Débarquer comme ambassadeur américain en Russie dans une période digne de la guerre froide, qui plus est lorsque le diplomate en question est l'un des artisans de la «relance» entre les deux pays, ce n'est pas une situation très enviable. Depuis que Michael McFaul a pris son poste dans la capitale russe, il y a seulement deux semaines, cet expert de 50 ans est en butte aux critiques incessantes des cercles du Kremlin.
Selon Alexandre Khinstein, un député du parti au pouvoir Russie unie, McFaul serait un «spécialiste des révolutions orange», terme désignant les mouvements de protestation démocratique qui, en une dizaine d'années, ont renversé plusieurs régimes néosoviétiques, notamment en Ukraine en 2004. Selon ses détracteurs, l'ambassadeur serait resté un agent de propagation du «virus orange», envoyé à Moscou afin d'y exporter «la révolution». En nommant McFaul, «les représentants américains agissent de manière ostensiblement cynique», a lancé un autre député de Russie unie, Andreï Issaïev.
Dans un entretien à Kommersant, l'ambassadeur a démenti l'existence de toute intention malveillante. «Je suis scientifique, politologue et sociologue mais pas un révolutionnaire professionnel», a assuré McFaul. Après avoir fréquenté Oxford et l'université de Stanford en Californie, il était depuis 2009 le «conseiller Russie» de Barack Obama et, à ce titre, l'architecte de la fameuse politique de «reset» (redémarrage). Le diplomate a qualifié de «délire», l'accusation russe consistant à présenter la principale figure de l'opposition à Poutine, le blogueur Alexeï Navalny, comme un «projet américain».
«Délai de décence»
«Ici, il y a toujours un fond d'antiaméricanisme sur lequel le pouvoir s'appuie à sa convenance pour discréditer ses opposants», interprète Anatoli Aksakov, député de Russie juste. Serait particulièrement visé l'un des chefs de son parti, Sergueï Mironov, également candidat à la présidentielle contre Poutine.
Quelques jours après son arrivée à Moscou, McFaul avait invité à l'ambassade des représentants de Russie juste et de l'opposition non-parlementaire, dont le militant des droits de l'homme Lev Ponomarov. Ce jour-là, la télévision d'État NTV était en embuscade à l'entrée du bâtiment afin de traquer les opposants venus «chercher leurs instructions» chez McFaul. Depuis, les propagandistes du régime sont certains d'avoir identifié, à la Douma, des députés russes espions travaillant pour le compte de l'Occident, des États-Unis et du Royaume-Uni. Le député Alexandre Khinstein a réclamé une saisine officielle du FSB, afin que les services intérieurs russes enquêtent sur ces «cas» potentiels d'intelligence avec l'étranger.
McFaul a beau protester que ces rencontres avaient été organisées à la demande du sous-secrétaire d'État américain, William Burns, alors en visite à Moscou, les critiques continuent. Certains diplomates occidentaux soulignent que le nouvel ambassadeur aurait pu respecter un «délai de décence» avant de rencontrer l'opposition, histoire de ne pas provoquer Moscou en période électorale.
Alliés de circonstance
À sa décharge, Michael McFaul n'est pas un diplomate de carrière. Il manie Twitter plus facilement que les télégrammes diplomatiques. À la différence de son prédécesseur, le très professionnel John Beyrle, dont le père avait servi aux côtés de l'Armée rouge au moment de la Seconde Guerre mondiale, McFaul, lui, a fait ses classes sur le terrain, comme sociologue au moment de la «perestroïka», lorsque la Russie accomplissait sa révolution post-soviétique.
À cette époque, McFaul aida à financer les mouvements d'opposition antisoviétiques, dont certains anciens responsables combattent aujourd'hui le régime de Poutine. «Une révolution inachevée», concluait le chercheur américain dans un ouvrage publié en 2001: un titre qui suffit à hérisser les faucons du Kremlin! En contrepoint des multiples amitiés qu'il a nouées, notamment avec le militant Lev Ponomarov, McFaul s'est fait de nombreux ennemis en Russie. Figure dans cette liste l'éternel dirigeant nationaliste Vladimir Jirinovski, lui aussi candidat à la présidentielle de mars prochain et soupçonné d'avoir commandité, en 1994, une attaque contre le jeune sociologue américain.
L'ambassadeur garde aussi des alliés de circonstance, comme le président de la commission des affaires étrangères de la Douma, Alexeï Pouchkov, qu'il a connu dans les think-tanks américains. Avant son arrivée à Moscou, Pouchkov avait qualifié son ami de «colombe», avant de devoir s'aligner, une fois la polémique lancée, sur le discours antiaméricain ambiant. McFaul espère séduire le peuple russe grâce à sa vaste connaissance du pays et à son activisme sur les réseaux sociaux. Quant à séduire Vladimir Poutine, cela promet d'être une autre paire de manches.
By Figaro
Selon Alexandre Khinstein, un député du parti au pouvoir Russie unie, McFaul serait un «spécialiste des révolutions orange», terme désignant les mouvements de protestation démocratique qui, en une dizaine d'années, ont renversé plusieurs régimes néosoviétiques, notamment en Ukraine en 2004. Selon ses détracteurs, l'ambassadeur serait resté un agent de propagation du «virus orange», envoyé à Moscou afin d'y exporter «la révolution». En nommant McFaul, «les représentants américains agissent de manière ostensiblement cynique», a lancé un autre député de Russie unie, Andreï Issaïev.
Dans un entretien à Kommersant, l'ambassadeur a démenti l'existence de toute intention malveillante. «Je suis scientifique, politologue et sociologue mais pas un révolutionnaire professionnel», a assuré McFaul. Après avoir fréquenté Oxford et l'université de Stanford en Californie, il était depuis 2009 le «conseiller Russie» de Barack Obama et, à ce titre, l'architecte de la fameuse politique de «reset» (redémarrage). Le diplomate a qualifié de «délire», l'accusation russe consistant à présenter la principale figure de l'opposition à Poutine, le blogueur Alexeï Navalny, comme un «projet américain».
«Délai de décence»
«Ici, il y a toujours un fond d'antiaméricanisme sur lequel le pouvoir s'appuie à sa convenance pour discréditer ses opposants», interprète Anatoli Aksakov, député de Russie juste. Serait particulièrement visé l'un des chefs de son parti, Sergueï Mironov, également candidat à la présidentielle contre Poutine.
Quelques jours après son arrivée à Moscou, McFaul avait invité à l'ambassade des représentants de Russie juste et de l'opposition non-parlementaire, dont le militant des droits de l'homme Lev Ponomarov. Ce jour-là, la télévision d'État NTV était en embuscade à l'entrée du bâtiment afin de traquer les opposants venus «chercher leurs instructions» chez McFaul. Depuis, les propagandistes du régime sont certains d'avoir identifié, à la Douma, des députés russes espions travaillant pour le compte de l'Occident, des États-Unis et du Royaume-Uni. Le député Alexandre Khinstein a réclamé une saisine officielle du FSB, afin que les services intérieurs russes enquêtent sur ces «cas» potentiels d'intelligence avec l'étranger.
McFaul a beau protester que ces rencontres avaient été organisées à la demande du sous-secrétaire d'État américain, William Burns, alors en visite à Moscou, les critiques continuent. Certains diplomates occidentaux soulignent que le nouvel ambassadeur aurait pu respecter un «délai de décence» avant de rencontrer l'opposition, histoire de ne pas provoquer Moscou en période électorale.
Alliés de circonstance
À sa décharge, Michael McFaul n'est pas un diplomate de carrière. Il manie Twitter plus facilement que les télégrammes diplomatiques. À la différence de son prédécesseur, le très professionnel John Beyrle, dont le père avait servi aux côtés de l'Armée rouge au moment de la Seconde Guerre mondiale, McFaul, lui, a fait ses classes sur le terrain, comme sociologue au moment de la «perestroïka», lorsque la Russie accomplissait sa révolution post-soviétique.
À cette époque, McFaul aida à financer les mouvements d'opposition antisoviétiques, dont certains anciens responsables combattent aujourd'hui le régime de Poutine. «Une révolution inachevée», concluait le chercheur américain dans un ouvrage publié en 2001: un titre qui suffit à hérisser les faucons du Kremlin! En contrepoint des multiples amitiés qu'il a nouées, notamment avec le militant Lev Ponomarov, McFaul s'est fait de nombreux ennemis en Russie. Figure dans cette liste l'éternel dirigeant nationaliste Vladimir Jirinovski, lui aussi candidat à la présidentielle de mars prochain et soupçonné d'avoir commandité, en 1994, une attaque contre le jeune sociologue américain.
L'ambassadeur garde aussi des alliés de circonstance, comme le président de la commission des affaires étrangères de la Douma, Alexeï Pouchkov, qu'il a connu dans les think-tanks américains. Avant son arrivée à Moscou, Pouchkov avait qualifié son ami de «colombe», avant de devoir s'aligner, une fois la polémique lancée, sur le discours antiaméricain ambiant. McFaul espère séduire le peuple russe grâce à sa vaste connaissance du pays et à son activisme sur les réseaux sociaux. Quant à séduire Vladimir Poutine, cela promet d'être une autre paire de manches.
By Figaro