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Etudes sur le Toubé de Robert Rousseau- D’après les « Papiers de Rawane Boye »: Histoire et peuplement de l'actuelle ville de St-Louis

Rédigé par leral.net le Jeudi 16 Avril 2020 à 21:25 | | 0 commentaire(s)|

Rawane Boye naquit en 1848 à LEYBAR, dont son grand-père Makhtar Boye Khoudia était alors Montel. Son père mourut en 1852 et l'enfant étant trop jeune pour succéder à son grand-père, ce fut son oncle Madiop Tako Diop qui devint bientôt Montel. Il mourut en 1858 « à la guerre de Niomre ». Il se trouvait donc au nombre des auxiliaires qui prirent part à l'expédition de mars 1858, au cours de laquelle il fut tué.
Rawane Boye était alors à l'école des otages fondée par Faidherbe en 1855 : il y était entré à 9 ans, le 3 décembre 1857, et en sortira en 1866, âgé de 18 ans.


Le Gouverneur PINET-LAPRADE l'emploie comme interprète et moniteur à DAKAR jusqu'en 1872. Sur sa demande, il est alors autorisé à aller habiter dans sa famille à LEYBAR. Après avoir été longtemps conseiller municipal de Saint-Louis, et même conseiller général, il est rayé des listes électorales en 1908, comme n'étant pas de Saint-Louis, mais de Leybar, et avec lui, 27 de ses enfants ou neveux. En 1895, le général Galliéni l'avait présenté au Gouverneur de l'A.0.F dans le but de le faire nommer chef.

LE PEUPLEMENT

Le premier village de la région voisine de l'embouchure du Sénégal fut fondé par Yamnone Yalla Boye, qui venait du pays de WouL, avec sa femme N'Dyènne-îoul Diop, et quelques individus de sa famille. Arrivés au bord du fleuve, ils burent un peu d'eau qu'ils trouvèrent douce et bonne. Alors Yamnone déclara: « Voici quel sera à l'avenir notre n'dâ » (1, canari. C'est de ce mot que vient le nom wolof de Saint-Louis : N'DAR. Les wolofs aimant à ajouter un « r » à la fin des mots, N'Da devint N'Dar).

Cet endroit était tout près de l'emplacement actuel de LEYBAR, à l'embouchure du marigot de Khor ; le village qui y fut fondé s'appela N'DÂ, et ce fut le premier marché du pays.

Après eux, vinrent également du WouL, Mar De-tyouf (2, en wolof : maitre du sol, premier occupant), son frère aîné Mar Collangal (3, en wolof : maitre des bois) et leur sœur Tâti (4, en wolof : fesses). Ces noms signifient que le premier était maître de la terre, comme premier occupant, que le second exploitait les arbres, faisait les pirogues et les ustensiles de ménage, tandis que leur sœur travaillait assise, filant le coton, etc. Mar Collangal fonda le village de N'DiABÊNE, dont il fut le chef ; son frère Mar Détyouf fonda celui de GANDON et le mari de leur sœur Tâti, venu de M'BAYÈNE TIASDÉ dans le DJOLOF, fonda le village de M'BÉKHARE.

Ainsi le pays se peupla (1) et s'appela TOUBË, parce que ses habitants furent les premiers Noirs à se convertir à l'Islam (2). Yamnone, leur chef, prit le titre de Montel (3, du wolof MOM= posséder et TEEL= tôt, de bonne heure. Montel signifie donc premier possesseur). Ce titre de Montel Toubé devient souvent, par contraction, Montaubé (4).

Quand Yamnone et Dyènioul eurent passé quelques temps à N'DÂ, ils eurent des enfants: Abdou Boy, Yamar Boy, Mar Boy (5). Lorsque ses fils furent en âge de travailler, Yamnone fonda un nouveau village, qu'il nomma LEYBAR-TYAKA-BAMBA (6, propriété de la famille de Tyaka, du nom de Tyaka Boy, enterté près de Sor) et qui existe encore aujourd'hui sous le nom de LEYBAR. Ensuite le Montel envoya le plus âgé de sa famille, Banda Boye, fonder un village à MENGUÈYE. Le village prospéra (7, MEGUENE BOY), ses habitants se livraient à la pêche et fondèrent autour d'eux d'autres villages GÂYEN (8, village des GAYE), TYÂREN (9, village des SARR), TYEKEN (10, village des SECK) et GUÊYEN (11, village des GUEYE). Au bout d'un certain temps, il y eut beaucoup d'habitants dans le TOUBÉ. D'autres villages encore s'y fondèrent N'DIAKHÈRE, MAKA, GAYE-GAYE, GALÈLE.

Ce début de peuplement de la région est de peu antérieur à la formation de l'empire du Djollof. D'après Rawane Boy, ce furent les gens de MENGUÈYE qui s'emparèrent de N'DIADIANE N'DIAYE, le portèrent à Bov-ou-GARE, village commandé par l'aîné des fils de Yamnone, Abdou Boy (1). Ce fut le vieux Yamnone lui-même qui leur conseilla de l'emmener loin de l'eau pour qu'il ne puisse se sauver, puis de le transporter au Djolof. Sa fille Fatoumata Boy, qui réussit à faire parler N'DIADIANE, en devint la première femme : c'est à cause de cette alliance que les chefs du TOUBÉ ne payaient pas de redevances au bourba (2).

Avant l'existence des Damel au Cayor et des Brack au OUALO, la province du TOUBÉ se composait de huit villages N'DÂ BOY, GANDON DIOP, N'DIABÈNE DIOP, N'DIAKHÈRE DIOP, GAYE-GAYE DIOP, BEKHARE M'BAYE, GALÈLE DIOP et MAKA DIOP (3).

D'autres villages s'installèrent ensuite DIAMAGUÈNE, près de MAKA N'DIAOUSIR LEBOU DIÈYE, près de LEYBAR GUËBANGUE, GAYNA, TOUGUE GAYE, N'DÊLE DIÈYE, N'DER, PADIOUM (Poundioun ?) et RAO-GAYNA (Rao ?). Ces villages étaient compris dans la province du TOUBÉ et payaient des redevances au MONTAUBE (Montel-Toube) : leurs habitants ne se mariaient pas avec ceux des huit premiers villages, parce qu'ils étaient de moins bonne noblesse. Au contraire, les villages de SANTHIE
DIOP, N'DIAGNE (près MAKA) et DIAMA DIOP (près GAYE-GAYE), qui payaient aussi des redevances au Montaube, avaient une population aussi noble que celle des huit premiers villages.

D'autres villages, GUÈYE GUÉLAKHE, N'DIOUSSE, par exemple, ont été fondés plus tard, au temps où existaient des Damels; ils ne furent comptés dans le TOUBÉ qu'après l'installation des FRANÇAIS à Saint-louis. Auparavant, ils appartenaient à la Linguère du CAYOR, qui y nommait des chefs pour les administrer au mieux de ses intérêts.

Après la dissolution de l'empire du Djollof, le Damel et le Brack devenant chaque jour plus puissants, les gens du TOUBÉ se réunirent et décidèrent de fonder un village sur la terre de Brack, car ils n'occupaient jusque-là que de la terre de Damel. Ceci était de leur part une précaution: « les gens du CAYOR ne peuvent rien sur l'eau, s'ils veulent nous imposer, nous irons demeurer dans l'île, le Brack du OUALO ne peut rien sur terre, s’ils veulent nous imposer dans l'île, nous retournerons à LEYBAR. Ils déplacèrent donc deux villages, SANTHIÉ DIOP (qui était entre MAKA TOUBE et LEYBAR) et THIÉGUÈNE (dit YAM SECK) (4), les installèrent dans une île alors déserte, qui prit, ainsi que le premier de ces villages, le nom de SOR.

Dès lors le TOUBÉ est partagé entre CAYOR et OUALO, un nouveau chef est créé pour le TOUBË OUALO, avec le titre de Dyany (ou Diagne) de Sor.

Un troisième TOUBË va se former, et voici comment, d'après la légende : Un homme de LEYBAR s'était rendu au CAYOR pour y vendre son cheval, et avait fait marché avec le damel. Ne pouvant se faire payer, il enfourcha son cheval et partit pour LEYBAR. Le damel, prévenu, envoya à sa recherche des gens chargés de lui offrir le double du prix d'abord convenu, puis le commandement des pays compris entre l'endroit où on le trouverait et le fleuve. Ils le rattrapèrent à Toug. Il accepta le nouveau prix, mais fit remarquer que le commandement offert était précisément déjà entre les mains de sa famille, et que, n'en étant pas le plus âgé, il ne pouvait prétendre en devenir le chef. Il demanda donc un autre territoire. Le damel lui dit d'aller fonder un village dans une brousse qu'il lui indiqua, il s'exécuta et ainsi commença le canton TOUBË DU CAYOR, dont le chef porta le titre de M'Bèdje Toubé (1). Il se rendit ensuite à LEYBAR et fit un accord avec sa famille. Il devint le représentant auprès du damel du TOUBÉ indépendant qui resta commandé par le Montel; lorsque celui-ci fournissait des guerriers au Damel, c'était le M'Bédje Toubé qui les commandait en même temps que le contingent de son propre canton, le TOUBÉ CAYOR.