Vous venez d’être nommé à la tête de cette importante institution qu’est le Théâtre national Daniel Sorano. N’est-ce pas un grand défi pour vous ?
Oui, être nommé à la tête de la Compagnie nationale Daniel Sorano est un grand défi. Un très grand défi, tout d’abord, parce que l’Etat du Sénégal a mis sur pied une Compagnie nationale du théâtre. Et c’est là où se trouve le problème. C’est une Compagnie qui appartient à toute la Nation et on lui a donné le nom de Daniel Sorano. C’est quoi une Compagnie nationale ? C’est ça l’enjeu. Comment faire de sorte que les trois ensembles qui constituent cette Compagnie, c’est-à-dire la troupe nationale dramatique, l’ensemble lyrique traditionnel et le ballet la Linguère, puissent refléter la diversité nationale du Sénégal, la profondeur de sa culture et sa capacité à se moderniser ? Comment gérer un établissement public à vocation culturelle alors qu’on sait que le produit culturel est un produit exceptionnel ? Comment faire pour que les Sénégalais comprennent que leur patrimoine peut être valorisé ? Comment faire pour que la troupe nationale dramatique, l’ensemble lyrique traditionnel et le ballet la Linguère puissent tourner, apporter la création lyrique et apporter aussi nos pas de danse traditionnelle qui ont forgé notre identité culturelle à tous les Sénégalais mais aussi partout dans le monde pour faire respecter les Sénégalais ? En fait, c’est comment porter l’âme de la culture sénégalaise là où il y a les Sénégalais partout dans le monde. Je pense que c’est un grand défi. Ensuite, c’est aussi gérer des hommes. Je ne parle pas d’administrer parce qu’on n’est plus dans le domaine de l’administration mais du management. Avec le peu de moyens dont nous disposons, nous ne pouvons réaliser de grandes choses qu’avec l’appui des hommes. Sorano est une institution. C’est exceptionnel de bénéficier de la chance que le Sénégal nous confie ce patrimoine. C'est donc une charge lourde de responsabilité.
Comment comptez-vous vous y prendre pour faire revivre Daniel Sorano ?
Je n’ai pas de méthodes particulières. Massamba ne peut pas faire Sorano. C’est l’ensemble des acteurs culturels à commencer par ceux qui sont ici de faire Sorano. Ce que je compte faire avec l’appui du Conseil d’administration, avec l’accompagnement du ministère de la Culture et de l’Etat du Sénégal, c’est très simple : construire une modernité avec les compétences qui sont ici. Faire du management parce que quand on a beaucoup de moyens, on organise et quand on a peu de moyens, on s’organise. Il faut organiser de manière rationnelle et arriver à faire de la production parce que des comédiens, danseurs et chanteurs de talent sont là. Comment demander maintenant aux autres acteurs qui sont autour du théâtre de venir nous appuyer ? C’est ça la bonne stratégie.
Certains pensent que le Grand Théâtre « bouscule » sérieusement Daniel Sorano qui a du mal à faire face au nouveau bijou culturel de Dakar. Partagez-vous cet avis ?
Je ne suis pas de l’avis de ceux qui comparent le Grand Théâtre à la Compagnie nationale Daniel Sorano pour la bonne et simple raison que le premier a une exceptionnelle salle de spectacle, une salle majestueuse. J’ai eu la chance d’être parmi les premiers Sénégalais qui ont travaillé au Grand Théâtre parce que j’étais maître de cérémonie à l’ouverture. Et jusqu’à ma nomination comme DG de Daniel Sorano, j’étais le maître de cérémonie attitré du GT. Mais, il se trouve que Sorano est spécifique. Il est un établissement public qui a une troupe de danse, un ballet de danse et un ensemble lyrique. Le Grand Théâtre ne peut vivre que de la location de ses espaces ou de la production de manifestations mais nous, nous devons prendre le patrimoine et le monter en spectacle. Le GT n’est pas le concurrent de Sorano parce que les gens ne voient que l’aspect location de la salle. Le GT est la continuation du Théâtre national Daniel Sorano qui doit même pouvoir abriter certaines grandes créations nationales. Le stade Léopold Sédar Senghor n’a pas tué le stade Demba Diop. Pourquoi voudrait-on que le Grand Théâtre ne soit pas un plus mais un moins ? Nous sommes en train de nouer un excellent partenariat avec le GT. Nous travaillons pour que le GT prenne les spectacles d’envergure du fait de sa modernité et que Sorano prenne certains spectacles symboliques du fait de son poids et de son histoire. Nous allons montrer au Sénégalais que nous n’allons pas nous regarder les yeux dans les yeux mais nous allons regarder dans la même direction.
Le théâtre est aujourd’hui en perte de vitesse dans notre pays. Que doit être l’attitude de Daniel Sorano pour permettre à cet art de retrouver ses lettres de noblesse ?
Je n’ai pas attendu d’être nommé DG pour penser qu’on doit produire dans nos langues nationales. Les gens ne peuvent pas suivre des pièces qu’ils ne comprennent pas. Il faut qu’on produise, dans nos langues, de très grandes pièces de théâtre dans les conventions internationales parce que le théâtre est un art universel. Si on ajoute à cela le fait de mettre en scène les classiques et les œuvres au programme, on va intéresser le jeune public, ceux qui ne sont jamais au théâtre mais aussi l’extérieur. Donc, pour que les gens aient l’habitude de venir au théâtre, il faut qu’on les éduque à comprendre que ce qu’ils voient à la télé c’est des films, qu’aller au théâtre est un acte social. Il faut faire un type de théâtre qui peut faire déplacer le père et la mère et que l’enfant ait un spectacle pour lui. Tant qu’on n’aura pas de spectacles pour les enfants, ils ne grandiront pas avec la culture du théâtre. C’est pourquoi il faut faire beaucoup de spectacles pour les enfants de sorte à amener la génération à comprendre les enjeux. Mais, le théâtre de bas niveau ne va pas fonctionner. Heureusement, des associations comme ARCOTS (Artistes comédiens du Théâtre sénégalais) sont dans une démarche de professionnalisation exceptionnelle. Et le Théâtre national Daniel Sorano est toujours ouvert aux comédiens non-résidents. Je pense que c’est la bonne voie comme nous l’avons fait le 27 mars dernier. Nous avons rempli le Grand Théâtre en mettant ensemble de très bons comédiens dans une bonne mise en scène.
Entretien réalisé par Serigne Diaw (www.leral.net)
Oui, être nommé à la tête de la Compagnie nationale Daniel Sorano est un grand défi. Un très grand défi, tout d’abord, parce que l’Etat du Sénégal a mis sur pied une Compagnie nationale du théâtre. Et c’est là où se trouve le problème. C’est une Compagnie qui appartient à toute la Nation et on lui a donné le nom de Daniel Sorano. C’est quoi une Compagnie nationale ? C’est ça l’enjeu. Comment faire de sorte que les trois ensembles qui constituent cette Compagnie, c’est-à-dire la troupe nationale dramatique, l’ensemble lyrique traditionnel et le ballet la Linguère, puissent refléter la diversité nationale du Sénégal, la profondeur de sa culture et sa capacité à se moderniser ? Comment gérer un établissement public à vocation culturelle alors qu’on sait que le produit culturel est un produit exceptionnel ? Comment faire pour que les Sénégalais comprennent que leur patrimoine peut être valorisé ? Comment faire pour que la troupe nationale dramatique, l’ensemble lyrique traditionnel et le ballet la Linguère puissent tourner, apporter la création lyrique et apporter aussi nos pas de danse traditionnelle qui ont forgé notre identité culturelle à tous les Sénégalais mais aussi partout dans le monde pour faire respecter les Sénégalais ? En fait, c’est comment porter l’âme de la culture sénégalaise là où il y a les Sénégalais partout dans le monde. Je pense que c’est un grand défi. Ensuite, c’est aussi gérer des hommes. Je ne parle pas d’administrer parce qu’on n’est plus dans le domaine de l’administration mais du management. Avec le peu de moyens dont nous disposons, nous ne pouvons réaliser de grandes choses qu’avec l’appui des hommes. Sorano est une institution. C’est exceptionnel de bénéficier de la chance que le Sénégal nous confie ce patrimoine. C'est donc une charge lourde de responsabilité.
Comment comptez-vous vous y prendre pour faire revivre Daniel Sorano ?
Je n’ai pas de méthodes particulières. Massamba ne peut pas faire Sorano. C’est l’ensemble des acteurs culturels à commencer par ceux qui sont ici de faire Sorano. Ce que je compte faire avec l’appui du Conseil d’administration, avec l’accompagnement du ministère de la Culture et de l’Etat du Sénégal, c’est très simple : construire une modernité avec les compétences qui sont ici. Faire du management parce que quand on a beaucoup de moyens, on organise et quand on a peu de moyens, on s’organise. Il faut organiser de manière rationnelle et arriver à faire de la production parce que des comédiens, danseurs et chanteurs de talent sont là. Comment demander maintenant aux autres acteurs qui sont autour du théâtre de venir nous appuyer ? C’est ça la bonne stratégie.
Certains pensent que le Grand Théâtre « bouscule » sérieusement Daniel Sorano qui a du mal à faire face au nouveau bijou culturel de Dakar. Partagez-vous cet avis ?
Je ne suis pas de l’avis de ceux qui comparent le Grand Théâtre à la Compagnie nationale Daniel Sorano pour la bonne et simple raison que le premier a une exceptionnelle salle de spectacle, une salle majestueuse. J’ai eu la chance d’être parmi les premiers Sénégalais qui ont travaillé au Grand Théâtre parce que j’étais maître de cérémonie à l’ouverture. Et jusqu’à ma nomination comme DG de Daniel Sorano, j’étais le maître de cérémonie attitré du GT. Mais, il se trouve que Sorano est spécifique. Il est un établissement public qui a une troupe de danse, un ballet de danse et un ensemble lyrique. Le Grand Théâtre ne peut vivre que de la location de ses espaces ou de la production de manifestations mais nous, nous devons prendre le patrimoine et le monter en spectacle. Le GT n’est pas le concurrent de Sorano parce que les gens ne voient que l’aspect location de la salle. Le GT est la continuation du Théâtre national Daniel Sorano qui doit même pouvoir abriter certaines grandes créations nationales. Le stade Léopold Sédar Senghor n’a pas tué le stade Demba Diop. Pourquoi voudrait-on que le Grand Théâtre ne soit pas un plus mais un moins ? Nous sommes en train de nouer un excellent partenariat avec le GT. Nous travaillons pour que le GT prenne les spectacles d’envergure du fait de sa modernité et que Sorano prenne certains spectacles symboliques du fait de son poids et de son histoire. Nous allons montrer au Sénégalais que nous n’allons pas nous regarder les yeux dans les yeux mais nous allons regarder dans la même direction.
Le théâtre est aujourd’hui en perte de vitesse dans notre pays. Que doit être l’attitude de Daniel Sorano pour permettre à cet art de retrouver ses lettres de noblesse ?
Je n’ai pas attendu d’être nommé DG pour penser qu’on doit produire dans nos langues nationales. Les gens ne peuvent pas suivre des pièces qu’ils ne comprennent pas. Il faut qu’on produise, dans nos langues, de très grandes pièces de théâtre dans les conventions internationales parce que le théâtre est un art universel. Si on ajoute à cela le fait de mettre en scène les classiques et les œuvres au programme, on va intéresser le jeune public, ceux qui ne sont jamais au théâtre mais aussi l’extérieur. Donc, pour que les gens aient l’habitude de venir au théâtre, il faut qu’on les éduque à comprendre que ce qu’ils voient à la télé c’est des films, qu’aller au théâtre est un acte social. Il faut faire un type de théâtre qui peut faire déplacer le père et la mère et que l’enfant ait un spectacle pour lui. Tant qu’on n’aura pas de spectacles pour les enfants, ils ne grandiront pas avec la culture du théâtre. C’est pourquoi il faut faire beaucoup de spectacles pour les enfants de sorte à amener la génération à comprendre les enjeux. Mais, le théâtre de bas niveau ne va pas fonctionner. Heureusement, des associations comme ARCOTS (Artistes comédiens du Théâtre sénégalais) sont dans une démarche de professionnalisation exceptionnelle. Et le Théâtre national Daniel Sorano est toujours ouvert aux comédiens non-résidents. Je pense que c’est la bonne voie comme nous l’avons fait le 27 mars dernier. Nous avons rempli le Grand Théâtre en mettant ensemble de très bons comédiens dans une bonne mise en scène.
Entretien réalisé par Serigne Diaw (www.leral.net)