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Elle lève des millions en mentant sur sa vie "d'esclave sexuelle"

le 30 Mai 2014 à 18:30

Un homme qui a retenu Somaly Mam, alors enfant, en tant qu'esclave sexuelle et qui l'a vendue plus tard à un bordel? Personne n'a entendu parler de cette histoire dans le village natal de la Cambodgienne mondialement connue pour sa lutte contre la prostitution infantile dans son pays d'origine.


Elle lève des millions en mentant sur sa vie "d'esclave sexuelle"
Le destin de Somaly Mam aura ému la terre entière, en passant par la presse, les stars de cinéma, de la télévision américaine ou la noblesse espagnole. Mais l'histoire que la jeune femme a racontée au monde, et qui lui a permis de créer une fondation pour les victimes d'exploitation sexuelle au Cambodge, est loin de la vérité.

Si son combat est sincère, il semble, selon une enquête de Newsweek, qu'elle a ponctué son récit de mensonges. Le "grand-père" qui se servait d'elle comme esclave et la battait à sang. Le soldat qui l'a achetée pour la traiter comme une esclave sexuelle, le bordel auquel elle a été vendue. Ses aventures pour sauver des jeunes femmes des griffes d'autres bordels ou elles étaient torturées. Tout était imaginaire.

Une star de l'humanitaire perdue dans ses propres mensonges
D'émissions de télévision en interviews dans la presse, en passant par les conférences qu'elles a données jusqu'à la Maison Blanche, Somaly Mam a convaincu tous ceux qu'elle a croisés. Oprah Winfrey et Tyra Banks dans leurs talk-shows n'ont jamais décelé les incohérences du discours de cette femme de 44 ans qui avait, selon ses dires, vécu l'enfer. Personne n'a jamais eu le réflexe de douter d'une martyre courageuse et téméraire qui plus est appuyée par les témoignages de femmes qu'elle avait soi-disant aidées à échapper à leurs bourreaux. Hillary Clinton l'a écoutée, la France octroie tout son soutien à son association "Agir Pour les Femmes en Situation Précaire", la reine Sofia d'Espagne, les actrices Meg Ryan, Susan Sarandon et bien d'autres ont fait une tournée des centres cambodgiens de celle que d'aucuns décrivaient comme l'une des femmes les plus influentes de la planète. Son livre était par ailleurs devenu un best-seller international et elle, une star.

Sa notoriété lui aura en tout cas valu de récolter des millions pour sa fondation. Les donateurs, touchés par son récit poignant et ses terribles expériences, ont toujours afflué. Mais voilà qu'une enquête plus approfondie sur sa biographie a laissé place au doute, puis aux preuves que l'histoire de Somaly Mam n'était pas si romanesque qu'elle ne voulait bien le décrire.

Des incohérences ont été pointées après que Somaly Mam s'est elle-même perdue dans ses mensonges. Lors d'une conférence à la Maison Blanche, elle a fait état de dix années de servitude dans un bordel cambodgien. Chez Tyra Banks, il s'agissait de quatre ou cinq ans. En évoquant à la télévision ses débuts d'esclave sexuelle à l'âge de neuf ans, elle a contredit son livre où elle les situe à ses 16 ans.

"Mentir pour aider des femmes en détresse"
De là, d'autres mensonges ont été découverts. Les témoins qui ont conforté les récits de son courage avouent désormais avoir elles aussi menti. Leur sauvetage réalisé par la fondation, tel que raconté, était faux. La torture subie par une ex-prostituée, frappée à l'oeil avec une barre de métal par son proxénète, avait ému le plateau d'Oprah Winfrey. Son dossier médical révèle cependant que sa blessure oculaire provient d'une opération pour une tumeur. Un mensonge "pour la bonne cause", au milieu de beaucoup d'autres.

Idem du côté de Meas Ratha, la jeune fille qui avait raconté en 1998 à la télévision française la terrible expérience de prostitution dont la fondation l'avait sortie. "Somaly m'avait dit que si je voulais qu'on puisse aider d'autres femmes, il fallait que je donne une bonne interview", avoue-t-elle aujourd'hui.

Faux enlèvement et viol de sa fille
Somaly Mam avait aussi affirmé que sa propre fille avait été kidnappée et violée à l'âge de 14 ans en représailles alors qu'elle et son équipe tentaient de sauver des enfants des mains de criminels. Son ex-mari et père de sa fille, Pierre Legros, dément aujourd'hui fermement ses déclarations faites dans son livre. Elle y affirmait également avoir voulu sauver des petits filles des décharges électriques qu'on leur infligeait et des viols quotidiens qu'elles subissaient, elle qui en avait souffert tout son enfance et son adolescence. Là aussi, les preuves de sa bonne foi s'effritent. Tout ce dont se souviennent ses copains d'école, c'est qu'elle a continué à fréquenter l'établissement scolaire Khchao de Thloc Chhroy jusqu'à la fin de ses études, à 17 ans. Une camarade se souvient même très bien des examens passés ensemble. Une existence à mille lieues de celle qu'elle s'est inventée devant les médias internationaux.

Mythomanie inutile, objectif salutaire
Avide d'argent, de reconnaissance ou d'empathie, Somaly Mam était parvenue jusqu'ici à gagner la confiance et le respect de tous. Si ses activités l'honorent, elle a décidé de construire ses bonnes actions sur des affabulations, un choix que les médias risquent de ne pas lui pardonner. Elle s'est refusée à commenter les révélations faites à son sujet, sans les démentir pour autant, et a démissionné de la fondation qui porte son nom. Cette dernière, pour sa défense, rappelle qu'elle a réuni assez de fonds pour sauver des milliers de femmes réellement dans la détresse et la souffrance au cours des dernières années. "Malgré notre immense déception, le travail doit continuer", communique l'association.

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