Traduction mot à mot de pensées coutumières et quotidiennes qui expliquent l’état d’esprit de tout d’un peuple qui semble s’être fâché à jamais avec la responsabilité, le sérieux, l’intelligence du nécessaire travail bien fait, le respect de l’autre, de la vie, du bien commun etc. Mais un peuple qui paraît n’avoir d’yeux que pour la ruse, la tromperie, le mensonge, la veulerie, le laxisme, l’irresponsabilité, en un mot et en mille ! A l’image de ses dirigeants ! N’a-t-on pas en définitive, les guides qu’on mérite ? Certains accidents ne peuvent se produire que chez nous. Avouez que l’exemple d’un transport en commun bondé qui perd en cours de route non pas ses voyageurs, mais sa carrosserie pour ne conserver que son châssis est une marque jalousement déposée sénégalaise ! Ou encore un train de marchandises qui sème sur les rails, non pas son fret, mais ses passagers. On peut multiplier les exemples par cent, mille, voire par centaine de milles, il en restera toujours. Voilà six ans déjà que sombrait par une nuit sans étoile, au sortir de l’embouchure et aux larges des côtes gambiennes, le bateau « Le Joola ». Près de 2000 victimes périrent ainsi dans les eaux froides et traîtresses de l’Océan Atlantique. Leurs cris de détresse, sans échos, furent engloutis et étouffés par l’immensité de la mer. On ne vint point à leur secours, occupé à ripailler et à courir les honneurs que l’on était dans la capitale. Le « Joola » qui a coulé assurait la liaison maritime Dakar-Ziguinchor. Un véritable cordon ombilical qui participait au désenclavement de la région méridionale du pays et à l’essentiel de son économie, mais qui a causé son « dépeuplement » physique et intellectuel en tuant, en un jour, en un lieu, tant d’innocentes et prometteuses personnes, comme nul ne l’a fait, même pas le conflit armé, qui ensanglante la région et qui en était à sa vingtième année au moment du drame. Six ans, même si les Sénégalais n’ont pas oublié, ils ont renoué, les premiers moments d’émotion passés, les premières auto flagellations consommées, avec leurs vielles habitudes. Ils ont retrouvé aussi tranquillement, comme si rien ne s’était jamais passé, leur laxisme, leur indifférence, leur douillet fatalisme. « Ndogolu yalla la » : c’est la main de Dieu. On pouvait flegmatiquement passer à autre chose en attendant un autre Joola et le temps d’un hypocrite sanglot, enterrer 2000 autres victimes de notre criminelle irresponsabilité. Faut-il y ajouter une impunie irresponsabilité ? Le 7 août 2003, le Procureur de la Cour d’Appel de Dakar n’annonçait-il pas à la surprise générale, que le Ministère public a pris la décision de classer sans suite pénale le dossier du naufrage du « Joola » ? Tous ceux qui n’entendaient point se résigner ou se remettre seulement au Seigneur des êtres et des choses pour solde de tout compte du fardeau de nos turpitudes et qui espéraient que les responsabilités seraient clairement et juridiquement situées, les fautifs sanctionnés, étaient désappointés. Le Parquet général, pour sa part, attribuait l’entière et la totale responsabilité du naufrage au commandant du « Joola », le pauvre « disparu » Issa Diarra. « Les causes essentielles de cette tragédie ont consisté dans la surcharge de passagers et le tumulte à bord et vers un seul côté provoqué par la tempête, ce qui a entraîné le retournement du bateau, engagent la responsabilité du commandant à qui il incombe seul, la décision d’appareiller, à l’exclusion de toute autre personne impliquée dans l’exploitation du bateau. Il est évident que compte tenu de la surcharge avérée, il lui appartenait de refuser d’appareiller comme le ferait tout commandant de bord qui se conforme à la réglementation ». « Le commandant du bateau faisant partie des personnes disparues, l’action publique doit être considérée comme éteinte à son égard, ce qui, au vu de l’article 6 du Code de procédure pénale, conduit le ministère public à la décision de classement sans suite du dossier au plan pénal » ... Quelle hérésie judiciaire se sont exclamés plusieurs praticiens heurtés ! S’étant certainement rendues compte qu’elles avaient obtenu plus qu’elles n’avaient demandé d’une certaine justice prompte à satisfaire les moindres désirs du prince et qu’elles risquaient par conséquent de choquer davantage l’opinion traumatisée, les autorités s’étaient reprises après l’ahurissante décision de la Justice de classer sans suite pénale le dossier judiciaire du naufrage du « Joola ». Le chef de l’Etat offrait comme on procurait à la plèbe quelques jeux de cirque pour apaiser sa colère, quelques sanctions administratives et disciplinaires, pourtant promises depuis presque onze mois ! Certaines de ces sanctions muèrent même en promotion au grand bonheur des… fautifs !
Six ans après on se pose encore la question de savoir pourquoi la Justice Sénégalaise n’a pas retenu ces fautes et n’a pas jugé leurs responsables ? Tous les observateurs ainsi que les membres des familles de victimes de toutes les nationalités concernées étaient et restent d’avis que les fautifs relevaient d’homicides et de blessures involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité, et défaut d’assistance à personne en péril. C’était sans compter avec le maslaha sénégalais, notre insouciance, notre indolence légendaire. Notre capacité de se défausser.
Par ailleurs, on apprenait hier jeudi 25 septembre d’un communiqué de M. le procureur général de la Cour d’Appel de Dakar, qu’un mandat d’arrêt international était lancé depuis le 22 septembre contre Jean Wilfried Noël, juge d’instruction du Tribunal de Grande instance d’Evry (France) par le Doyen des juges d’instruction du tribunal hors classe régional de Dakar. Un mandat qui « a entamé son processus d’exécution », précise le communiqué du parquet d’Appel.
Le crime du « petit » juge français : avoir lancé, le 12 septembre dernier, neuf mandats d’arrêts internationaux à l’encontre d’autant de personnalités sénégalaises dont l’ex-Premier ministre Mame Madior Boye pour leur responsabilité dans le naufrage du bateau le Joola qui avait fait 1864 morts dont 22 ressortissants français. 64 personnes avaient survécu.
Ainsi donc, la réaction des autorités politiques et judiciaires sénégalaises est coléreuse et veut faire dans la réciprocité. Convoque-t-elle pour autant des arguments de droit ? Simplement des arguments de droit ? A la question essentielle de savoir si la Justice française pouvait connaître du contentieux dont les faits se sont déroulés au Sénégal et les personnes poursuivies, de nationalité sénégalaise, on s’accorde à reconnaître que oui.
Et même, si l’on s’interroge, au regard de notre législation, sur la portée des mandats d’arrêt internationaux lancés contre des ressortissants sénégalais, des juristes affirment qu’en droit français, seule la qualité de Français de la victime directe de l’infraction commise à l’étranger attribue compétence aux lois et juridictions françaises.
Par conséquent, en l’espèce, les victimes françaises du Joola ne sont-elles pas habilitées à saisir les juridictions de leur pays pour constater l’infraction et en réparer les conséquences dommageables ? Assurément oui. Pourquoi dès lors autant d’émoi ? La qualité des mis en cause ? Oui, peut-être. Certainement même.
Mais en tout état de cause, on s’achemine incontestablement vers un procès du Joola en France, malgré la fébrilité du moment, côté sénégalais qui tente vaille que vaille d’entraîner le débat sur le terrain nationaliste et de fierté patriotique.
Un procès à Evry à défaut de Dakar, serait, six ans après, l’occasion peut être de faire, pour une fois, la lumière sur le Joola qui a coulé avec équipage, passagers, armes et bagages dans les ténèbres des eaux glauques de l’Océan Atlantique par une pluvieuse nuit de septembre, emportant dans les abysses de très chers concitoyens, parents, amis et alliés avec la bénédiction de notre populiste inconscience. Insouciants jusqu’au crime, les Sénégalais le sont incontestablement !
Mais jamais plus de Joola !
source sud quotidien
Six ans après on se pose encore la question de savoir pourquoi la Justice Sénégalaise n’a pas retenu ces fautes et n’a pas jugé leurs responsables ? Tous les observateurs ainsi que les membres des familles de victimes de toutes les nationalités concernées étaient et restent d’avis que les fautifs relevaient d’homicides et de blessures involontaires par violation manifestement délibérée d’une obligation de sécurité, et défaut d’assistance à personne en péril. C’était sans compter avec le maslaha sénégalais, notre insouciance, notre indolence légendaire. Notre capacité de se défausser.
Par ailleurs, on apprenait hier jeudi 25 septembre d’un communiqué de M. le procureur général de la Cour d’Appel de Dakar, qu’un mandat d’arrêt international était lancé depuis le 22 septembre contre Jean Wilfried Noël, juge d’instruction du Tribunal de Grande instance d’Evry (France) par le Doyen des juges d’instruction du tribunal hors classe régional de Dakar. Un mandat qui « a entamé son processus d’exécution », précise le communiqué du parquet d’Appel.
Le crime du « petit » juge français : avoir lancé, le 12 septembre dernier, neuf mandats d’arrêts internationaux à l’encontre d’autant de personnalités sénégalaises dont l’ex-Premier ministre Mame Madior Boye pour leur responsabilité dans le naufrage du bateau le Joola qui avait fait 1864 morts dont 22 ressortissants français. 64 personnes avaient survécu.
Ainsi donc, la réaction des autorités politiques et judiciaires sénégalaises est coléreuse et veut faire dans la réciprocité. Convoque-t-elle pour autant des arguments de droit ? Simplement des arguments de droit ? A la question essentielle de savoir si la Justice française pouvait connaître du contentieux dont les faits se sont déroulés au Sénégal et les personnes poursuivies, de nationalité sénégalaise, on s’accorde à reconnaître que oui.
Et même, si l’on s’interroge, au regard de notre législation, sur la portée des mandats d’arrêt internationaux lancés contre des ressortissants sénégalais, des juristes affirment qu’en droit français, seule la qualité de Français de la victime directe de l’infraction commise à l’étranger attribue compétence aux lois et juridictions françaises.
Par conséquent, en l’espèce, les victimes françaises du Joola ne sont-elles pas habilitées à saisir les juridictions de leur pays pour constater l’infraction et en réparer les conséquences dommageables ? Assurément oui. Pourquoi dès lors autant d’émoi ? La qualité des mis en cause ? Oui, peut-être. Certainement même.
Mais en tout état de cause, on s’achemine incontestablement vers un procès du Joola en France, malgré la fébrilité du moment, côté sénégalais qui tente vaille que vaille d’entraîner le débat sur le terrain nationaliste et de fierté patriotique.
Un procès à Evry à défaut de Dakar, serait, six ans après, l’occasion peut être de faire, pour une fois, la lumière sur le Joola qui a coulé avec équipage, passagers, armes et bagages dans les ténèbres des eaux glauques de l’Océan Atlantique par une pluvieuse nuit de septembre, emportant dans les abysses de très chers concitoyens, parents, amis et alliés avec la bénédiction de notre populiste inconscience. Insouciants jusqu’au crime, les Sénégalais le sont incontestablement !
Mais jamais plus de Joola !
source sud quotidien