Vous vous définissez comme un politicien rassembleur. A ce titre, vous avez un acteur dans les retrouvailles entre Wade et Idy. Peut-on dire aujourd’hui que vous avez accompli votre mission ?
Vous me parlez d’une histoire de 2007.
Mais qui est remis au goût du jour…
Oui, parce que nous sommes au stade de recomposition. Le Prési-dent Wade est un buteur. Dans une équipe de football, on est avant-centre en vue d’être un bon buteur. Voilà Abdoulaye Wade ! Il sait choisir les opportunités pour marquer son but. Nous sommes à 28 mois des élections. A 28 minutes de la fin d’un match capital, le Président Wade s’entoure de tous ses bons éléments. Vous parlez de Idrissa Seck, mais parlez de Macky Sall, des autres ! Idrissa est un maillon de la chaîne, un pilier de l’équipe de Wade. Donc, au moment de former une bonne équipe, Wade veut marquer le maximum de buts en premier mi-temps. Je parle en symbolisme ; dans ce cas, il faudrait rassembler tous ses éléments.
Vous êtes convaincu qu’avec le retour de Idrissa Seck, Wade va remporter les élections au premier tour ?
Il va marquer le maximum de buts en première mi-temps et remporter les élections au premier tour.
Selon certaines informations, Idrissa Seck va occuper prochainement la vice-Présidence, tout en continuant à maintenir son parti pour ne pas susciter des remous au sein du Pds. Qu’en est-il exactement ?
Vous voulez que je vous dise ce que deux personnes, qui s’enferment dans leur bureau, se sont dites ? Même si je suis informé de ce qu’ils se sont dits dans leur bureau, vous voulez que je l’étale, avant eux, sur la place publique ? Mais un colonel militaire sait garder des secrets.
Mais, vous êtes à la retraite maintenant et vous n’êtes plus tenu par ce droit de réserve…
Un colonel n’est jamais en retraite. Je meurs avec mon grade. Les se-crets doivent être gardés jusque dans les tombes.
Même si c’est dans l’intérêt du peuple ?
L’intérêt du peuple, c’est ce que je vous ai dit : le Président Wade est en train de rassembler son équipe opérationnelle pour marquer le maximum de buts en première mi-temps. Je n’exclus personne.
Y compris Macky Sall ?
Y compris Macky Sall. Macky ne va jamais se présenter contre Wade.
Qu’est-ce qui vous le fait dire ?
Je connais la personne de Macky Sall. C’est un pur produit, un élève de Wade. Il ne regardera pas Wade, les yeux dans les yeux, pour lui dire : «Je vais vous affronter». Macky Sall est un homme du futur politique. Ce n’est pas le présent qui doit l’intéresser. Son avenir politique est devant lui. Ce n’est pas le moment pour lui. Je conseillerais à Macky de continuer à travailler avec son mentor (Wade) ; son avenir est devant lui. Quand il ne restera que les compétitions de jeunes, là il pourra se positionner. Mais, affronter un dinosaure comme Wade, c’est se perdre durablement. Personne ne peut affronter Wade présentement sur l’échiquier politique national. Wade est un dinosaure de la trempe de Nkrumah, de Sékou Touré. Et Dieu a fait qu’il est le seul à rester encore en vie. Alors, essayer de l’affronter pour lui dire : «Partez, je vous remplace», c’est à la limite de l’indiscipline.
On est en politique, chacun a le droit d’avoir des ambitions présidentielles…
Qu’est-ce que c’est que la politique ? Quelle forme de politique? La politique est multidimensionnelle. Vous avez la politique économique, la politique sociale, la politique militaire. Vous avez la politique de suffrages, de positionnement que j’appelle le «Djouti» : «ôte-toi que je m’y mette !» Je considère cela comme de l’amateurisme. On est en démocratie. Ce qui veut dire quoi ? Un pour tous, la loi du nombre. Les gens ne réfléchissent pas sur le mot. En démocratie, on veut que tout le monde cède son pouvoir à une seule personne. Cela n’a rien à voir avec cette compétition électorale. Pourquoi je dis qu’il faut laisser Wade continuer à faire son travail ? Lorsque Wade est arrivé au pouvoir, il a dit : «Je vais essayer de faire les maximum en 7 ans.» Il entame des projets ; il voit que le terrain sur lequel il compte faire son travail n’a pas de fondement ; presque tous piliers sont sans fondement. Il faut reprendre toute l’architecture du pays. Ce n’est pas en 9 ans, ni en 10 ans qu’il peut faire cela. Il demande qu’on lui donne 14 ans pour faire ce travail. Si vous vous rendez-compte, c’est en cours d’action qu’on a modifié les mandats. Mais au départ, Wade savait qu’avec deux mandats de 7 ans, il pouvait reprendre la maison Sénégal. Mais, avec des perturbations, des gens qui déconseillent, Wade a dit : «Peut-être dix ans suffiraient.» Je trouve que c’est peu. Qu’on le laisse terminer son travail. Peut-être, il se dit : «Trois mandats de 7 ans, cela fait 21 ans ; ça fait trop.» Non ! J’avais dit, il y a deux ans, que Wade serait là jusqu’en 2019, et je maintiens ma position.
Pour revenir à Macky Sall, est-ce que vous avez entrepris des actions pour le ramener au Pds ?
Il y a des moments, quand il était confronté à des difficultés d’accusation de blanchiment d’argent et autres, je l’ai rencontré et il m’a très bien reçu et promptement chez lui. On a eu à discuter de l’avenir du Sénégal. J’ai trouvé un homme serein, qui en veut. On s’est parlé entre jeune frère et grand frère et je lui ai donné des conseils. Dieu a fait que tout s’est bien déroulé. Il a repris ses dossiers, et il est parti en voyage (aux Etats-Unis pour assister à la prestation de serment de Barack Obama : ndlr). Le problème a été mis de côté (sic !).
Qu’est-ce que vous vous êtes dits ?
Je lui ai dit : «M. le Premier ministre, votre avenir politique est devant vous. Rejoignez votre mentor et travaillez avec lui !»
Apparemment vos conseils n’ont pas servi à grand-chose, puisque Macky Sall a exprimé son intention de se présenter en 2012.
Je ne l’ai pas entendu déclarer sa candidature. Il y a des hommes autour de lui qui veulent qu’il soit candidat. Dans la mesure où Wade a annoncé son avant-projet de candidature, tous ceux qui se réclament de lui devaient déposer les armes, comme on dit dans l’Armée, en attendant que leur chef leur donne une autre directive.
On va parler de l’affaire Segura. Dans la presse, on a parlé d’un «galonné» qui a été le porteur de valise. Beaucoup de gens ont alors pensé à vous. Est-ce que le colonel Malick Cissé est ce porteur de valise ?
J’ai entendu parler de l’affaire Segura et de corruption. Je me suis dit : «On est dans quel monde ? » Je ne comprends plus le français ou quoi ? La corruption, c’est donner du bien à quelqu’un en vue d’obtenir quelque chose de lui. Mais comment vous pouvez corrompre quelqu’un qui a fini, que tu ne reverras presque plus jamais, qui rentre chez lui, qui a terminé sa mission ? C’est insensé ! Cependant, je reconnais que comme dans tous les pays, il y a ce qu’on appelle chez nous la Téranga (hospitalité). Même votre bonne, vous lui donnez quelque chose le jour qu’elle doit quitter. Quand vous rentrez dans un restaurant, vous donnez au serveur son pourboire. Je ne peux pas l’appeler corruption.
Moi, je n’ai vu ce monsieur (Alex Sgura) qu’en photos ou à la télévision. Lui ne m’a jamais vu. Certainement, il a dû entendre mon nom ou me voir à la télévision. J’ai entendu un élément qui est au Canada (Souleymane Jules Diop) en parler comme s’il était présent. Il a menti royalement en disant que le colonel Cissé est allé voir le Président Wade, qui lui a donné une valise qu’il a apportée à l’aéroport avec des flèches (escorte). J’ai répondu sur les ondes de La voix de l’Amérique pour apporter un démenti, parce que j’étais absent du Sénégal, à ce moment.
Où vous étiez ?
J’étais à Bruxelles, puis à Oslo. J’ai suivi le truc (l’affaire Segura) par le net. Vraiment, vous de la presse, avant de donner une information, il faut bien la vérifier.
Pourquoi vous n’avez pas porté plainte pour diffamation ?
Je pouvais le faire, mais je ne voulais pas accorder une importance à cette information, dans la mesure où les gens qui lisent cela se diront qu’il a menti, parce qu’ils ont vu le colonel partir en voyage ; ils savent que j’étais absent du territoire. Quand je bouge, tout le monde le sait. Comme tout ce qui se passe, on dit le colonel Cissé…
Pourquoi on vous colle cette étiquette de manœuvrier, alors que vous n’êtes pas le seul conseiller spécial du Président ?
Dieu a fait que je reste et demeure, dans le sillage de mes fonctions, le plus populaire. Dans l’Armée, j’étais le militaire le plus populaire. Tout le monde me connaissait, depuis trois régimes. Depuis Senghor, Abdou Diouf, je suis là. Malheureusement, Senghor est dans la tombe, mais quand je rencontre Abdou Diouf, on se sert la main ; on rigole. Je ne baisse jamais la tête devant l’autorité ; je dis toujours la vérité. Je ne demande rien à ces autorités. Je suis comme je suis. Je rigole avec tout le monde.
On a noté, à la suite de cette affaire, une confusion au sommet de l’Etat. Après la sortie du ministre de la Communication, Moustapha Guirassy, le Fmi a sorti un communiqué pour le démentir…
(Il coupe net). Attendez (il insiste) ! Il n’a pas été démenti par le Fmi, mais par un élément soi-disant du Fmi. Quiconque peut parler au nom du Fmi.
Donc, vous n’accordez pas de crédit à ce communiqué ?
Non ! Quand j’ai entendu cela, j’ai rigolé. D’abord, la formulation du texte, ses non-dits me font douter. Quand j’ai entendu dans un premier temps parler de 500 millions, je me suis dit que ça doit être une grosse valise ; ça doit peser des kilos. Deux jours après -j’étais toujours à l’étranger- on nous dit que c’est 100 000 euros. Je me suis dit qu’il y a problème. Ensuite, on ne porte pas une valise ; on porte une enveloppe, surtout quand c’est en euros ou en monnaie étrangère. Ce sont des sommes de rien du tout. Il y a des non-sens. Un jour, un de vos collègues journaliste m’a dit : «Vous savez colonel, le journalisme est une mise en scène. Il fait une mise en scène, les gens tombent dans le panneau et vous achetez les journaux demain.»
Cela n’engage que lui…
C’est comme ça qu’on vous voit. En tout cas, si cette affaire était exacte, le Fmi allait répondre en un jour. Il ne prendrait pas autant de temps pour enquêter sur une petite information de journalistes.
Vous minimisez cette affaire ?
Ce n’est même pas une affaire (il insiste). Il y a des gens qui portent la poisse déjà. Ce monsieur (Alex Segura), depuis qu’il est là, on parle de lui. Est-ce que ce n’était pas un montage pour se faire aduler ? Je ne sais pas! J’essaie de comprendre.
Nous allons aborder le dialogue politique. En tant qu’homme politique, quelle est votre opinion ?
Le dialogue est un pilier, en élément fondamental d’une démocratie. Au Sénégal, il me semble que près de 26 fois, selon les historiens, Wade a demandé à dialoguer avec l’opposition. Quelquefois, les gens ont répondu, mais la stratégie de «ôte-toi que je m’y mette» n’est quand même pas acceptable. Une certaine frange de l’opposition veut le partage du pouvoir sous prétexte qu’elle y est arrivée ensemble avec le Président. Il (Wade) leur dit : «C’est moi qui suis élu, laissez-moi conduire le pays et venez avec moi, m’aider.» Pendant des années, cela a été source de blocage du dialogue. Alors, ils (les leaders de l’opposition) sont allés chercher une autre solution pour ôter l’élu de son fauteuil. C’est pourquoi, ils sont allés en aparté faire ce qu’ils appellent Assises nationales. Ça, c’est un dialogue au sein de l’opposition. Quand ils ont fini de faire leur dialogue, ils viennent demander à dialoguer. Wade leur dit : «D’accord, mais je trace les contours du dialogue, les points et l’ordre du jour.» Ils se sont heurtés à cet ordre du jour pendant longtemps ; maintenant, ils ont accepté. Ils n’avaient plus le choix : soit ils viennent dialoguer, soit ils restent là-bas.
L’opposition conteste plutôt le schéma proposé. Dans sa lettre, Me Wade propose une séance publique où il y aura des chefs religieux…
Entre des hommes de bonne foi, pourquoi refuser un dialogue public ? Pourquoi voulez-vous vous enfermer dans un bureau un à un, ou par groupe ? Après discussion, vous sortez, on vous tend le micro, vous dites le contraire. On est combien de partis ? Plus de 150 partis. Et si tout le monde venait, on ne pourrait pas s’enfermer dans un bureau. Dans un dialogue, il faut que tout le monde soit là, car si Wade prend une décision par rapport à l’opposition, un élément centriste ou de contribution peut lui dire : «Ah non, monsieur le Président de la République, je ne suis pas d’accord sur cette décision, parce que nous avons aussi nos intérêts à défendre pour la bonne marche du pays !» C’est en séance qu’on peut le dire et non attendre après pour écrire des lettres ou demander des audiences et signifier sa désapprobation.
Depuis quelques temps, on n’entend pas le colonel Malick Cissé, en tant que chef de parti. Qu’est-ce qui explique ce mutisme ?
Vous ne suivez pas l’actualité. Je fais toujours des sorties au niveau national comme international. Souvent, c’est la dénomination colonel Malick Cissé qui emporte plus que le président du Psds (Parti de solidarité et le développement du Sénégal).
Qu’est-ce qui fait qu’on ne l’entend pas bien dans l’arène politique en tant que parti politique ? (il réfléchit).
J’ai toujours dit à vos collègues que je n’aime pas le mot parti. Qui parle de parti, parle de partisan. Je veux être un rassembleur et non un partisan. C’est pourquoi je ne parle pas souvent au nom du parti dans lequel j’évolue. Les grands penseurs ont dit que «le moi est haïssable» ; je n’aime pas le moi, j’aime plutôt le nous. C’est pourquoi vous m’entendez dans les médiations. C’est un défaut, mais surtout un manque d’information des journalistes qui me présentent comme le conseiller du président de la République, alors que je suis d’abord chef de parti.
Qu’avez-vous apporté au Pds en tant qu’allié ?
Je suis à l’origine des stratégies électorales. Bien avant 2007, j’ai travaillé durant la période électorale, dans un bureau, enfermé. Je fais des projections ; j’amène les résultats devant le Président, je lui dis : «M. le Président, voilà vos résultats !»
Comment vous le faites ?
Maintenant, les élections sont scientifiques ; ce n’est pas du meeting, faire du bruit. Avant les élections de mars, je savais ce qui allait arriver. J’ai dit : «Voilà la tendance ! Voilà comment les populations voient les élus locaux du Pds ! Ils seront sanctionnés, parce qu’ils n’ont pas répondu à leurs attentes.» Et comme je ne pouvais regarder faire, je vais créer un parti ; ainsi, tous ces frustrés qui ne se retrouvent pas dans le Pds, je les accueille. On va aller aux élections locales, gagner des collectivités. Après je vais les retourner à Wade. J’ai réfléchi ; j’ai sondé le parti. J’ai travaillé là-dessus ; je n’avais pas de moyen parce que je ne voulais pas demander au Secrétaire général national du Pds pour plusieurs raisons. Des gens lui ont dit : «Oui, le colonel, il veut des machins ; ça, ce sont des élections où tout le monde doit se rassembler.» Ils avaient leur conviction ; j’avais la mienne. J’ai tracé ma cartographie et je suis parti. J’ai eu 300 conseillers, dans plusieurs Communautés rurales et communes avec zéro franc.
En 2012, si mon candidat se présente, il aura plus que ce qu’il avait en 2007. Je lui donne à peu près 57, 58%. Si vraiment, tout est parfait, c’est 60%. Les gens diront qu’il a fraudé encore.
Quelle est votre méthode de calcul, parce que jusqu’à ce jour, la loi interdit les sondages ?
C’est une technique purement scientifique, une méthodologie de travail. J’ai tracé une ligne diagonale qui quitte le Nord vers Bakel, qui aboutit à Bignona. Avec les chiffres des inscrits, je me suis dit que la partie gauche est plus peuplée, électoralement parlant, que la partie droite, contrairement à ce que les gens pensent. L’effort portera toujours sur le côté gauche qui va de Saint-Louis, Louga, Thiès, etc., pour descendre à Ziguinchor, Bignona. Je travaille sur ça et je me fixe une tendance d’inscriptions autour de 7 millions ; c’est le chiffre maximum. Sur 12 millions, les 50% sont des jeunes n’ayant pas le temps. Je me fixe un quota pour éviter des erreurs. Si j’ai 7 millions, j’aurai 6 millions de votants. Au meilleur des cas, mon candidat aura 3 millions, plus que ce qu’il faut pour passer au premier tour. Je ne devais même pas la dévoiler, parce que les autres vont essayer de la copier. Mais ils se planteront. Je dispose de 14 000 hommes composés d’anciens militaires, policiers, gendarmes, douaniers qui sont à la retraite qui peuvent me couvrir les 14 000 villages du Sénégal. A chaque village, si je demande un chiffre minimum de 100 personnes ; j’aurai au moins 1million 400 de suffrages pour moi, si je devais être candidat à la Présidentielle. Tout ce que le Pds et les autres partis apporteront, j’aurai 3 millions et mon candidat passera au premier tour.
Que pensez-vous de l’éventualité d’une suppression du second tour ?
On n’a pas besoin d’une suppression d’un second tour. Mon candidat est un buteur qui marquera le maximum de buts en première mi-temps ; cela veut dire qu’il y aura deux mi-temps.
Mais certains collaborateurs du Président, comme Yaya Sakho, ont réaffirmé cette volonté de supprimer le second tour
Qui est Yaya Sakho ?
Il est membre de la cellule de communication de la Présidence.
Pourquoi essayer de supprimer le second tour ? Cela réduira certainement les dépenses, mais cela va nous faire perdre du temps. Je suis pour une élection à deux tours, pour gagner au premier et continuer à travailler le lendemain, comme d’habitude. Wade n’a pas d’opposition. Parmi tous ceux qui se disent candidats, personne ne lui arrive à la cheville. Il faut prévoir le budget nécessaire, si on gagne au premier tour, on va restituer l’argent qui reste.
Vous semblez être sûr de vous…
Absolument. J’ai créé le Bennoo falaat Wade en 2012.
On peut vous accuser de plagiat…
Je suis un stratège. Je suis en train de diluer le mot Bennoo Siggil Senegaal. Ils le savent, je le dis à chaque fois dans mes meetings que je vais diviser le Bennoo en mille Bennoo. Des Bennoo dolel Wade, Bennoo Dolel Farba Senghor, Bennoo dolel Karim, Bennoo dolel Souleymane Ndéné Ndiaye… Tous se retrouvent ici. J’ai eu la chance d’être populiste. Les chauffeurs de taxi, les charretiers, tous sont mes amis, parce que je suis de la rue. Avant qu’ils ne fassent quoi que ce soit, ils me demandent.
Cela n’a pas empêché la Coalition «Sopi» d’être battue durant les Locales.
Je savais qu’on allait perdre les élections locales. Ce que vous appelez la Génération du concret, j’étais contre ce machin-là. Comment voulez-vous me dire que la Génération du Concret va aux élections, alors que c’est une association apolitique à but non lucratif, selon la loi de 1901 ? Ce n’est pas possible ! Je savais que les élections locales allaient se passer ainsi. (…)
Mon objectif, c’est de rassembler 1 million 400 voix. Je ne sais encore si ce sera pour le candidat Wade ou pour moi. Pourquoi pas ? Lamine Diack dit qu’il veut être candidat, j’ai dit «ah oui ! Il connaît bien Rebeuss. Il connaît bien le Foyer France Sénégal (actuelle équipe de Jaraaf)». N’importe qui peut se déclarer candidat. On va élever la barre de la caution à 100 millions ; ainsi, tous ces énergumènes vont rester de côté.
Si en 2000, Abdou Diouf l’avait fait cela, est-ce que Wade serait aujourd’hui au pouvoir ?
C’est différent. Nous, nous sommes des stratèges. J’ai dit à Wade : «Ne vous souciez pas de l’argent ! Moi, colonel Cissé, responsable de Bennoo Falatt Wade, je paie ta caution de 100 millions.» Il m’est très facile d’avoir 100 mille militants et chacun me donnera 1 000 FCfa. Simplement 1 000 francs. Un parti qui ne peut pas avoir 10 mille membres, un candidat pour la Présidentielle qui ne peut pas rassembler 100 mille personnes, ce n’est pas la peine. Je ne farce pas. Les gens ont commencé à verser l’argent.
Etes-vous derrière ce projet de révision du montant de la caution qu’on ébruite ?
Wade n’a jamais dit qu’on allait porter la caution à 100 millions. Il n’a jamais dit qu’on allait supprimer le second tour. Wade en rigole à chaque fois.
Mais, ce sont des ballons de sonde que vous lancez.
Oui. J’ai dit au Président : «Vous avez un projet de candidature présidentielle. Avec l’impression de bulletins, tout ce tralala, vous aurez ici au Sénégal plus de 20 candidats avec tout ce que cela implique. Vous dites à quelqu’un que la caution est à 40 millions, il va dire d’accord. Ce n’est pas sérieux. Ils vont prendre quarante jeunes qui veulent émigrer ; ils leur demandent chacun 3 millions pour avoir passeport et visa. Ils vont verser une partie de la caution. Voilà, ils sont candidats à la Présidentielle. Les gens vont les poursuivre, ils vont faire comme Alioune «Petit» Mbaye, et aller aux Etats-Unis.» Nous sommes dans une grande République ; qu’on élève la barre à 1 milliard. Je suis sûr qu’il y aura des partis qui vont copier ma technique, mais ils vont copier mal. Ils vont dire : «Pourtant, il a raison, ce salopard-là !» Aminata Mbengue Ndiaye va dire d’accord, «nous aussi, nous allons payer la caution pour Tanor Dieng». Un autre va le dire pour Moustapha Niasse, de même pour Bathily, le pauvre. Mais qu’ils sachent que je n’ai pas tout dit.
le quotidien
Vous me parlez d’une histoire de 2007.
Mais qui est remis au goût du jour…
Oui, parce que nous sommes au stade de recomposition. Le Prési-dent Wade est un buteur. Dans une équipe de football, on est avant-centre en vue d’être un bon buteur. Voilà Abdoulaye Wade ! Il sait choisir les opportunités pour marquer son but. Nous sommes à 28 mois des élections. A 28 minutes de la fin d’un match capital, le Président Wade s’entoure de tous ses bons éléments. Vous parlez de Idrissa Seck, mais parlez de Macky Sall, des autres ! Idrissa est un maillon de la chaîne, un pilier de l’équipe de Wade. Donc, au moment de former une bonne équipe, Wade veut marquer le maximum de buts en premier mi-temps. Je parle en symbolisme ; dans ce cas, il faudrait rassembler tous ses éléments.
Vous êtes convaincu qu’avec le retour de Idrissa Seck, Wade va remporter les élections au premier tour ?
Il va marquer le maximum de buts en première mi-temps et remporter les élections au premier tour.
Selon certaines informations, Idrissa Seck va occuper prochainement la vice-Présidence, tout en continuant à maintenir son parti pour ne pas susciter des remous au sein du Pds. Qu’en est-il exactement ?
Vous voulez que je vous dise ce que deux personnes, qui s’enferment dans leur bureau, se sont dites ? Même si je suis informé de ce qu’ils se sont dits dans leur bureau, vous voulez que je l’étale, avant eux, sur la place publique ? Mais un colonel militaire sait garder des secrets.
Mais, vous êtes à la retraite maintenant et vous n’êtes plus tenu par ce droit de réserve…
Un colonel n’est jamais en retraite. Je meurs avec mon grade. Les se-crets doivent être gardés jusque dans les tombes.
Même si c’est dans l’intérêt du peuple ?
L’intérêt du peuple, c’est ce que je vous ai dit : le Président Wade est en train de rassembler son équipe opérationnelle pour marquer le maximum de buts en première mi-temps. Je n’exclus personne.
Y compris Macky Sall ?
Y compris Macky Sall. Macky ne va jamais se présenter contre Wade.
Qu’est-ce qui vous le fait dire ?
Je connais la personne de Macky Sall. C’est un pur produit, un élève de Wade. Il ne regardera pas Wade, les yeux dans les yeux, pour lui dire : «Je vais vous affronter». Macky Sall est un homme du futur politique. Ce n’est pas le présent qui doit l’intéresser. Son avenir politique est devant lui. Ce n’est pas le moment pour lui. Je conseillerais à Macky de continuer à travailler avec son mentor (Wade) ; son avenir est devant lui. Quand il ne restera que les compétitions de jeunes, là il pourra se positionner. Mais, affronter un dinosaure comme Wade, c’est se perdre durablement. Personne ne peut affronter Wade présentement sur l’échiquier politique national. Wade est un dinosaure de la trempe de Nkrumah, de Sékou Touré. Et Dieu a fait qu’il est le seul à rester encore en vie. Alors, essayer de l’affronter pour lui dire : «Partez, je vous remplace», c’est à la limite de l’indiscipline.
On est en politique, chacun a le droit d’avoir des ambitions présidentielles…
Qu’est-ce que c’est que la politique ? Quelle forme de politique? La politique est multidimensionnelle. Vous avez la politique économique, la politique sociale, la politique militaire. Vous avez la politique de suffrages, de positionnement que j’appelle le «Djouti» : «ôte-toi que je m’y mette !» Je considère cela comme de l’amateurisme. On est en démocratie. Ce qui veut dire quoi ? Un pour tous, la loi du nombre. Les gens ne réfléchissent pas sur le mot. En démocratie, on veut que tout le monde cède son pouvoir à une seule personne. Cela n’a rien à voir avec cette compétition électorale. Pourquoi je dis qu’il faut laisser Wade continuer à faire son travail ? Lorsque Wade est arrivé au pouvoir, il a dit : «Je vais essayer de faire les maximum en 7 ans.» Il entame des projets ; il voit que le terrain sur lequel il compte faire son travail n’a pas de fondement ; presque tous piliers sont sans fondement. Il faut reprendre toute l’architecture du pays. Ce n’est pas en 9 ans, ni en 10 ans qu’il peut faire cela. Il demande qu’on lui donne 14 ans pour faire ce travail. Si vous vous rendez-compte, c’est en cours d’action qu’on a modifié les mandats. Mais au départ, Wade savait qu’avec deux mandats de 7 ans, il pouvait reprendre la maison Sénégal. Mais, avec des perturbations, des gens qui déconseillent, Wade a dit : «Peut-être dix ans suffiraient.» Je trouve que c’est peu. Qu’on le laisse terminer son travail. Peut-être, il se dit : «Trois mandats de 7 ans, cela fait 21 ans ; ça fait trop.» Non ! J’avais dit, il y a deux ans, que Wade serait là jusqu’en 2019, et je maintiens ma position.
Pour revenir à Macky Sall, est-ce que vous avez entrepris des actions pour le ramener au Pds ?
Il y a des moments, quand il était confronté à des difficultés d’accusation de blanchiment d’argent et autres, je l’ai rencontré et il m’a très bien reçu et promptement chez lui. On a eu à discuter de l’avenir du Sénégal. J’ai trouvé un homme serein, qui en veut. On s’est parlé entre jeune frère et grand frère et je lui ai donné des conseils. Dieu a fait que tout s’est bien déroulé. Il a repris ses dossiers, et il est parti en voyage (aux Etats-Unis pour assister à la prestation de serment de Barack Obama : ndlr). Le problème a été mis de côté (sic !).
Qu’est-ce que vous vous êtes dits ?
Je lui ai dit : «M. le Premier ministre, votre avenir politique est devant vous. Rejoignez votre mentor et travaillez avec lui !»
Apparemment vos conseils n’ont pas servi à grand-chose, puisque Macky Sall a exprimé son intention de se présenter en 2012.
Je ne l’ai pas entendu déclarer sa candidature. Il y a des hommes autour de lui qui veulent qu’il soit candidat. Dans la mesure où Wade a annoncé son avant-projet de candidature, tous ceux qui se réclament de lui devaient déposer les armes, comme on dit dans l’Armée, en attendant que leur chef leur donne une autre directive.
On va parler de l’affaire Segura. Dans la presse, on a parlé d’un «galonné» qui a été le porteur de valise. Beaucoup de gens ont alors pensé à vous. Est-ce que le colonel Malick Cissé est ce porteur de valise ?
J’ai entendu parler de l’affaire Segura et de corruption. Je me suis dit : «On est dans quel monde ? » Je ne comprends plus le français ou quoi ? La corruption, c’est donner du bien à quelqu’un en vue d’obtenir quelque chose de lui. Mais comment vous pouvez corrompre quelqu’un qui a fini, que tu ne reverras presque plus jamais, qui rentre chez lui, qui a terminé sa mission ? C’est insensé ! Cependant, je reconnais que comme dans tous les pays, il y a ce qu’on appelle chez nous la Téranga (hospitalité). Même votre bonne, vous lui donnez quelque chose le jour qu’elle doit quitter. Quand vous rentrez dans un restaurant, vous donnez au serveur son pourboire. Je ne peux pas l’appeler corruption.
Moi, je n’ai vu ce monsieur (Alex Sgura) qu’en photos ou à la télévision. Lui ne m’a jamais vu. Certainement, il a dû entendre mon nom ou me voir à la télévision. J’ai entendu un élément qui est au Canada (Souleymane Jules Diop) en parler comme s’il était présent. Il a menti royalement en disant que le colonel Cissé est allé voir le Président Wade, qui lui a donné une valise qu’il a apportée à l’aéroport avec des flèches (escorte). J’ai répondu sur les ondes de La voix de l’Amérique pour apporter un démenti, parce que j’étais absent du Sénégal, à ce moment.
Où vous étiez ?
J’étais à Bruxelles, puis à Oslo. J’ai suivi le truc (l’affaire Segura) par le net. Vraiment, vous de la presse, avant de donner une information, il faut bien la vérifier.
Pourquoi vous n’avez pas porté plainte pour diffamation ?
Je pouvais le faire, mais je ne voulais pas accorder une importance à cette information, dans la mesure où les gens qui lisent cela se diront qu’il a menti, parce qu’ils ont vu le colonel partir en voyage ; ils savent que j’étais absent du territoire. Quand je bouge, tout le monde le sait. Comme tout ce qui se passe, on dit le colonel Cissé…
Pourquoi on vous colle cette étiquette de manœuvrier, alors que vous n’êtes pas le seul conseiller spécial du Président ?
Dieu a fait que je reste et demeure, dans le sillage de mes fonctions, le plus populaire. Dans l’Armée, j’étais le militaire le plus populaire. Tout le monde me connaissait, depuis trois régimes. Depuis Senghor, Abdou Diouf, je suis là. Malheureusement, Senghor est dans la tombe, mais quand je rencontre Abdou Diouf, on se sert la main ; on rigole. Je ne baisse jamais la tête devant l’autorité ; je dis toujours la vérité. Je ne demande rien à ces autorités. Je suis comme je suis. Je rigole avec tout le monde.
On a noté, à la suite de cette affaire, une confusion au sommet de l’Etat. Après la sortie du ministre de la Communication, Moustapha Guirassy, le Fmi a sorti un communiqué pour le démentir…
(Il coupe net). Attendez (il insiste) ! Il n’a pas été démenti par le Fmi, mais par un élément soi-disant du Fmi. Quiconque peut parler au nom du Fmi.
Donc, vous n’accordez pas de crédit à ce communiqué ?
Non ! Quand j’ai entendu cela, j’ai rigolé. D’abord, la formulation du texte, ses non-dits me font douter. Quand j’ai entendu dans un premier temps parler de 500 millions, je me suis dit que ça doit être une grosse valise ; ça doit peser des kilos. Deux jours après -j’étais toujours à l’étranger- on nous dit que c’est 100 000 euros. Je me suis dit qu’il y a problème. Ensuite, on ne porte pas une valise ; on porte une enveloppe, surtout quand c’est en euros ou en monnaie étrangère. Ce sont des sommes de rien du tout. Il y a des non-sens. Un jour, un de vos collègues journaliste m’a dit : «Vous savez colonel, le journalisme est une mise en scène. Il fait une mise en scène, les gens tombent dans le panneau et vous achetez les journaux demain.»
Cela n’engage que lui…
C’est comme ça qu’on vous voit. En tout cas, si cette affaire était exacte, le Fmi allait répondre en un jour. Il ne prendrait pas autant de temps pour enquêter sur une petite information de journalistes.
Vous minimisez cette affaire ?
Ce n’est même pas une affaire (il insiste). Il y a des gens qui portent la poisse déjà. Ce monsieur (Alex Segura), depuis qu’il est là, on parle de lui. Est-ce que ce n’était pas un montage pour se faire aduler ? Je ne sais pas! J’essaie de comprendre.
Nous allons aborder le dialogue politique. En tant qu’homme politique, quelle est votre opinion ?
Le dialogue est un pilier, en élément fondamental d’une démocratie. Au Sénégal, il me semble que près de 26 fois, selon les historiens, Wade a demandé à dialoguer avec l’opposition. Quelquefois, les gens ont répondu, mais la stratégie de «ôte-toi que je m’y mette» n’est quand même pas acceptable. Une certaine frange de l’opposition veut le partage du pouvoir sous prétexte qu’elle y est arrivée ensemble avec le Président. Il (Wade) leur dit : «C’est moi qui suis élu, laissez-moi conduire le pays et venez avec moi, m’aider.» Pendant des années, cela a été source de blocage du dialogue. Alors, ils (les leaders de l’opposition) sont allés chercher une autre solution pour ôter l’élu de son fauteuil. C’est pourquoi, ils sont allés en aparté faire ce qu’ils appellent Assises nationales. Ça, c’est un dialogue au sein de l’opposition. Quand ils ont fini de faire leur dialogue, ils viennent demander à dialoguer. Wade leur dit : «D’accord, mais je trace les contours du dialogue, les points et l’ordre du jour.» Ils se sont heurtés à cet ordre du jour pendant longtemps ; maintenant, ils ont accepté. Ils n’avaient plus le choix : soit ils viennent dialoguer, soit ils restent là-bas.
L’opposition conteste plutôt le schéma proposé. Dans sa lettre, Me Wade propose une séance publique où il y aura des chefs religieux…
Entre des hommes de bonne foi, pourquoi refuser un dialogue public ? Pourquoi voulez-vous vous enfermer dans un bureau un à un, ou par groupe ? Après discussion, vous sortez, on vous tend le micro, vous dites le contraire. On est combien de partis ? Plus de 150 partis. Et si tout le monde venait, on ne pourrait pas s’enfermer dans un bureau. Dans un dialogue, il faut que tout le monde soit là, car si Wade prend une décision par rapport à l’opposition, un élément centriste ou de contribution peut lui dire : «Ah non, monsieur le Président de la République, je ne suis pas d’accord sur cette décision, parce que nous avons aussi nos intérêts à défendre pour la bonne marche du pays !» C’est en séance qu’on peut le dire et non attendre après pour écrire des lettres ou demander des audiences et signifier sa désapprobation.
Depuis quelques temps, on n’entend pas le colonel Malick Cissé, en tant que chef de parti. Qu’est-ce qui explique ce mutisme ?
Vous ne suivez pas l’actualité. Je fais toujours des sorties au niveau national comme international. Souvent, c’est la dénomination colonel Malick Cissé qui emporte plus que le président du Psds (Parti de solidarité et le développement du Sénégal).
Qu’est-ce qui fait qu’on ne l’entend pas bien dans l’arène politique en tant que parti politique ? (il réfléchit).
J’ai toujours dit à vos collègues que je n’aime pas le mot parti. Qui parle de parti, parle de partisan. Je veux être un rassembleur et non un partisan. C’est pourquoi je ne parle pas souvent au nom du parti dans lequel j’évolue. Les grands penseurs ont dit que «le moi est haïssable» ; je n’aime pas le moi, j’aime plutôt le nous. C’est pourquoi vous m’entendez dans les médiations. C’est un défaut, mais surtout un manque d’information des journalistes qui me présentent comme le conseiller du président de la République, alors que je suis d’abord chef de parti.
Qu’avez-vous apporté au Pds en tant qu’allié ?
Je suis à l’origine des stratégies électorales. Bien avant 2007, j’ai travaillé durant la période électorale, dans un bureau, enfermé. Je fais des projections ; j’amène les résultats devant le Président, je lui dis : «M. le Président, voilà vos résultats !»
Comment vous le faites ?
Maintenant, les élections sont scientifiques ; ce n’est pas du meeting, faire du bruit. Avant les élections de mars, je savais ce qui allait arriver. J’ai dit : «Voilà la tendance ! Voilà comment les populations voient les élus locaux du Pds ! Ils seront sanctionnés, parce qu’ils n’ont pas répondu à leurs attentes.» Et comme je ne pouvais regarder faire, je vais créer un parti ; ainsi, tous ces frustrés qui ne se retrouvent pas dans le Pds, je les accueille. On va aller aux élections locales, gagner des collectivités. Après je vais les retourner à Wade. J’ai réfléchi ; j’ai sondé le parti. J’ai travaillé là-dessus ; je n’avais pas de moyen parce que je ne voulais pas demander au Secrétaire général national du Pds pour plusieurs raisons. Des gens lui ont dit : «Oui, le colonel, il veut des machins ; ça, ce sont des élections où tout le monde doit se rassembler.» Ils avaient leur conviction ; j’avais la mienne. J’ai tracé ma cartographie et je suis parti. J’ai eu 300 conseillers, dans plusieurs Communautés rurales et communes avec zéro franc.
En 2012, si mon candidat se présente, il aura plus que ce qu’il avait en 2007. Je lui donne à peu près 57, 58%. Si vraiment, tout est parfait, c’est 60%. Les gens diront qu’il a fraudé encore.
Quelle est votre méthode de calcul, parce que jusqu’à ce jour, la loi interdit les sondages ?
C’est une technique purement scientifique, une méthodologie de travail. J’ai tracé une ligne diagonale qui quitte le Nord vers Bakel, qui aboutit à Bignona. Avec les chiffres des inscrits, je me suis dit que la partie gauche est plus peuplée, électoralement parlant, que la partie droite, contrairement à ce que les gens pensent. L’effort portera toujours sur le côté gauche qui va de Saint-Louis, Louga, Thiès, etc., pour descendre à Ziguinchor, Bignona. Je travaille sur ça et je me fixe une tendance d’inscriptions autour de 7 millions ; c’est le chiffre maximum. Sur 12 millions, les 50% sont des jeunes n’ayant pas le temps. Je me fixe un quota pour éviter des erreurs. Si j’ai 7 millions, j’aurai 6 millions de votants. Au meilleur des cas, mon candidat aura 3 millions, plus que ce qu’il faut pour passer au premier tour. Je ne devais même pas la dévoiler, parce que les autres vont essayer de la copier. Mais ils se planteront. Je dispose de 14 000 hommes composés d’anciens militaires, policiers, gendarmes, douaniers qui sont à la retraite qui peuvent me couvrir les 14 000 villages du Sénégal. A chaque village, si je demande un chiffre minimum de 100 personnes ; j’aurai au moins 1million 400 de suffrages pour moi, si je devais être candidat à la Présidentielle. Tout ce que le Pds et les autres partis apporteront, j’aurai 3 millions et mon candidat passera au premier tour.
Que pensez-vous de l’éventualité d’une suppression du second tour ?
On n’a pas besoin d’une suppression d’un second tour. Mon candidat est un buteur qui marquera le maximum de buts en première mi-temps ; cela veut dire qu’il y aura deux mi-temps.
Mais certains collaborateurs du Président, comme Yaya Sakho, ont réaffirmé cette volonté de supprimer le second tour
Qui est Yaya Sakho ?
Il est membre de la cellule de communication de la Présidence.
Pourquoi essayer de supprimer le second tour ? Cela réduira certainement les dépenses, mais cela va nous faire perdre du temps. Je suis pour une élection à deux tours, pour gagner au premier et continuer à travailler le lendemain, comme d’habitude. Wade n’a pas d’opposition. Parmi tous ceux qui se disent candidats, personne ne lui arrive à la cheville. Il faut prévoir le budget nécessaire, si on gagne au premier tour, on va restituer l’argent qui reste.
Vous semblez être sûr de vous…
Absolument. J’ai créé le Bennoo falaat Wade en 2012.
On peut vous accuser de plagiat…
Je suis un stratège. Je suis en train de diluer le mot Bennoo Siggil Senegaal. Ils le savent, je le dis à chaque fois dans mes meetings que je vais diviser le Bennoo en mille Bennoo. Des Bennoo dolel Wade, Bennoo Dolel Farba Senghor, Bennoo dolel Karim, Bennoo dolel Souleymane Ndéné Ndiaye… Tous se retrouvent ici. J’ai eu la chance d’être populiste. Les chauffeurs de taxi, les charretiers, tous sont mes amis, parce que je suis de la rue. Avant qu’ils ne fassent quoi que ce soit, ils me demandent.
Cela n’a pas empêché la Coalition «Sopi» d’être battue durant les Locales.
Je savais qu’on allait perdre les élections locales. Ce que vous appelez la Génération du concret, j’étais contre ce machin-là. Comment voulez-vous me dire que la Génération du Concret va aux élections, alors que c’est une association apolitique à but non lucratif, selon la loi de 1901 ? Ce n’est pas possible ! Je savais que les élections locales allaient se passer ainsi. (…)
Mon objectif, c’est de rassembler 1 million 400 voix. Je ne sais encore si ce sera pour le candidat Wade ou pour moi. Pourquoi pas ? Lamine Diack dit qu’il veut être candidat, j’ai dit «ah oui ! Il connaît bien Rebeuss. Il connaît bien le Foyer France Sénégal (actuelle équipe de Jaraaf)». N’importe qui peut se déclarer candidat. On va élever la barre de la caution à 100 millions ; ainsi, tous ces énergumènes vont rester de côté.
Si en 2000, Abdou Diouf l’avait fait cela, est-ce que Wade serait aujourd’hui au pouvoir ?
C’est différent. Nous, nous sommes des stratèges. J’ai dit à Wade : «Ne vous souciez pas de l’argent ! Moi, colonel Cissé, responsable de Bennoo Falatt Wade, je paie ta caution de 100 millions.» Il m’est très facile d’avoir 100 mille militants et chacun me donnera 1 000 FCfa. Simplement 1 000 francs. Un parti qui ne peut pas avoir 10 mille membres, un candidat pour la Présidentielle qui ne peut pas rassembler 100 mille personnes, ce n’est pas la peine. Je ne farce pas. Les gens ont commencé à verser l’argent.
Etes-vous derrière ce projet de révision du montant de la caution qu’on ébruite ?
Wade n’a jamais dit qu’on allait porter la caution à 100 millions. Il n’a jamais dit qu’on allait supprimer le second tour. Wade en rigole à chaque fois.
Mais, ce sont des ballons de sonde que vous lancez.
Oui. J’ai dit au Président : «Vous avez un projet de candidature présidentielle. Avec l’impression de bulletins, tout ce tralala, vous aurez ici au Sénégal plus de 20 candidats avec tout ce que cela implique. Vous dites à quelqu’un que la caution est à 40 millions, il va dire d’accord. Ce n’est pas sérieux. Ils vont prendre quarante jeunes qui veulent émigrer ; ils leur demandent chacun 3 millions pour avoir passeport et visa. Ils vont verser une partie de la caution. Voilà, ils sont candidats à la Présidentielle. Les gens vont les poursuivre, ils vont faire comme Alioune «Petit» Mbaye, et aller aux Etats-Unis.» Nous sommes dans une grande République ; qu’on élève la barre à 1 milliard. Je suis sûr qu’il y aura des partis qui vont copier ma technique, mais ils vont copier mal. Ils vont dire : «Pourtant, il a raison, ce salopard-là !» Aminata Mbengue Ndiaye va dire d’accord, «nous aussi, nous allons payer la caution pour Tanor Dieng». Un autre va le dire pour Moustapha Niasse, de même pour Bathily, le pauvre. Mais qu’ils sachent que je n’ai pas tout dit.
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