Le Directeur général de la Construction et de l’Habitat, a visité, hier, le site du bâtiment R+3, qui s’est effondré, à Khar Yalla. Amadou Thiam a vu des populations qui se demandent encore comment 7 personnes ont pu périr.
Reportage de Babacar Guèye DIOP
À Khar Yalla, le jour d’après… Les dédales de maisons aux murs tarabiscotés de dessins criants sautent aux yeux dès les premières lueurs du jour post-tragédie. Ici, les habitants ressassent encore le film des évènements tragiques du mardi 30 janvier 2024 qui a vu 7 personnes perdre la vie suite à l’effondrement d’un bâtiment R+3. Postés devant le siège de Walfadjri ou dans les maisons à étages qui surplombent le bâtiment en ruine, ils regardent de loin les rares visiteurs que les éléments de la police acceptent de laisser passer. Ruelles barricadées. Casque de chantiers, gilet vert, Amadou Thiam, Directeur général de la construction et de l’habitat, s’avance à pas lourds avec quelques membres de la délégation, pour se pointer devant l’immeuble en ruine.
Écharpe bleue nouée sur la tête, Khady Samb, visage meurtri par le cours des évènements, lâche : « Quand j’ai vu, hier, les sapeurs-pompiers évacuer les corps, c’était triste ».
Sur les lieux du drame, le bâtiment fissuré à l’image d’une maison subissant les assauts de l’érosion marine, est amputé d’une partie par les bulldozers déployés pour la circonstance. Il est ceinturé par un mur épais de briques en ciment qui s’effritent par endroits. Si une partie du bâtiment R+3 tient encore, les gravats sont entassés à ses côtés et les riverains, bouche bée, observent de loin, avec inquiétude la surveillance policière. « Des bâtiments qui menacent de s’effondrer, il y en a beaucoup à Khar Yalla », déplore Moussa Sène, ses deux mains sur le dos.
Ce quartier de la commune de Grand Yoff porte le deuil. Ce mercredi s’est levé, comme le mardi s’est couché, avec un air dévastateur qui touche tout le monde. Il y a le sentiment de chagrin qui ronge les cœurs, ce parfum de mort, cette mélancolie d’avoir perdu subitement des êtres chers. « C’était de bonnes personnes. Des locataires qui n’avaient de problèmes avec personne », témoigne Aïssatou Sarr, la mort dans l’âme. La vendeuse de légumes, dont l’étal est à moins de 100 mètres des lieux du drame, est déboussolée, transfigurée. « C’est dur », dit-elle, presque bredouillant, des trémolos dans la voix. Tout autour, des lacis de ruelles qui s’étirent, se dilatent, gonflent et menacent d’exploser sous la poussée inexorable d’une populace pléthorique grouillante et laborieuse. Les tas d’immondices miasmatiques jonchent un sol qui a vu une maison lâcher prise à cause de la bêtise humaine.
Les raisons de l’effondrement
Après des dizaines de minutes à inspecter le bâtiment, le Directeur général de la Construction et de l’Habitat, un brin sonné, revient sur les causes du drame. « Le propriétaire ayant identifié que le bâtiment présentait un certain nombre de fissures, donc il n’était plus sûr, a décidé de faire des renforcements de la structure. Malheureusement, les personnes qu’il a prises ont entamé les travaux par les fondations en se disant qu’en mettant des étais, des bouts de fer, ils pourraient tenir tout le bâtiment, pendant qu’ils coupaient les fondations. Malheureusement, le bâtiment a basculé du côté où ils avaient coupé les fondations », explique-t-il.
Dans son récit, qui ferait pleurer des émotifs, M. Thiam précise que ces travaux ont été réalisés par des ouvriers non qualifiés. « L’exercice de réhabilitation d’un bâtiment est très complexe. Des calculs doivent être faits par des ingénieurs. Le fait de ne pas avoir eu recours à des spécialistes nous coûte malheureusement des vies », déplore-t-il d’un ton gonflé d’amertume.
Le Directeur général de la Construction et de l’Habitat conseille ainsi aux propriétaires de se rapprocher des architectes, des ingénieurs. « De la même manière, quand on tombe malade, on va voir le médecin à l’hôpital, c’est la même rigueur qui devrait nous animer loarsque nous construisons », invite-t-il, présentant ses condoléances aux familles des victimes. M. Thiam promet, cependant, que la justice fera son travail dans ce dossier. « L’État va être davantage sévère envers toutes ces personnes qui mettent la vie des autres en danger », conclut-il, tout en faisant savoir qu’il y a, au Sénégal, 1.200 bâtiments à démolir.
Source : https://lesoleil.sn/effondrement-dun-batiment-a-da...