Écouteurs enfoncés dans l’oreille et raccordés au téléphone portable, ce jeune handicapé physique guette les développements de cette affaire dans l’édition de 13 heures d’une station radio de la place. Plongé dans sa chaise roulante sous l’ombre d’un arbre sur l’avenue Lamine Guèye, le regard évasif, le mendiant prend le temps d’écouter le journal avant de se prêter à nos questions. M.F, nous l’appellerons ainsi, est victime de la poliomyélite depuis sa tendre enfance. Fatalistes comme beaucoup de parents de handicapés, les siens lui ont balisé la voie de la main tendue. Petit, c’est sa mère qui passait les journées avec lui sur le trottoir, guettant les pièces de monnaie des âmes charitables.
Depuis plusieurs années maintenant, M.F mendie tout seul. Les pièces qu’il récolte sont d’une grande utilité pour sa famille démunie, établie dans la lointaine banlieue. Il est désemparé. L’idée de devoir arrêter de mendier l’effraie, lui qui n’a d’autre activité lucrative, d’autre formation que celle de la main tendue. ‘Je suis cette affaire depuis hier (mardi, date de l’annonce par le Pm). Si on nous demande de partir, on le fera. Mais cela va être extrêmement difficile. Je n’ai pas été à l’école, je n’ai aucun autre métier à exercer’. Invoquant sa foi musulmane qui veut qu’il se soumette à toute volonté divine, M.F espère que le Ciel lui ouvrira d’autres portes.
Même préoccupation du côté du Boulevard de la République. Diallo fait partie du décor de cette artère qui mène au palais présidentiel. Son teint clair renseigne sur ses origines peules. A côté d’une célèbre pharmacie, il a élu domicile. Malgré sa petite taille, il ne passe pas inaperçu. Il occupe bien son espace. Deux parapluies, un bâton qui lui sert de béquille, des sacs en plastique, des seaux…, Diallo a tout pour se protéger du soleil et de la pluie, mais aussi pour garder les denrées (sucre, riz, lait, cola) remis par les passants, en guise d’offrandes.
La cinquantaine bouclée, Diallo est atteint de nanisme. Sa petite taille a toujours été un handicap. Mais un accident de la circulation, il y a de cela plusieurs années, l’a rendu définitivement invalide. ‘Je ne pouvais exercer aucune activité physique, vu ma taille. Maintenant que je suis obligé de marcher avec un bâton, c’est encore plus difficile’. Depuis l’annonce de la mesure de déguerpissement des mendiants, il se prépare à aller explorer d’autres cieux. ‘Si la Police s’en mêle, je n’aurai pas d’autres choix’. Père d’une famille établie à Yeumbeul, Diallo a quelques enfants qui font de petits boulots. Mais les revenus du père mendiant et des fils débrouillards sont trop faibles pour entretenir une famille nombreuse.
Tout le contraire de certains mendiants, lui ne s’en prend pas au gouvernement. Il charge ces pères et mères de famille, ou encore ces jeunes gens physiquement valides, qui ont pris d’assaut les rues. ‘Regardez ces femmes’, dit-il, en fixant le regard sur deux dames bien portantes qui font le pied de grue devant une pâtisserie sur le Boulevard de la République. Selon Diallo, ‘tout le problème vient de cette catégorie de mendiants. Elles (les dames) peuvent aller travailler, mais elles préfèrent apostropher les honnêtes gens pour nourrir leur famille. Ce n’est pas juste’.
Un harem de mendiantes, sur la rue Calmette, dénonce la même situation. Elles, non plus, ne passent pas inaperçues. Sur une dizaine de chaises roulantes, disposées sur le trottoir à trois pas de l’institut Panos, sont assises des femmes de tout âge. ‘Nous ne faisons rien de mal, il y a des équations qu’on doit résoudre avant de s’attaquer aux mendiants’, déclare celle qui semble être le leader du groupe. ‘Des personnes bien portantes, capables de travailler choisissent plutôt la rue soit pour mendier soit pour se prostituer’, déplore-t-elle. Bineta, de son nom, déclare que les femmes sur la rue Calmette sont des démunies, dont le handicap limite les activités. Elles ont appris divers métiers comme la coiffure, le batik, la couture, etc., mais leur handicap agit sur leur productivité (impossibilité de rester debout pour ceux qui font la coiffure), disent-elles. Ces mendiantes entendent rester solidaires afin que nul ne les déloge du trottoir.
Les discours des uns et des autres sont bien dosés. Personne ne veut se frotter aux forces de l’ordre. Aussi les mendiants comptent-ils mettre la pression sur l’Etat, y compris organiser des marches et d’autres mouvements d’humeur. Mais compte tenu du bref délai qui leur ait accordé, il y a de forte chance qu’ils subissent la pression des policiers avant.
Khady BAKHOUM
Source Walfadjri
Depuis plusieurs années maintenant, M.F mendie tout seul. Les pièces qu’il récolte sont d’une grande utilité pour sa famille démunie, établie dans la lointaine banlieue. Il est désemparé. L’idée de devoir arrêter de mendier l’effraie, lui qui n’a d’autre activité lucrative, d’autre formation que celle de la main tendue. ‘Je suis cette affaire depuis hier (mardi, date de l’annonce par le Pm). Si on nous demande de partir, on le fera. Mais cela va être extrêmement difficile. Je n’ai pas été à l’école, je n’ai aucun autre métier à exercer’. Invoquant sa foi musulmane qui veut qu’il se soumette à toute volonté divine, M.F espère que le Ciel lui ouvrira d’autres portes.
Même préoccupation du côté du Boulevard de la République. Diallo fait partie du décor de cette artère qui mène au palais présidentiel. Son teint clair renseigne sur ses origines peules. A côté d’une célèbre pharmacie, il a élu domicile. Malgré sa petite taille, il ne passe pas inaperçu. Il occupe bien son espace. Deux parapluies, un bâton qui lui sert de béquille, des sacs en plastique, des seaux…, Diallo a tout pour se protéger du soleil et de la pluie, mais aussi pour garder les denrées (sucre, riz, lait, cola) remis par les passants, en guise d’offrandes.
La cinquantaine bouclée, Diallo est atteint de nanisme. Sa petite taille a toujours été un handicap. Mais un accident de la circulation, il y a de cela plusieurs années, l’a rendu définitivement invalide. ‘Je ne pouvais exercer aucune activité physique, vu ma taille. Maintenant que je suis obligé de marcher avec un bâton, c’est encore plus difficile’. Depuis l’annonce de la mesure de déguerpissement des mendiants, il se prépare à aller explorer d’autres cieux. ‘Si la Police s’en mêle, je n’aurai pas d’autres choix’. Père d’une famille établie à Yeumbeul, Diallo a quelques enfants qui font de petits boulots. Mais les revenus du père mendiant et des fils débrouillards sont trop faibles pour entretenir une famille nombreuse.
Tout le contraire de certains mendiants, lui ne s’en prend pas au gouvernement. Il charge ces pères et mères de famille, ou encore ces jeunes gens physiquement valides, qui ont pris d’assaut les rues. ‘Regardez ces femmes’, dit-il, en fixant le regard sur deux dames bien portantes qui font le pied de grue devant une pâtisserie sur le Boulevard de la République. Selon Diallo, ‘tout le problème vient de cette catégorie de mendiants. Elles (les dames) peuvent aller travailler, mais elles préfèrent apostropher les honnêtes gens pour nourrir leur famille. Ce n’est pas juste’.
Un harem de mendiantes, sur la rue Calmette, dénonce la même situation. Elles, non plus, ne passent pas inaperçues. Sur une dizaine de chaises roulantes, disposées sur le trottoir à trois pas de l’institut Panos, sont assises des femmes de tout âge. ‘Nous ne faisons rien de mal, il y a des équations qu’on doit résoudre avant de s’attaquer aux mendiants’, déclare celle qui semble être le leader du groupe. ‘Des personnes bien portantes, capables de travailler choisissent plutôt la rue soit pour mendier soit pour se prostituer’, déplore-t-elle. Bineta, de son nom, déclare que les femmes sur la rue Calmette sont des démunies, dont le handicap limite les activités. Elles ont appris divers métiers comme la coiffure, le batik, la couture, etc., mais leur handicap agit sur leur productivité (impossibilité de rester debout pour ceux qui font la coiffure), disent-elles. Ces mendiantes entendent rester solidaires afin que nul ne les déloge du trottoir.
Les discours des uns et des autres sont bien dosés. Personne ne veut se frotter aux forces de l’ordre. Aussi les mendiants comptent-ils mettre la pression sur l’Etat, y compris organiser des marches et d’autres mouvements d’humeur. Mais compte tenu du bref délai qui leur ait accordé, il y a de forte chance qu’ils subissent la pression des policiers avant.
Khady BAKHOUM
Source Walfadjri