Hommage à Théodore Ndiaye : Un pionnier de la Bibliothéconomie africaine -Par Adama Aly Pam

Le point de départ de son ascension remarquable fut l'obtention d'une bourse de l'UNESCO le 9 août 1967. Cette distinction, partagée avec Oumar Diop, permit à ce licencié en philosophie d'entreprendre des études de bibliothéconomie à l'École supérieure des bibliothèques de Paris. Son cursus, conçu dans une perspective d'ouverture internationale, le conduisit à explorer les pratiques bibliothéconomiques au Danemark, en Grande-Bretagne et au Canada, où il put s'inspirer des modèles les plus avancés.

De retour en Afrique, Théodore Ndiaye mit son expertise et sa passion au service de l'École de Bibliothécaires, Archivistes et Documentalistes (EBAD) de Dakar, où il occupa le poste de Directeur des Études, avant d'accéder à la direction de la Bibliothèque universitaire de l'Université de Dakar. Son rôle fut déterminant dans le développement de l'enseignement de la bibliothéconomie sur le continent.

L'empreinte de Théodore Ndiaye se manifeste notamment dans son implication active au sein du séminaire international organisé à l'EBAD, en février 1974. Cette rencontre, qui rassembla les responsables et enseignants des écoles africaines de bibliothécaires, documentalistes et archivistes, témoigne de son souci de renforcer la coopération interafricaine et d'harmoniser les programmes pédagogiques. Les discussions portèrent sur des enjeux cruciaux, tels que l'enseignement de la bibliographie et de la catalographie des auteurs africains, l'amélioration du niveau de recrutement des professionnels et l'adaptation de la durée des formations.

L'analyse comparative des programmes d'études des universités d'Ibadan, du Ghana et de l'EBAD, menée par Théodore Ndiaye, révéla une convergence fondamentale des enseignements et une adhésion aux normes scientifiques et universelles de la profession. Cependant, il souligna avec pertinence, la nécessité d'une adaptation constante des formations aux réalités spécifiques des sociétés africaines.

Sa vision prospective de la bibliothéconomie se traduisit par des propositions novatrices. Il plaida pour une place centrale de la bibliographie africaine dans les cursus, afin de préparer les étudiants à la complexité de la catalographie des noms et concepts africains. Il entrevit la création de normes catalographiques propres aux pays africains. Il insista également sur l'importance de l'histoire du livre africain, de sa création à sa production, comme vecteur essentiel de la littérature et de la culture authentique du continent.

Théodore Ndiaye avait une conviction profonde : la connaissance et la compréhension de la culture africaine, passent par la maîtrise de son histoire et l'étude de la tradition orale. Il considérait la connaissance du milieu dans lequel évolue le bibliothécaire africain, comme une exigence absolue et préconisa l'intégration de l'apprentissage des langues africaines à tous les niveaux de formation.

Sa vision pour les écoles de bibliothéconomie africaines était ambitieuse : elles devaient devenir des centres de recherche dynamiques, axés sur les réalités africaines et s'impliquer activement dans la vie des communautés, à travers des études socioculturelles, l'animation de bibliothèques publiques et l'organisation d'expositions.

L'engagement de Théodore Ndiaye ne se limita pas à l'enseignement et à la recherche. Avec Amadou Alassane Bousso, Oumar Diop et d'autres professionnels, il fut l'un des fondateurs de l'Association Nationale des Bibliothécaires, Archivistes et Documentalistes du Sénégal (ANABADS), une organisation qui a joué un rôle crucial dans la promotion et le développement des professions de l'information au Sénégal.

Théodore Ndiaye laisse derrière lui, un héritage précieux. Son dévouement, sa clairvoyance et son engagement pour la promotion de la bibliothéconomie africaine, continuent d'inspirer les générations actuelles et futures de professionnels. Son nom restera à jamais associé à l'émergence et à l'affirmation d'une bibliothéconomie africaine forte, enracinée dans son identité culturelle et ouverte sur le monde. Parlant de Theodore Ndiaye, l'Abbé Roger Gomis estime que ce dernier a montré que la grandeur d’une vie se mesure à la capacité à servir les autres, à bâtir des ponts, et à transmettre l’essentiel.







Adama Aly Pam