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INTERVIEW EXCLUSIVE : Le Professeur Iba Der Thiam propose une solution pour résoudre la crise universitaire

Rédigé par leral.net le Mercredi 18 Décembre 2013 à 13:20 | | 1 commentaire(s)|

Ancien Ministre de l’Education, Député à l’Assemblée Nationale, Président du CDP/Garap Gui, éminent professeur d’Histoire, Iba Der Thiam fait partie des grands intellectuels sénégalais et africains dont les réflexions sont devenues des références dans les universités. Bien qu’étant un homme politique, Professeur force l’admiration et le respect. L’intérêt du Sénégal, il le place au centre de toutes ses préoccupations. Cette interview en est une nouvelle preuve. Bonne lecture…


INTERVIEW EXCLUSIVE : Le Professeur Iba Der Thiam propose une solution pour résoudre la crise universitaire

ACTUNET.SN : Bonjour professeur, récemment le parti du président Macky Sall a fêté ses 5 ans. Cette cérémonie a été marquée par le ralliement de plusieurs partis anciens membres de la CAP21 que vous avez eue à diriger pendant 12 ans. Quelle a été votre première réaction lorsque vous avez vu cette scène tant décriée?

Professeur Iba Der THIAM : Je n’ai pas vu cette scène. Mais, l’aurais-je vu, qu’elle ne me choquerait nullement.

Je ne suis pas surpris par le ralliement des partis membres de l’ex-CAP 21 au projet politique de l’APR.

N’est-ce pas le Leader du PDS qui, à la veille  d’une élection aussi importante que les Législatives de 2012 a annoncé qu’il libérait ses alliés ? S’il a agi ainsi, on peut supposer que c’est parce qu’il considérait qu’il n’avait plus besoin de leur concours.

Les résultats obtenus ont prouvé que cette stratégie avait été contreproductive.

Tirant les leçons de cette  position qu’on leur avait imposée, les partis de l’ex-CAP 21 sont allés, chacun de son côté pour se construire un autre avenir politique.

Quand d’autres partenaires, qui apprécient mieux leur représentativité sur laquelle on a, souvent, faussement, glosé à tord, leur tendent la main, je pense qu’ils ont parfaitement le droit de répondre chacun, en fonction de son analyse et de ses intérêts.

ACTUNET.SN : Quelle est votre opinion face à cette nouvelle forme de transhumance qui consiste à créer une formation politique ou un mouvement pour aller ensuite négocier?

Professeur Iba Der THIAM : Les membres de la CAP 21 n’entrent pas dans la catégorie dont vous parlez, parce que leurs partis avaient été créés, pour certains, il y a plus de 12 ans, pour d’autres,  20 ans.

On a l’habitude, au Sénégal, de discuter de questions sans s’entendre sur le sens des termes employés. Quel est le pays du monde où il n’existe pas ce que vous appelez la transhumance ? Ce terme, à mon avis, est totalement inapproprié pour désigner le changement d’alliance qui intervient souvent au niveau des partis ou des leaders politiques, à la faveur d’évènements majeurs ou imprévus ou bien de mutations historiques, pour des raisons de convictions ou de vision, le plus souvent. Mais, vous parlez certainement de prédateurs qui craignant de rendre compte de leurs méfaits, cherchent une couverture, ou une protection leur garantissant une impunité, en occupant des positions privilégiées, au détriment des alliés de la première heure. Mais, vous savez bien que les Leaders de la CAP 21 n’ont eu à gérer aucun Ministère, presqu’aucune Direction ou Ambassade.

La transhumance est un terme utilisé pour caractériser les mouvements saisonniers que le bétail effectue pendant l’été, en pays méditerranéen, en remontant vers les montagnes pour y trouver de meilleurs pâturages.

Depuis que notre pays a connu une vie politique moderne, des mouvements de cette nature ont été notés dans le comportement du personnel politique.

Voici quelques repères.

Bien qu’ayant fait venir Blaise Diagne pour représenter les Mulâtres et les Blancs, Galandou Diouf et Lamine Guèye se séparèrent de lui en 1925, lors de la première alternance municipale, pour se réconcilier avec lui, après.

Nous savons tous que Senghor a rallié la SFIO de Lamine Guèye avant de la quitter en 1948 et de créer le BDS en 1949. En 1951, il le bat aux élections législatives. Mais, les deux leaders se retrouvent pour créer, plus tard, le BPS, puis l’UPS, parti avec lequel, ils iront à l’indépendance. Lamine Guèye restera dans ce parti jusqu’à la fin de sa vie.

Je vous signale, aussi, que, ni Thierno Bâ, ni Abdoulaye Guèye Cabri,  qui avaient rejoint l’UPS,  n’étaient membres du BDS. Ils appartenaient à l’UDS. Assane Seck venait du MAC.

Abdoulaye Fofana, Obèye Diop, Doudou Guèye provenaient de sensibilités différentes de celle de Senghor. Abdoulaye Ly, Makhtar Mbow et Doudou Thiam étaient des personnalités intellectuelles indépendantes.

Quelques années après, Majhmout Diop a fait de même. Aucune des personnalités que j’ai citées n’a été un transhumant. Elles ont, toutes, agi selon les contextes et les enjeux du moment, au nom de l’intérêt supérieur du pays.

Moi qui vous parle, j’ai quitté le PAI, pour aller au PRA-Sénégal, qui était dans l’opposition, lorsque s’était posé  le problème du Secrétariat Général du SUEL  qu’on me demandait de briguer contre Souleymane Ndiaye. Ce qui, à mon avis, était une erreur.

Lorsque j’ai créé mon parti, la CDP/Garab-Gi, Abdoulaye Wade a demandé à notre parti de fusionner avec le sien. Le parti en a discuté et a donné  son accord. Wade, lui-même, a milité au Parti Socialiste, avant de créer le PDS. Vous savez, enfin, que des leaders marxistes sénégalais ont figuré dans des Gouvernements socio-démocrates ou libéraux. Etait-ce de la transhumance ? Je ne le pense pas personnellement.

J’aurais pu donner des exemples dans d’autres pays.

Un parti politique n’est jamais une structure statique, figée, immuable. Il évolue avec le temps et la conjoncture. L’essentiel est de rester attaché à ses valeurs fondamentales et de faire avancer la cause de l’intérêt général à la place de l’intérêt particulier.

Si la majorité actuelle n’avait pas bénéficié du ralliement de plusieurs PDS mécontents, je ne suis pas sûr qu’elle aurait gagné les élections avec une majorité aussi écrasante.

Selon les contextes et les enjeux du moment, les ralliés ont, soit répondu à des appels qu’on leur avait adressés, soit noué des alliances qu’ils jugeaient utiles pour le bien du peuple, soit participé à des majorités que la conjoncture commandait de  consolider au profit exclusif de leur pays.

Ils n’étaient, en général, guidés par aucune considération alimentaire ou carriériste. On les avait rendus mécontents. Ils ont réagi de manière crypto-personnelle.

Si des leaders de la CAP 21, après analyse de la situation, considèrent que ce que le Gouvernement actuel fait est bon pour le pays, ils ont parfaitement le droit de le soutenir et de participer à son action.

Si d’autres, répondant à un appel du Chef de l’Etat, décident, sans calcul bassement matériel, de lui apporter leur expertise technique, ou politique, pour consolider sa position, ce n’est pas de la transhumance, c’est une option politique parfaitement respectable et pleinement assumée.

Je sais, évidemment, que cela peut créer certaines frustrations, ici ou là. C’est normal. Mais, ainsi va la vie.

Pour durer au pouvoir, il faut  bâtir de nouvelles majorités sans cesse plus larges qu’on réajuste et qu’on adapte, constamment avec le temps. Il faut travailler à les rendre homogènes. C’est qu’ont fait Blaise Diagne, Galandou Diouf, Lamine Guèye, Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade.

 

ACTUNET.SN : Lors du dernier Conseil des Ministres, le président de la République a pris la décision de saisir l’Assemblée Nationale pour réduire son mandat de 7 ans à 5 ans comme il l’avait promis. N’avez-vous pas crainte que les députés de Benno Book Yaakar rejettent cette proposition de loi?

Professeur Iba Der THIAM : Ecoutez, on verra. J’admire et salue la volonté du Chef de l’Etat de réduire son mandat, d’autant qu’il est assez jeune. C’est une première en Afrique, voire dans le monde. C’est un acte historique, inspiré par de fortes convictions personnelles. Une telle attitude mérite le respect. Cela dit, je ne partage pas son analyse, car on ne peut dans nos pays, rien faire de vraiment significatif en 5 ans.

Dans les Etats où on avait fixé  la durée du mandat à 7 ans comme la France, cela n’avait pas été improvisé au hasard de n’importe quelle conjoncture. Si Jules Grévy et Mitterrand ont pu réaliser ce qu’ils ont fait, c’est parce qu’ils ont eu, tous deux, deux mandats de 7 ans. De Gaulle, après avoir dirigé la France Libre de 1941 à 1945, a été obligé de revenir au pouvoir pour 10 ans, de 1958 à 1968, avant de démissionner en 1969.

Dans le système américain, des Présidents ont été obligés de modifier la Constitution pour se donner un 3e mandat, parce qu’ils trouvaient les deux mandats insuffisants pour réaliser les ambitions qu’ils avaient pour leur pays. C’est pourquoi, je comprends que certains éléments de l’APR hésitent. Dans Benno Bokk Yakkar,  il y a, en revanche, beaucoup de partis qui veulent la réduction du mandat, afin que leur leader puisse se porter candidat en 2017. Cela, aussi, je le comprends. Mais, je ne souhaite pas me mêler des problèmes de Benno Bokk Yakaar.

ACTUNET.SN : Nous avons comptabilisé plus d’une dizaine de questions orales et d’actualité, ainsi que nombre de propositions pertinentes que vous avez envoyées au Président de l’Assemblée Nationale. Est ce qu’il donne suite à vos questions?

Professeur Iba Der THIAM : Quelquefois, oui. D’autres fois non.

Non, il ne donne pas toujours suite à toutes mes questions, encore moins à toutes mes initiatives. Je ne lui en veux pas, parce qu’il doit gérer les préoccupations de 150 Députés. Ce qui, en revanche, est moins acceptable, est l’impression pénible que les sentiments que certains sénégalais portent sur l’un d’eux l’emportent souvent sur l’intérêt supérieur du Sénégal.

Comment une Assemblée Nationale responsable et patriotique, qui a, de surcroît, placé son action sous le signe de la rupture, peut-elle refuser de célébrer, comme je l’ai proposé, le Centenaire de l’élection, en 1914, du 1er Député Noir, en l’occurrence, Blaise Diagne, au moment où notre pays va célébrer le Centenaire de la Grande Guerre 14-18, guerre au cours de laquelle, Blaise Diagne s’était illustré par ses prises de position énergiques au sein des comités secrets du Palais Bourbon, en dénonçant le traitement qui avait été infligé à ses frères de race envoyés pour tenir lieu de cobayes pour expérimenter un vaccin contre le tétanos.

Il faut, soit être très mal informé en Histoire, soit être animé de préoccupations incompréhensibles pour refuser cette proposition, simplement parce qu’elle vient d’Iba Der Thiam. Ce que Blaise Diagne a fait en 1914 dépasse ma modeste personne. C’est une véritable Révolution, tout comme les actes posés par Amari Ngoné Sobel à Dianki en 1549 et Thierno Souleymane Baal en 1776 sont, eux aussi, des Révolutions authentiques.

Par ailleurs, l’idée que j’ai proposée, de faire figurer les symboles de la République (drapeau et devise) dans l’Hémicycle, participe de la sublimation de nos valeurs civiques, patriotiques et républicaines d’unité, de paix, de solidarité et de responsabilité. Malheureusement, on en parle plus. La modification de la configuration de l’Hémicycle, pour des raisons de sécurité, n’a, à ce jour, reçu aucun écho. En revanche, il semble que la traduction simultanée que j’avais préconisée depuis 1993, il y a, donc, 20 ans, va démarrer bientôt. Tant mieux. Notre Assemblée ne s’en portera que mieux. Mais, on est dans une opacité totale, puisqu’une structure comme les Editions Papyrus-Afrique, Maison d’Edition au service des langues africaines, qui fait de la traduction et de la communication, a été exclue des consultations, alors qu’elle peut se prévaloir de 17 années d’expériences ininterrompues et de la publication de 130 ouvrages dans les langues nationales et de références au Sénégal et dans la sous-région incomparables.

Ne serait-il pas plus simple, plus sage et plus transparent de procéder par appel d’offres public ?

ACTUNET.SN : Récemment Doudou Wade a posé le problème de la transparence sur la gestion des fonds recouvrés dans les médiations pénales. Est ce que vous êtes prêts en tant que députés à saisir le président de l’Assemblée pour que le Ministre de la Justice s’explique sur la gestion de ces fonds?

Professeur Iba Der THIAM : Je ne me prononce pas sur une initiative de Doudou Wade, à cause du respect que je porte au Président du Groupe Parlementaire Libéral et Démocratique qu’il a été et auquel j’ai appartenu.

ACTUNET.SN : Que pensez-vous de la crise en Université?

Professeur Iba Der THIAM : Je pense que notre Université est en train de connaître une révolution silencieuse. Certes, tout n’est pas parfait, mais nous avons un bon Ministre, je devrais même dire un excellent Ministre, qui fait du bon travail.

Je comprends la préoccupation des étudiants concernant les droits d’inscription, c’est  pourquoi, je suggère à Mari Teuw Niane d’explorer, s’il n’y a déjà pensé, auprès de certaines banques, la piste des prêts aux étudiants, remboursables après leur sortie. Cela pourrait calmer leurs inquiétudes.

Je lui suggère, pour cela, de rechercher avec la Banque Islamique de Développement, par exemple, des ressources longues, pour un tel projet.

J’ai salué la concertation qui a été organisée, le choix du Professeur Souleymane Bachir Diagne, dont la compétence et le sérieux sont universellement reconnus et les conclusions du Conseil présidentiel sur l’Enseignement Supérieur. Je n’y ai pas participé, parce que je ne voulais pas que ma présence, en tant qu’ancien Ministre de l’Enseignement Supérieur gêne ou dérange.

Je propose, en outre, que la concertation avec  le SAES soit conduite avec patience, parce qu’il s’agit d’un syndicat sérieux, patriotique et vigilant, qui devrait pouvoir faire équipe avec le Ministre actuel, formé à la même école, parce que l’Enseignement Supérieur est la clé de notre avenir dans la route qui mène vers l’émergence.

ACTUNET.SN : A quand votre prochain livre?

Professeur Iba Der THIAM : J’ai déjà terminé deux livres :

-L’un porte sur l’Histoire des Communes et permettra à l’heure de l’Acte III de la Décentralisation, de comprendre comment la municipalisation préconisée par le Gouvernement, va révolutionner notre pays, tout comme les 4 Communes de plein exercice ont, jadis, révolutionné le Sénégal, grâce à leur promotion au même statut.

-Le second permettra de comprendre quelles sont les origines de la vie politique moderne dans notre pays, celles du pluralisme à la fois politique, syndical et médiatique et l’héritage historique de nos valeureux ancêtres en matière de construction démocratique, de droits humains et de dignité de l’homme.

Mais, j’ai, surtout, décidé de lancer, avec une équipe pluridisciplinaire soudée, motivée et patriotique, un grand projet : l’écriture d’une Histoire consensuelle du Sénégal des origines à nos jours. J’y travaille depuis  plusieurs années.

Pour en parler, je préfère répéter ce que j’ai, déjà, dit à la réunion que le Groupe des 40 premiers participants, triés sur le volet, a tenue, le 19 Novembre 2013, au CODESRIA, de 15 heures à 19 heures. A la date d’aujourd’hui, notre liste a dépassé les 110.

« Le projet est venu du constat suivant :

Notre pays est indépendant depuis plus d’un demi siècle et n’a pas encore, en sa possession, une Histoire Générale consensuelle, permettant de retracer, sur la longue durée, les luttes menées, les sacrifices consentis, les actes et les faits accomplis, les difficultés rencontrées et les succès réalisés, face aux défis écologiques, économiques, sociaux, militaires, politiques, culturels et spirituels, auxquels il a été confronté.

Le résultat est là :

Une grande partie de notre élite ignore nombre de séquences de notre passé commun et peine à y trouver des repères et des exemples, pour déterminer ses conduites actuelles et futures. Notre jeunesse, parfois désemparée, devient la proie facile de tous ceux qui cherchent à conquérir les consciences, pour dominer la planète. Faute de modèles et de références documentés et précis, notre peuple continue de chercher sa voie, pour un développement harmonieux et durable, dans un monde féroce, où se constituent, malgré tout, quelques ilots de solidarité.

C’est pourquoi, j’ai décidé, après avoir pris l’avis de collègues intéressés, de constituer, sous l’égide du CODESRIA, une équipe pluridisciplinaire ouverte, composée de spécialistes de bonne volonté, pour doter notre pays de l’outil qui lui manque, le plus, pour mieux occuper sa place et influer positivement sur la marche du pays, de la sous-région ouest-africaine, de la région africaine et du monde du XXIe siècle ».

« Ceci est d’autant plus étrange que nous sommes l’une des plus vieilles démocraties d’Afrique au Sud du Sahara, l’une des plus rares à pouvoir se réclamer dès le XIXe siècle d’une vie politique, économique, sociale et culturelle, moderne et ininterrompue, attestée par des sources à la fois écrites et orales substantielles. L’histoire du Sénégal demeure, malgré cela, encore insuffisamment connue. Si des études ponctuelles ont été entreprises dans tel ou tel domaine de la vie sociale, politique, économique, culturelle et religieuse, elles n’ont pas toujours été mises à la disposition du large public et très peu de travaux d’ensemble leur ont été consacrés. C’est pourquoi, toute personne qui n’appartient pas au cercle restreint des spécialistes, éprouve le plus grand mal à se faire une idée claire de l’évolution de l’histoire générale du pays sur la longue durée à travers, soit des faits saillants, des moments décisifs, des personnalités marquantes, des épreuves significatives, soit les luttes de toute nature et les mutations économiques, sociales, écologiques, politiques, culturelles qui la jalonnent malgré les efforts considérables qui ont été déployés par les professeurs et chercheurs des départements d’histoire de l’UCAD, de l’IFAN, de la FASTEF, de l’Association sénégalaise des professeurs d’histoire et de géographie sans compter tout ce qui a été réalisé dans les facultés telles que celle de l’Université Gaston Berger, les Instituts comme le CESTI, l’EBAD, et tout récemment les Centres universitaires régionaux et les établissements privés d’enseignement supérieur.

La conséquence de cette situation c’est qu’à l’heure actuelle rares sont les acteurs de la vie syndicale, politique, citoyenne qui sont capables de retracer les grandes étapes de l’histoire du Sénégal des origines à nos jours. Dans leurs discours, ils ne font presque jamais référence à notre passé à partir de documents bien précis. Tout se passe comme si le peuple avait perdu une partie de sa mémoire, comme si son histoire ne datait que des années 60, et encore ; une partie importante de l’histoire du Sénégal est ainsi occultée, isolant le pays, ses leaders, ses forces vives de leur héritage le plus précieux. Notre jeunesse, coupée de ses racines, cherche désespérément des repères, des références pour donner un sens à sa vie. Faute de guidance, une partie de ce segment stratégique de la société semble être devenue une jeunesse-éponge qui puise dans toutes les sources que lui offrent la rue, les médiats, l’école, la société sans se soucier des conséquences que ces divers apports parfois dangereux peuvent provoquer sur sa santé mentale. Les valeurs cardinales qui ont fondé notre société se perdent, l’identité sénégalaise est menacée, et avec elle, notre culture et son avenir. Voilà pourquoi, nous avons pensé qu’à l’heure où le Sénégal est en train de bâtir une démocratie qui apparaît dans le monde comme un modèle qu’il faut suivre avec sympathie, il était important que nous nous attaquions à cette question.

Evidemment des essais ont été faits et nous tenons ici à remercier tous ceux qui nous ont devancés dans cette entreprise. Mais, si certains ont porté sur des aspects ponctuels de notre histoire, un travail d’ensemble, partant des origines jusqu’à nos jours n’a pas encore été entrepris. C’est pourquoi, nous avons pensé que le moment était venu de nous investir dans cette tâche avec une équipe de patriotes connus et reconnus et d’experts confirmés.

 

ACTUNET.SN : Qu’est-ce qui fera l’originalité de ce projet capital que tout le Sénégal devrait saluer ?

 

Professeur Iba Der THIAM : L’Histoire que nous voulons élaborer, nous voulons qu’elle soit une histoire globale. Nous voulons sortir des écoles qui ont noms : histoire politique, histoire économique, histoire sociale, histoire culturelle pour élaborer une histoire globale qui ne laissera de côté aucun des aspects de la vie de notre pays dans toute sa diversité. Cette histoire, nous souhaitons qu’elle soit à la fois sociale, politique, économique, syndicale, diplomatique, institutionnelle, scientifique, technique, culturelle. Pour la première fois, elle fera la place qu’il mérite au patrimoine matériel, à la sculpture, à la musique, aux divers instruments de musique, la chanson, à la danse, à l’architecture, à la teinture, à l’habillement, à la coiffure, aux courses hippiques, aux jeux ludiques tels que le « Simb », le « Woure », le lamb, le khawaré, le kankourang, le thiakaba, letadiabone, par exemple, à la bijouterie, à la vannerie, à la poterie, au tissage, à l’artisanat, à la cordonnerie, aux usages nautiques, à l’hydraulique villageoise, à l’agriculture, à l’élevage, à la pêche, à la chasse, à la calligraphie, au dessin, à la photographie, au cinéma, à l’ameublement, à la nourriture, aux épidémies, à la santé, mais aussi aux catégories marginales, à la médecine traditionnelle, aux langues pratiquées, aux modes de vie, aux croyances diverses, à la philosophie, à la morale. Nous allons, pour la première fois, introduire dans notre histoire, des figures littéraires comme Serigne Khaly Madiakhaté Kalla, Mamadou Aliou Thiam,  Hady Touré, Serigne Moussa Kâ, , etc., les mouvements intellectuels, les arts et les lettres, la littérature écriture orale et écrite en langue arabe, en langue latine, en langue nationale avec les figures qui l’incarnaient avec le plus d’éclat dans toutes les ethnies.

Notre projet fera place à la morale, aux valeurs fondatrices de notre société, dans sa diversité, aux mythes, aux contes, aux légendes, aux proverbes, à des cérémonies telles que la circoncision, le « leul », le « ndeup », les séances de « Diamu tougn », avec l’éthique et les valeurs qu’elles véhiculent. Cette histoire évoquera en plus le pouvoir royal « ceddo », la vie de cour, les formes de gouvernances et institutions précoloniales, les droits et libertés, les interdits, les guerres, l’art militaire, l’armement, la justice traditionnelle avec le droit coutumier, la société, son fonctionnement, ses mœurs, ses valeurs, les religions, l’éducation, la pédagogie, la communication, le sport, les sciences de la terre, l’environnement, les transports, l’urbanisme, les infrastructures (ports, routes, pistes, cours d’eau, chemins de fer, terrains d’aviation), l’économie, le crédit, les banques, les échanges, le commerce, la monnaie, l’industrialisation, les famines, la misère populaire, les luttes sociales et politiques, la femme, l’enfant, les personnes âgées, le handicapés, les laissés-pour-compte, orphelins, déshérités, catégories vulnérables, les voisins, les étrangers, leur place dans la communauté, la nation sénégalaise, unité et diversité, forces et faiblesses, le modèle sénégalais de coexistence pacifique en ne laissant de côté aucune ethnie. Voilà le projet que nous voulons former ».

Nous avons pensé qu’un tel travail ne peut être mené que par une équipe pluridisciplinaire.

 

ACTUNET.SN : Que pensez-vous du Plan Sahel mis en place par la France et le Sénégal pour lutter contre le terrorisme en Afrique de l’Ouest?

Professeur Iba Der THIAM : N’ayant pas entre les mains tous les éléments de ce dossier, je ne me sens pas en mesure de donner une opinion bien documentée.

 

ACTUNET.SN : Quand vous entendez le nom de NELSON MANDELA, à quoi vous pensez?

Professeur Iba Der THIAM : Je pense au Leader multidimensionnel, qui participe, à la fois, de Toussaint Louverture, Simon Bolivar, Samory Touré, Béhanzin, Chaka, Gandhi, Mao Tsé Toung et sa longue marche, Ho Chi Minh, Ché Guéwara, Gamal Abdel Nasser, Ahmet Sékou Toué, Patrice Lumumba, Um Nyobé, Félix Moumie, etc.

Je pense aussi au père du concept de « Commission Vérité et Réconciliation », à celui de « Nation arc-en-ciel ».

Je pense à la vision qu’il nous a légués d’un monde réconcilié, sans racisme, ni xénophobie, ni exclusion, si stigmatisation.

Je pense au concepteur d’une démocratie apaisée, fondée sur le partage du pouvoir, la tolérance, l’ouverture, la paix, l’unité, l’alternance dans la stabilité.

Bien sûr, il n’a pas été parfait. J’aurais aimé qu’il fasse davantage avancer la cause de la lutte contre l’inégalité des conditions en Afrique du Sud ; que les richesses et les pouvoirs médiatiques et la gestion de la justice et de la police y fussent mieux répartis ; qu’il prenne une part plus active dans la construction des Etats-Unis d’Afrique et dans le combat de notre continent pour avoir une place plus juste au Conseil de Sécurité de l’ONU, au sein de la Banque Mondiale, du FMI, de l’OMC et des instances où se décident les prix des matières premières et ceux de produits manufacturés.

Avec la confiance que le monde occidental avait placée en lui (ne lui a-t-il pas dressé une statue à Westminster ?), si sa voix se faisait entendre sur ces questions capitales, les choses auraient, peut-être, bougé.

Mais, avec un mandat de 5 ans, en avait-il le temps et les moyens ?

ACTUNET.SN : Parlez nous du rôle joué par Abdou Diouf dans les négociations à Dakar entre Mandéla, Olivier TAMBO et leurs ennemis d’alors

Professeur Iba Der THIAM : Le Président Diouf a, en effet, favorisé la rencontre entre Blancs Libéraux d’Afrique du Sud et dirigeants nationalistes de l’ANC, en les recevant à Dakar, afin qu’ils discutent de l’avenir de leur pays.

C’était une initiative audacieuse. Il m’avait chargé de présider la réunion qui devait se tenir au CICES. Elle a été un succès et a provoqué un déclic. La glace s’était brisée, le dialogue a eu lieu, un début de confiance a germé et la preuve a été faite qu’il était possible de parler et de vivre ensemble sans Apartheid.

Je crois que c’est de là, que tout est vraiment parti. Depuis cette rencontre, le fil du dialogue n’a jamais été brisé.

Et puis, quand Abdou Diouf a survolé l’Afrique du Sud,  avec son avion, en sa qualité de Président de l’OUA, ce fut, à la fois, le grand défi, l’apothéose et la certitude que le combat contre l’Apartheid  allait être, bientôt, gagné.

ACTUNET.SN




1.Posté par Universités entre violence et Impunité le 19/12/2013 09:35 | Alerter
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Cherchons plutôt les causes de cette violence (sous toutes ses formes) aveugle.
La loi ne devrait-elle pas s'imposer à tous ? aux autorités ? aux étudiants ? aux enseignants ?
Que Dieu sauve le Sénégal.

LE RAPPORT D’AUDIT QUI MET À NU LA GESTION DE MARY TEUW NIANE
(rapport commandité conjointement par les ministères de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et de l’Économie et des Finances, sur financement de la Banque mondiale)
sur ndarinfo
UGB-de-Saint-Louis-Le-rapport-d-audit-qui-met-a-nu-la-gestion-de-Mary-Teuw-Niane
__________

«LA JUSTICE DOIT FAIRE LA LUMIERE SUR L’ARGENT INJECTE DANS L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR»
BIRAHIM SECK DU FORUM CIVIL
sur seneplus
la-justice-doit-faire-la-lumiere-sur-l%E2%80%99argent-injecte-dans-l%E2%80%99enseignement-superieur
Publication 16/09/2013

Actuellement, la polémique fait rage entre le Saes et ministère de l’Enseignement Supérieur sur l’utilisation des milliards injectés dans l’enseignement privé pour l’orientation des bacheliers. Qu’est ce que cela vous inspire ?

Le Saes a tout à fait raison de demander des comptes au gouvernement sur l’argent injecté dans l’enseignement supérieur pour la prise en charge des bacheliers orientés dans les universités privées. Les dirigeant du Saes n’ont usé que des dispositions des articles 14 et 15 de la Déclaration des droits de l’Homme et des peuples qui fait partie intégrante du préambule de notre constitution qui prône la bonne gouvernance et la transparence. Il ne devrait y avoir même pas de polémique. Les autorités devraient même rendre compte avant que le Saes ne le demande. Les étudiants également doivent demander des comptes parce que les services sont pour eux.

De plus, mon étonnement est plus grand sur le silence affiché par le gouvernement par rapport aux différents audits publiés sur l’enseignement supérieur qui intéressent les autorités de l’enseignement supérieur et au plus haut niveau. C’est grave et inquiétant au moment où nous dit que l’Etat veut injecter 302 milliards dans le domaine de l’enseignement supérieur.

La justice traque des citoyens sénégalais et quand on produit des audits qui intéressent les membres du gouvernement ou des administrateurs, l’Etat ferme les yeux. Ce sont ces pratiques que les Sénégalais ont combattues. La justice sénégalaise doit également faire la lumière sur l’argent injecté dans l’enseignement supérieur. Les rapports d’audit sont là.

Cependant la Banque mondiale est également interpellée car il ne sera logique ni acceptable que de l’argent soit à nouveau injecté sans que la vérité ne soit connu sur les faits invoqués dans ces rapports d’audit sur l’enseignement supérieur.

Le Saes est bien dans son rôle et il appartient à l’Etat d’éclairer les Sénégalais si on veut avoir un enseignement supérieur de qualité dans un espace de sérénité et de lumière.
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«MARY TEUW NIANE MENE LE PRESIDENT DROIT AU MUR»
SEYDI ABABACAR NDIAYE, SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SAES
Oumar KANDE | Publication 23/08/2013
sur seneplus «mary-teuw-niane-mene-le-president-droit-au-mur »

« Seydi Ababacar Ndiaye, continuant son interpellation, demande quelle suite sera donnée à l’audit des universités où il a été noté une mauvaise gestion généralisée, «y compris la gestion du ministre actuel quand il était recteur de l’Ugb».

«Est-ce qu’on peut continuer à faire confiance à des dirigeants qui ont été épinglés par différents rapports ? IL Y A AUSSI UN AUTRE DOCUMENT COMMANDITÉ PAR L’ACTUEL RECTEUR DE L’UGB AU NIVEAU DE LA DÉLÉGATION POUR LA RÉFORME DE L’ETAT ET DE L’ASSISTANAT TECHNIQUE (DREAT), QUI ÉPINGLE LE MÊME MINISTRE.

Ce document à montré que l’actuel ministre de l’Enseignement supérieur, quand il était recteur à l’Ugb, son jeu favori c’était de créer des postes de responsabilité, de direction. Il en avait créé dix-neuf dans une petite université comme l’Ugb et il y avait des conséquences sur la masse salariale car tous ces directeurs avaient l’équivalent d’un million d’indemnité.

Ces manquements devraient édifier qu’il faut faire les bonnes enquêtes et prendre les individus qu’il faut pour les missions importantes.

Quelqu’un qui dirige une simple université et qui a ces types de comportement, on lui confie le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Il y a lieu de se poser des questions», a dit Seydi Ababacar Ndiaye. »

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