La grande évasion a finalement réussi. Trois jours après avoir quitté Homs grâce à une opération à haut risque montée par des dizaines de courageux volontaires syriens, nos deux confrères Édith Bouvier et William Daniels, envoyés spéciaux du Figaro, ont fini par gagner jeudi en fin d'après-midi la frontière libanaise. Ils ont ensuite rejoint Beyrouth par les routes enneigées de la montagne libanaise, épuisés mais saufs. Édith Bouvier, blessée à la jambe, a pu parler à ses parents en fin de journée, pour les rassurer après huit jours d'incertitude. Les deux journalistes, après avoir été gardés «sous observation» au centre hospitalier de l'Hôtel-Dieu de France de Beyrouth, ont quitté le Liban vendredi. Leur avion doit arriver vers 18 heures sur la base aérienne de Villacoublay. Nicolas Sarkozy les accueillera.
Les Français avaient été précédés par leurs deux autres compagnons, Javier Espinosa, reporter espagnol du quotidien El Mundo, et Paul Conroy, photographe pour le Sunday Times, arrivés les jours précédents au Liban.
Leur sortie d'Homs assiégée avait été montée comme une opération commando par les insurgés syriens du quartier de Baba Amr. Pris au piège dans la ville encerclée par les forces gouvernementales syriennes, ils avaient tenté le tout pour le tout dans la nuit de lundi à mardi. Dans l'obscurité la plus totale, au milieu d'une tempête de pluie et de neige, le groupe a d'abord emprunté le tunnel secret qui servait de dernière ligne de ravitaillement aux insurgés syriens assiégés. Édith, gravement blessée à la jambe dans les bombardements qui avaient tué Marie Colvin et Rémi Ochlik le 22 février, plâtrée sommairement, a été brancardée à la lueur de lampes frontales dans cette canalisation étroite en partie coupée par les bombardements. Le tunnel n'était que la première étape de ce parcours à haut risque. Ils devaient ensuite franchir les lignes de l'armée syrienne qui encerclaient la ville, pour pouvoir enfin gagner la campagne, et la frontière libanaise.
Peut-être les deux journalistes ont-ils été repérés par l'armée syrienne: l'opération a failli tourner au désastre. Peu après la sortie des premiers éléments du tunnel, leur groupe a été pris sous un violent bombardement d'artillerie. Au moins treize de leurs compagnons syriens ont été tués par les explosions. Le groupe a été dispersé dans la nuit et la confusion.
Assaut final
Édith et William Daniels, qui se trouvaient en fin de colonne, ont été contraints de se réfugier avec leurs accompagnateurs dans un quartier voisin. Toute retraite coupée, le groupe de tête avec Paul Conroy a décidé de continuer. Javier Espinosa, qui a porté secours à l'un des activistes syriens blessé dans les bombardements, s'est retrouvé séparé de ses compagnons. Leur sortie s'est faite ensuite en ordre dispersée, de passeurs en passeurs, évitant les barrages de l'armée syrienne, jusqu'au Liban.
Paul Conroy a été le premier à passer la frontière et est arrivé mardi à Beyrouth. Mercredi, Espinosa a à son tour réussi à sortir de Syrie, aidé par les réseaux d'activistes qui tiennent encore les campagnes autour d'Homs. Mais l'incertitude a duré plus longtemps pour Édith Bouvier et William Daniels , moins mobiles, pour lesquels les problèmes logistiques ont été plus compliqués à résoudre. D'autant que peu de temps après la sortie des reporters, l'armée syrienne a lancé son assaut final contre le quartier de Baba Amr, dernier bastion du soulèvement dans Homs.
Après un mois d'intenses pilonnages d'artillerie, qui ont fait un grand nombre de victimes civiles parmi les habitants pris au piège, les troupes de Damas ont investi les rues de Baba Amr. Après plusieurs jours de combats inégaux, les combattants de l'Armée syrienne libre ont fini par se retirer du quartier. Dépourvus d'armement lourd, ils n'ont pu opposer qu'une résistance symbolique aux blindés de la 4e brigade de Maher el-Assad, le frère du président syrien.
La résistance héroïque des combattants de Homs
Dans un communiqué, les combattants de la «Brigade Baba Amr» a annoncé jeudi avoir opéré un «retrait stratégique», «dans l'intérêt des civils restant dans le quartier». « La situation humanitaire est pire que jamais », précise le communiqué, « il n'y a ni nourriture, ni médicaments, pas d'eau ou électricité. L'absence de communications rend la situation encore pire. Nous manquons d'armes pour défendre les civils. L'armée d'Assad a détruit la plupart des maisons à coups de lance-roquettes multiples, d'hélicoptères et de tanks ».
La fin des combats devrait permettre enfin l'accès des secours dans la ville. La Croix-Rouge a annoncé jeudi avoir reçu des «indications positives» des autorités syriennes quant à sa demande d'une trêve humanitaire de deux heures par jour. L'organisation et le Croissant Rouge syrien auraient aussi reçu l'autorisation d'entrer vendredi dans Baba Amr pour acheminer de l'assistance médicale, et évacuer les blessés civils.
Un revers pour l'insurrection
La perte d'Homs est un revers pour l'insurrection syrienne. Cette grande ville de plus d'un million d'habitants, située à une quarantaine de kilomètres de la frontière libanaise, avait été pendant plusieurs mois une sorte de «territoire libéré» pour les insurgés syriens. Commençant à jouer un rôle de base arrière pour les insurgés, elle devenait un exemple potentiel pour d'autres villes. C'est sans doute pour empêcher ce scénario, catastrophique de son point de vue, que le régime syrien a décidé d'écraser Homs. La brutalité extrême de la méthode employée, consistant à pilonner à l'artillerie lourde et sans faire de distinction population civile et insurgés, fait partie du message psychologique cruel et primaire d'un régime aux abois: le sort d'Homs sert d'avertissement à tous ceux qui seraient tentés de rejoindre le soulèvement.
Mais le succès de Damas pourrait n'être que transitoire. Si la résistance héroïque des combattants de Baba Amr n'a pas pu tenir longtemps en échec les troupes gouvernementales, elle aura eu pour effet d'offrir à la révolte syrienne un symbole puissant et à unifier la résistance de l'intérieur, constituée par les groupes de l'Armée syrienne libre, et ses représentants à l'extérieur, rassemblés dans le Conseil national syrien. Longtemps divisé quant au recours à la résistance armée, le CNS a fini par se rallier à cette option et a annoncé la création d'un commandement militaire unique. La mort de deux journalistes occidentaux, et la longue incertitude quant au sort de leurs compagnons, aura fait plus que toutes les campagnes médiatiques pour attirer l'attention internationale sur Homs. Au lieu de pouvoir mener à huis clos son opération punitive, le régime de Damas s'est retrouvé exposé aux feux de l'actualité, et plus isolé que jamais sur la scène internationale. Quelle que soit l'issue de la longue révolte syrienne, le siège de Homs en constitue sans doute déjà l'un des tournants majeurs.
Les Français avaient été précédés par leurs deux autres compagnons, Javier Espinosa, reporter espagnol du quotidien El Mundo, et Paul Conroy, photographe pour le Sunday Times, arrivés les jours précédents au Liban.
Leur sortie d'Homs assiégée avait été montée comme une opération commando par les insurgés syriens du quartier de Baba Amr. Pris au piège dans la ville encerclée par les forces gouvernementales syriennes, ils avaient tenté le tout pour le tout dans la nuit de lundi à mardi. Dans l'obscurité la plus totale, au milieu d'une tempête de pluie et de neige, le groupe a d'abord emprunté le tunnel secret qui servait de dernière ligne de ravitaillement aux insurgés syriens assiégés. Édith, gravement blessée à la jambe dans les bombardements qui avaient tué Marie Colvin et Rémi Ochlik le 22 février, plâtrée sommairement, a été brancardée à la lueur de lampes frontales dans cette canalisation étroite en partie coupée par les bombardements. Le tunnel n'était que la première étape de ce parcours à haut risque. Ils devaient ensuite franchir les lignes de l'armée syrienne qui encerclaient la ville, pour pouvoir enfin gagner la campagne, et la frontière libanaise.
Peut-être les deux journalistes ont-ils été repérés par l'armée syrienne: l'opération a failli tourner au désastre. Peu après la sortie des premiers éléments du tunnel, leur groupe a été pris sous un violent bombardement d'artillerie. Au moins treize de leurs compagnons syriens ont été tués par les explosions. Le groupe a été dispersé dans la nuit et la confusion.
Assaut final
Édith et William Daniels, qui se trouvaient en fin de colonne, ont été contraints de se réfugier avec leurs accompagnateurs dans un quartier voisin. Toute retraite coupée, le groupe de tête avec Paul Conroy a décidé de continuer. Javier Espinosa, qui a porté secours à l'un des activistes syriens blessé dans les bombardements, s'est retrouvé séparé de ses compagnons. Leur sortie s'est faite ensuite en ordre dispersée, de passeurs en passeurs, évitant les barrages de l'armée syrienne, jusqu'au Liban.
Paul Conroy a été le premier à passer la frontière et est arrivé mardi à Beyrouth. Mercredi, Espinosa a à son tour réussi à sortir de Syrie, aidé par les réseaux d'activistes qui tiennent encore les campagnes autour d'Homs. Mais l'incertitude a duré plus longtemps pour Édith Bouvier et William Daniels , moins mobiles, pour lesquels les problèmes logistiques ont été plus compliqués à résoudre. D'autant que peu de temps après la sortie des reporters, l'armée syrienne a lancé son assaut final contre le quartier de Baba Amr, dernier bastion du soulèvement dans Homs.
Après un mois d'intenses pilonnages d'artillerie, qui ont fait un grand nombre de victimes civiles parmi les habitants pris au piège, les troupes de Damas ont investi les rues de Baba Amr. Après plusieurs jours de combats inégaux, les combattants de l'Armée syrienne libre ont fini par se retirer du quartier. Dépourvus d'armement lourd, ils n'ont pu opposer qu'une résistance symbolique aux blindés de la 4e brigade de Maher el-Assad, le frère du président syrien.
La résistance héroïque des combattants de Homs
Dans un communiqué, les combattants de la «Brigade Baba Amr» a annoncé jeudi avoir opéré un «retrait stratégique», «dans l'intérêt des civils restant dans le quartier». « La situation humanitaire est pire que jamais », précise le communiqué, « il n'y a ni nourriture, ni médicaments, pas d'eau ou électricité. L'absence de communications rend la situation encore pire. Nous manquons d'armes pour défendre les civils. L'armée d'Assad a détruit la plupart des maisons à coups de lance-roquettes multiples, d'hélicoptères et de tanks ».
La fin des combats devrait permettre enfin l'accès des secours dans la ville. La Croix-Rouge a annoncé jeudi avoir reçu des «indications positives» des autorités syriennes quant à sa demande d'une trêve humanitaire de deux heures par jour. L'organisation et le Croissant Rouge syrien auraient aussi reçu l'autorisation d'entrer vendredi dans Baba Amr pour acheminer de l'assistance médicale, et évacuer les blessés civils.
Un revers pour l'insurrection
La perte d'Homs est un revers pour l'insurrection syrienne. Cette grande ville de plus d'un million d'habitants, située à une quarantaine de kilomètres de la frontière libanaise, avait été pendant plusieurs mois une sorte de «territoire libéré» pour les insurgés syriens. Commençant à jouer un rôle de base arrière pour les insurgés, elle devenait un exemple potentiel pour d'autres villes. C'est sans doute pour empêcher ce scénario, catastrophique de son point de vue, que le régime syrien a décidé d'écraser Homs. La brutalité extrême de la méthode employée, consistant à pilonner à l'artillerie lourde et sans faire de distinction population civile et insurgés, fait partie du message psychologique cruel et primaire d'un régime aux abois: le sort d'Homs sert d'avertissement à tous ceux qui seraient tentés de rejoindre le soulèvement.
Mais le succès de Damas pourrait n'être que transitoire. Si la résistance héroïque des combattants de Baba Amr n'a pas pu tenir longtemps en échec les troupes gouvernementales, elle aura eu pour effet d'offrir à la révolte syrienne un symbole puissant et à unifier la résistance de l'intérieur, constituée par les groupes de l'Armée syrienne libre, et ses représentants à l'extérieur, rassemblés dans le Conseil national syrien. Longtemps divisé quant au recours à la résistance armée, le CNS a fini par se rallier à cette option et a annoncé la création d'un commandement militaire unique. La mort de deux journalistes occidentaux, et la longue incertitude quant au sort de leurs compagnons, aura fait plus que toutes les campagnes médiatiques pour attirer l'attention internationale sur Homs. Au lieu de pouvoir mener à huis clos son opération punitive, le régime de Damas s'est retrouvé exposé aux feux de l'actualité, et plus isolé que jamais sur la scène internationale. Quelle que soit l'issue de la longue révolte syrienne, le siège de Homs en constitue sans doute déjà l'un des tournants majeurs.