Que devient M. Farba Senghor après la chute du régime libéral ?
Je voudrais d’abord remercier votre journal «Le Pays au Quotidien» pour les grands pas que vous avez franchis dans l’espace médiatique Sénégalais. Comment vous l’avez si bien dit, après les élections présidentielles lors desquelles mon candidat Me Abdoulaye Wade a été battu au deuxième tour, nous avons participé aux Législatives et notre liste a perdu à Dakar face à la coalition présidentielle.
Pour les Législatives, j’ai refusé l’investiture au profit d’autres militants. Investi en troisième place sur la liste départementale du Pds à Dakar, je ne voulais pas battre campagne mais puisque Pape Diop avait lancé un défi à Me Wade, il fallait donc descendre sur le terrain pour éviter une humiliation à mon leader. Dieu merci, le Pds a battu «Bokk Guis Guis» à Dakar et partout d’ailleurs.
Pour les élections sénatoriales, je n’ai pas voulu être investi. Toutefois, je reste un membre influent du Pds. Et je me bats pour la relève afin d’appartenir au groupe qui doit pérenniser le Sopi. Il n’est pas exclu aussi que je sois le successeur de Me Wade à la tête du parti, si on met en exergue la légitimité, le long compagnonnage avec le fondateur du parti, la fidélité et la loyauté.
Il est prématuré de faire le bilan du nouveau régime même si on reconnait qu’il y a trop de problèmes actuellement…
(Il nous coupe). Beaucoup de personnes m’interpellent sur la situation extrêmement difficile du pays depuis que notre régime est tombé. Mais la réponse est très simple : c’est vous qui l’avez voulu, par conséquent il faut supporter. Si vous avez constaté que je n’ai pas réagi depuis l’installation du nouveau régime, je voulais lui laisser le temps de s’imprégner de la situation pour que les Sénégalais aient aussi les moyens de comparaison afin de juger objectivement le nouveau régime.
Les Sénégalais sont dans le désarroi. L’avenir s’assombrit. Il y a une recrudescence de violences, accidents meurtriers, suicides et des viols. Ceux qui croient à l’irrationnel disent que les tenants du nouveau régime ont usé de beaucoup trop de fétiches pour arriver au pouvoir. Ça se dit, mais ce n’est pas mon point de vue. Sur le plan rationnel et scientifique dont je suis partisan, l’heure est grave.
En ce qui concerne la situation économique, Macky Sall avait promis la baisse des prix des denrées de première nécessité et une vie meilleure. Mais, c’est le contraire que nous constatons parce que l’argent ne circule plus. Les commerçants se plaignent. Les ménagères ne savent plus à quel saint se vouer. Une situation insoutenable.
Je connais Macky Sall depuis plusieurs décennies. Qu’il dise aux Sénégalais comment il a eu autant de milliards en si peu de temps. Vous savez (il se redresse sur sa chaise), par respect pour les Sénégalais, je n’ai pas envie de dire tout ce que je sais sur cet homme qui veut se faire passer pour un saint. Arrêtons ce cirque.
A qui la faute ?
Le président Wade était très généreux. En dehors des circuits traditionnels et formels, le Sénégal a pu diversifier son partenariat avec des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Iran, les pays arabes… Il y avait beaucoup d’investissements, étrangers et nationaux.
Macky Sall n’a pas le charisme de Wade, ni son ingéniosité pour chercher et trouver de l’argent au bénéfice des Sénégalais. A cela s’ajoute aussi son entourage, peu enclin à la recherche de solutions durables pour certains problèmes. C’est ce qui explique aujourd’hui ce tâtonnement et ce pilotage à vue, à tous les niveaux. A votre avis, c’est quoi «Yoonu Yokuté», la voie du développement ?
En matière de gouvernance, ce qui est important, c’est la confiance. Et il y a deux types de confiance : la confiance des bailleurs de fonds traditionnels, Banque mondiale et FMI. A ce niveau, Me Wade dénonçait l’immobilisme et tapait sur la table pour dire ceci : «Accompagner moi à financer tel ou tel projet ou je vais chercher l’argent ailleurs». Franchement, Macky Sall n’a pas ce charisme. L’actuel président fera tout pour plaire à ces institutions de Breton Wood au détriment des intérêts supérieurs du Sénégal. Macky Sall est en train de supprimer toutes les subventions, les aides ou bourses universitaires que Wade considérait comme étant des investissements. «Former un jeune, c’est investir», disait-il.
Combien de Sénégalais basés à l’extérieur étaient revenus pour investir à titre privé dans ce pays en construisant partout des immeubles, des écoles et des forages pour le monde rural ? Ils ont crée partout des emplois et l’argent circulait. Ce deuxième type de confiance est sérieusement entamé après les événements du 23 juin et notamment par cette fameuse loi sur l’enrichissement illicite.
Je trouve que ce n’est même pas sérieux. Je connais Macky Sall depuis plusieurs décennies. Qu’il dise aux Sénégalais comment il a eu autant de milliards en si peu de temps ? Vous savez (il se redresse sur sa chaise), par respect pour les Sénégalais, je n’ai pas envie de dire tout ce que je sais sur cet homme qui veut se faire passer pour un saint. Arrêtons ce cirque.
Le Sénégal est en train d’être diabolisé aux yeux de tout le monde, sans que Macky Sall lui-même ne le sache. Ma foi, cher journaliste, ce Macky Sall là est un produit fabriqué par Me Wade. Il était au cœur du pouvoir pendant 8 ans. Il a eu tous les privilèges que l’on ne peut pas énumérer ici. De qui veut-on se moquer dans ce pays ?
A cause de cette diabolisation à outrance, beaucoup d’étrangers ont quitté le Sénégal. Plusieurs maisons dans les quartiers résidentielles sont désertes actuellement. La preuve, en son temps, lorsque Wade a sollicité un emprunt de 500 milliards de francs Cfa à la Bourse de Londres, il en a reçus 2000, c'est-à-dire 4 fois plus. Aujourd’hui, Macky Sall est venu sur le marché de l’Afrique de l’Ouest pour faire un emprunt obligataire comme son prédécesseur, il a obtenu une couverture de moins de 30%. C’est un échec.
Personne n’a envie de venir investir dans ce pays à cause de la sur - médiatisation des audits, de la lutte contre le blanchiment d’argent, de la corruption et j’en passe. Prions que cette situation indescriptible ne continue pas. Sinon, ce sera la catastrophe. Qui peut vivre dans un pays où il n’y a pas d’argent ?
Parlant de l’enrichissement illicite, vous n’êtes pas inquiété après votre première audition ?
Je suis le premier responsable libéral à être auditionné. Et je sais pourquoi, il en est ainsi. Macky Sall aussi sait ce à quoi je pense. Vous verrez la suite. Pour revenir aux investisseurs, la confiance doit être rétablie. Je souhaite que Macky Sall réussisse, mais il faut qu’il bannisse les détails.
Est-ce que vous êtes libre de tout mouvement ?
Je suis libre de tout mouvement. Il n’y a aucune crainte me concernant. Mais la chasse aux sorcières ne mène nulle part. Au plan politique, notre démocratie a été souillée par l’élection à l’Assemblée nationale d’un meurtrier comme Barthélémy Dias qui a dit publiquement : «J’ai tiré des coups de feu et, certainement, j’ai tué». Quelle grande honte pour notre pays ? Je me demande d’ailleurs où sont ces défenseurs des droits de l’homme pour dénoncer cette situation.
En plus, mon domicile et celui de Serigne Mbacké Ndiaye (porte-parole de Wade) ont été saccagés lors des événements pré-électoraux. Et la personne qui a été accusée de vandalisme, est aujourd’hui le deuxième questeur de l’Assemblée nationale, Awa Niang de Dalifort. Donc, où est la rupture prônée par Macky Sall ?
Pis, aujourd’hui, bizarrement une trentaine de gendarmes et policiers dont le commissaire Arona Sy sont poursuivis pour des faits commis lors de ces événements. Ces gens ne faisaient que leur travail, c'est-à-dire rétablir l’ordre public. La question que je me pose est la suivante : pourquoi les gens qui ont tué un policier à Colobane ne sont pas inquiétés, alors que l’enquête aurait révélé des coupables ?
Si des gendarmes et policiers sont traqués sous la pression de défenseurs des droits de l’homme malhonnêtes, demain qui rétablira l’ordre ? Demain, si de pareils troubles se produisent, des forces de l’ordre peuvent croiser les bras et dire «non, car en cas d’incidents indépendants de notre volonté nous seront traînés dans la boue». C’est dangereux ce qui est en train de se passer dans ce pays. Regardez le cas du commissaire Harona Sy, c’est inadmissible. Attendons de voir la suite… Les policiers et gendarmes ne méritent pas ces procès politiques, encore une fois sous la pression d’une société civile hypocrite et immorale.
Au même moment, Macky Sall veut diminuer les privilèges des généraux de l’armée nationale et des magistrats. J’ai lu ça dans Le Pays au Quotidien que j’achète tous les jours. Mais, un régime est fait de privilèges. Ce qui différencie un nouveau pouvoir de l’ancien, ce sont les privilèges, c'est-à-dire de nouveaux acquis. Sinon pourquoi changer de régime, s’il faut toujours maintenir l’existant ? Macky Sall et son gouvernement sont des farceurs (rires).
Que répondez-vous à ceux qui disent que le président Macky Sall a hérité d’un pouvoir à l’agonie où tous les clignotants sont au rouge ?
Ce n’est pas vrai. Ceux qui le disent, racontent des histoires. Le Sénégal n’est pas à l’agonie. Le président Me Abdoulaye Wade a changé radicalement le visage de ce pays. Un seul exemple dans votre secteur : la presse. Combien de télévisions, journaux, radios privés, imprimeries sont créées sous le magistère de Wade ? Est-ce que Macky Sall a l’envergure du président Wade, son influence pour faire face aux problèmes et proposer des solutions ? Vous imaginez Macky Sall taper sur la table du G20, G8 ou même de l’UA ? L’élève n’est pas forcément le maitre.
Vous voulez dire que le président Macky Sall n’a pas le charisme de Wade ?
Il ne faut pas comparer l’incomparable. Wade a une influence incommensurable sur son environnement, même pour les médias. Il parait que le taux de vente de plusieurs journaux a baissé après le départ de Wade. Si vous posez cette question à Macky Sall, je vous assure qu’il vous dira : «S’il vous plaît cher Maké, vous ne pouvez pas me comparer à cet homme multidimensionnel, hors pair».
Au plan diplomatique, le Sénégal est-il en train de jouer véritablement son rôle dans les crises sous-régionales : Nord-Mali, Guinée-Bissau, Gambie…?
Le Sénégal ne peut pas dans ces conditions là jouer son rôle. Si vous vous rappelez, la présidence de Wade a permis de rétablir la dignité de l’homme noir, à décomplexer l’africain vis-à-vis des autres peuples du monde. Il a su dire non chaque fois que les intérêts nationaux étaient menacés. Je cite l’exemple des bases militaires françaises. Il fallait être Wade pour oser faire ça. Macky Sall, arrivé au pouvoir, la première chose à faire, c’est d’aller demander aux Français ce qu’ils veulent.
La crise dans la zone sahélo-sahélienne est avant tout un problème africain. Il faut un leadership sous-régional fort pour prendre en charge ces questions de sécurité que certains pays sont en train de monnayer. On nous fait croire que des Sénégalais sont enrôlés au Nord-Mali. C’est archi-faux. Vous connaissez un Sénégalais qui accepterait de se faire tuer dans le désert malien sans raison ?
«Une chose est sûre, il est totalement exclu que Farba Senghor travaille avec Macky Sall. Mon ambition est de massifier notre parti le Pds pour revenir au pouvoir en 2017 ou 2019. Il est exclu de faire allégeance à Macky Sall. Farba Senghor est et restera toujours au Pds : pour le meilleur et pour le pire»
On va revenir sur l’actualité nationale pour aborder l’affaire Cheikh Béthio Thioune à qui la Justice refuse une liberté provisoire. Vous l’avez dit plus haut, Dame justice avait accordé cette liberté à un détenu qui est élu aujourd’hui député à l’Assemblée nationale… ?
(Il se redresse et nous coupe…). C’est de l’injustice. Ils ne lui pardonneront jamais son soutien public à Me Wade. Les nouveaux tenants du pouvoir oublient que Cheikh Béthio est un citoyen qui a le droit de soutenir qui il veut. D’autres l’ont fait avant lui. En refusant de lui accorder une liberté provisoire pour qu’il aille se soigner, le nouveau régime veut tout simplement l’assassiner. Il faut éviter de gouverner par l’injustice. Si on peut accorder une liberté provisoire à Barthélémy Dias qui a publiquement avoué son crime, avant son entrée à l’hémicycle, Cheikh Béthio Thioune qui nie être le commanditaire du meurtre de ses ex-talibés, doit l’obtenir.
Je considère aussi qu’il y a trop de fumiers dans les organisations de la société civile. Ce qui me fait mal, c’est que pour deux affaires similaires, elles adoptent deux positions totalement différentes et radicales. Je disais récemment à un ami que je ne suis pas contre la transhumance physique ;, mais je suis outré par la transhumance intellectuelle qui est ignoble. Suivez les débats dans les radios et télévisions, ce que ces transhumants intellectuels dénonçaient hier, ils l’enjolivent aujourd’hui. Je crois que c’est dangereux pour notre démocratie.
N’est-ce pas une faillite de l’opposition incarnée par le Pds qui doit jouer son rôle de sentinelle, comme dans toute démocratie normale ? Ceux que vous critiquez, sont-ils obligés de s’opposer au régime de Macky Sall ?
Vous savez même la presse ne joue pas le jeu. Regardez comment ces débats sont organisés. Le Pds va bientôt annoncer la couleur. Me Wade nous avait demandé de laisser Macky Sall travailler. Malheureusement, ce dernier veut plutôt nous divertir que s’occuper des problèmes des Sénégalais. Il nous trouvera sur son chemin.
Vous disiez tantôt que vous n’êtes pas contre la transhumance physique. Farba Senghor est-il prêt à travailler avec Macky Sall si ce dernier lui tend la main ?
Jamais (Il est catégorique). Celui qui gagne, gouverne. C’est mon principe.
Mais vous avez gouverné avec des gens que vous aviez battus en 2000 ?
Une chose est sûre, il est totalement exclu que Farba Senghor travaille avec Macky Sall. Mon ambition est de massifier notre parti le Pds pour revenir au pouvoir en 2017 ou 2019. Il est exclu de faire allégeance à Macky Sall. Farba Senghor est et restera toujours au Pds : pour le meilleur et pour le pire.
Cinq mois après avoir perdu le pouvoir, avec le recul, pouvez-vous expliquer les raisons de votre échec sachant que «Wade a changé le visage du Sénégal» ?
Vous savez, c’est regrettable de le dire, mais nous avons gouverné par procuration. Et il ne fallait pas. J’ai eu beaucoup d’accrochage avec l’entourage de Wade. Nous avons eu des réunions houleuses au Palais pendant ces dernières années de règne du régime libéral. J’étais le seul en général à m’opposer. Mes amis conforteront ce que je dis en lisant cet entretien. Ce qui nous a fait perdre, c’est d’avoir gouverné par procuration.
Nous avions confié des responsabilités à beaucoup d’opportunistes au détriment des vrais militants du Pds. Il y avait trop de pression sur le président Wade à telle enseigne qu’à chaque fois qu’il démettait quelqu’un de ses fonctions de ministre ou de Dg, il pouvait le reprendre. Et les gens au lieu de travailler, couraient les lobbys pour garder leur poste. Vous savez, lorsque j’ai été démis de mes fonctions de ministre en 2008, plusieurs chefs religieux voulaient intervenir auprès de Wade pour qu’il me reprenne. Je cite deux noms : l’actuel Khalife général des Tidjianes Serigne Mansour Sy, mes relations avec ce dernier sont connues, et le défunt Khalife général des mourides Serigne Bara Mbacké (paix à son âme) qui était aussi mon ami. J’ai raffermi ses relations avec le président Me Wade. Mais, j’ai refusé en leur disant : «Si entre Wade et moi, il faut que d’autres personnes interviennent pour que je sois ministre, je refuse».
J’ai toujours théorisé que dans chaque organisation, il y a deux choses : le noyau qui est dur, amer, difficile à manger mais qui, seul, demain, pourrait germer et perpétuer l’espèce. Nous appartenons à ce noyau. La partie juteuse de l’organisation c'est-à-dire la périphérie, l’enveloppe, le folklore, ce sont les autres. Il faut savoir jongler avec ces gens en sachant qu’ils peuvent partir à tout moment. Les vrais militants du Pds ne quitteront jamais le parti avec ou sans Abdoulaye Wade. Ceux qui étaient venus au parti pour avoir des privilèges sont partis. Même si nous sommes traînés dans la boue, injuriés, menacés de mort, nous resterons pour éviter le déclin du Pds.
Les chasseurs de privilèges pour ne pas dire les opportunistes ont tout fait pour écarter le rempart Farba Senghor et, peut-être, ceux qui sont comme lui. Très futés, ces escrocs de la politique ont même utilisé des proches du président Wade pour faire passer des idées saugrenues, stopper des projets. Je cite un autre exemple, les investitures lors des élections locales de 2009. En ce moment, Me Wade était à l’étranger. Je l’ai appelé pour lui dire : «Ceux qui sont en train de gérer les investitures en votre absence, foutent la merde dans votre parti. Il faut revenir». Et le soir, d’autres l’ont appelé pour lui dire : «Ne viens pas, tout sera ok». Vous connaissez la suite. Nous avons perdu toutes les grandes villes. Au lieu d’en tirer les conséquences, c’est… (Il est pensif et ne termine pas la phrase. L’émotion se lit sur son visage). Me Wade a beaucoup fait pour la démocratie dans ce pays.
Le Pds va vers un congrès pour renouveler ses instances et élire un nouveau Secrétaire général national (SGN). Êtes-vous candidat pour diriger ce parti ?
Actuellement, il n’y a pas quelqu’un de plus légitime que Farba Senghor au Pds. Si vous en connaissez un, dites le moi. Modou Diagne Fada me disait la dernière fois (lors des Législatives, il voulait boycotter la liste du Pds) : «Farba parmi nous, tu es le seul qui est blanc comme neige sur le plan de la fidélité, de la loyauté, de l’engagement pour le parti et pour le Sgn. Fais tout pour ne pas le gâcher». Tout le monde sait que Modou Diagne Fada n’est pas un pro-Farba. S’il y a quelqu’un qui a la capacité de diriger le Pds avec des faits d’armes avérés, qui connait bien la personne, l’œuvre et la vision de Me Abdoulaye Wade, c’est sans nul doute, Farba Senghor.
Le président Macky Sall envisage de supprimer le Sénat pour faire face aux inondations ? Que vous inspire cette initiative ?
C’est un recul démocratique et un leurre. Dans toutes les grandes démocraties du monde, il y a un Sénat. Il faut une architecture constitutionnelle complète. Ce n’est pas avec 7 milliards francs Cfa qu’il va régler le problème des inondations qui demande des mesures structurelles.
Le budget de l’Etat, notamment la trésorerie qui en découle, son exécution repose sur un socle immuable : l’unicité de caisse, c'est-à-dire qu’on ne peut pas savoir si telle somme encaissée était destinée au Sénat. Les questions de trésorerie sont réglées d’urgence. Macky Sall devrait à une modification de la loi des finances pour faire une ponction sur l’investissement non urgent afin de régler l’évacuation des eaux.
Pour les années à venir, c’est là que le problème se pose car il faut envisager des solutions durables qui nécessitent beaucoup d’argent. Macky Sall aura tort de suivre le monde des Assises qui est minoritaire. Il ne doit pas saborder avec le monde des Assises sachant que tôt au tard, Benno Bokk Yaakaar va imploser avant les années à venir.
Par ailleurs, il y a une question que les gens ne posent pas. En réalité, Macky Sall aura-t-il les moyens de dissoudre le Sénat si les 100 membres refusent de voter son projet de loi insensé ? On se retrouverait dans une situation inédite et cocasse. Il faut s’attendre à ça dans la mesure où il n’y a eu aucune concertation. Ce que Macky Sall pourrait faire sans discréditer notre démocratie, c’est de réformer le Sénat tant dans sa composition que dans ses fonctions.
L’affaire King Fahd Palace avait défrayé la chronique. Quelle est votre position dans ce débat ?
L’hôtel King Fahd Palace doit être laissé entre les mains de Mamadou Racine Sy, un acteur du patronat national. Peut-on reprocher à Mansour Kama de la CNES d’avoir gagné des marchés sous Diouf ? A mon avis, le CNP et la CNES devraient se mobiliser pour défendre Racine Sy. Sinon demain, ils seront affaiblis face aux investisseurs étrangers. Macky Sall va ainsi donner raison au chanteur Ouza Diallo qui criait «Waloo ! Toubab yangui nangou sama rew (au secours, c’est le retour de la colonisation). La solidarité du patronat doit être manifeste. Si Macky Sall enlève Racine Sy pour mettre un de ses hommes, par exemple Harouna Dia, demain son successeur fera la même chose. Les Sénégalais méritants doivent gagner des marchés chez eux.
Récemment, vous avez répondu deux fois à la convocation de la section de recherches de la Gendarmerie suite à votre plainte pour…
(Il nous coupe) ! Oui, vous avez raison. J’ai été convoqué à deux reprises pour la section de recherches de la gendarmerie de Colobane suite à ma plainte contre X auprès du procureur de la République pour divulgation des secrets d’instruction après mon audition dans le cadre des enquêtes sur l’enrichissement illicite. J’ai été atteint dans mon honneur et ma dignité. Mes droits ont été bafoués par le journal L’As. Vos consoeurs Hawa Boussou et Adja Diaw Gaye ont transcrit mon audition avec des termes insolents. Cette divulgation des secrets de l’instruction constitue une injure à la Justice de notre pays mais surtout aux gendarmes qui ont confiance au régime. C’est pourquoi, je me réjouis que le procureur ait ouvert une enquête. Cela prouve que notre Justice est indépendante, équidistante des acteurs politiques. Les magistrats doivent aider le procureur à faire aboutir cette procédure afin que la Justice travaille en toute sérénité dans le dossier des biens mal acquis.
Entretien réalisé par MAKE DANGNOKHO
Le Pays
Je voudrais d’abord remercier votre journal «Le Pays au Quotidien» pour les grands pas que vous avez franchis dans l’espace médiatique Sénégalais. Comment vous l’avez si bien dit, après les élections présidentielles lors desquelles mon candidat Me Abdoulaye Wade a été battu au deuxième tour, nous avons participé aux Législatives et notre liste a perdu à Dakar face à la coalition présidentielle.
Pour les Législatives, j’ai refusé l’investiture au profit d’autres militants. Investi en troisième place sur la liste départementale du Pds à Dakar, je ne voulais pas battre campagne mais puisque Pape Diop avait lancé un défi à Me Wade, il fallait donc descendre sur le terrain pour éviter une humiliation à mon leader. Dieu merci, le Pds a battu «Bokk Guis Guis» à Dakar et partout d’ailleurs.
Pour les élections sénatoriales, je n’ai pas voulu être investi. Toutefois, je reste un membre influent du Pds. Et je me bats pour la relève afin d’appartenir au groupe qui doit pérenniser le Sopi. Il n’est pas exclu aussi que je sois le successeur de Me Wade à la tête du parti, si on met en exergue la légitimité, le long compagnonnage avec le fondateur du parti, la fidélité et la loyauté.
Il est prématuré de faire le bilan du nouveau régime même si on reconnait qu’il y a trop de problèmes actuellement…
(Il nous coupe). Beaucoup de personnes m’interpellent sur la situation extrêmement difficile du pays depuis que notre régime est tombé. Mais la réponse est très simple : c’est vous qui l’avez voulu, par conséquent il faut supporter. Si vous avez constaté que je n’ai pas réagi depuis l’installation du nouveau régime, je voulais lui laisser le temps de s’imprégner de la situation pour que les Sénégalais aient aussi les moyens de comparaison afin de juger objectivement le nouveau régime.
Les Sénégalais sont dans le désarroi. L’avenir s’assombrit. Il y a une recrudescence de violences, accidents meurtriers, suicides et des viols. Ceux qui croient à l’irrationnel disent que les tenants du nouveau régime ont usé de beaucoup trop de fétiches pour arriver au pouvoir. Ça se dit, mais ce n’est pas mon point de vue. Sur le plan rationnel et scientifique dont je suis partisan, l’heure est grave.
En ce qui concerne la situation économique, Macky Sall avait promis la baisse des prix des denrées de première nécessité et une vie meilleure. Mais, c’est le contraire que nous constatons parce que l’argent ne circule plus. Les commerçants se plaignent. Les ménagères ne savent plus à quel saint se vouer. Une situation insoutenable.
Je connais Macky Sall depuis plusieurs décennies. Qu’il dise aux Sénégalais comment il a eu autant de milliards en si peu de temps. Vous savez (il se redresse sur sa chaise), par respect pour les Sénégalais, je n’ai pas envie de dire tout ce que je sais sur cet homme qui veut se faire passer pour un saint. Arrêtons ce cirque.
A qui la faute ?
Le président Wade était très généreux. En dehors des circuits traditionnels et formels, le Sénégal a pu diversifier son partenariat avec des pays comme la Chine, l’Inde, le Brésil, l’Iran, les pays arabes… Il y avait beaucoup d’investissements, étrangers et nationaux.
Macky Sall n’a pas le charisme de Wade, ni son ingéniosité pour chercher et trouver de l’argent au bénéfice des Sénégalais. A cela s’ajoute aussi son entourage, peu enclin à la recherche de solutions durables pour certains problèmes. C’est ce qui explique aujourd’hui ce tâtonnement et ce pilotage à vue, à tous les niveaux. A votre avis, c’est quoi «Yoonu Yokuté», la voie du développement ?
En matière de gouvernance, ce qui est important, c’est la confiance. Et il y a deux types de confiance : la confiance des bailleurs de fonds traditionnels, Banque mondiale et FMI. A ce niveau, Me Wade dénonçait l’immobilisme et tapait sur la table pour dire ceci : «Accompagner moi à financer tel ou tel projet ou je vais chercher l’argent ailleurs». Franchement, Macky Sall n’a pas ce charisme. L’actuel président fera tout pour plaire à ces institutions de Breton Wood au détriment des intérêts supérieurs du Sénégal. Macky Sall est en train de supprimer toutes les subventions, les aides ou bourses universitaires que Wade considérait comme étant des investissements. «Former un jeune, c’est investir», disait-il.
Combien de Sénégalais basés à l’extérieur étaient revenus pour investir à titre privé dans ce pays en construisant partout des immeubles, des écoles et des forages pour le monde rural ? Ils ont crée partout des emplois et l’argent circulait. Ce deuxième type de confiance est sérieusement entamé après les événements du 23 juin et notamment par cette fameuse loi sur l’enrichissement illicite.
Je trouve que ce n’est même pas sérieux. Je connais Macky Sall depuis plusieurs décennies. Qu’il dise aux Sénégalais comment il a eu autant de milliards en si peu de temps ? Vous savez (il se redresse sur sa chaise), par respect pour les Sénégalais, je n’ai pas envie de dire tout ce que je sais sur cet homme qui veut se faire passer pour un saint. Arrêtons ce cirque.
Le Sénégal est en train d’être diabolisé aux yeux de tout le monde, sans que Macky Sall lui-même ne le sache. Ma foi, cher journaliste, ce Macky Sall là est un produit fabriqué par Me Wade. Il était au cœur du pouvoir pendant 8 ans. Il a eu tous les privilèges que l’on ne peut pas énumérer ici. De qui veut-on se moquer dans ce pays ?
A cause de cette diabolisation à outrance, beaucoup d’étrangers ont quitté le Sénégal. Plusieurs maisons dans les quartiers résidentielles sont désertes actuellement. La preuve, en son temps, lorsque Wade a sollicité un emprunt de 500 milliards de francs Cfa à la Bourse de Londres, il en a reçus 2000, c'est-à-dire 4 fois plus. Aujourd’hui, Macky Sall est venu sur le marché de l’Afrique de l’Ouest pour faire un emprunt obligataire comme son prédécesseur, il a obtenu une couverture de moins de 30%. C’est un échec.
Personne n’a envie de venir investir dans ce pays à cause de la sur - médiatisation des audits, de la lutte contre le blanchiment d’argent, de la corruption et j’en passe. Prions que cette situation indescriptible ne continue pas. Sinon, ce sera la catastrophe. Qui peut vivre dans un pays où il n’y a pas d’argent ?
Parlant de l’enrichissement illicite, vous n’êtes pas inquiété après votre première audition ?
Je suis le premier responsable libéral à être auditionné. Et je sais pourquoi, il en est ainsi. Macky Sall aussi sait ce à quoi je pense. Vous verrez la suite. Pour revenir aux investisseurs, la confiance doit être rétablie. Je souhaite que Macky Sall réussisse, mais il faut qu’il bannisse les détails.
Est-ce que vous êtes libre de tout mouvement ?
Je suis libre de tout mouvement. Il n’y a aucune crainte me concernant. Mais la chasse aux sorcières ne mène nulle part. Au plan politique, notre démocratie a été souillée par l’élection à l’Assemblée nationale d’un meurtrier comme Barthélémy Dias qui a dit publiquement : «J’ai tiré des coups de feu et, certainement, j’ai tué». Quelle grande honte pour notre pays ? Je me demande d’ailleurs où sont ces défenseurs des droits de l’homme pour dénoncer cette situation.
En plus, mon domicile et celui de Serigne Mbacké Ndiaye (porte-parole de Wade) ont été saccagés lors des événements pré-électoraux. Et la personne qui a été accusée de vandalisme, est aujourd’hui le deuxième questeur de l’Assemblée nationale, Awa Niang de Dalifort. Donc, où est la rupture prônée par Macky Sall ?
Pis, aujourd’hui, bizarrement une trentaine de gendarmes et policiers dont le commissaire Arona Sy sont poursuivis pour des faits commis lors de ces événements. Ces gens ne faisaient que leur travail, c'est-à-dire rétablir l’ordre public. La question que je me pose est la suivante : pourquoi les gens qui ont tué un policier à Colobane ne sont pas inquiétés, alors que l’enquête aurait révélé des coupables ?
Si des gendarmes et policiers sont traqués sous la pression de défenseurs des droits de l’homme malhonnêtes, demain qui rétablira l’ordre ? Demain, si de pareils troubles se produisent, des forces de l’ordre peuvent croiser les bras et dire «non, car en cas d’incidents indépendants de notre volonté nous seront traînés dans la boue». C’est dangereux ce qui est en train de se passer dans ce pays. Regardez le cas du commissaire Harona Sy, c’est inadmissible. Attendons de voir la suite… Les policiers et gendarmes ne méritent pas ces procès politiques, encore une fois sous la pression d’une société civile hypocrite et immorale.
Au même moment, Macky Sall veut diminuer les privilèges des généraux de l’armée nationale et des magistrats. J’ai lu ça dans Le Pays au Quotidien que j’achète tous les jours. Mais, un régime est fait de privilèges. Ce qui différencie un nouveau pouvoir de l’ancien, ce sont les privilèges, c'est-à-dire de nouveaux acquis. Sinon pourquoi changer de régime, s’il faut toujours maintenir l’existant ? Macky Sall et son gouvernement sont des farceurs (rires).
Que répondez-vous à ceux qui disent que le président Macky Sall a hérité d’un pouvoir à l’agonie où tous les clignotants sont au rouge ?
Ce n’est pas vrai. Ceux qui le disent, racontent des histoires. Le Sénégal n’est pas à l’agonie. Le président Me Abdoulaye Wade a changé radicalement le visage de ce pays. Un seul exemple dans votre secteur : la presse. Combien de télévisions, journaux, radios privés, imprimeries sont créées sous le magistère de Wade ? Est-ce que Macky Sall a l’envergure du président Wade, son influence pour faire face aux problèmes et proposer des solutions ? Vous imaginez Macky Sall taper sur la table du G20, G8 ou même de l’UA ? L’élève n’est pas forcément le maitre.
Vous voulez dire que le président Macky Sall n’a pas le charisme de Wade ?
Il ne faut pas comparer l’incomparable. Wade a une influence incommensurable sur son environnement, même pour les médias. Il parait que le taux de vente de plusieurs journaux a baissé après le départ de Wade. Si vous posez cette question à Macky Sall, je vous assure qu’il vous dira : «S’il vous plaît cher Maké, vous ne pouvez pas me comparer à cet homme multidimensionnel, hors pair».
Au plan diplomatique, le Sénégal est-il en train de jouer véritablement son rôle dans les crises sous-régionales : Nord-Mali, Guinée-Bissau, Gambie…?
Le Sénégal ne peut pas dans ces conditions là jouer son rôle. Si vous vous rappelez, la présidence de Wade a permis de rétablir la dignité de l’homme noir, à décomplexer l’africain vis-à-vis des autres peuples du monde. Il a su dire non chaque fois que les intérêts nationaux étaient menacés. Je cite l’exemple des bases militaires françaises. Il fallait être Wade pour oser faire ça. Macky Sall, arrivé au pouvoir, la première chose à faire, c’est d’aller demander aux Français ce qu’ils veulent.
La crise dans la zone sahélo-sahélienne est avant tout un problème africain. Il faut un leadership sous-régional fort pour prendre en charge ces questions de sécurité que certains pays sont en train de monnayer. On nous fait croire que des Sénégalais sont enrôlés au Nord-Mali. C’est archi-faux. Vous connaissez un Sénégalais qui accepterait de se faire tuer dans le désert malien sans raison ?
«Une chose est sûre, il est totalement exclu que Farba Senghor travaille avec Macky Sall. Mon ambition est de massifier notre parti le Pds pour revenir au pouvoir en 2017 ou 2019. Il est exclu de faire allégeance à Macky Sall. Farba Senghor est et restera toujours au Pds : pour le meilleur et pour le pire»
On va revenir sur l’actualité nationale pour aborder l’affaire Cheikh Béthio Thioune à qui la Justice refuse une liberté provisoire. Vous l’avez dit plus haut, Dame justice avait accordé cette liberté à un détenu qui est élu aujourd’hui député à l’Assemblée nationale… ?
(Il se redresse et nous coupe…). C’est de l’injustice. Ils ne lui pardonneront jamais son soutien public à Me Wade. Les nouveaux tenants du pouvoir oublient que Cheikh Béthio est un citoyen qui a le droit de soutenir qui il veut. D’autres l’ont fait avant lui. En refusant de lui accorder une liberté provisoire pour qu’il aille se soigner, le nouveau régime veut tout simplement l’assassiner. Il faut éviter de gouverner par l’injustice. Si on peut accorder une liberté provisoire à Barthélémy Dias qui a publiquement avoué son crime, avant son entrée à l’hémicycle, Cheikh Béthio Thioune qui nie être le commanditaire du meurtre de ses ex-talibés, doit l’obtenir.
Je considère aussi qu’il y a trop de fumiers dans les organisations de la société civile. Ce qui me fait mal, c’est que pour deux affaires similaires, elles adoptent deux positions totalement différentes et radicales. Je disais récemment à un ami que je ne suis pas contre la transhumance physique ;, mais je suis outré par la transhumance intellectuelle qui est ignoble. Suivez les débats dans les radios et télévisions, ce que ces transhumants intellectuels dénonçaient hier, ils l’enjolivent aujourd’hui. Je crois que c’est dangereux pour notre démocratie.
N’est-ce pas une faillite de l’opposition incarnée par le Pds qui doit jouer son rôle de sentinelle, comme dans toute démocratie normale ? Ceux que vous critiquez, sont-ils obligés de s’opposer au régime de Macky Sall ?
Vous savez même la presse ne joue pas le jeu. Regardez comment ces débats sont organisés. Le Pds va bientôt annoncer la couleur. Me Wade nous avait demandé de laisser Macky Sall travailler. Malheureusement, ce dernier veut plutôt nous divertir que s’occuper des problèmes des Sénégalais. Il nous trouvera sur son chemin.
Vous disiez tantôt que vous n’êtes pas contre la transhumance physique. Farba Senghor est-il prêt à travailler avec Macky Sall si ce dernier lui tend la main ?
Jamais (Il est catégorique). Celui qui gagne, gouverne. C’est mon principe.
Mais vous avez gouverné avec des gens que vous aviez battus en 2000 ?
Une chose est sûre, il est totalement exclu que Farba Senghor travaille avec Macky Sall. Mon ambition est de massifier notre parti le Pds pour revenir au pouvoir en 2017 ou 2019. Il est exclu de faire allégeance à Macky Sall. Farba Senghor est et restera toujours au Pds : pour le meilleur et pour le pire.
Cinq mois après avoir perdu le pouvoir, avec le recul, pouvez-vous expliquer les raisons de votre échec sachant que «Wade a changé le visage du Sénégal» ?
Vous savez, c’est regrettable de le dire, mais nous avons gouverné par procuration. Et il ne fallait pas. J’ai eu beaucoup d’accrochage avec l’entourage de Wade. Nous avons eu des réunions houleuses au Palais pendant ces dernières années de règne du régime libéral. J’étais le seul en général à m’opposer. Mes amis conforteront ce que je dis en lisant cet entretien. Ce qui nous a fait perdre, c’est d’avoir gouverné par procuration.
Nous avions confié des responsabilités à beaucoup d’opportunistes au détriment des vrais militants du Pds. Il y avait trop de pression sur le président Wade à telle enseigne qu’à chaque fois qu’il démettait quelqu’un de ses fonctions de ministre ou de Dg, il pouvait le reprendre. Et les gens au lieu de travailler, couraient les lobbys pour garder leur poste. Vous savez, lorsque j’ai été démis de mes fonctions de ministre en 2008, plusieurs chefs religieux voulaient intervenir auprès de Wade pour qu’il me reprenne. Je cite deux noms : l’actuel Khalife général des Tidjianes Serigne Mansour Sy, mes relations avec ce dernier sont connues, et le défunt Khalife général des mourides Serigne Bara Mbacké (paix à son âme) qui était aussi mon ami. J’ai raffermi ses relations avec le président Me Wade. Mais, j’ai refusé en leur disant : «Si entre Wade et moi, il faut que d’autres personnes interviennent pour que je sois ministre, je refuse».
J’ai toujours théorisé que dans chaque organisation, il y a deux choses : le noyau qui est dur, amer, difficile à manger mais qui, seul, demain, pourrait germer et perpétuer l’espèce. Nous appartenons à ce noyau. La partie juteuse de l’organisation c'est-à-dire la périphérie, l’enveloppe, le folklore, ce sont les autres. Il faut savoir jongler avec ces gens en sachant qu’ils peuvent partir à tout moment. Les vrais militants du Pds ne quitteront jamais le parti avec ou sans Abdoulaye Wade. Ceux qui étaient venus au parti pour avoir des privilèges sont partis. Même si nous sommes traînés dans la boue, injuriés, menacés de mort, nous resterons pour éviter le déclin du Pds.
Les chasseurs de privilèges pour ne pas dire les opportunistes ont tout fait pour écarter le rempart Farba Senghor et, peut-être, ceux qui sont comme lui. Très futés, ces escrocs de la politique ont même utilisé des proches du président Wade pour faire passer des idées saugrenues, stopper des projets. Je cite un autre exemple, les investitures lors des élections locales de 2009. En ce moment, Me Wade était à l’étranger. Je l’ai appelé pour lui dire : «Ceux qui sont en train de gérer les investitures en votre absence, foutent la merde dans votre parti. Il faut revenir». Et le soir, d’autres l’ont appelé pour lui dire : «Ne viens pas, tout sera ok». Vous connaissez la suite. Nous avons perdu toutes les grandes villes. Au lieu d’en tirer les conséquences, c’est… (Il est pensif et ne termine pas la phrase. L’émotion se lit sur son visage). Me Wade a beaucoup fait pour la démocratie dans ce pays.
Le Pds va vers un congrès pour renouveler ses instances et élire un nouveau Secrétaire général national (SGN). Êtes-vous candidat pour diriger ce parti ?
Actuellement, il n’y a pas quelqu’un de plus légitime que Farba Senghor au Pds. Si vous en connaissez un, dites le moi. Modou Diagne Fada me disait la dernière fois (lors des Législatives, il voulait boycotter la liste du Pds) : «Farba parmi nous, tu es le seul qui est blanc comme neige sur le plan de la fidélité, de la loyauté, de l’engagement pour le parti et pour le Sgn. Fais tout pour ne pas le gâcher». Tout le monde sait que Modou Diagne Fada n’est pas un pro-Farba. S’il y a quelqu’un qui a la capacité de diriger le Pds avec des faits d’armes avérés, qui connait bien la personne, l’œuvre et la vision de Me Abdoulaye Wade, c’est sans nul doute, Farba Senghor.
Le président Macky Sall envisage de supprimer le Sénat pour faire face aux inondations ? Que vous inspire cette initiative ?
C’est un recul démocratique et un leurre. Dans toutes les grandes démocraties du monde, il y a un Sénat. Il faut une architecture constitutionnelle complète. Ce n’est pas avec 7 milliards francs Cfa qu’il va régler le problème des inondations qui demande des mesures structurelles.
Le budget de l’Etat, notamment la trésorerie qui en découle, son exécution repose sur un socle immuable : l’unicité de caisse, c'est-à-dire qu’on ne peut pas savoir si telle somme encaissée était destinée au Sénat. Les questions de trésorerie sont réglées d’urgence. Macky Sall devrait à une modification de la loi des finances pour faire une ponction sur l’investissement non urgent afin de régler l’évacuation des eaux.
Pour les années à venir, c’est là que le problème se pose car il faut envisager des solutions durables qui nécessitent beaucoup d’argent. Macky Sall aura tort de suivre le monde des Assises qui est minoritaire. Il ne doit pas saborder avec le monde des Assises sachant que tôt au tard, Benno Bokk Yaakaar va imploser avant les années à venir.
Par ailleurs, il y a une question que les gens ne posent pas. En réalité, Macky Sall aura-t-il les moyens de dissoudre le Sénat si les 100 membres refusent de voter son projet de loi insensé ? On se retrouverait dans une situation inédite et cocasse. Il faut s’attendre à ça dans la mesure où il n’y a eu aucune concertation. Ce que Macky Sall pourrait faire sans discréditer notre démocratie, c’est de réformer le Sénat tant dans sa composition que dans ses fonctions.
L’affaire King Fahd Palace avait défrayé la chronique. Quelle est votre position dans ce débat ?
L’hôtel King Fahd Palace doit être laissé entre les mains de Mamadou Racine Sy, un acteur du patronat national. Peut-on reprocher à Mansour Kama de la CNES d’avoir gagné des marchés sous Diouf ? A mon avis, le CNP et la CNES devraient se mobiliser pour défendre Racine Sy. Sinon demain, ils seront affaiblis face aux investisseurs étrangers. Macky Sall va ainsi donner raison au chanteur Ouza Diallo qui criait «Waloo ! Toubab yangui nangou sama rew (au secours, c’est le retour de la colonisation). La solidarité du patronat doit être manifeste. Si Macky Sall enlève Racine Sy pour mettre un de ses hommes, par exemple Harouna Dia, demain son successeur fera la même chose. Les Sénégalais méritants doivent gagner des marchés chez eux.
Récemment, vous avez répondu deux fois à la convocation de la section de recherches de la Gendarmerie suite à votre plainte pour…
(Il nous coupe) ! Oui, vous avez raison. J’ai été convoqué à deux reprises pour la section de recherches de la gendarmerie de Colobane suite à ma plainte contre X auprès du procureur de la République pour divulgation des secrets d’instruction après mon audition dans le cadre des enquêtes sur l’enrichissement illicite. J’ai été atteint dans mon honneur et ma dignité. Mes droits ont été bafoués par le journal L’As. Vos consoeurs Hawa Boussou et Adja Diaw Gaye ont transcrit mon audition avec des termes insolents. Cette divulgation des secrets de l’instruction constitue une injure à la Justice de notre pays mais surtout aux gendarmes qui ont confiance au régime. C’est pourquoi, je me réjouis que le procureur ait ouvert une enquête. Cela prouve que notre Justice est indépendante, équidistante des acteurs politiques. Les magistrats doivent aider le procureur à faire aboutir cette procédure afin que la Justice travaille en toute sérénité dans le dossier des biens mal acquis.
Entretien réalisé par MAKE DANGNOKHO
Le Pays