Acteur discret mais essentiel de la victoire le 15 juillet dernier à Moscou, Guy Stéphan n’a pas boudé son plaisir quand la demande fut faite de revenir une dernière fois sur la Coupe du monde.
Le fidèle lieutenant de Didier Deschamps (depuis 2012), s’est replongé avec gourmandise dans cette épopée historique. Pendant près de deux heures, entrecoupées d’un plat de coquilles Saint-Jacques, d’un paris-brest et d’un verre de vin rouge, le Breton de 62 ans a feuilleté son album souvenirs pour Le Figaro. Un cadeau de Noël avant l’heure.
L’avant-Russie : « On ne part pas en totale confiance »
« L’ambiance de travail était bonne, mais il faut aussi se replacer dans le contexte. À ce moment-là, Lloris est contesté, on se demande si Tolisso ne va pas pousser Pogba sur le banc, la défense centrale n’inspire pas confiance, cela fait des points d’interrogation. Pour nous, c’était acté avec Didier, on avait nos idées, mais on entendait aussi le discours extérieur. Le climat n’était pas propice à la performance. On part avec de l’énergie, mais pas un moral à 150 %. Pour être honnête, si les matchs de préparation sont réussis, le dernier à Lyon contre les États-Unis (0-0), où il ne se passe pas grand-chose, met un petit coup de froid dans nos discussions. On part le lendemain en Russie pas en totale confiance. »
La vie en Russie : « Pas l’impression d’être enfermés »
« Je savais où on mettait les pieds, car j’avais fait des repérages à Istra (camp de base des Bleus à 80 km de Moscou). Rien n’avait été laissé au hasard, avec un hôtel personnalisé aux couleurs de la FFF, chaque joueur devant sa chambre avait son portrait sur la porte. Ça peut paraître des détails, mais ça compte dans le bien-être des mecs. On a vu que c’était gagné dans l’esprit des garçons quand on revenait au camp de base après les matchs de poule, les joueurs disaient : “On revient chez nous.” Ils se sont appropriés les lieux. En toute franchise, ils n’avaient pas l’impression d’être dans une bulle ou enfermés, car entre les entraînements, les repas, les soins, la salle de jeux, de musculation, les journées filaient. Le soir, on faisait des barbecues, ce n’était pas le bagne. »
La mise au point de Deschamps après l’Australie : « Un tournant dans ce Mondial »
«C’est l’un des tournants de cette Coupe du monde. Cette causerie de Didier qui fait l’analyse du premier match contre l’Australie (2-1). Volontairement un peu violente après une victoire où personne n’était satisfait. Il n’y a pas eu d’autres recadrages aussi forts après. Cette réunion où Didier fait face à tous les joueurs, permet une remise en question du groupe et, à partir de cette séquence, des décisions seront prises pour la composition d’équipe du 2e match contre le Pérou (Giroud et Matuidi titularisés)… qui sera au final la même pour les matchs couperets et la finale, en dehors de la suspension de Matuidi contre l’uruguay en quart de finale. Il fallait changer des choses, et on l’a fait. »
L’ambiance face au Pérou : « Un moment hors du temps »
« Quel public et quelle ambiance ! J’ai rarement vu ça dans ma vie ! L’hymne du Pérou repris par 30 000 spectateurs, cette ferveur dans un stade d’Ekaterinbourg à la structure originale et ces deux tribunes latérales (dont les parties hautes se terminaient à l’extérieur du stade), ça vous fait prendre conscience de vivre des moments particuliers, presque hors du temps. Ce match nous qualifie (victoire 1-0) pour les 8es de finale, et je me souviens avoir dit à Didier : “Là, on est dedans, il y a de la matière, on est solides, on a beaucoup d’atouts.” La Coupe du monde a vraiment commencé pour nous ce soir-là. »
La réunion secrète avec les cadres : « Jamais fait avant »
« À partir des 8es de finale, on a mis en place une réunion la veille du match uniquement avec les 11 titulaires, Didier et moi. Personne d’autre n’avait accès à ce moment d’intimité de 20 minutes avec les garçons qui allaient à la bagarre. Il y a eu plus d’interactions dans ces réunions que dans n’importe quelle autre. Des moments forts, riches et intenses qu’on a maintenus jusqu’à la finale. On ne l’avait jamais fait avant. J’ai glissé cette idée à Didier qui a accepté pour que les messages soient plus faciles à transmettre. Je me souviens avant l’Argentine, Umtiti, Varane et Griezmann se sont exprimés sur Messi, ont dit des choses importantes sur son placement, ses habitudes, ses défauts. C’était participatif. »
La course de Mbappé contre l’Argentine : « De mon vivant, je n’ai jamais vu ça »
«Je m’en souviens comme si c’était hier. Je vois une fusée partir, avec des joueurs qui courent après lui, n’arrivent pas à le rattraper et finissent par provoquer un penalty. De mon vivant, 70 mètres comme ça, à une telle vitesse, je n’ai jamais vu ça. J’ai vu des joueurs rapides sur 10/20 mètres, mais pas sur une telle distance (Mbappé a été chronométré à 37 km/h). C’est à peine étonnant, car à l’entraînement, c’est lui qui a les meilleurs temps. Mais de là à faire ça en match… »
Le but de Pavard : « L’un des plus beaux dans un Mondial »
«Benjamin met une frappe venue d’ailleurs, dont il se rappellera toute sa vie. Ces ballons-là, huit fois sur dix, finissent dans les tribunes. Lui, c’est cadré, puissant et dans la lucarne. L’un des plus beaux buts que j’ai vus dans une Coupe du monde. D’abord pour sa beauté et pureté sur le plan technique. Il approche le 20/20 sur l’aspect technique. Et après, pour le côté décisif, en 8es de finale contre l’Argentine, il faut être costaud. Mais ça montre bien qu’il y avait une liberté sur le terrain. On a trop entendu qu’avec Deschamps, les Bleus ne livraient pas de spectacle. Sur cette action, l’arrière gauche centre sur l’arrière droit et il y a trois joueurs dans la surface avec le but à l’arrivée. Pas mal pour une équipe jugée frileuse. Je me souviens du président Le Graët très ému dans le vestiaire à l’issue de la rencontre. L’émotion était plus que palpable après ce moment d’histoire vécu tous ensemble. C’était le premier match à la vie à la mort et on pouvait rentrer à Paris deux heures après. J’ai senti qu’on pouvait aller au bout à l’issue de cette victoire (4-3). »
Son seul passage devant les médias : « Je l’ai préparé comme pour un match »
« Ce n’était pas prévu que je fasse une apparition devant la presse au camp de base après le succès contre l’Argentine, mais Didier me l’a demandé. Je me suis préparé comme pour un match pendant une bonne heure. Je voulais être le plus naturel possible et j’ai imaginé toutes les questions que l’on pouvait me poser. D’ailleurs j’avais préparé plein de choses sur des sujets au final jamais abordés. Le journaliste en général est dans l’actu chaude, veut anticiper ce qu’il va se passer dans trois ou quatre jours. Je me mets à votre place, vous voulez des “billes” pour nourrir vos papiers. L’exercice m’a plu, même si j’étais vidé à la fin. La conférence a duré 45 minutes face à près de 100 journalistes, ce n’est pas rien. De façon plus générale, je dirais que notre relation avec la presse fut correcte, en dépit de quelques accrocs avec certains de vos confrères. Je me souviens d’une phrase de Georges Boulogne (sélectionneur des Bleus dans les années 1970), au sujet des médias : “Si tu ne les as pas avec, ne les aies pas contre. » C’était notre credo aussi. Didier ne lit et ne consulte pas les médias pendant une grande compétition, mais il a des infos par le staff ou son épouse, qui le prévient quand il faut (sourire). Quand il se présente en conférence de presse, il sait tout. »
L’astuce de Griezmann contre l’Uruguay : « C’est un malin »
«Antoine va rouspéter si on dit tout, mais c’est une anecdote qui confirme le côté malin du garçon. En quart de finale, il y a eu un code Griezmann-Varane contre l’Uruguay. Sur le coup franc qui amène le but de Raph’, Antoine prend sa course d’élan, puis s’arrête, repart et frappe. Pourquoi ? Au moment où il s’est arrêté, il sait, puisqu’il joue avec Diego Godin à l’Atlético Madrid, que les défenseurs uruguayens vont reculer vers leur but et ça permet à Varane de prendre de l’élan. Dans sa course, il finit par avoir un temps d’avance sur ses adversaires. Les deux en ont parlé avant le match (2-0) et rien est anodin. Idem entre Antoine et Sam’ (Umtiti) pour le but contre la Belgique sur corner en demi-finale (1-0). Quand vous êtes coach et que ça se déroule comme prévu, c’est jouissif. »
Les critiques des Belges : « Ils n’ont eu que des miettes »
« Ça me revient aux oreilles quand je lis les sites Internet le soir même. Des amis me disent aussi que les Belges nous critiquent. Ça ne me laisse pas insensible et je trouve que c’est injuste et réducteur, notre stratégie n’étant pas que défendre. On ne voulait pas perdre d’énergie à répondre à ces critiques. Eux ont fait exactement la même chose contre le Brésil. Il n’y a pas écrit : possession de balle = but = victoire. Aujourd’hui, il faut être chirurgical quand tu récupères le ballon. Tu opères. C’est vrai, on n’a pas eu la possession du ballon contre les Belges, mais on a tiré deux fois plus au but qu’eux (19 tirs contre 9), ce qui est énorme, et d’autre part, on a défendu. Mais bien défendre, c’est aussi quelque chose d’essentiel. En général, quand on défend, on fait des fautes et on donne à manger à l’adversaire. Nous, en demi-finale d’une Coupe du monde, on en a commis 6. D’habitude c’est 20/25 dans un match. Ils n’ont eu que des miettes. »
Quand le Tour s’invite en finale du Mondial : « Un 7e col hors catégorie à franchir »
« J’ai fait un truc à l’échauffement, ce n’est pas la première fois, mais j’ai réuni les titulaires et comme on était pendant le Tour de France que j’aime bien, je leur ai dit qu’on avait franchi six cols avec générosité et qu’il en restait un septième hors catégorie. Et qu’en haut du col, il y a une étoile à aller chercher. Pendant la finale contre la Croatie (4-2), je n’ai pas le temps d’en profiter. À une minute de la fin de temps additionnel, je me tourne vers Didier et lui dis cette fois “on l’a”, ce que je ne fais jamais. Après le match, on a la chance de pouvoir faire venir nos familles sur la pelouse. C’est un moment de partage unique avec ma femme et mes deux fils. C’est exceptionnel. Lorsque je jouais contre le mur du garage de mon père, à l’âge de 8 ans, jamais je n’imaginais que je pourrais remporter la Coupe du monde. Pour ça, j’ai beaucoup travaillé. Je me souviens de ma femme qui disait à mes enfants sur la pelouse : “Vous vous rendez compte du CV de votre père, maintenant ?” Cette 2e étoile n’a pas changé ma vie, mais le regard des gens, lui, a changé. Rien ne sera plus comme avant… »
Le fidèle lieutenant de Didier Deschamps (depuis 2012), s’est replongé avec gourmandise dans cette épopée historique. Pendant près de deux heures, entrecoupées d’un plat de coquilles Saint-Jacques, d’un paris-brest et d’un verre de vin rouge, le Breton de 62 ans a feuilleté son album souvenirs pour Le Figaro. Un cadeau de Noël avant l’heure.
L’avant-Russie : « On ne part pas en totale confiance »
« L’ambiance de travail était bonne, mais il faut aussi se replacer dans le contexte. À ce moment-là, Lloris est contesté, on se demande si Tolisso ne va pas pousser Pogba sur le banc, la défense centrale n’inspire pas confiance, cela fait des points d’interrogation. Pour nous, c’était acté avec Didier, on avait nos idées, mais on entendait aussi le discours extérieur. Le climat n’était pas propice à la performance. On part avec de l’énergie, mais pas un moral à 150 %. Pour être honnête, si les matchs de préparation sont réussis, le dernier à Lyon contre les États-Unis (0-0), où il ne se passe pas grand-chose, met un petit coup de froid dans nos discussions. On part le lendemain en Russie pas en totale confiance. »
La vie en Russie : « Pas l’impression d’être enfermés »
« Je savais où on mettait les pieds, car j’avais fait des repérages à Istra (camp de base des Bleus à 80 km de Moscou). Rien n’avait été laissé au hasard, avec un hôtel personnalisé aux couleurs de la FFF, chaque joueur devant sa chambre avait son portrait sur la porte. Ça peut paraître des détails, mais ça compte dans le bien-être des mecs. On a vu que c’était gagné dans l’esprit des garçons quand on revenait au camp de base après les matchs de poule, les joueurs disaient : “On revient chez nous.” Ils se sont appropriés les lieux. En toute franchise, ils n’avaient pas l’impression d’être dans une bulle ou enfermés, car entre les entraînements, les repas, les soins, la salle de jeux, de musculation, les journées filaient. Le soir, on faisait des barbecues, ce n’était pas le bagne. »
La mise au point de Deschamps après l’Australie : « Un tournant dans ce Mondial »
«C’est l’un des tournants de cette Coupe du monde. Cette causerie de Didier qui fait l’analyse du premier match contre l’Australie (2-1). Volontairement un peu violente après une victoire où personne n’était satisfait. Il n’y a pas eu d’autres recadrages aussi forts après. Cette réunion où Didier fait face à tous les joueurs, permet une remise en question du groupe et, à partir de cette séquence, des décisions seront prises pour la composition d’équipe du 2e match contre le Pérou (Giroud et Matuidi titularisés)… qui sera au final la même pour les matchs couperets et la finale, en dehors de la suspension de Matuidi contre l’uruguay en quart de finale. Il fallait changer des choses, et on l’a fait. »
L’ambiance face au Pérou : « Un moment hors du temps »
« Quel public et quelle ambiance ! J’ai rarement vu ça dans ma vie ! L’hymne du Pérou repris par 30 000 spectateurs, cette ferveur dans un stade d’Ekaterinbourg à la structure originale et ces deux tribunes latérales (dont les parties hautes se terminaient à l’extérieur du stade), ça vous fait prendre conscience de vivre des moments particuliers, presque hors du temps. Ce match nous qualifie (victoire 1-0) pour les 8es de finale, et je me souviens avoir dit à Didier : “Là, on est dedans, il y a de la matière, on est solides, on a beaucoup d’atouts.” La Coupe du monde a vraiment commencé pour nous ce soir-là. »
La réunion secrète avec les cadres : « Jamais fait avant »
« À partir des 8es de finale, on a mis en place une réunion la veille du match uniquement avec les 11 titulaires, Didier et moi. Personne d’autre n’avait accès à ce moment d’intimité de 20 minutes avec les garçons qui allaient à la bagarre. Il y a eu plus d’interactions dans ces réunions que dans n’importe quelle autre. Des moments forts, riches et intenses qu’on a maintenus jusqu’à la finale. On ne l’avait jamais fait avant. J’ai glissé cette idée à Didier qui a accepté pour que les messages soient plus faciles à transmettre. Je me souviens avant l’Argentine, Umtiti, Varane et Griezmann se sont exprimés sur Messi, ont dit des choses importantes sur son placement, ses habitudes, ses défauts. C’était participatif. »
La course de Mbappé contre l’Argentine : « De mon vivant, je n’ai jamais vu ça »
«Je m’en souviens comme si c’était hier. Je vois une fusée partir, avec des joueurs qui courent après lui, n’arrivent pas à le rattraper et finissent par provoquer un penalty. De mon vivant, 70 mètres comme ça, à une telle vitesse, je n’ai jamais vu ça. J’ai vu des joueurs rapides sur 10/20 mètres, mais pas sur une telle distance (Mbappé a été chronométré à 37 km/h). C’est à peine étonnant, car à l’entraînement, c’est lui qui a les meilleurs temps. Mais de là à faire ça en match… »
Le but de Pavard : « L’un des plus beaux dans un Mondial »
«Benjamin met une frappe venue d’ailleurs, dont il se rappellera toute sa vie. Ces ballons-là, huit fois sur dix, finissent dans les tribunes. Lui, c’est cadré, puissant et dans la lucarne. L’un des plus beaux buts que j’ai vus dans une Coupe du monde. D’abord pour sa beauté et pureté sur le plan technique. Il approche le 20/20 sur l’aspect technique. Et après, pour le côté décisif, en 8es de finale contre l’Argentine, il faut être costaud. Mais ça montre bien qu’il y avait une liberté sur le terrain. On a trop entendu qu’avec Deschamps, les Bleus ne livraient pas de spectacle. Sur cette action, l’arrière gauche centre sur l’arrière droit et il y a trois joueurs dans la surface avec le but à l’arrivée. Pas mal pour une équipe jugée frileuse. Je me souviens du président Le Graët très ému dans le vestiaire à l’issue de la rencontre. L’émotion était plus que palpable après ce moment d’histoire vécu tous ensemble. C’était le premier match à la vie à la mort et on pouvait rentrer à Paris deux heures après. J’ai senti qu’on pouvait aller au bout à l’issue de cette victoire (4-3). »
Son seul passage devant les médias : « Je l’ai préparé comme pour un match »
« Ce n’était pas prévu que je fasse une apparition devant la presse au camp de base après le succès contre l’Argentine, mais Didier me l’a demandé. Je me suis préparé comme pour un match pendant une bonne heure. Je voulais être le plus naturel possible et j’ai imaginé toutes les questions que l’on pouvait me poser. D’ailleurs j’avais préparé plein de choses sur des sujets au final jamais abordés. Le journaliste en général est dans l’actu chaude, veut anticiper ce qu’il va se passer dans trois ou quatre jours. Je me mets à votre place, vous voulez des “billes” pour nourrir vos papiers. L’exercice m’a plu, même si j’étais vidé à la fin. La conférence a duré 45 minutes face à près de 100 journalistes, ce n’est pas rien. De façon plus générale, je dirais que notre relation avec la presse fut correcte, en dépit de quelques accrocs avec certains de vos confrères. Je me souviens d’une phrase de Georges Boulogne (sélectionneur des Bleus dans les années 1970), au sujet des médias : “Si tu ne les as pas avec, ne les aies pas contre. » C’était notre credo aussi. Didier ne lit et ne consulte pas les médias pendant une grande compétition, mais il a des infos par le staff ou son épouse, qui le prévient quand il faut (sourire). Quand il se présente en conférence de presse, il sait tout. »
L’astuce de Griezmann contre l’Uruguay : « C’est un malin »
«Antoine va rouspéter si on dit tout, mais c’est une anecdote qui confirme le côté malin du garçon. En quart de finale, il y a eu un code Griezmann-Varane contre l’Uruguay. Sur le coup franc qui amène le but de Raph’, Antoine prend sa course d’élan, puis s’arrête, repart et frappe. Pourquoi ? Au moment où il s’est arrêté, il sait, puisqu’il joue avec Diego Godin à l’Atlético Madrid, que les défenseurs uruguayens vont reculer vers leur but et ça permet à Varane de prendre de l’élan. Dans sa course, il finit par avoir un temps d’avance sur ses adversaires. Les deux en ont parlé avant le match (2-0) et rien est anodin. Idem entre Antoine et Sam’ (Umtiti) pour le but contre la Belgique sur corner en demi-finale (1-0). Quand vous êtes coach et que ça se déroule comme prévu, c’est jouissif. »
Les critiques des Belges : « Ils n’ont eu que des miettes »
« Ça me revient aux oreilles quand je lis les sites Internet le soir même. Des amis me disent aussi que les Belges nous critiquent. Ça ne me laisse pas insensible et je trouve que c’est injuste et réducteur, notre stratégie n’étant pas que défendre. On ne voulait pas perdre d’énergie à répondre à ces critiques. Eux ont fait exactement la même chose contre le Brésil. Il n’y a pas écrit : possession de balle = but = victoire. Aujourd’hui, il faut être chirurgical quand tu récupères le ballon. Tu opères. C’est vrai, on n’a pas eu la possession du ballon contre les Belges, mais on a tiré deux fois plus au but qu’eux (19 tirs contre 9), ce qui est énorme, et d’autre part, on a défendu. Mais bien défendre, c’est aussi quelque chose d’essentiel. En général, quand on défend, on fait des fautes et on donne à manger à l’adversaire. Nous, en demi-finale d’une Coupe du monde, on en a commis 6. D’habitude c’est 20/25 dans un match. Ils n’ont eu que des miettes. »
Quand le Tour s’invite en finale du Mondial : « Un 7e col hors catégorie à franchir »
« J’ai fait un truc à l’échauffement, ce n’est pas la première fois, mais j’ai réuni les titulaires et comme on était pendant le Tour de France que j’aime bien, je leur ai dit qu’on avait franchi six cols avec générosité et qu’il en restait un septième hors catégorie. Et qu’en haut du col, il y a une étoile à aller chercher. Pendant la finale contre la Croatie (4-2), je n’ai pas le temps d’en profiter. À une minute de la fin de temps additionnel, je me tourne vers Didier et lui dis cette fois “on l’a”, ce que je ne fais jamais. Après le match, on a la chance de pouvoir faire venir nos familles sur la pelouse. C’est un moment de partage unique avec ma femme et mes deux fils. C’est exceptionnel. Lorsque je jouais contre le mur du garage de mon père, à l’âge de 8 ans, jamais je n’imaginais que je pourrais remporter la Coupe du monde. Pour ça, j’ai beaucoup travaillé. Je me souviens de ma femme qui disait à mes enfants sur la pelouse : “Vous vous rendez compte du CV de votre père, maintenant ?” Cette 2e étoile n’a pas changé ma vie, mais le regard des gens, lui, a changé. Rien ne sera plus comme avant… »