la cour. La toiture du bâtiment incendiée. « Tout est détruit. Des archives de plus de 50 ans sont parties en fumée », s’indigne le Préfet Mamadou Mbaye. Son adjoint Amadou Wagué, qui était sur les lieux au moment des faits, a, dit-il, gardé son sang froid pour sortir tranquillement. Dans la résidence du Préfet, un beau bâtiment à étage, il ne reste plus rien à l’intérieur. Dans la cour, on y retrouve 2 voitures calcinées dont celle personnelle du Préfet de Salémata.

A l’intérieur, tout ce qui peut être emporté l’a été et le reste brûlé : meubles, chambres à coucher (comme celle du Préfet), armoires. Le carrelage du salon décapé et mis dans des cartons. « Apparemment, ils n’ont pas eu le temps de les emporter », dit un officier de la Gendarmerie. « Nous avons escaladé le mur pour nous réfugier derrière », explique le Préfet. « Nous avons passé la nuit au camp militaire parce qu’ils (émeutiers) menaçaient de s’attaquer aux Hlm habités en majorité par les non-autochtones », disent le Préfet et le président du tribunal.

A La Poste, ce sont les vitres qui ont été cassées. « On a pu sauver des choses », renseigne le receveur Abdou Diaga. Le poste de la Douane a aussi subi les assauts des émeutiers. Ici, matériels de bureau (ordinateurs), argent (environ 3 millions), motos saisies, ont été emportés par les manifestants, souligne l’agent breveté Mamadou Sène. Dans la cour, on dénombre 4 véhicules calcinés. Idem pour d’autres motos, des bureaux, la toiture ainsi que les archives.

A la mairie, 2 bus ont été brûlés, tandis qu’au service du Développement rural, on décompte 3 véhicules calcinés ainsi que les bureaux. Parmi ces véhicules, celui du Gouverneur, une Land Rover Pajero 7 vitesses équipée de radar. « Ce véhicule coûte 50 millions Fcfa », explique le chauffeur Mouhamadou Bamba Diop. « Du matériel et des vivres ont été également volés », ajoute le chef du service, Maguette Ndiaye. Au service des Eaux et Forêts, seul un véhicule a été brûlé et le pare-brise du camion-citerne brisé. Seule la Gouvernance a échappé à cette furie. Grand bâtiment situé sur la route de Saraya, sa porte a résisté aux assauts des manifestants. N’ayant pu entrer, ces derniers ont déversé une pluie de pierres sur la bâtisse. La terrasse est jonchée de ces pierres alors que le mur porte les stigmates de ces jets de pierre. « Un sergent de l’armée est arrivé à extirper le Gouverneur et sa famille par derrière, en escaladant le mur », explique Madické Dramé.

35 arrestations

Le bilan de la manifestation, selon le commandant de la Gendarmerie territoriale, le colonel Madjimby Diop, est de 1 mort puisque « le 2è mort a été agressé la nuit dans sa boutique », comme le dit le médecin-chef Doudou Sène, 9 blessés légers du côté des forces de l’ordre et 23 chez les manifestants. Plus d’une vingtaine de véhicules ont été brûlés. Un pool d’enquête formé des 3 forces en place (Police, Gendarmerie et Armée) a été constitué. Une collaboration saluée par le colonel Diop, qui poursuit que parmi la plupart des instigateurs identifiés, 11 sont arrêtés (dont 4 anciens militaires) ainsi que 24 participants actifs, soit un total de 35 arrestations. « Nous vous félicitons pour votre sang froid et votre professionnalisme. Continuez le travail car sans doute, on va vers une bataille judiciaire », soulignent les ministres d’Etat, ministres de l’Intérieur et des Forces armées. Ces derniers se sont rendus dans la maison du jeune Mamadou Sina Sidibé tué dans les affrontements pour présenter leurs condoléances.

« La lumière sera faite », assurent les ministres

Faisant l’économie de la visite, les ministres d’Etat, ministres de l’Intérieur et des Forces armées, Cheikh Tidiane Sy et Bécaye Diop ont promis de « faire toute la lumière » sur ces incidents et que « force restera à la loi ». « On ne peut pas parler d’un mouvement spontané à propos de cette manifestation de Kédougou », souligne d’emblée Cheikh Tidiane Sy s’adressant à la presse. Il est convaincu que cela a été « mûrement préparé », au vu des « destructions et de leur ampleur ». De l’avis du ministre de l’Intérieur, « rien ne justifie de telles violences » puisque les jeunes pouvaient utiliser d’autres canaux. Car, quelle que soit la légitimité des revendications, ils auraient pu trouver solution dans le dialogue comme nous y invite le chef de l’Etat », indique M. Sy, tout en saluant le « savoir-faire, le professionnalisme et la maîtrise » des forces de sécurité « qui ont rétabli la sécurité sans graves conséquences ».

Déplorant la mort du jeune Mamadou Sina Sidibé, il note que n’eût été le sens de la retenue des forces de l’ordre, au vu de l’ampleur des destructions, le bilan aurait été plus lourd en termes de pertes en vies humaines et de blessés. Se félicitant de l’ordre rétabli, il ajoute : « nous prendrons toutes les mesures nécessaires pour que force reste à la loi ». Mieux, « il n’est pas question de transiger avec ceux qui font usage de la violence d’où qu’ils viennent et quelles que soient leurs conditions », car « les libertés individuelles et collectives sont consacrées par la Constitution ». M. Sy de faire remarquer qu’on ne bâtit rien dans la violence et la confrontation.

Quant au ministre d’Etat Bécaye Diop, il promet de renforcer la présence des forces de sécurité dans la nouvelle région. « Nous avions envisagé, dans la programmation faite au niveau du ministère des Forces armées, un travail de sécurisation dans la 2è quinzaine du mois de janvier. Mais, compte tenu des évènements et de ce que nous avons vu aujourd’hui, nous sommes obligés d’aller plus vite que prévu », dit-il.

source le soleil

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