Vous aviez promis de publier un livre à la fin de la mission de l’Anoci le 31 décembre 2008, qui sera une sorte de bilan. Où est-ce que vous en êtes ?
D’abord, il faut savoir que nous avons arrêté nos activités au sein du Conseil de surveillance de l’Anoci le 31 décembre. A notre avis, la mission de l’Anoci devait s’arrêter après le sommet. C’est la lecture du décret. Je pense que ce n’est pas une vision partagée par tout le monde, mais, c’est la nôtre et nous l’assumons. Maintenant, il y a un certain nombre de documents que nous sommes en train d’analyser et de traiter. Ce qui nous intéresse, c’est d’avoir une vision scientifique, de pouvoir témoigner des choses de manière très froide, sans parti pris aucun. Pour nous, c’était une expérience, d’abord de participation du Forum directement à l’administration, à la gestion d’un projet de l’Etat. Une fois que nous sommes à l’intérieur, il est normal de voir comment ça fonctionne à l’intérieur, pour que nous puissions témoigner. Ce témoignage se fait sur la base de documents que nous avons collectés, qui seront analysés, par moi, mais aussi par des chercheurs indépendants. L’idée est de montrer si l’Etat décide, prochainement, d’inviter la société à cette expérience, quels sont les écueils éventuels à éviter.
Est-ce que l’Anoci continue ses activités ?
A ma connaissance, l’Anoci continue de travailler. A notre avis, sa mission doit s’achever, comme dit le décret, dans l’année qui suit la tenue du sommet. Le sommet s’est tenu en avril 2008. Pour nous, la mission de l’Anoci doit se terminer en 2009. Or, si on commence une année fiscale en janvier et qu’un budget est mis en place, il est très probable que ça va se prolonger après avril 2009. Nous pensons que nous devons nous arrêter à un moment donné pour faire le bilan. Mais surtout, organiser la dévolution de l’activité de l’Anoci à d’autres structures de l’Etat, parce que, l’agence était créée pour le sommet et qu’elle ne doit pas continuer de gérer autre chose après le sommet.
Quand est-ce que les Sénégalais pourront avoir connaissance de votre document ?
Je ne peux pas donner de date précise. Pour nous, ce n’est pas une question sensationnelle, mais une question de réflexion, une analyse vraiment profonde. Nous allons laisser le temps aux chercheurs de travailler dessus de manière sereine. Nous ne sommes pas liés par un calendrier, quel qu’il soit. Nous voulons que les observations que nous avons faites soient étayées, de manière que l’aspect scientifique ne soit pas remis en cause.
Justement, qu’avez-vous eu à relever ?
Beaucoup de choses. La première, c’est le fait que l’Anoci ait demandé à la société civile de participer-il n’y avait pas que nous- pour consolider les questions de transparence. Cela dit, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait des difficultés, relatives notamment à la célérité des réponses apportées à nos questions en tant qu’administrateur. Quand vous êtes dans un Conseil de surveillance, vous avez un certain nombre de documents qui sont proposés à votre approbation, il vous appartient de rechercher l’information qui puisse étayer votre conviction par rapport à ces documents. Nous avons noté certaines difficultés à obtenir certaines informations. Au moment où je vous parle, il y a eu des informations que nous n’avons toujours pas, malgré nos différents courriers.
Quelles informations ?
Ce serait trop long à dire, mais il y a des informations sur le plan organisationnel, financier, administratif, sur beaucoup de projets, qui sont encore en cours, des choses que nous ne maîtrisons pas. Donc, l’intérêt pour nous, c’est d’abord de poser la question à un membre de l’Anoci. Lorsque nous constatons que l’information ne nous a pas été donnée, nous tirerons les conséquences. Mais je ne veux pas anticiper sur ce que dira le Forum civil en tant qu’organisation. Personne ne peut voter un budget, s’il n’en connaît pas les tenants et les aboutissants. Personne ne peut voter une action s’il ne sait pas comment cette action est structurée. Il était de notre devoir d’attirer l’attention de l’Agence sur certains faits qui nous semblent importants.
Par exemple, tout le monde sait qu’on a donné des terrains à des gens, pour construire des hôtels et que l’un des prétextes, c’est que les chambres devaient être prêtes pour le sommet. Donc, il y a eu des dérogations, il y a eu des autorisations de construire. L’Etat a fait ce qu’il devait faire, mais il se trouve qu’au moment du sommet, aucun de ces promoteurs ne nous a livré une chambre. La question que je me pose immédiatement, c’est, qu’est-ce qui est prévu comme mesures de rétorsion ? Est-ce qu’il est prévu quelque chose dans le contrat qui lie l’Etat et les promoteurs qui, malgré les avantages qui leur ont été accordés, n’ont pas été capables de nous livrer une seule chambre ? Ce sont des questions importantes en termes de structuration des opérations. Si vous allez en dessous du phare des Mamelles, vous verrez qu’il y a un terrain qui est en train d’être clôturé. Ce terrain était prévu pour le village de l’Anoci. Maintenant, on voit un panneau indiquant «propriété privée». Nous aimerions savoir quelle procédure a été utilisée pour que ce terrain, qui a été prévu pour le village de l’Anoci, soit attribué à un privé. Ou, est-ce que le village de l’Anoci était prévu comme un village privé ? C’est de questions de fond, sur lesquelles nous pensons qu’il ne faut jamais se précipiter. Il ne faut jamais donner une appréciation positive ou négative si nous n’avons pas entre les mains toutes les informations. Quand nous déposions notre lettre de démission, nous avions rappelé à l’Anoci les questions que nous nous posions. J’ai eu une promesse de la part du président de l’Anoci (Karim Wade, Ndlr), de répondre à ces questions. Il était même prévu une réunion qui n’a pas pu avoir lieu, parce que moi-même j’étais en mission. Mais, j’espère que nous aurons ces réponses.
Comment expliquez-vous que, durant tout le temps que vous avez passé au Conseil de surveillance de l’Anoci, vous n’ayez pas pu avoir certaines informations ?
C’était un exercice très difficile. Il me semble, c’est mon explication, qui n’engage pas le Forum civil, que les gens n’ont pas l’habitude qu’un organisme privé puisse poser des questions à une structure qui appartient à l’Etat. Je crois que, malgré toute la volonté, c’est toujours un peu difficile. Ils se demandent, ‘Quelle utilisation les gens vont en faire ? Est-ce que nous n’allons pas retrouver ces documents dans la presse ? Les membres du Conseil de surveillance doivent assurer le droit à l’information. Encore une fois, le Forum n’est pas pressé de donner des qualificatifs. Ce qui nous intéresse, c’est qu’il y a des dysfonctionnements dans nos rapports avec l’agence. Nous avons noté qu’il y a un certain nombre d’informations qui nous étaient indispensables et qui ne nous ont pas été données.
Il s’est posé, à un moment, le problème d’accès aux comptes de l’Anoci. Est-ce que vous avez eu satisfaction ?
Normalement, les comptes de l’Anoci doivent être publiés au greffe du tribunal. Notre problème n’était pas seulement l’accès aux comptes, parce que nous recevions des rapports de projet de budget, des rapports établissant l’exécution des budgets précédents. Même si vous avez un rapport, vous pouvez vous poser des questions sur une partie du rapport. Ensuite, il est très important de savoir que tout organisme de l’Etat, qui gère de l’argent, peut faire l’objet de contrôle, et de contrôle précis au regard de toute la polémique qu’il y avait autour de la convocation ou la non-convocation de la Direction de l’Anoci. Nous avions donné notre position, qui était de dire que si l’Assemblée nationale, qui est la seule institution habilitée à contrôler l’action de l’Etat, avec la Justice, devait convoquer l’Anoci, il fallait qu’elle y aille. Il n y a aucune raison qu’on se soustraie à cela. Mais, nous aurions été plus à l’aise aujourd’hui s’il y avait eu une inspection régulière de ce qui se fait à l’Anoci. Je pense qu’un organisme de ce genre devrait recevoir régulièrement la visite de l’Inspection générale d’Etat. Tous les comptes qui sont bouclés devraient être vérifiés par la Cour des comptes. Je pense que la Direction de l’Anoci, elle-même, aurait intérêt à demander ce genre d’inspection, pour assurer une plus grande traçabilité, une plus grande transparence. Malheureusement, au moment où nous quittions, ces inspections n’étaient pas faites. Nous espérons que la Cour des Comptes pourra se pencher très rapidement sur les exercices clos et faire un rapport pour dire exactement ce qu’elle pense.
Le président de la République avait, lors d’un de ses déplacements à Tivaouane, déclaré que les dirigeants de l’Anoci n’ont pas géré directement de l’argent. Quel commentaire en faites-vous ?
Ce qui nous importe, c’est que les organes habilités à faire les contrôles de l’utilisation de l’argent de l’Etat donnent leur avis. Ce qui nous intéresse, c’est que la Cour des Comptes nous dise ce qu’elle pense concrètement de cet avis. Le président a fait sa déclaration, vous lui demanderez pourquoi il l’a fait. Ce qui intéresse le Forum civil, c’est que les organes d’Etat disent ce qu’ils pensent de la gestion de l’Anoci. Tant qu’ils ne l’auront pas fait, nous considérons qu’il y a un problème. La deuxième chose importante, c’est que l’Anoci a concentré beaucoup d’argent, celui des Sénégalais. Que ce soit des prêts, des dons ou de l’argent tiré directement du budget de l’Etat, c’est l’argent des Sénégalais. Cela veut dire qu’obligatoirement, les dirigeants de l’Anoci doivent rendre compte de l’utilisation de cet argent. En aucun cas, ça ne nous paraît logique de penser que les dirigeants de l’Anoci ne rendent pas de compte. On demande au ministre des Finances de rendre compte de sa gestion. Pourtant, le ministre des Finances n’a pas l’argent entre ses mains. L’essentiel, c’est que la personne à qui on a confié des responsabilités puisse rendre compte.
Dans une interview accordée au Soleil après le sommet, le directeur exécutif de l’Anoci, Abdoulaye Baldé, avait soutenu que le montant global des travaux était de 140 milliards, dont 17 de la part l’Etat. Là où d’autres parlent de plus de 300 milliards. Etes-vous convaincu des chiffres avancés par M. Baldé ?
Nous ne serons convaincus que lorsque nous aurons des documents précis. Ce que nous avons demandé à l’Anoci, c’est le tableau des ressources. D’où viennent les ressources, avec des détails. Ça peut être de l’argent qui provient du budget de l’Etat, etc. Mais, ça n’a pas de sens de parler de pourcentage, parce que tout l’argent qui est entré à l’Anoci, c’est l’argent des Sénégalais. Même s’il a été offert, donné ou prêté par un pays X, Y ou Z, c’est l’argent du peuple sénégalais.
Vous l’avez évoqué tantôt, il s’est également posé un problème foncier avec les travaux de l’Anoci. Et dans son dernier rapport, l’Ong Aid Transparency a relevé l’occupation du domaine public maritime par des promoteurs immobiliers…
Jacques Habib Sy et son organisation ont fait un travail très important. Je pense que le rapport a montré qu’il y avait un certain nombre d’inquiétudes que les organisations de la société civile, les citoyens peuvent avoir. La première inquiétude, c’est qu’on se rend compte que si ça continue, d’ici quelque temps, on ne verra plus la mer à partir de Dakar. Ce qu’on est en train d’occuper, c’est le domaine public maritime qui appartient à tout le monde. La moindre des choses, c’est qu’on ait une traçabilité et une transparence des opérations domaniales qui ont permis aux gens de se voir attribuer une partie ou une autre. C’est extrêmement important de savoir qui occupe quoi ? A qui on a attribué quoi sur l’ensemble de la corniche ? Si j’avais le moindre pouvoir dans ce pays, je le ferai sur l’ensemble des terrains qui appartiennent à l’Etat. Aujourd’hui, je ne pense pas qu’il y ait une publication officielle sur l’ensemble des terrains de la corniche. C’est une nécessité, si nous voulons parler de transparence.
Pensez-vous que les infrastructures routières de l’Anoci sont adaptées ?
Certaines infrastructures sont très intéressantes. Qu’on le veuille ou pas, sur la Corniche, la circulation automobile est améliorée. Je précise bien, automobile. Parce qu’on a oublié d’un autre côté que la corniche n’est pas réservée à la circulation automobile. C’est aussi, un espace de promenade. Aujourd’hui, quand on voit les difficultés qu’ont les gens pour passer de leur quartier à la corniche, pour se promener, ça pose quand même problème. Je me demande qu’est-ce que cette infrastructure, qui, certes, a amélioré la mobilité sur la corniche, apporte aux gens de la Médina ? Si on sait que toutes les rues de la Médina sont fermées par rapport à la corniche. Du point de vue urbanistique, ça pose un problème. Apparemment, on dirait qu’il y’a une décision d’isoler cette infrastructure des populations, notamment de la Médina. Est-ce qu’on a dépensé l’argent des populations pour qu’elles ne puissent pas utiliser les infrastructures ? Ce sont des questions techniques qu’il faut se poser. Quelle est l’utilité du tunnel de Soumbédioune ? Est-ce qu’il a amélioré les choses ? Je pense qu’il est temps que les techniciens et les professionnels de l’urbanisme, les techniciens du droit analysent froidement ce qui s’est passé, regardent les infrastructures les unes après les autres, et disent ce qu’ils en pensent. Pour notre part, nous avons fait un certain nombre de critiques, parce que, quand même, j’ai mon manteau d’architecte, sur la qualité esthétique de certaines infrastructures. Nous pensons qu’on aurait fait beaucoup mieux, du point de vue esthétique. Est-ce qu’il n y’ avait pas assez d’études ou pas ? On ne sait pas. Il va falloir se poser la question.
A SUIVRE
D’abord, il faut savoir que nous avons arrêté nos activités au sein du Conseil de surveillance de l’Anoci le 31 décembre. A notre avis, la mission de l’Anoci devait s’arrêter après le sommet. C’est la lecture du décret. Je pense que ce n’est pas une vision partagée par tout le monde, mais, c’est la nôtre et nous l’assumons. Maintenant, il y a un certain nombre de documents que nous sommes en train d’analyser et de traiter. Ce qui nous intéresse, c’est d’avoir une vision scientifique, de pouvoir témoigner des choses de manière très froide, sans parti pris aucun. Pour nous, c’était une expérience, d’abord de participation du Forum directement à l’administration, à la gestion d’un projet de l’Etat. Une fois que nous sommes à l’intérieur, il est normal de voir comment ça fonctionne à l’intérieur, pour que nous puissions témoigner. Ce témoignage se fait sur la base de documents que nous avons collectés, qui seront analysés, par moi, mais aussi par des chercheurs indépendants. L’idée est de montrer si l’Etat décide, prochainement, d’inviter la société à cette expérience, quels sont les écueils éventuels à éviter.
Est-ce que l’Anoci continue ses activités ?
A ma connaissance, l’Anoci continue de travailler. A notre avis, sa mission doit s’achever, comme dit le décret, dans l’année qui suit la tenue du sommet. Le sommet s’est tenu en avril 2008. Pour nous, la mission de l’Anoci doit se terminer en 2009. Or, si on commence une année fiscale en janvier et qu’un budget est mis en place, il est très probable que ça va se prolonger après avril 2009. Nous pensons que nous devons nous arrêter à un moment donné pour faire le bilan. Mais surtout, organiser la dévolution de l’activité de l’Anoci à d’autres structures de l’Etat, parce que, l’agence était créée pour le sommet et qu’elle ne doit pas continuer de gérer autre chose après le sommet.
Quand est-ce que les Sénégalais pourront avoir connaissance de votre document ?
Je ne peux pas donner de date précise. Pour nous, ce n’est pas une question sensationnelle, mais une question de réflexion, une analyse vraiment profonde. Nous allons laisser le temps aux chercheurs de travailler dessus de manière sereine. Nous ne sommes pas liés par un calendrier, quel qu’il soit. Nous voulons que les observations que nous avons faites soient étayées, de manière que l’aspect scientifique ne soit pas remis en cause.
Justement, qu’avez-vous eu à relever ?
Beaucoup de choses. La première, c’est le fait que l’Anoci ait demandé à la société civile de participer-il n’y avait pas que nous- pour consolider les questions de transparence. Cela dit, nous nous sommes rendus compte qu’il y avait des difficultés, relatives notamment à la célérité des réponses apportées à nos questions en tant qu’administrateur. Quand vous êtes dans un Conseil de surveillance, vous avez un certain nombre de documents qui sont proposés à votre approbation, il vous appartient de rechercher l’information qui puisse étayer votre conviction par rapport à ces documents. Nous avons noté certaines difficultés à obtenir certaines informations. Au moment où je vous parle, il y a eu des informations que nous n’avons toujours pas, malgré nos différents courriers.
Quelles informations ?
Ce serait trop long à dire, mais il y a des informations sur le plan organisationnel, financier, administratif, sur beaucoup de projets, qui sont encore en cours, des choses que nous ne maîtrisons pas. Donc, l’intérêt pour nous, c’est d’abord de poser la question à un membre de l’Anoci. Lorsque nous constatons que l’information ne nous a pas été donnée, nous tirerons les conséquences. Mais je ne veux pas anticiper sur ce que dira le Forum civil en tant qu’organisation. Personne ne peut voter un budget, s’il n’en connaît pas les tenants et les aboutissants. Personne ne peut voter une action s’il ne sait pas comment cette action est structurée. Il était de notre devoir d’attirer l’attention de l’Agence sur certains faits qui nous semblent importants.
Par exemple, tout le monde sait qu’on a donné des terrains à des gens, pour construire des hôtels et que l’un des prétextes, c’est que les chambres devaient être prêtes pour le sommet. Donc, il y a eu des dérogations, il y a eu des autorisations de construire. L’Etat a fait ce qu’il devait faire, mais il se trouve qu’au moment du sommet, aucun de ces promoteurs ne nous a livré une chambre. La question que je me pose immédiatement, c’est, qu’est-ce qui est prévu comme mesures de rétorsion ? Est-ce qu’il est prévu quelque chose dans le contrat qui lie l’Etat et les promoteurs qui, malgré les avantages qui leur ont été accordés, n’ont pas été capables de nous livrer une seule chambre ? Ce sont des questions importantes en termes de structuration des opérations. Si vous allez en dessous du phare des Mamelles, vous verrez qu’il y a un terrain qui est en train d’être clôturé. Ce terrain était prévu pour le village de l’Anoci. Maintenant, on voit un panneau indiquant «propriété privée». Nous aimerions savoir quelle procédure a été utilisée pour que ce terrain, qui a été prévu pour le village de l’Anoci, soit attribué à un privé. Ou, est-ce que le village de l’Anoci était prévu comme un village privé ? C’est de questions de fond, sur lesquelles nous pensons qu’il ne faut jamais se précipiter. Il ne faut jamais donner une appréciation positive ou négative si nous n’avons pas entre les mains toutes les informations. Quand nous déposions notre lettre de démission, nous avions rappelé à l’Anoci les questions que nous nous posions. J’ai eu une promesse de la part du président de l’Anoci (Karim Wade, Ndlr), de répondre à ces questions. Il était même prévu une réunion qui n’a pas pu avoir lieu, parce que moi-même j’étais en mission. Mais, j’espère que nous aurons ces réponses.
Comment expliquez-vous que, durant tout le temps que vous avez passé au Conseil de surveillance de l’Anoci, vous n’ayez pas pu avoir certaines informations ?
C’était un exercice très difficile. Il me semble, c’est mon explication, qui n’engage pas le Forum civil, que les gens n’ont pas l’habitude qu’un organisme privé puisse poser des questions à une structure qui appartient à l’Etat. Je crois que, malgré toute la volonté, c’est toujours un peu difficile. Ils se demandent, ‘Quelle utilisation les gens vont en faire ? Est-ce que nous n’allons pas retrouver ces documents dans la presse ? Les membres du Conseil de surveillance doivent assurer le droit à l’information. Encore une fois, le Forum n’est pas pressé de donner des qualificatifs. Ce qui nous intéresse, c’est qu’il y a des dysfonctionnements dans nos rapports avec l’agence. Nous avons noté qu’il y a un certain nombre d’informations qui nous étaient indispensables et qui ne nous ont pas été données.
Il s’est posé, à un moment, le problème d’accès aux comptes de l’Anoci. Est-ce que vous avez eu satisfaction ?
Normalement, les comptes de l’Anoci doivent être publiés au greffe du tribunal. Notre problème n’était pas seulement l’accès aux comptes, parce que nous recevions des rapports de projet de budget, des rapports établissant l’exécution des budgets précédents. Même si vous avez un rapport, vous pouvez vous poser des questions sur une partie du rapport. Ensuite, il est très important de savoir que tout organisme de l’Etat, qui gère de l’argent, peut faire l’objet de contrôle, et de contrôle précis au regard de toute la polémique qu’il y avait autour de la convocation ou la non-convocation de la Direction de l’Anoci. Nous avions donné notre position, qui était de dire que si l’Assemblée nationale, qui est la seule institution habilitée à contrôler l’action de l’Etat, avec la Justice, devait convoquer l’Anoci, il fallait qu’elle y aille. Il n y a aucune raison qu’on se soustraie à cela. Mais, nous aurions été plus à l’aise aujourd’hui s’il y avait eu une inspection régulière de ce qui se fait à l’Anoci. Je pense qu’un organisme de ce genre devrait recevoir régulièrement la visite de l’Inspection générale d’Etat. Tous les comptes qui sont bouclés devraient être vérifiés par la Cour des comptes. Je pense que la Direction de l’Anoci, elle-même, aurait intérêt à demander ce genre d’inspection, pour assurer une plus grande traçabilité, une plus grande transparence. Malheureusement, au moment où nous quittions, ces inspections n’étaient pas faites. Nous espérons que la Cour des Comptes pourra se pencher très rapidement sur les exercices clos et faire un rapport pour dire exactement ce qu’elle pense.
Le président de la République avait, lors d’un de ses déplacements à Tivaouane, déclaré que les dirigeants de l’Anoci n’ont pas géré directement de l’argent. Quel commentaire en faites-vous ?
Ce qui nous importe, c’est que les organes habilités à faire les contrôles de l’utilisation de l’argent de l’Etat donnent leur avis. Ce qui nous intéresse, c’est que la Cour des Comptes nous dise ce qu’elle pense concrètement de cet avis. Le président a fait sa déclaration, vous lui demanderez pourquoi il l’a fait. Ce qui intéresse le Forum civil, c’est que les organes d’Etat disent ce qu’ils pensent de la gestion de l’Anoci. Tant qu’ils ne l’auront pas fait, nous considérons qu’il y a un problème. La deuxième chose importante, c’est que l’Anoci a concentré beaucoup d’argent, celui des Sénégalais. Que ce soit des prêts, des dons ou de l’argent tiré directement du budget de l’Etat, c’est l’argent des Sénégalais. Cela veut dire qu’obligatoirement, les dirigeants de l’Anoci doivent rendre compte de l’utilisation de cet argent. En aucun cas, ça ne nous paraît logique de penser que les dirigeants de l’Anoci ne rendent pas de compte. On demande au ministre des Finances de rendre compte de sa gestion. Pourtant, le ministre des Finances n’a pas l’argent entre ses mains. L’essentiel, c’est que la personne à qui on a confié des responsabilités puisse rendre compte.
Dans une interview accordée au Soleil après le sommet, le directeur exécutif de l’Anoci, Abdoulaye Baldé, avait soutenu que le montant global des travaux était de 140 milliards, dont 17 de la part l’Etat. Là où d’autres parlent de plus de 300 milliards. Etes-vous convaincu des chiffres avancés par M. Baldé ?
Nous ne serons convaincus que lorsque nous aurons des documents précis. Ce que nous avons demandé à l’Anoci, c’est le tableau des ressources. D’où viennent les ressources, avec des détails. Ça peut être de l’argent qui provient du budget de l’Etat, etc. Mais, ça n’a pas de sens de parler de pourcentage, parce que tout l’argent qui est entré à l’Anoci, c’est l’argent des Sénégalais. Même s’il a été offert, donné ou prêté par un pays X, Y ou Z, c’est l’argent du peuple sénégalais.
Vous l’avez évoqué tantôt, il s’est également posé un problème foncier avec les travaux de l’Anoci. Et dans son dernier rapport, l’Ong Aid Transparency a relevé l’occupation du domaine public maritime par des promoteurs immobiliers…
Jacques Habib Sy et son organisation ont fait un travail très important. Je pense que le rapport a montré qu’il y avait un certain nombre d’inquiétudes que les organisations de la société civile, les citoyens peuvent avoir. La première inquiétude, c’est qu’on se rend compte que si ça continue, d’ici quelque temps, on ne verra plus la mer à partir de Dakar. Ce qu’on est en train d’occuper, c’est le domaine public maritime qui appartient à tout le monde. La moindre des choses, c’est qu’on ait une traçabilité et une transparence des opérations domaniales qui ont permis aux gens de se voir attribuer une partie ou une autre. C’est extrêmement important de savoir qui occupe quoi ? A qui on a attribué quoi sur l’ensemble de la corniche ? Si j’avais le moindre pouvoir dans ce pays, je le ferai sur l’ensemble des terrains qui appartiennent à l’Etat. Aujourd’hui, je ne pense pas qu’il y ait une publication officielle sur l’ensemble des terrains de la corniche. C’est une nécessité, si nous voulons parler de transparence.
Pensez-vous que les infrastructures routières de l’Anoci sont adaptées ?
Certaines infrastructures sont très intéressantes. Qu’on le veuille ou pas, sur la Corniche, la circulation automobile est améliorée. Je précise bien, automobile. Parce qu’on a oublié d’un autre côté que la corniche n’est pas réservée à la circulation automobile. C’est aussi, un espace de promenade. Aujourd’hui, quand on voit les difficultés qu’ont les gens pour passer de leur quartier à la corniche, pour se promener, ça pose quand même problème. Je me demande qu’est-ce que cette infrastructure, qui, certes, a amélioré la mobilité sur la corniche, apporte aux gens de la Médina ? Si on sait que toutes les rues de la Médina sont fermées par rapport à la corniche. Du point de vue urbanistique, ça pose un problème. Apparemment, on dirait qu’il y’a une décision d’isoler cette infrastructure des populations, notamment de la Médina. Est-ce qu’on a dépensé l’argent des populations pour qu’elles ne puissent pas utiliser les infrastructures ? Ce sont des questions techniques qu’il faut se poser. Quelle est l’utilité du tunnel de Soumbédioune ? Est-ce qu’il a amélioré les choses ? Je pense qu’il est temps que les techniciens et les professionnels de l’urbanisme, les techniciens du droit analysent froidement ce qui s’est passé, regardent les infrastructures les unes après les autres, et disent ce qu’ils en pensent. Pour notre part, nous avons fait un certain nombre de critiques, parce que, quand même, j’ai mon manteau d’architecte, sur la qualité esthétique de certaines infrastructures. Nous pensons qu’on aurait fait beaucoup mieux, du point de vue esthétique. Est-ce qu’il n y’ avait pas assez d’études ou pas ? On ne sait pas. Il va falloir se poser la question.
A SUIVRE