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ENTRETIEN AVEC SERIGNE MANSOUR SY DJAMIL : «Pourquoi les potlitiques ont besoin des marabouts»

C'est le Gamou célébré vendredi dernier qui nous a motivé à inter viewer Serigne Mansour Sy Djamil. L'occasion était donc belle pour revenir avec ce brillant intellectuel doublé d'un chef religieux sur les questions qui interpellent la société sénégalaise. C'est que Serigne Mansour n'est pas du genre à s'épancher dans la presse. Surtout quand le débat devient stérile. Dans ce second et dernier jet de l'entretien accordé à Walf Grand-Place, le marabout nous guide dans les secrets de l'histoire de l'Islam au Sénégal, notamment le soufisme, le rôle des confréries, l'apport de Maodo, de Bamba... Mais il explique surtout pourquoi les partis politiques font la cour aux marabouts.


Rédigé par leral.net le Mardi 2 Mars 2010 à 20:23 | | 3 commentaire(s)|

ENTRETIEN AVEC SERIGNE MANSOUR SY DJAMIL : «Pourquoi les potlitiques ont besoin des marabouts»
Walf Grand-Place : Certains pensent que le soufisme est un des points centraux de la pensée islamique. À votre avis, est-ce que le soufisme a ses fondements dans le Coran et la Sunna ?

Serigne Mansour Sy Djamil : Les sources du soufisme sont l'une des questions les plus délicates de la pensée islamique.

Les orientalistes, fascinés par la beauté du soufisme, se deman daient comment une spiritualité aussi universaliste pouvait éma ner de la «religion de Mohamed». Les orientalistes rivalisèrent pour trouver, qui une source chretienne, qui une source hindoue, qui une source hellénistique, à la mystique musulmane. Louis Massignon, dans une étude déjà, ancienne qui reste une référence, a réfuté une à une ces allégations mettant en évidence le caractère foncièrement coranique du sou fisme en affirmant que : «C'est du Coran constamment récité, médité, pratiqué que procède le mysticisme islamique, dans son origine et son développement.» Dans sa célèbre thèse, «la Passion de Hallaj», il reconnaît qu'il y a dans le Coran les germes réels d'une mystique, susceptible d'un développement autonome sans fécondation étrangère.

Le soufisme musulman a vu le jour au ler et 2e siècle de l'Hégire, comme expression de la pléni tude religieuse, résidant dans la valeurs telles que la dévotion que l'Islam essayait d'insuffler à l'âme des musulmans. Cet ascétisme se manifeste dans un comporte ment pratique qui conduit à la purification du coeur et du corps par l'application la plus empi rique de la Charia, c'est-à-dire le Coran et la tradition prophétique.

Mais il convient de remarquer une mutation très claire interve nue pour l'ascétisme dans les débuts du 3ème siècle de l'Hégire, âge d'or du soufisme islamique. Les ascètes ne portaient plus ce nom, mais celui de soufi et sui vaient un itinéraire vers Dieu qui permet à l'aspirant de s'élever vers les hauteurs célestes à travers les stations initiatiques et les états spirituels, la gnose et ses modali tés d'approche de l'unicité trans cendantale, ou le dogme fonda teur de fana (extinction), de haq (substance).

À cause de ce qui précède, le soufisme a connu au 5ème siècle une période de réforme pour le ramener dans le cadre du Coran et de la tradition prophétique. Qucheiri et Gazali, les soufis les plus importants de cette période lui imprimeront leur marque sun nite.

Nous avons ensuite le sou fisme spéculatif des 6ème et 7ème siècles de l'Hégire. Ses fondements reposent sur l'idée qu'il n'y a d'existence, que celle de Dieu et que les autres spectacles du monde sensible ne sont qu'illu sion. Du point de vue de l'es sence, il n'y a pas de différence entre l'existence du Créateur et l'existence des créatures. La mul tiplicité du monde extérieur n'est que le fruit d'une perception sen sorielle et l'esprit humain, limité, est saisi de l'unité essentielle des choses. Dieu est dans toute chose, elle est toute chose.

Quel rôle les confréries que nous connaissons ici au Sénégal jouent dans le soufisme ?

Le soufisme s'est mué en phi losophie de la vie pour une grande partie de la Ummah isla­mique. Il a ses systèmes, ses règles et ses procédures particulières. Alors que le soufisme avant était le fait d'individus qui apparais saient de manière sporadique, sans liens entre eux, les confréries sont très nombreuses et très répandues.

Le mot «confrérie» s'applique, chez les soufis, à un groupe d'in dividus qui se réfèrent à un Cheikh particulier, se soumettent à une discipline précise, dans leur itinéraire spirituelle, qui mènent une vie communautaire autour de leur Zawiya et tiennent des réunions périodiques à des occa sions précises, et forment des séances d'invocation ou des cours d'éducation, régulièrement. «En fait, loin des débats spéculatifs, ce que recherchent les confréries, en premier, c'est un objectif moral, l'oubli de soi, le respect de la parole donnée, le travail, la patience, l'amour d'autrui.» La confrérie offre au disciple une discipline spirituelle (Mujahada), un effort orienté vers la vie mystique pour jeter les bases d'un itinéraire, ses règles, la relation entre le Maître et le disciple, la retraite et la soli tude, la faim et l'abstinence, le silence et l'invocation.

Ces ordres confrériques parta gent une organisation substan tiellement identique. L’ordre est présidé de génération en généra tion. par le successeur du Cheikh, du fondateur, dont la suprématie est reconnue par les chefs fidèles de différents centres. Beaucoup de critiques sont formulées sur les méthodes de dévolution du pou voir du fait que les chefs d'au jourd'hui n'ont ni le charisme, ni la sainteté, ni la production intel lectuelle des pieux anciens.

C'est cet Islam maraboutique, populaire dominé par le culte des Saints et la diffusion constante d'un sacré mêlé au merveilleux, que l'Europe du XIXe siècle découvre dans tous les pays conquis.

Mais la question qui se pose est de savoir comment une doc trine qui préconise le renonce ment au monde a pu, d'une si déterminante manière, être au coeur de la lutte pour la justice sociale, l'indépendance, la démo cratie ?

Le soufisme contemporain annonce l'avènement d'une pos ture islamique nouvelle qui, si elle a tenu compte des réponses don nées par les islamistes aux ques tions obsédantes qui interpellent l'Islam, ne s'en démarque pas moins par un recours au soufisme comme élément salvateur de la modernité musulmane. On peut montrer à travers l'exemple de l'engagement des soufis tout au long de l'histoire, comment impulser aujourd'hui l'émer­gence d'une nouvelle confrérie résolument moderne dont l'orientation et l'activisme éduca­tif et politique traduisent une réelle volonté réformiste. La Ummah Islamique, fécondée par tout par la menace de l'islamisme, trouve au Sénégal une posture confrérique qui s'appuie sur une implantation plusieurs fois sécu laire qui mérite d'être réactivée.

Et comme le disait Marx à pro pos de Luther, le soufisme «a brisé la foi en l'autorité en restaurant l'autorité de la foi». Ceci apparaît clairement dans la vie d'El Hadj Malick Sy et de Cheikh Ahmadou Bamba, telle que le montre la pré gnance du Tidianisme et du Mouridisme dans la société séné galaise.

Vous dites qu'il y a une restau ration de l'autorité de la foi au Sénégal. Pouvez-vous dire comment cela a pu se passer ?

Cela s'est passé au Sénégal grâce à des faits historiques extrêmement importants. Et, je trouve que l'émergence du soufisme est consubstantielle à l'émergence de l'État Sénégalais. C'est pour cela que c'est très difficile de les découpler.

Comment s'est faite la res tauration de l'autorité de la foi au Sénégal?

Quand Lat Dior a perdu le pouvoir, il est allé se réfugier der rière Maba Diakhou Bâ. Ce der­nier lui a posé une condition. Il lui a dit : «Je vais vous remettre au pouvoir, mais à condition que vous vous convertissiez à l'Islam et à condition que vous appreniez la religion. Je ne veux pas de conver sion superficielle. Je vais vous met tre en contact avec un professeur émérite.» Et, ce professeur émérite n'était autre que Mame Mor Anta Saly qui est le père de Serigne Touba. Donc, c'est à partir de ce moment-là que Maba Diakhou a supervisé non seulement la conversion de Lat Dior à l'Islam, mais aussi son éducation de base. Ce n'est que lorsqu'il a été rassuré que les bases nécessaires pour faire de Lat Dior un bon musul man sont solides qu'il l'a remis au pouvoir. Donc, c'est une chose très importante dans l'histoire du Sénégal où quand on parle de séparation, de religion et de poli tique, on oublie que l'émergence de l'Etat, même monarchique est consubstantiel à l'existence, à la puissance, à l'autorité de la foi. Parce que Maba Diakhou le faisait en tant que guide religieux. C'est cela qu'il faut comprendre. Et bien avant cela, les confréries avaient essaimé à travers le Sénégal avec la Révolution Torodo. De la révolution des marabouts jusqu'à l'émergence des marabouts plus modernes, plus récents je veux dire Serigne Touba, Seydi Hadji Malick... Et, ce qui est important après l'exemple de Maba Diakhou, c'est l'exemple d'El Hadji Oumar. Les colons se sont rendu compte qu'ils ne pou­vaient pas gagner la guerre contre lui. Parce que les soldats qui étaient du côté des Français et qui se battaient n'étaient pas des Français. Ils prenaient des Sénégalais et des Sénégalais musulmans qui étaient sensibles au discours d'El Hadji Oumar. Donc, ils se sont dit que c'est une bataille perdue d'avance et ils vont essayer de laisser la guerre et de conquérir l'âme et le coeur des Sénégalais. À partir de l'arrivée de Faidherbe, il y a eu une course de vitesse pour la conquête des esprits grâce à l'éducation. La France a toujours eu une poli tique éducationnelle. Aujour d'hui, vous allez en France, on appelle le ministère de l'Educa tion le Mammouth. C'est-à-dire que c’est le ministère qui emploie le plus de gens en France. Ce pays a toujours investi dans l'Edu cation. Ils se sont dit qu'ils ne peuvent avoir le dessus sur El Hadji Oumar. Donc, il faut gagner le coeur des Sénégalais. C'est à partir de ce moment que le Bon Dieu, dans sa sagesse infinie, a fait venir à peu près à la même année 1854, 1855, 1856 El Hadji Malick et Serigne Touba. Et, ils ont tout de suite compris qu'il fallait gagner cette course de vitesse pour conquérir les âmes des Sénégalais et leur coeur. El Hadji Malick a établi, contre la volonté des Français, des écoles. Parce qu'on l'oublie, c'était la forme de résistance la plus réussie. Parce que toutes les batailles idéolo giques de la France se mènent à l'école. La bataille de la laïcité s'est menée à l'école.

Et c'était quoi la bataille ?

La bataille, c'était que la laïcité a deux aspects: l'aspect juridique, c'est-à-dire liberté de conscience, tous les citoyens sont égaux devant la loi, chacun a le droit de pratiquer sa religion ou ne pas croire. Mais, il y a un aspect idéo logique. L'aspect idéologique c'était quoi ? C'est la préémi nence de la raison sur la foi, de la matière sur l'esprit. Donc, déga­ger l'école et l'esprit de l'enfant de toute influence religieuse. Déga ger l'espace public de toute influence religieuse. Et, c'est cet aspect-là qui demeure aujourd'hui en France qui fait que le débat de la place de l'Islam est complètement biaisé parce qu'il y a cette tradition d'anticléricale qui plonge ses racines dans l'histoire. Les religions ont perdu cette bataille en France, mais ils l'ont gagné au Sénégal. Parce qu'El Hadji Malick et Serigne Touba ont pris les devants. Ils ont gagné le coeur des Sénégalais. Ce qui fait qu'aujourd'hui, les partis poli tiques qui trouvent l'espace déjà occupé se mettent sous la coupe des confréries, font la cour aux marabouts. Lorsque les partis politiques -y compris la société civile- sont venus, le coeur des Sénégalais étaient déjà occupés soit par El Hadji Malick ou par Serigne Touba, et d'autres. Dans cet exemple-là, avec l'évolution qu'on a vu, Senghor était minori taire ethniquement, minoritaire religieusement. Senghor a pu prendre le pouvoir et il n'avait pas les masses, il est allé les prendre là où elles étaient. Et, c'est cette absence d'implantation des partis politiques au niveau des masses qui fait aujourd'hui que ceux qui sont au pouvoir comme ceux qui sont dans l'opposition sont obli gés d'avoir les confréries. Si on ne tient pas compte de cet événe ment dans l'analyse, on va discu ter sur des problèmes de la laïcité, on va prendre l'exemple de la France, et faire une greffe dans un corps qui ne prend absolument pas. Donc, elle est importante cette autorité de la foi qui a brisé la foi en l'autorité, à cause de ses conséquences sociales et poli tiques.

Plus particulièrement pour la Tidiania, est-ce que le combat d'El Hadj Malick n'est pas le pro longement de celui d'El Hadj Oumar Foutiyou ?

Effectivement. Le combat d'El hadji Oumar était une étape importante qu'El Hadji Malick a su intégrer et bonifier. Dans les deux cas, c'est le Tidianisme qui montre sa résilience, sa richesse et sa capacité d'adapter sa straté gie selon les circonstances.

En fait, la pensée tidiane par vient à se diffuser quelque soit l'obstacle qui se dresse sur sa route. Elle emprunte à l'eau ses qualités symboliques. Mieux elle irrigue, nourrit et purifie tout ce qui se présente à son contact. Seul le Tidianisme par sa viva cité, son sérieux, son dyna misme, sa transversalité, sa per méabilité, et par-dessus tout sa lumière permet et autorise le traitement et l'évaluation de la question coloniale dans toute sa complexité. Comment réconci lier ces deux paradigmes ?

Ainsi, ce soufisme, dûment appliqué, «a pour effet certain la purification, d'une part, de l'âme par l'élimination des vices et la concrétisation des vertus et d'autre part, une sublimation et une lumi nescence intime dont la finition spontanée et immédiate est le jail­lissement d'idées concises qui se reflètent sur le miroir poli de l'âme dégagée de toute flétrissure», sou ligne Abdul Aziz Ben Abdallah qui poursuit «les oeuvres reflètent le souci constant du croyant en quête d'un comportement idéal suscep tible d'assumer à l'homme, imbu de spiritualité, l'équilibre ration nellement humain entre le psyché et la matière. Les auteurs tentent grâce à un esprit prospectif révéla teur, de comprendre les subcons cients, d'élucider les secrets les plus intimes du fort intérieur, de sonder (dans une sorte d'incursion freu dienne) la nature intrinsèque de l'être, dans sa double quintessence humaine et somato-psychique. Le dogme, lui-même est disséqué, dans le but d'humaniser l'idéal et d'harmoniser le couronnement plénier chez le disciple», com mente Abdul Aziz Ben Abdallah, expliquant le Bughyatul Mousta fid, du grand savant maghrébin Sidi Larbi Ben Sayid, un des saints tidianes qui «enseigne que le che min de l'unité est jalonné d'une gamme d'états psychiques de ravissement, d'extase et de dégrise ment. Le disciple progresse dans la voie en gravissant la double échelle des stations initiatiques (maqamat) et celle des états spiri tuels (Ahwal). Les premiers sont le fruit d'une discipline spirituelle (Mujahada) et restent acquis pour celui qui les a atteints; les seconds sont des faveurs divines qui sur viennent chez le mystique sans qu'il les ait sollicitées.» En fait, le disciple ne doit jamais perdre de vue qu'il est d'abord désiré par Dieu (Murad) et que la foi est une intelligence mise en mouvement par l'amour, et que cet amour est son énergie.

Quel est l'apport d'El Hadj Malick Sy ?

L'exemplarité de la vie d'El Hadj Malick Sy fonctionne comme une mise en présence, seule façon de faire vivre l'expé rience hors du commun, d'un homme qui incarne la figure essentielle du marabout moderne : un homme habité par le souffle du Coran.

Son apport intellectuel est considérable. Il était d'abord un enseignant. Fernand Quesnot, Attaché de la FOM, dans les cadres maraboutiques de l'Islam sénégalais, documentation unique sur les chefs et notables religieux au Sénégal, dit à propos d'El Hadj Malick Sy : «La haute culture d'El Hadj Malick Sy, la renommée de ses études, sa vie exemplaire et son désintéresse ment expliquent l'influence exer cée par ce marabout de 1902 à 1922 et la vénération dont il est encore l'objet de la part de tous les musulmans sénégalais. À sa mort en 1922, le Tidianisme avait conquis les couches supérieures de la population et exerçait une influence prépondérante non seu lement sur les musulmans des grandes villes, mais aussi sur les villageois de l'intérieur.»

Seydi El Hadj Malick.Sy était aussi un chef réformiste, qui a su réaliser une synthèse harmo nieuse des genres, en fondant dans une même écriture, une analyse théorique et un appel à l'action qui donne à son oeuvre impérissable (philosophique, lit téraire, historique, politique, lin guistique, juridique, mystique), qui fait partie des plus précieux morceaux de la production intel lectuelle africaine, sa dimension universelle. Cette action est à pla cer dans le contexte colonial du Sénégal du 19ème siècle où le bilan des conquêtes était très lourd, au point de provoquer des traumatismes au niveau des populations.

Dans sa quête permanente du savoir, El Hadj Malick Sy a beau coup voyagé dans les multiples foyers islamiques disséminés dans la Sénégambie. Sa carrière spirituelle se déroule de la période initiale probatoire mar quée par la quête de sa propre identité spirituelle à travers les pérégrinations (As Siyah) ou le Jadhb (arrachement extatique) le ravissement, jusqu'à sa maturité et sa plénitude spirituelles, mar quées par le renoncement (Zuhd) ou le Wara (le scrupule pieux) ou le Tamkin (stabilité), le dévoile ment divin (Kashf), la rectitude sapientielle (Rushd) qui ouvrent la voie d'accès à la gnose (Ma rifa), dont la conduite prend sa source dans la Haqiqatul Moham madia, la réalité ou la lumière Mohammadienne, principe pré créaturel non seulement de la prophétie, mais de l'Univers :

«Lorsque Dieu a voulu nous créer, il a tiré de sa lumière, la lumière au Prophète bien connu.»

Grâce à son enseignement, El Hadj Malick Sy a su inculquer à ses enfants et à tout un peuple, le culte du savoir, l'amour des sciences, la passion des études, la convivialité qui dépassent large ment le cadre religieux.

Quels rôles jouent des poèmes très populaires écrits dans une langue que la grande majorité ne comprend pas ?

C'est une véritable jouissance de dire et d'entendre les paroles saintes et divines. C'est presque physique. Et «il faut lire le texte, ici comme une expérience tactile, gustative, olfactive, sonore, visuelle avec et par-delà sa facture verbale, une expérience charnelle qui s'associe à la chair du monde», dixit Julia Christeva. Cela est perceptible déjà dans le rythme de cette littérature poé tique qui fait de l'oeuvre El Hadj Malick Sy, de Serigne Babacar Sy et de Serigne Abdou Aziz Sy, une longue et mélodieuse litanie qui se lit et se chante à voix haute afin que la puissance du rythme et la musicalité du texte soient pleine­ment mises en valeur et offrent cette joie et ce plaisir qu'on éprouve, parfois dès l'enfance, à écouter et à lire les qasidas de El Hadj Malick Sy et de Serigne Babacar Sy. Ces paroles ont un impact profond même sur celui qui ne les comprend pas, et constitue également, une théra peutique mystique du mal être, par la délicatesse musicale du dire.

On constate maintenant l'avènement d'autres courants religieux comme la Jamatou Ibaadu Rahmane et Al Falaq.Y a t-il un risque pour le soufisme sénégalais par rapport à cela ?

Les Ibaadu Rahmane et Falaq sont nourris par une idéologie au début, quand ils ont commencé leur émergence qui était à peu près la même idéologie que le salafisme, style koweïtien ou saoudien, donc anti-confrérique et considèrent que le culte des Saints, et même le Gamou, étaient contraires au sunnisme réel. Que c'était du shirk... Mais, confrontés à la réalité, ils se sont rendus compte que ce discours-là ne pas sait pas. Parce que les gens avaient dans leur coeur l'amour de ces confréries, surtout à travers de très grandes personnalités que sont nos Cheikh, qui ont été de grands leaders. Par leur éthique, mais aussi avec un leadership de résonance. C'est-à-dire la portée de leur message, parce qu'ils ont eu des aptitudes à la fois spiri tuelles et intellectuelles. Leur message a largement dépassé le cadre de leur vie propre pour gagner celle de leurs enfants qui ont pu quand même tenir le flambeau et le transmettre à la nou velle génération. Donc, quand ils se sont rendus compte, au contact de la réalité, qu'il y a des choses qu'on ne peut pas dire au Sénégal et avoir l'appui des masses, je crois qu'ils ont plus ou moins revu leure copies. Et, je les vois à pré sent massivement au Gamou de Tivaouane et au Magal de Touba. Donc, on ne peut pas dire aujourd'hui qu'ils sont hostiles.

Est-ce que le salafisme peut avoir des relais au Sénégal ?

Très souvent, les Chan celleries, surtout occidentales, m'interpellent pour me deman der est-ce qu'on ne risque pas, au Sénégal, une extension du sala fisme, de l'intégrisme qui s'est déjà installé au Maghreb, par exemple ce qui s'est passé en Mauritanie, je leur réponds que l'antidote, ce sont les confréries. Parce que, les confréries reposent sur un élément fondamental : l'amour du Cheikh. On dit sou vent que c'est l'enfant qui se réa lise dans le père. Mais non, c'est le père qui se réalise dans l'enfant. C'est le père qui fait tout pour que son fils soit le meilleur. Et Serigne Mansour a l'habitude de dire: «ken beugoul kula gueun koudoul sa doom (Nul n'aimerait être dépassé par autrui, hormis sa pro­géniture)». Les pères tels que El Hadji Malick et Serigne Touba se sont réalisés, ils ont tout fait pour que les enfants aillent au-delà de ce qu'ils ont pu réaliser. Le rap port entre Serigne Babacar et El Hadji Malick en est une illustra tion éloquente. Mais les fils leur renvoient la balle, une espèce de «ndioukel». Et Serigne Babacar dit : «Mon coeur est rempli de votre amour papa. Mon essence fonda mentale s'est dissoute dans votre être. Je n'ai pas d'existence auto nome. Je me suis pulvérisé en toi, je me suis abîmé en toi. Je me suis anéanti en toi.» Et, il dit que quelqu'un qui aime doit diviser son coeur en dix parties. Prendre les neuf parties, les donner à l'être aimé et l'autre partie à ceux qui vous admirent dans le monde. Mais Serigne Babacar dit à El Hadji Malick : «Quand il s'agit d’El hadji Malick, il faut lui donner les dix-parties.» C'est à cause de cela! l'amour de l'autre enraciné dans nos sociétés, que l'on ne peut pas avoir le type d'intervention sèche comme le salafisme. Et pourtant, en tant que tidiane, je me consi dère comme salafiste, si ce mot veut dire l'authenticité et la pureté de l'enseignement de l'Islam.

Réalisé par Aïssatou THIOYE, Lalla CISSOKHO & Ousseynou BALDE
Source Walf Grand Place


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1.Posté par ngaary le 02/03/2010 22:47 | Alerter
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C'est une lumière ce Monsieur!

2.Posté par abdou le 04/03/2010 11:40 | Alerter
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Voila un discours de haute facture. chapeau Sy Demba Bouna

3.Posté par SARR le 05/03/2010 16:33 | Alerter
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MA CHA AALAH !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!

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