«L'Égypte vient de vivre le coup militaire le plus doux qui soit. Nous serions outragés si nous n'étions pas si épuisés», écrit sur son compte Twitter Hossam Bahgat, un célèbre défenseur des droits de l'homme, connu de tous les activistes au Caire.
Jeudi, la Haute Cour constitutionnelle égyptienne a décidé d'invalider un tiers des sièges de la Chambre basse du Parlement, élue durant l'automne et l'hiver dernier. Ce sont les fauteuils des députés indépendants qui sont visés. La plupart d'entre eux, frères musulmans ou salafistes, sont en fait issus des partis politiques islamistes et ont bénéficié de leur appui pendant la campagne. D'après la décision de justice, ce traitement de faveur n'est pas conforme au principe d'égalité inscrit dans la Constitution de 1973. Cette décision entraînerait de facto la dissolution du Parlement et crée un sentiment de vertige intense, à deux jours du deuxième tour de la présidentielle et à moins de deux semaines de la date butoir fixée par les militaires pour rendre le pouvoir aux civils et retourner dans leurs casernes.
La plus haute instance juridique du pays a également validé la candidature d'Ahmed Chafiq, en lice pour le second tour de la présidentielle. Ancien général, dernier premier ministre de Moubarak, le candidat tombait sous le coup de la loi d'isolement, votée par le Parlement en avril, et ratifiée par le Conseil militaire, à la tête du pouvoir exécutif depuis la chute de l'ex-raïs. Ahmed Chafiq avait alors porté plainte devant la Commission électorale, qui avait transmis l'affaire à la Haute Cour constitutionnelle. Cependant, peu croyaient à l'invalidation de sa participation. «Cette loi d'isolement est anticonstitutionnelle, car, selon la Constitution de 1973, n'importe qui peut être candidat, et seule la justice peut s'y opposer, non le Parlement», précise Clément Steuer, chercheur en sciences politiques au Caire.
Coïncidence ou non, ces deux décisions sont rendues au lendemain d'un décret émis par le ministre de la Justice, donnant le droit à la police et aux services de renseignements militaires d'arrêter des civils sans autre justification, jusqu'à l'adoption de la nouvelle Constitution.
«Un coup d'État»
L'Égypte est plus que jamais sur la corde raide. Maintenant que le Parlement est dissous, qui va endosser le pouvoir législatif? Des sources militaires ont annoncé jeudi que l'armée pourrait assurer ce rôle jusqu'à l'élection d'une nouvelle Assemblée. On ne sait ni quand ni dans quelles conditions ce scrutin aura lieu. Se pose également la question de la rédaction de la Constitution, alors qu'après plusieurs semaines de paralysie les députés du Parlement, chargés de nommer les membres de la Constituante, avaient trouvé un terrain d'entente. Selon des juristes, cette assemblée devrait être également dissoute, dans la mesure où la loi d'immunité concernant ses membres n'a pas encore été ratifiée par le Parlement.
Le Conseil militaire a voulu calmer le jeu en maintenant le scrutin présidentiel prévu les 16 et 17 juin prochains. Contre toute attente, les Frères musulmans, première force politique au Parlement, ont accepté la décision de justice. Mais, le candidat de la confrérie Mohamed Morsi a prévenu que «tout coup tordu déclenchera(it) une énorme révolution». «Il y en a qui souhaitent du mal au peuple et qui font tout pour cela», a-t-il ajouté.
Candidat malheureux à la présidentielle, l'islamiste modéré Aboul Fotouh, pour sa part, n'a pas mâché ses mots: «Maintenir le candidat de l'armée et renverser le Parlement élu est un véritable coup d'État, et quiconque pense que des millions de jeunes vont laisser ce coup d'État se produire se leurre», a-t-il écrit sur son mur Facebook. La veille de la première élection présidentielle libre depuis la chute de Moubarak, beaucoup craignent que l'armée ne siffle la fin de la parenthèse démocratique.
Par Marion Guénard
Jeudi, la Haute Cour constitutionnelle égyptienne a décidé d'invalider un tiers des sièges de la Chambre basse du Parlement, élue durant l'automne et l'hiver dernier. Ce sont les fauteuils des députés indépendants qui sont visés. La plupart d'entre eux, frères musulmans ou salafistes, sont en fait issus des partis politiques islamistes et ont bénéficié de leur appui pendant la campagne. D'après la décision de justice, ce traitement de faveur n'est pas conforme au principe d'égalité inscrit dans la Constitution de 1973. Cette décision entraînerait de facto la dissolution du Parlement et crée un sentiment de vertige intense, à deux jours du deuxième tour de la présidentielle et à moins de deux semaines de la date butoir fixée par les militaires pour rendre le pouvoir aux civils et retourner dans leurs casernes.
La plus haute instance juridique du pays a également validé la candidature d'Ahmed Chafiq, en lice pour le second tour de la présidentielle. Ancien général, dernier premier ministre de Moubarak, le candidat tombait sous le coup de la loi d'isolement, votée par le Parlement en avril, et ratifiée par le Conseil militaire, à la tête du pouvoir exécutif depuis la chute de l'ex-raïs. Ahmed Chafiq avait alors porté plainte devant la Commission électorale, qui avait transmis l'affaire à la Haute Cour constitutionnelle. Cependant, peu croyaient à l'invalidation de sa participation. «Cette loi d'isolement est anticonstitutionnelle, car, selon la Constitution de 1973, n'importe qui peut être candidat, et seule la justice peut s'y opposer, non le Parlement», précise Clément Steuer, chercheur en sciences politiques au Caire.
Coïncidence ou non, ces deux décisions sont rendues au lendemain d'un décret émis par le ministre de la Justice, donnant le droit à la police et aux services de renseignements militaires d'arrêter des civils sans autre justification, jusqu'à l'adoption de la nouvelle Constitution.
«Un coup d'État»
L'Égypte est plus que jamais sur la corde raide. Maintenant que le Parlement est dissous, qui va endosser le pouvoir législatif? Des sources militaires ont annoncé jeudi que l'armée pourrait assurer ce rôle jusqu'à l'élection d'une nouvelle Assemblée. On ne sait ni quand ni dans quelles conditions ce scrutin aura lieu. Se pose également la question de la rédaction de la Constitution, alors qu'après plusieurs semaines de paralysie les députés du Parlement, chargés de nommer les membres de la Constituante, avaient trouvé un terrain d'entente. Selon des juristes, cette assemblée devrait être également dissoute, dans la mesure où la loi d'immunité concernant ses membres n'a pas encore été ratifiée par le Parlement.
Le Conseil militaire a voulu calmer le jeu en maintenant le scrutin présidentiel prévu les 16 et 17 juin prochains. Contre toute attente, les Frères musulmans, première force politique au Parlement, ont accepté la décision de justice. Mais, le candidat de la confrérie Mohamed Morsi a prévenu que «tout coup tordu déclenchera(it) une énorme révolution». «Il y en a qui souhaitent du mal au peuple et qui font tout pour cela», a-t-il ajouté.
Candidat malheureux à la présidentielle, l'islamiste modéré Aboul Fotouh, pour sa part, n'a pas mâché ses mots: «Maintenir le candidat de l'armée et renverser le Parlement élu est un véritable coup d'État, et quiconque pense que des millions de jeunes vont laisser ce coup d'État se produire se leurre», a-t-il écrit sur son mur Facebook. La veille de la première élection présidentielle libre depuis la chute de Moubarak, beaucoup craignent que l'armée ne siffle la fin de la parenthèse démocratique.
Par Marion Guénard