Née le 05 Août 1951 à Dakar, Anta Mbow a effectué ses études primaires et secondaires à Dakar et à Saint Louis. En 1972, à 21 ans, elle quitte le Sénégal pour s’installer en France où elle va continuer ses études et décrocher un brevet technique dans une école privée parisienne.
Elle va travailler comme secrétaire pendant 4 ans. Mais, cela ne cadrait pas avec sa personnalité, car Anta Mbow est une personne de contact, de dialogue, elle veut toujours aller à la découverte de son prochain, son affection pour le genre humain étant l’une de ses premières qualités.
Le travail qui lui offrait cette possibilité était dans le secteur social. Elle reprend alors ses études dans une école de formation de travailleurs sociaux à Orléans. Après cette formation, la Mairie de Bourges la recrute pour ses services sociaux où elle travaille pendant 3 ans, avant de reprendre encore ses études pour suivre un brevet d’aptitude qui lui permettra d’encadrer des colonies de vacances et des centres aérés.
Ainsi, elle sera directrice d’un centre aéré à Gien. Elle a eu aussi à diriger à plusieurs reprises des voyages de rupture à destination du Sénégal pour de jeunes Français et Suisses en difficulté. Parallèlement, à son travail social, elle a été pendant une quinzaine d’années, coordonnatrice pour la France et la Suisse du Projet de Développement de Ndem que dirige son frère Serigne Babacar Mbow.
Entre autres activités, Mme Anta Mbow a été une militante active du mouvement culturel africain en France. Ainsi, elle a été la Présidente de l’association Penc-Mi dont le siège se trouvait à Paris et qui a beaucoup œuvré pour la vulgarisation de la musique africaine et en particulier sénégalaise en France.
Après 30 ans de vie en France, Mme Anta Mbow décide de rentrer au bercail. En 2002, elle demande une disponibilité à la mairie de Gien pour pouvoir prendre à bras le corps le douloureux problème des enfants de la rue à Dakar qui deviendra son cheval de bataille.
En 2003, avec son amie Valérie Schlumberger, elle ouvre sur les ruines de l’ancien cinéma Empire, un centre d’accueil et d’hébergement des enfants de la rue. Avec ses partenaires et amies, elle crée en même temps l’association Empire des enfants. Mme Anta Mbow qui dirige aujourd’hui l’association Empire des Enfants est mère de 4 enfants.
Enfance et adolescence
A 19 ans, la jeune fille a déjà une vie bien remplie, un destin lisse, marié à un basketteur professionnel, qui l’extirpe des dédales de la Médina ou elle est née. Elle se rappelle : « on appelait notre maison le village tellement y avait du monde et des inconnus qui venaient manger et dormir là-bas. »
Dès le bas âge, Anta se frotte à ce destin de « Mère Theresa. » Ouverte et jamais plaintive, la benjamine d’une fratrie de quatre regarde la vie avec optimisme et une intelligence innée qui relativise tous les handicaps socioculturels dont souffrent les « jeunes de banlieue ».
Ces années ont été jalonnées par les voyages. Véritable aventurière dans l’âme, sa famille, bijoutière et cordonnière, parcourait les foires pour vendre le savoir-faire made in Sénégal. Sa maman, mère au foyer et son père, tôlier, n’échappent pas à la règle : le premier pour accompagner sa maman et le second pour faire du business.
Sa tante maternelle a créé la première poupée noire faite intégralement à la main et que le président Senghor a surnommé affectueusement, les poupées de madame Thiam. Voilà l’histoire d’une famille liée à histoire artistique d’un pays. Ce qui noue ici peu à peu le particulier au collectif, l’individu à l’Histoire une chronologie subtile…qu’Anta raconte avec emphase et un soupçon nostalgique.
Après l’obtention de son Dfem au Cem Médina fille, Anta suit son mari en France. Sous les rides se devine encore une ado un peu perdue qu’elle fut parmi les sportifs qui l’entouraient. Désormais contrainte d’être une adulte, elle fait des enfants et s’occupe de ceux des autres en difficulté dans son quartier.
Elle garde de ce passé soyeux une candeur, une gentillesse qui n’est plus d’époque, tout comme ne l’est plus une certaine générosité qui ne se plaint ni ne se montre, sinon pour porter la cause des enfants maltraités par une société individualiste et une lâcheté des parents.
Et les racés de cette mère-ci, désolés que ces gens-là aient disparu, en font des héros, se demandent où s’est dissout cet incomparable esprit, aussi leste et brûlant qu’un coup de cravache. Elle se souvient : « En France, je travaillais à la mairie d’Agen comme assistante sociale, je réconciliais les enfants avec leur famille. Quand je venais en vacances, la vue des enfants talibés me rendait très triste. Je me suis dit que les problèmes que je réglais étaient une goutte d’eau par rapport à ce qui se passe ici. »
Anta rentre au pays en 2002, et décide de mettre son expertise d’assistante sociale pour le compte de son pays. Le sort des enfants qui trimbalent dans la rue, habillés en haillons, sébile à la main, le chagrine. Les voir dans un foyer et instruits devient son combat de tous les jours.
En Août 2010, son problème était sur le point de se régler. Malheureusement, mendier n’aura été interdit qu’un mois et demi. Abdoulaye Wade a décidé de revenir sur cette interdiction, considérant que « l’aumône est une pratique recommandée par l’islam ». « C’est un grand pas en arrière, car nous avions constaté ces dernières semaines une diminution du nombre d’enfants mendiant dans les rues », regrette Anta Mbow.
Présentation de l’empire des enfants
’’L’Empire des enfants" dont le siège se trouve au cœur de la Médina (avenue Malick Sy), dispose pour cela d’un centre d’accueil en internat d’une capacité d’accueil de 30 lits qui héberge des enfants âgés de 5 à 18 ans. L’objectif de la prise en charge est la réinsertion familiale ou pré-professionnelle des pensionnaires du centre qui sont totalement pris en charge (nourriture, couverture médicale, habillement, etc.).
Ils bénéficient aussi d’un suivi psychosocial avec un encadrement de travailleurs sociaux et ont la possibilité de suivre plusieurs activités sportives, artistiques ou scolaires.
L’Empire des Enfants est créée en 2003 pour venir en aide aux garçons en situation de rue au Sénégal, et plus particulièrement ceux de Dakar. L’empire des enfants, c’est un centre d’accueil d’urgence pour les jeunes garçons âgés de 5 à 13 ans. En plus de les accueillir, Anta Mbow explique, « nous veillons à ce que ces enfants continuent d’étudier et de pratiquer des activités sportives. La prise en charge totale et la réinsertion sociale des enfants dans la rue est notre combat. Mais notre but ultime, est que chaque enfant retourne auprès de sa famille, en mettant en place des médiations entre parents et enfants par exemple. Au Sénégal, le nombre d’enfants dans les rues n’a cessé d’augmenter ces dernières années dans une totale indifférence. Certains sont victimes de traite par la mendicité, ils subissent la faim, les sévices corporels, les maladies et parfois même les abus sexuels. Depuis 2003, nous avons réinsérés 3500 enfants. Depuis 2003 c’est Valérie, une Française qui est le principal bailleur. Elle n’a plus les moyens à cause de la conjoncture ; le loyer coûte cher car on est sur le plateau. La cuisinière est rémunérée par un couple français. Les Sénégalais apportent des habits pour les enfants et c’est loin de couvrir nos besoins ».
Elle hausse un sourcil et poursuit : « la brigade des mineurs nous amène des enfants, la police et la Rts aussi et pourtant l’Etat ne nous donne que du riz, on se débrouille pour ce qui va avec. On doit nourrir 45 bouches tous les jours, il faut aussi un personnel spécialisé, et du personnel médical, et cela fait défaut », soutent Anta Mbow. Activiste et généreuse.
Sur l’avenue Malick Sy. L’Empire des enfants est entouré de hauts murs bleu et blanc. C’est là qu’Anta Mbow passe ses journées. A l’intérieur de la bâtisse un peu délabrée, les murs sont bleu-blanc aussi. La cour pilule de gamins qui gambadent, l’insouciance en bandoulière. Ils ne parlent pas tous la même langue. Ici, la sous- région forme un seul pays, avec comme trait d’union la souffrance et la maltraitance des enfants qui les poussent à fuir l’enfer de la rue pour le paradis de l’empire des enfants.
Anta trône au milieu de cette faune en robe traditionnelle indigo, le regard noir sous la barre de sourcils charbonneux. On est dans son monde : c’est clair, coloré, exotique.
L'interdiction de la mendicité sur la voie publique, en vigueur depuis le 28 août 2015. Selon elle, les mendiants talibés sont des enfants qu'on exploite. Des familles croyantes vivant au village, loin de la réalité des villes, rencontrent des adultes pervers et organisés qui leur proposent d'emmener leurs enfants pour les éduquer dans le sens islamique, pour leur apprendre le Coran.
Mais, ce n'est pas ce qui se passe. En arrivant à Dakar, ce sont des exploiteurs d'enfants. Dès 6h, les enfants sont jetés dans la rue, ils doivent se débrouiller pour se nourrir et le soi-disant marabout leur demande de ramener 600 francs CFA par jour (soit environ 10 dirhams). Ces marabouts sont des exploiteurs d'enfants, cela fonctionne comme un business, en réseau, dénonce-t-elle.
Les daaras ont un rôle éducatif et social très important. On n'a jamais forcé un enfant à aimer cette religion, l'école coranique apprenait la solidarité, l'amour. Le problème est que les daaras n'ont pas été organisées, comme l'ont été les autres écoles, avec des enseignants diplômés. Nous sommes en train de rectifier le tir, pour organiser les daaras, soutient-elle encore.
Si l'enseignant est payé, il ne demandera pas d'argent aux enfants. Il faut que cela soit un enseignement de proximité, pas uniquement dans les villes. Le plus dur a été de dire ce phénomène, de toucher aux marabouts. Or, cela devrait être le combat des marabouts eux-mêmes, mais les bons ont laissé faire. Ce n'est pas normal qu'on mendie.
"Dans les piliers de l'islam, la Zakat (l'aumône) est la charité, on ne pousse pas les gens à perdre leur dignité en mendiant dans la rue, malgré eux. Cette mendicité des enfants talibés ne doit pas exister. Le fait que l'Etat se soit décidé à le dire est une bonne chose, même s'il y a eu des critiques", résume-telle.
"Des mesures de cet ordre seraient bien, pense-t-elle. Tous les jours, nous recevons des enfants malheureux, ici. Nous travaillons avec l'Etat car sinon, nous n'irions nulle part. L'Etat devrait se rapprocher des associations, il faut faire les choses avec les acteurs de terrain. L'objectif de l'Empire des enfants est le retour dans la famille, qui est très importante en Afrique. La solidarité qui existait en Afrique s'amenuise dans la conjoncture actuelle. Il faut qu'on retourne vers ces valeurs-là. Quand l'enfant reprend sa place dans la société, à côté de ses parents, il doit aller à l'école, être formé, être encadré. La loi devait être appliquée depuis longtemps. Certains marabouts ont été arrêtés. Tant que les gens ont l'impunité, ils exploitent les enfants. Aujourd'hui, toute la population devrait se mettre derrière l'Etat, il ne faut pas que l'Etat recule, même s'il y a eu beaucoup de soulèvements. On n'a jamais interdit de donner, mais il faut organiser un peu la charité musulmane. Les synagogues et les églises gèrent leurs pauvres. Il ne faut pas laisser ce désordre. La Zakat, c'est donner à manger, c'est de la charité, mais dans la discrétion".
Face à ce fléau, Anta MBow laisse éclater sa colère : "des enfants de la rue ? Non, la rue n'a pas d'enfants, la rue ne fait pas d'enfants. C'est une utopie de vouloir en finir avec le fléau de la mendicité organisée, c'est vrai, mais cette fiction est au programme", clame d'Anta M'bow !
Les sources de son engagement
La voix rauque. Le verbe ardent. A 59 ans, plusieurs vies en une force de la nature, marathonienne de l’enfance, haine du mensonge, de la dissimulation, de la petitesse. Vocation et prodigalité dans la créativité et l’imaginaire, dans l’amour des enfants… Sa vie, elle la résume avec un principe simple, le « refus de l’injustice et de la souffrance des enfants ».
L’exercice pourrait paraître un peu rebattu, voire ringard aux yeux de certains, mais, Anta dont la fine silhouette dégage une énergie immense, a eu la très bonne idée de créer l’Empire des enfants en 2003. Depuis elle s’est s’érigée en incontournable dans son milieu. Elle évoque les malheurs liés aux enfants de la rue avec douleur et tristesse, certes, mais, elle pétille aussi de gaieté et d’humour.
À la complainte déchirante des enfants de la rue, Anta ne se contente pas de le dire, ou de le laisser transparaître. Elle agit, se bat avec une énergie qui fait bouger les incertitudes et changer le destin de quelques bouts de choux qui ont poussé un jour les portes de son « empire. »
Ce projet, elle l’a porté à bout de bras, enfanté serait-on tenté d’écrire, c’est aussi le témoignage d’un long chemin vers les autres. Et elle-même. Elle dit, l’indignation solidement chevillée au corps :" Ces enfants talibés font tellement partie du décor que plus personne ne s’en émeut, mais, c’est inhumain de les laisser à leur sort. Les parents aussi doivent comprendre qu’on ne met pas un enfant au monde pour le jeter dans la rue. Même si tu as de la bouillie, tu dois pouvoir la partager avec lui".
Ses objectifs pour le centre
"Aujourd’hui, nous avons besoin de construire un nouveau centre d’accueil pour sécuriser l’Empire des enfants", souffle-t-elle. Le loyer des locaux que nous occupons actuellement est trop élevé et nous devrons quitter les lieux début 2016. Construire un nouveau centre nous permettra d’augmenter notre capacité d’hébergement à 150 pensionnaires et de pouvoir accueillir des jeunes filles. La construction de ce nouveau centre nous permettra de pérenniser nos actions en faveur de ces enfants vulnérables.
Avec son projet humanitaire, «Empire des Enfants», qui regroupe des enfants en difficulté ou abandonnés pas leur famille, Anta Mbow a eu aussi à développer un projet visant à venir en aide aux jeunes filles qui traversent des difficultés familiales. Des actes de haute portée humanitaire qui ne sont pas passés inaperçus et qui lui valent cette distinction.
Reportage à l’empire des enfants
Signé par toute la rédaction de leral....
Elle va travailler comme secrétaire pendant 4 ans. Mais, cela ne cadrait pas avec sa personnalité, car Anta Mbow est une personne de contact, de dialogue, elle veut toujours aller à la découverte de son prochain, son affection pour le genre humain étant l’une de ses premières qualités.
Le travail qui lui offrait cette possibilité était dans le secteur social. Elle reprend alors ses études dans une école de formation de travailleurs sociaux à Orléans. Après cette formation, la Mairie de Bourges la recrute pour ses services sociaux où elle travaille pendant 3 ans, avant de reprendre encore ses études pour suivre un brevet d’aptitude qui lui permettra d’encadrer des colonies de vacances et des centres aérés.
Ainsi, elle sera directrice d’un centre aéré à Gien. Elle a eu aussi à diriger à plusieurs reprises des voyages de rupture à destination du Sénégal pour de jeunes Français et Suisses en difficulté. Parallèlement, à son travail social, elle a été pendant une quinzaine d’années, coordonnatrice pour la France et la Suisse du Projet de Développement de Ndem que dirige son frère Serigne Babacar Mbow.
Entre autres activités, Mme Anta Mbow a été une militante active du mouvement culturel africain en France. Ainsi, elle a été la Présidente de l’association Penc-Mi dont le siège se trouvait à Paris et qui a beaucoup œuvré pour la vulgarisation de la musique africaine et en particulier sénégalaise en France.
Après 30 ans de vie en France, Mme Anta Mbow décide de rentrer au bercail. En 2002, elle demande une disponibilité à la mairie de Gien pour pouvoir prendre à bras le corps le douloureux problème des enfants de la rue à Dakar qui deviendra son cheval de bataille.
En 2003, avec son amie Valérie Schlumberger, elle ouvre sur les ruines de l’ancien cinéma Empire, un centre d’accueil et d’hébergement des enfants de la rue. Avec ses partenaires et amies, elle crée en même temps l’association Empire des enfants. Mme Anta Mbow qui dirige aujourd’hui l’association Empire des Enfants est mère de 4 enfants.
Enfance et adolescence
A 19 ans, la jeune fille a déjà une vie bien remplie, un destin lisse, marié à un basketteur professionnel, qui l’extirpe des dédales de la Médina ou elle est née. Elle se rappelle : « on appelait notre maison le village tellement y avait du monde et des inconnus qui venaient manger et dormir là-bas. »
Dès le bas âge, Anta se frotte à ce destin de « Mère Theresa. » Ouverte et jamais plaintive, la benjamine d’une fratrie de quatre regarde la vie avec optimisme et une intelligence innée qui relativise tous les handicaps socioculturels dont souffrent les « jeunes de banlieue ».
Ces années ont été jalonnées par les voyages. Véritable aventurière dans l’âme, sa famille, bijoutière et cordonnière, parcourait les foires pour vendre le savoir-faire made in Sénégal. Sa maman, mère au foyer et son père, tôlier, n’échappent pas à la règle : le premier pour accompagner sa maman et le second pour faire du business.
Sa tante maternelle a créé la première poupée noire faite intégralement à la main et que le président Senghor a surnommé affectueusement, les poupées de madame Thiam. Voilà l’histoire d’une famille liée à histoire artistique d’un pays. Ce qui noue ici peu à peu le particulier au collectif, l’individu à l’Histoire une chronologie subtile…qu’Anta raconte avec emphase et un soupçon nostalgique.
Après l’obtention de son Dfem au Cem Médina fille, Anta suit son mari en France. Sous les rides se devine encore une ado un peu perdue qu’elle fut parmi les sportifs qui l’entouraient. Désormais contrainte d’être une adulte, elle fait des enfants et s’occupe de ceux des autres en difficulté dans son quartier.
Elle garde de ce passé soyeux une candeur, une gentillesse qui n’est plus d’époque, tout comme ne l’est plus une certaine générosité qui ne se plaint ni ne se montre, sinon pour porter la cause des enfants maltraités par une société individualiste et une lâcheté des parents.
Et les racés de cette mère-ci, désolés que ces gens-là aient disparu, en font des héros, se demandent où s’est dissout cet incomparable esprit, aussi leste et brûlant qu’un coup de cravache. Elle se souvient : « En France, je travaillais à la mairie d’Agen comme assistante sociale, je réconciliais les enfants avec leur famille. Quand je venais en vacances, la vue des enfants talibés me rendait très triste. Je me suis dit que les problèmes que je réglais étaient une goutte d’eau par rapport à ce qui se passe ici. »
Anta rentre au pays en 2002, et décide de mettre son expertise d’assistante sociale pour le compte de son pays. Le sort des enfants qui trimbalent dans la rue, habillés en haillons, sébile à la main, le chagrine. Les voir dans un foyer et instruits devient son combat de tous les jours.
En Août 2010, son problème était sur le point de se régler. Malheureusement, mendier n’aura été interdit qu’un mois et demi. Abdoulaye Wade a décidé de revenir sur cette interdiction, considérant que « l’aumône est une pratique recommandée par l’islam ». « C’est un grand pas en arrière, car nous avions constaté ces dernières semaines une diminution du nombre d’enfants mendiant dans les rues », regrette Anta Mbow.
Présentation de l’empire des enfants
’’L’Empire des enfants" dont le siège se trouve au cœur de la Médina (avenue Malick Sy), dispose pour cela d’un centre d’accueil en internat d’une capacité d’accueil de 30 lits qui héberge des enfants âgés de 5 à 18 ans. L’objectif de la prise en charge est la réinsertion familiale ou pré-professionnelle des pensionnaires du centre qui sont totalement pris en charge (nourriture, couverture médicale, habillement, etc.).
Ils bénéficient aussi d’un suivi psychosocial avec un encadrement de travailleurs sociaux et ont la possibilité de suivre plusieurs activités sportives, artistiques ou scolaires.
L’Empire des Enfants est créée en 2003 pour venir en aide aux garçons en situation de rue au Sénégal, et plus particulièrement ceux de Dakar. L’empire des enfants, c’est un centre d’accueil d’urgence pour les jeunes garçons âgés de 5 à 13 ans. En plus de les accueillir, Anta Mbow explique, « nous veillons à ce que ces enfants continuent d’étudier et de pratiquer des activités sportives. La prise en charge totale et la réinsertion sociale des enfants dans la rue est notre combat. Mais notre but ultime, est que chaque enfant retourne auprès de sa famille, en mettant en place des médiations entre parents et enfants par exemple. Au Sénégal, le nombre d’enfants dans les rues n’a cessé d’augmenter ces dernières années dans une totale indifférence. Certains sont victimes de traite par la mendicité, ils subissent la faim, les sévices corporels, les maladies et parfois même les abus sexuels. Depuis 2003, nous avons réinsérés 3500 enfants. Depuis 2003 c’est Valérie, une Française qui est le principal bailleur. Elle n’a plus les moyens à cause de la conjoncture ; le loyer coûte cher car on est sur le plateau. La cuisinière est rémunérée par un couple français. Les Sénégalais apportent des habits pour les enfants et c’est loin de couvrir nos besoins ».
Elle hausse un sourcil et poursuit : « la brigade des mineurs nous amène des enfants, la police et la Rts aussi et pourtant l’Etat ne nous donne que du riz, on se débrouille pour ce qui va avec. On doit nourrir 45 bouches tous les jours, il faut aussi un personnel spécialisé, et du personnel médical, et cela fait défaut », soutent Anta Mbow. Activiste et généreuse.
Sur l’avenue Malick Sy. L’Empire des enfants est entouré de hauts murs bleu et blanc. C’est là qu’Anta Mbow passe ses journées. A l’intérieur de la bâtisse un peu délabrée, les murs sont bleu-blanc aussi. La cour pilule de gamins qui gambadent, l’insouciance en bandoulière. Ils ne parlent pas tous la même langue. Ici, la sous- région forme un seul pays, avec comme trait d’union la souffrance et la maltraitance des enfants qui les poussent à fuir l’enfer de la rue pour le paradis de l’empire des enfants.
Anta trône au milieu de cette faune en robe traditionnelle indigo, le regard noir sous la barre de sourcils charbonneux. On est dans son monde : c’est clair, coloré, exotique.
L'interdiction de la mendicité sur la voie publique, en vigueur depuis le 28 août 2015. Selon elle, les mendiants talibés sont des enfants qu'on exploite. Des familles croyantes vivant au village, loin de la réalité des villes, rencontrent des adultes pervers et organisés qui leur proposent d'emmener leurs enfants pour les éduquer dans le sens islamique, pour leur apprendre le Coran.
Mais, ce n'est pas ce qui se passe. En arrivant à Dakar, ce sont des exploiteurs d'enfants. Dès 6h, les enfants sont jetés dans la rue, ils doivent se débrouiller pour se nourrir et le soi-disant marabout leur demande de ramener 600 francs CFA par jour (soit environ 10 dirhams). Ces marabouts sont des exploiteurs d'enfants, cela fonctionne comme un business, en réseau, dénonce-t-elle.
Les daaras ont un rôle éducatif et social très important. On n'a jamais forcé un enfant à aimer cette religion, l'école coranique apprenait la solidarité, l'amour. Le problème est que les daaras n'ont pas été organisées, comme l'ont été les autres écoles, avec des enseignants diplômés. Nous sommes en train de rectifier le tir, pour organiser les daaras, soutient-elle encore.
Si l'enseignant est payé, il ne demandera pas d'argent aux enfants. Il faut que cela soit un enseignement de proximité, pas uniquement dans les villes. Le plus dur a été de dire ce phénomène, de toucher aux marabouts. Or, cela devrait être le combat des marabouts eux-mêmes, mais les bons ont laissé faire. Ce n'est pas normal qu'on mendie.
"Dans les piliers de l'islam, la Zakat (l'aumône) est la charité, on ne pousse pas les gens à perdre leur dignité en mendiant dans la rue, malgré eux. Cette mendicité des enfants talibés ne doit pas exister. Le fait que l'Etat se soit décidé à le dire est une bonne chose, même s'il y a eu des critiques", résume-telle.
"Des mesures de cet ordre seraient bien, pense-t-elle. Tous les jours, nous recevons des enfants malheureux, ici. Nous travaillons avec l'Etat car sinon, nous n'irions nulle part. L'Etat devrait se rapprocher des associations, il faut faire les choses avec les acteurs de terrain. L'objectif de l'Empire des enfants est le retour dans la famille, qui est très importante en Afrique. La solidarité qui existait en Afrique s'amenuise dans la conjoncture actuelle. Il faut qu'on retourne vers ces valeurs-là. Quand l'enfant reprend sa place dans la société, à côté de ses parents, il doit aller à l'école, être formé, être encadré. La loi devait être appliquée depuis longtemps. Certains marabouts ont été arrêtés. Tant que les gens ont l'impunité, ils exploitent les enfants. Aujourd'hui, toute la population devrait se mettre derrière l'Etat, il ne faut pas que l'Etat recule, même s'il y a eu beaucoup de soulèvements. On n'a jamais interdit de donner, mais il faut organiser un peu la charité musulmane. Les synagogues et les églises gèrent leurs pauvres. Il ne faut pas laisser ce désordre. La Zakat, c'est donner à manger, c'est de la charité, mais dans la discrétion".
Face à ce fléau, Anta MBow laisse éclater sa colère : "des enfants de la rue ? Non, la rue n'a pas d'enfants, la rue ne fait pas d'enfants. C'est une utopie de vouloir en finir avec le fléau de la mendicité organisée, c'est vrai, mais cette fiction est au programme", clame d'Anta M'bow !
Les sources de son engagement
La voix rauque. Le verbe ardent. A 59 ans, plusieurs vies en une force de la nature, marathonienne de l’enfance, haine du mensonge, de la dissimulation, de la petitesse. Vocation et prodigalité dans la créativité et l’imaginaire, dans l’amour des enfants… Sa vie, elle la résume avec un principe simple, le « refus de l’injustice et de la souffrance des enfants ».
L’exercice pourrait paraître un peu rebattu, voire ringard aux yeux de certains, mais, Anta dont la fine silhouette dégage une énergie immense, a eu la très bonne idée de créer l’Empire des enfants en 2003. Depuis elle s’est s’érigée en incontournable dans son milieu. Elle évoque les malheurs liés aux enfants de la rue avec douleur et tristesse, certes, mais, elle pétille aussi de gaieté et d’humour.
À la complainte déchirante des enfants de la rue, Anta ne se contente pas de le dire, ou de le laisser transparaître. Elle agit, se bat avec une énergie qui fait bouger les incertitudes et changer le destin de quelques bouts de choux qui ont poussé un jour les portes de son « empire. »
Ce projet, elle l’a porté à bout de bras, enfanté serait-on tenté d’écrire, c’est aussi le témoignage d’un long chemin vers les autres. Et elle-même. Elle dit, l’indignation solidement chevillée au corps :" Ces enfants talibés font tellement partie du décor que plus personne ne s’en émeut, mais, c’est inhumain de les laisser à leur sort. Les parents aussi doivent comprendre qu’on ne met pas un enfant au monde pour le jeter dans la rue. Même si tu as de la bouillie, tu dois pouvoir la partager avec lui".
Ses objectifs pour le centre
"Aujourd’hui, nous avons besoin de construire un nouveau centre d’accueil pour sécuriser l’Empire des enfants", souffle-t-elle. Le loyer des locaux que nous occupons actuellement est trop élevé et nous devrons quitter les lieux début 2016. Construire un nouveau centre nous permettra d’augmenter notre capacité d’hébergement à 150 pensionnaires et de pouvoir accueillir des jeunes filles. La construction de ce nouveau centre nous permettra de pérenniser nos actions en faveur de ces enfants vulnérables.
Avec son projet humanitaire, «Empire des Enfants», qui regroupe des enfants en difficulté ou abandonnés pas leur famille, Anta Mbow a eu aussi à développer un projet visant à venir en aide aux jeunes filles qui traversent des difficultés familiales. Des actes de haute portée humanitaire qui ne sont pas passés inaperçus et qui lui valent cette distinction.
Reportage à l’empire des enfants
Signé par toute la rédaction de leral....