«Dura lex, sed lex (la loi est dure, mais c’est la loi)». Cette assertion résume la teneur de l'argumentaire scientifique du constitutionnaliste Ameth Ndiaye sur le débat politico-juridique de la candidature de Me Wade à la présidentielle de 2012.
D’emblée, le Pr Ameth Ndiaye évacue ce qu'il appelle «un quiproquo malheureux : l’annonce de la candidature n’est pas la candidature». Et d'expliquer : «L’analyse combinée des dispositions de la Constitution et celles du Code électoral permet de relever le parcours encadrant la recevabilité de la candidature. Le droit de réclamation contre la liste des candidats ouvert à tout candidat, encadré par l’article LO.116 du Code électoral, permettra très certainement au Conseil constitutionnel, statuant sans délai, de dire le droit relativement à cette candidature».
Cette précision faite, le docteur en droit relève des «réticences juridiques face à la candidature annoncée du président sortant, Abdoulaye Wade».
De l'avis du Pr Ndiaye, «si on avait gardé intacts l’esprit et la lettre du Texte fondamental, le débat aurait eu plus d’épaisseur. En effet, on aurait pu penser que la proximité rédactionnelle fait de la durée du mandat et de la clause limitative de mandat deux s?urs siamoises, inséparables». Selon lui, «cette lecture aurait comme conséquence majeure de lier leur destin commun. Et, on serait dès lors fondé de penser que l’une ne va sans l’autre».
«Nous sommes fondés à asseoir notre thèse sur l’impossibilité juridique de la candidature de Wade»
Sur sa lancée, le constitutionnaliste souligne que «les partisans du président Wade, pour faire passer le quinquennat en septennat, vont user de subterfuges qui, au final, risquent de s’avérer fatals pour leur candidat». Et pour montrer que ce ne sont pas des formules empruntées, le Pr Ndiaye invite à la relecture du nouvel article 27 issu de la réforme constitutionnelle ramenant le mandat du président de la République au septennat d’avant alternance. «Celui-ci comporte désormais deux alinéas réaménagés, contrairement à la rédaction du texte issu du référendum de 2000. Le 1er alinéa dispose : 'La durée du mandat du président de la République est de cinq ans'. Le second alinéa serait ainsi libellé : 'Le mandat est renouvelable une seule fois. Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire». «On le voit bien les conséquences ne sont pas les mêmes selon que l’on envisage la première ou la seconde version. L’option retenue par le régime libéral du président Wade pour contourner la voie référendaire dressée sur son chemin par le Texte fondamental déploie des conséquences manifestement néfastes pour la candidature de leur tête de file en 2012».
Pour s’en convaincre, Ameth Ndiaye note qu'«il est utile de convoquer les dispositions éclairantes de l’article 104 du Titre XII consacré aux dispositions transitoires. À travers ses deux alinéas, cet article scelle la candidature annoncée du président actuellement en fonction. Les termes de son alinéa 1er nous permettent de mesurer l’étendue de la 'gaffe' des libéraux. Ils nous ont ainsi proposé : 'Le président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme'». «Peut-être faut-il rappeler que cette rédaction prend en considération la transition entre la Constitution du 7 mars 1963 et celle du 22 janvier 2001», précise-t-il.
«Pour briguer un troisième mandat, il est impératif pour Wade de solliciter le peuple souverain sénégalais»
En effet, poursuit le Pr Ndiaye, «le président Wade, élu sous le sceau de la Constitution, presque trentenaire de 1963, va exercer son magistère sous le couvert de la Constitution du 22 janvier 2001. À l’évidence, les rédacteurs de la nouvelle Constitution du Sénégal voulaient faire bénéficier au nouveau locataire du Palais présidentiel des vertus du temps en l’extrayant de la rigueur des nouvelles dispositions qui ramenait le mandat à cinq ans, en lieu et place du septennat issu de la loi constitutionnelle N°91-46 du 6 octobre 1991 portant révision de la Constitution». À l'en croire, «la finalité exclusive de l’alinéa 1er, de l’article 104, concernait la durée du mandat du président de la République sorti vainqueur des consultations électorales nationales du 19 mars 2000. L’emploi du nom masculin 'terme', (du latin terminus, borne), édifie sur la volonté des auteurs de la nouvelle Charte fondamentale sénégalaise». D’après le Larousse, explique-t-il, «cette notion désigne la fin, la limite, dans l’espace ou dans le temps». «S’adossant sur ce livre qui fait incontestablement autorité, nous sommes fondés à asseoir notre thèse sur l’impossibilité juridique de la candidature du président Wade aux élections présidentielles de 2012».
Un sentiment qui, selon lui, est fortifié à la lecture du second alinéa de l’article 104 : «Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables». C'est pourquoi le Pr Ndiaye indique que, «excepté la durée du mandat, qui elle bénéficie de la non-rétroactivité des dispositions de la Constitution de 2001, le président se voit soumis au nouveau Texte fondamental sénégalais». «Fort de tout cela, on est autorisé à penser que la seule voie de droit qui se propose au camp des tenants actuels du pouvoir, et non des moindres, se révèle être la voie référendaire. Pour briguer un troisième mandat, il est impératif pour le président Wade de solliciter, pour la quatrième fois, le peuple souverain sénégalais, en lui demandant la possibilité de passer outre le verrouillage constitutionnel limitant le nombre de mandats à deux». Ameth Ndiaye explique : «Wade a été élu en 2000 pour un premier mandat, il l’a été une seconde fois en février 2007. Juridiquement, son mandat a été renouvelé, et au regard du Texte fondamental susvisé, il ne peut l’être qu’une seule fois».
Il est «peu indiqué d’opérer un parallèle avec le cas du président Jacques Chirac»
À l’évidence, affirme-t-il, «ce débat aurait été épargné, si le constituant de 2000 avait immédiatement et entièrement appliqué la nouvelle Constitution au président Wade, sans aménager un 'îlot de non rétroactivité de la loi'». «Mais, à sa décharge, on peut comprendre les difficultés tenant à l’euphorie générale post-électorale. C’était peut-être trop faire confiance au nouveau régime. L’expérience africaine de la pratique du pouvoir aurait dû inciter le rédacteur de la Loi suprême à renforcer davantage son verrouillage».
Pour ceux qui pensent à «une perspective de droit comparé», le constitutionnaliste leur fait savoir qu'il est «peu indiqué d’opérer un parallèle avec le cas du président Jacques Chirac». «Durant plus de 130 ans, la fonction présidentielle en France a cheminé harmonieusement avec le principe de non-limitation de mandats». À l'en croire, «il a fallu que Nicolas Sarkozy-président réalise la promesse faite en 2003 par Nicolas Sarkozy-candidat pour que soit consacré, en des termes qui résonnent encore, le principe de la clause limitative de mandat». «L’article 6 issu de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 en livre une heureuse perception : «Nul ne peut être élu plus de deux fois consécutivement». Alea jacta est (le sort en est jeté)».
Jacques Ngor SARR le populaire
D’emblée, le Pr Ameth Ndiaye évacue ce qu'il appelle «un quiproquo malheureux : l’annonce de la candidature n’est pas la candidature». Et d'expliquer : «L’analyse combinée des dispositions de la Constitution et celles du Code électoral permet de relever le parcours encadrant la recevabilité de la candidature. Le droit de réclamation contre la liste des candidats ouvert à tout candidat, encadré par l’article LO.116 du Code électoral, permettra très certainement au Conseil constitutionnel, statuant sans délai, de dire le droit relativement à cette candidature».
Cette précision faite, le docteur en droit relève des «réticences juridiques face à la candidature annoncée du président sortant, Abdoulaye Wade».
De l'avis du Pr Ndiaye, «si on avait gardé intacts l’esprit et la lettre du Texte fondamental, le débat aurait eu plus d’épaisseur. En effet, on aurait pu penser que la proximité rédactionnelle fait de la durée du mandat et de la clause limitative de mandat deux s?urs siamoises, inséparables». Selon lui, «cette lecture aurait comme conséquence majeure de lier leur destin commun. Et, on serait dès lors fondé de penser que l’une ne va sans l’autre».
«Nous sommes fondés à asseoir notre thèse sur l’impossibilité juridique de la candidature de Wade»
Sur sa lancée, le constitutionnaliste souligne que «les partisans du président Wade, pour faire passer le quinquennat en septennat, vont user de subterfuges qui, au final, risquent de s’avérer fatals pour leur candidat». Et pour montrer que ce ne sont pas des formules empruntées, le Pr Ndiaye invite à la relecture du nouvel article 27 issu de la réforme constitutionnelle ramenant le mandat du président de la République au septennat d’avant alternance. «Celui-ci comporte désormais deux alinéas réaménagés, contrairement à la rédaction du texte issu du référendum de 2000. Le 1er alinéa dispose : 'La durée du mandat du président de la République est de cinq ans'. Le second alinéa serait ainsi libellé : 'Le mandat est renouvelable une seule fois. Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire». «On le voit bien les conséquences ne sont pas les mêmes selon que l’on envisage la première ou la seconde version. L’option retenue par le régime libéral du président Wade pour contourner la voie référendaire dressée sur son chemin par le Texte fondamental déploie des conséquences manifestement néfastes pour la candidature de leur tête de file en 2012».
Pour s’en convaincre, Ameth Ndiaye note qu'«il est utile de convoquer les dispositions éclairantes de l’article 104 du Titre XII consacré aux dispositions transitoires. À travers ses deux alinéas, cet article scelle la candidature annoncée du président actuellement en fonction. Les termes de son alinéa 1er nous permettent de mesurer l’étendue de la 'gaffe' des libéraux. Ils nous ont ainsi proposé : 'Le président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu’à son terme'». «Peut-être faut-il rappeler que cette rédaction prend en considération la transition entre la Constitution du 7 mars 1963 et celle du 22 janvier 2001», précise-t-il.
«Pour briguer un troisième mandat, il est impératif pour Wade de solliciter le peuple souverain sénégalais»
En effet, poursuit le Pr Ndiaye, «le président Wade, élu sous le sceau de la Constitution, presque trentenaire de 1963, va exercer son magistère sous le couvert de la Constitution du 22 janvier 2001. À l’évidence, les rédacteurs de la nouvelle Constitution du Sénégal voulaient faire bénéficier au nouveau locataire du Palais présidentiel des vertus du temps en l’extrayant de la rigueur des nouvelles dispositions qui ramenait le mandat à cinq ans, en lieu et place du septennat issu de la loi constitutionnelle N°91-46 du 6 octobre 1991 portant révision de la Constitution». À l'en croire, «la finalité exclusive de l’alinéa 1er, de l’article 104, concernait la durée du mandat du président de la République sorti vainqueur des consultations électorales nationales du 19 mars 2000. L’emploi du nom masculin 'terme', (du latin terminus, borne), édifie sur la volonté des auteurs de la nouvelle Charte fondamentale sénégalaise». D’après le Larousse, explique-t-il, «cette notion désigne la fin, la limite, dans l’espace ou dans le temps». «S’adossant sur ce livre qui fait incontestablement autorité, nous sommes fondés à asseoir notre thèse sur l’impossibilité juridique de la candidature du président Wade aux élections présidentielles de 2012».
Un sentiment qui, selon lui, est fortifié à la lecture du second alinéa de l’article 104 : «Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables». C'est pourquoi le Pr Ndiaye indique que, «excepté la durée du mandat, qui elle bénéficie de la non-rétroactivité des dispositions de la Constitution de 2001, le président se voit soumis au nouveau Texte fondamental sénégalais». «Fort de tout cela, on est autorisé à penser que la seule voie de droit qui se propose au camp des tenants actuels du pouvoir, et non des moindres, se révèle être la voie référendaire. Pour briguer un troisième mandat, il est impératif pour le président Wade de solliciter, pour la quatrième fois, le peuple souverain sénégalais, en lui demandant la possibilité de passer outre le verrouillage constitutionnel limitant le nombre de mandats à deux». Ameth Ndiaye explique : «Wade a été élu en 2000 pour un premier mandat, il l’a été une seconde fois en février 2007. Juridiquement, son mandat a été renouvelé, et au regard du Texte fondamental susvisé, il ne peut l’être qu’une seule fois».
Il est «peu indiqué d’opérer un parallèle avec le cas du président Jacques Chirac»
À l’évidence, affirme-t-il, «ce débat aurait été épargné, si le constituant de 2000 avait immédiatement et entièrement appliqué la nouvelle Constitution au président Wade, sans aménager un 'îlot de non rétroactivité de la loi'». «Mais, à sa décharge, on peut comprendre les difficultés tenant à l’euphorie générale post-électorale. C’était peut-être trop faire confiance au nouveau régime. L’expérience africaine de la pratique du pouvoir aurait dû inciter le rédacteur de la Loi suprême à renforcer davantage son verrouillage».
Pour ceux qui pensent à «une perspective de droit comparé», le constitutionnaliste leur fait savoir qu'il est «peu indiqué d’opérer un parallèle avec le cas du président Jacques Chirac». «Durant plus de 130 ans, la fonction présidentielle en France a cheminé harmonieusement avec le principe de non-limitation de mandats». À l'en croire, «il a fallu que Nicolas Sarkozy-président réalise la promesse faite en 2003 par Nicolas Sarkozy-candidat pour que soit consacré, en des termes qui résonnent encore, le principe de la clause limitative de mandat». «L’article 6 issu de la révision constitutionnelle du 23 juillet 2008 en livre une heureuse perception : «Nul ne peut être élu plus de deux fois consécutivement». Alea jacta est (le sort en est jeté)».
Jacques Ngor SARR le populaire