"Non pas du tout ! L'Islam que nous appliquons au Sénégal est cet Islam que le Prophète (Paix et Salut sur Lui) nous a laissé et qu'il avait transmis à toute la Oumma islamique. En quittant le monde, le Prophète avait dit : 'Taraktou fikoum ma in tamassaktoum bihi lan taa di lou : kitab'Allahi wa sounnati', c'est-à-dire : 'Je quitte ce monde en vous laissant deux éléments importants qui ne vous laisseront pas vous perdre si vous y tenez : ce sont le Coran et ma Sounna'. Autrement dit, ces extrémistes qui disent agir au nom de l'Islam en faisant des attaques sont des gens qui utilisent l'Islam uniquement comme leur cheval de bataille politique. Je voudrais dire plus exactement que ce qu'ils font, n'a rien à voir avec l'Islam. Comme vous le savez, l'Islam est une religion de paix et de cohabitation pacifique. Le Prophète (Psl), quand il a reçu la révélation à La Mecque et qu'il a commencé à prêcher, il y avait dans la péninsule arabique des chrétiens et des juifs. Il ne leur a pas demandé de laisser leur religion. Au contraire, quand il est allé à Médine, il a eu des entretiens fraternels et amicaux avec les chrétiens, juifs, etc. Le moment venu, il a permis aux chrétiens de célébrer la messe dans sa mosquée. Cela prouve que le dialogue ne date pas d'aujourd'hui. Le dialogue interreligieux, c'est l'Islam qui l'a d'abord prôné avec le Prophète Mouhammad (Psl) et ces chrétiens-là à Médine. Il voulait ainsi montrer que le Christianisme, l'Islam sont tous deux des religions révélées et que nous les musulmans, nous reconnaissons Jésus-Christ (Psl) comme prophète de Dieu. Tout ce qui se passe maintenant dans certains pays où des extrémistes se livrent au vandalisme ou provoquent les gens par la pratique de la violence, je voudrais dire que ces gens-là, n'agissent pas au nom de l'Islam".
'Nous sommes 95 % de musulmans et nous n'avons jamais fait jouer la loi du nombre. Par conséquent, le Sénégal donne un exemple patent au monde en ce qui concerne la tolérance et le caractère humain de l'Islam'
L'Islam a été agressé au Sénégal par le colon blanc. La grande bibliothèque de Pire a été incendiée. Malgré tout, Ahmed Bamba, Hadj Malick et les autres ont continué à enseigner la paix et une résistance culturelle pacifique. Pouvez-vous nous parler du rôle de ces marabouts dans la libération nationale ?
"Nos ancêtres ont joué un rôle historique en tant que dirigeants musulmans. Ils avaient subi beaucoup d'agressions de la part des Occidentaux, une forte agression culturelle. Pourtant, ils n'ont pas réagi en prenant des armes pour combattre le colonialisme. Ils se sont basés sur leur foi, le Coran et les enseignements du Prophète. Et les Blancs se sont rendu compte que nos guides religieux étaient invincibles parce qu'ils s'accrochaient à une foi inébranlable. C'est le cas de Cheikh Ahmed Bamba qui a été déporté au Gabon. C'est le cas de El Hadji Malick Sy qui, par sa plume et son enseignement, a résisté au colonialisme. C'est cette même méthode que d'autres ont appliquée jusqu'à ce que l'Islam soit sauvé. Et nous avons au Sénégal un exemple extraordinaire en ce qui concerne la tolérance de l'Islam. En effet, depuis l'indépendance jusqu'en 1980, le pays a été dirigé par un chrétien. De 1980 à l'an 2000, il a été dirigé par un président musulman dont la femme est chrétienne. Cela veut dire qu'ici, au Sénégal, les chrétiens qui sont extrêmement minoritaires, n'ont jamais subi d'agression de la part des musulmans. Nous sommes 95 % de musulmans et nous n'avons jamais fait jouer la loi du nombre. Par conséquent, le Sénégal donne un exemple patent au monde en ce qui concerne la tolérance et le caractère humain de l'Islam".
Quel regard portez-vous sur l'évolution de l'Islam au Sénégal ?
"L'Islam jouit d'une bonne situation au Sénégal. C'est une religion qui marche à grands pas. Et grâce aux confréries, il n'y a pas d'extrémisme au Sénégal. Il y a eu, certes, des tentatives de créer des mouvements islamistes, mais cela n'a pas réussi. D'un autre côté, il y a aussi un Islam folklorique. Il est donc nécessaire de mieux enseigner et de mieux connaître la religion pour ne pas faire des confusions. Les confréries ne sont pas là pour nous diviser, mais plutôt pour nous unir. Les grands érudits que nous avons connus et qui ont mis ces confréries en place, essayaient de rapprocher les musulmans les uns les autres, en les mettant sur la bonne voie, la voie de la solidarité, de la fraternité et de la coopération entre musulmans".
Coopération, solidarité, fraternité, avez-vous dit. Pourtant, notre pays est critiqué par rapport à la situation dégradante des talibés. En tant que responsable moral de l'Islam au Sénégal, vous êtes aussi interpellé...
"Vous avez parfaitement raison, la situation des talibés et la mendicité en général nous posent un grand problème. Un problème auquel on n'a pas encore trouvé une solution adéquate. L'Islam est contre la mendicité qui se pratiquait autrefois chez nous en tant qu'élément culturel qui contribuait à la formation de l'homme. On visait, à travers la mendicité, l'apprentissage des vertus de la modestie et de la simplicité au petit enfant. Aujourd'hui, la mendicité est devenue un système d'exploitation. Les marabouts ou les enseignants du Coran qui envoient les enfants dans la rue, les exploitent. On exploite ainsi l'enfant pour qu'il amène de l'argent aux marabouts et parmi ces derniers, beaucoup ne prodiguent pas un enseignement adéquat aux enfants dont ils ont la charge d'inculquer le savoir. C'est pourquoi, le gouvernement et les chefs religieux doivent prendre toutes les dispositions nécessaires pour combattre ce phénomène qui est en train de ternir notre image de marque. Je sais qu'il y a beaucoup de visiteurs ou de touristes qui hésitent à venir au Sénégal à cause de la mendicité".
'L'Islam est contre la mendicité qui se pratiquait autrefois chez nous en tant qu'élément culturel qui contribuait à la formation de l'homme. On visait, à travers la mendicité, l'apprentissage des vertus de la modestie et de la simplicité au petit enfant. Aujourd'hui, la mendicité est devenue un système d'exploitation'
Pourtant, le président Wade ou du moins son Premier ministre avait pris des mesures d'interdiction de la mendicité au Sénégal. Mais tout dernièrement, le président a déclaré au Forum de la renaissance qu'il ne peut pas faire la guerre aux marabouts. Que pouvez-vous lui conseiller ?
"J'étais à l'extérieur quand il y a eu ce débat sur l'interdiction de la mendicité. J'ai appris que c'était le Premier ministre qui avait pris l'initiative. Il fallait consulter les chefs religieux, car ces derniers sont également contre ce phénomène des talibés qui errent dans la rue. On avance même que la plupart de ces enfants de la rue ne seraient pas des Sénégalais et qu'ils viendraient de certains pays limitrophes. C'est donc de l'exploitation qu'il faut combattre. Il nous faudrait, peut-être, organiser des Assises spéciales consacrées à l'étude du problème de la mendicité et essayer de créer des écoles coraniques bien organisées et bien entretenues pour que les enfants ne soient plus exploités par des marabouts. Le président de la République a pris l'initiative de créer des daaras modernes. Il y en aura même ici à Pire. Dans ces daaras modernes, il est prévu l'enseignement aussi bien du Coran que du français et il y aura également de la formation professionnelle pour que le talibé qui en sort, puisse contribuer à la vie productive pour son bien personnel et pour le bien de sa communauté. Mais le phénomène des talibés est une question récurrente qu'il faut absolument combattre. Et pour trouver des solutions, nous avons besoin de la conjugaison de tous les efforts, celui des marabouts, du gouvernement et des populations".
Légende Photo: le Khalife de Pire recevant l'envoyé de l'Eglise Catholique.
El Hadji Gorgui Wade Ndoye, directeur de ContinentPremier.Com- Extraits de l'entretien exclusif publié ce jour en Une du quotidien privé Walfadjri de Dakar avec le Khalife de Pire, Serigne Moustapha Cissé de Pire, ancien Ambassadeur du Sénégal en Arabie Saoudite, ancien Conseiller spécial des Présidents Leopold Sedar Senghor et Abdou Diouf en charge du monde arabo-islamique.
'Nous sommes 95 % de musulmans et nous n'avons jamais fait jouer la loi du nombre. Par conséquent, le Sénégal donne un exemple patent au monde en ce qui concerne la tolérance et le caractère humain de l'Islam'
L'Islam a été agressé au Sénégal par le colon blanc. La grande bibliothèque de Pire a été incendiée. Malgré tout, Ahmed Bamba, Hadj Malick et les autres ont continué à enseigner la paix et une résistance culturelle pacifique. Pouvez-vous nous parler du rôle de ces marabouts dans la libération nationale ?
"Nos ancêtres ont joué un rôle historique en tant que dirigeants musulmans. Ils avaient subi beaucoup d'agressions de la part des Occidentaux, une forte agression culturelle. Pourtant, ils n'ont pas réagi en prenant des armes pour combattre le colonialisme. Ils se sont basés sur leur foi, le Coran et les enseignements du Prophète. Et les Blancs se sont rendu compte que nos guides religieux étaient invincibles parce qu'ils s'accrochaient à une foi inébranlable. C'est le cas de Cheikh Ahmed Bamba qui a été déporté au Gabon. C'est le cas de El Hadji Malick Sy qui, par sa plume et son enseignement, a résisté au colonialisme. C'est cette même méthode que d'autres ont appliquée jusqu'à ce que l'Islam soit sauvé. Et nous avons au Sénégal un exemple extraordinaire en ce qui concerne la tolérance de l'Islam. En effet, depuis l'indépendance jusqu'en 1980, le pays a été dirigé par un chrétien. De 1980 à l'an 2000, il a été dirigé par un président musulman dont la femme est chrétienne. Cela veut dire qu'ici, au Sénégal, les chrétiens qui sont extrêmement minoritaires, n'ont jamais subi d'agression de la part des musulmans. Nous sommes 95 % de musulmans et nous n'avons jamais fait jouer la loi du nombre. Par conséquent, le Sénégal donne un exemple patent au monde en ce qui concerne la tolérance et le caractère humain de l'Islam".
Quel regard portez-vous sur l'évolution de l'Islam au Sénégal ?
"L'Islam jouit d'une bonne situation au Sénégal. C'est une religion qui marche à grands pas. Et grâce aux confréries, il n'y a pas d'extrémisme au Sénégal. Il y a eu, certes, des tentatives de créer des mouvements islamistes, mais cela n'a pas réussi. D'un autre côté, il y a aussi un Islam folklorique. Il est donc nécessaire de mieux enseigner et de mieux connaître la religion pour ne pas faire des confusions. Les confréries ne sont pas là pour nous diviser, mais plutôt pour nous unir. Les grands érudits que nous avons connus et qui ont mis ces confréries en place, essayaient de rapprocher les musulmans les uns les autres, en les mettant sur la bonne voie, la voie de la solidarité, de la fraternité et de la coopération entre musulmans".
Coopération, solidarité, fraternité, avez-vous dit. Pourtant, notre pays est critiqué par rapport à la situation dégradante des talibés. En tant que responsable moral de l'Islam au Sénégal, vous êtes aussi interpellé...
"Vous avez parfaitement raison, la situation des talibés et la mendicité en général nous posent un grand problème. Un problème auquel on n'a pas encore trouvé une solution adéquate. L'Islam est contre la mendicité qui se pratiquait autrefois chez nous en tant qu'élément culturel qui contribuait à la formation de l'homme. On visait, à travers la mendicité, l'apprentissage des vertus de la modestie et de la simplicité au petit enfant. Aujourd'hui, la mendicité est devenue un système d'exploitation. Les marabouts ou les enseignants du Coran qui envoient les enfants dans la rue, les exploitent. On exploite ainsi l'enfant pour qu'il amène de l'argent aux marabouts et parmi ces derniers, beaucoup ne prodiguent pas un enseignement adéquat aux enfants dont ils ont la charge d'inculquer le savoir. C'est pourquoi, le gouvernement et les chefs religieux doivent prendre toutes les dispositions nécessaires pour combattre ce phénomène qui est en train de ternir notre image de marque. Je sais qu'il y a beaucoup de visiteurs ou de touristes qui hésitent à venir au Sénégal à cause de la mendicité".
'L'Islam est contre la mendicité qui se pratiquait autrefois chez nous en tant qu'élément culturel qui contribuait à la formation de l'homme. On visait, à travers la mendicité, l'apprentissage des vertus de la modestie et de la simplicité au petit enfant. Aujourd'hui, la mendicité est devenue un système d'exploitation'
Pourtant, le président Wade ou du moins son Premier ministre avait pris des mesures d'interdiction de la mendicité au Sénégal. Mais tout dernièrement, le président a déclaré au Forum de la renaissance qu'il ne peut pas faire la guerre aux marabouts. Que pouvez-vous lui conseiller ?
"J'étais à l'extérieur quand il y a eu ce débat sur l'interdiction de la mendicité. J'ai appris que c'était le Premier ministre qui avait pris l'initiative. Il fallait consulter les chefs religieux, car ces derniers sont également contre ce phénomène des talibés qui errent dans la rue. On avance même que la plupart de ces enfants de la rue ne seraient pas des Sénégalais et qu'ils viendraient de certains pays limitrophes. C'est donc de l'exploitation qu'il faut combattre. Il nous faudrait, peut-être, organiser des Assises spéciales consacrées à l'étude du problème de la mendicité et essayer de créer des écoles coraniques bien organisées et bien entretenues pour que les enfants ne soient plus exploités par des marabouts. Le président de la République a pris l'initiative de créer des daaras modernes. Il y en aura même ici à Pire. Dans ces daaras modernes, il est prévu l'enseignement aussi bien du Coran que du français et il y aura également de la formation professionnelle pour que le talibé qui en sort, puisse contribuer à la vie productive pour son bien personnel et pour le bien de sa communauté. Mais le phénomène des talibés est une question récurrente qu'il faut absolument combattre. Et pour trouver des solutions, nous avons besoin de la conjugaison de tous les efforts, celui des marabouts, du gouvernement et des populations".
Légende Photo: le Khalife de Pire recevant l'envoyé de l'Eglise Catholique.
El Hadji Gorgui Wade Ndoye, directeur de ContinentPremier.Com- Extraits de l'entretien exclusif publié ce jour en Une du quotidien privé Walfadjri de Dakar avec le Khalife de Pire, Serigne Moustapha Cissé de Pire, ancien Ambassadeur du Sénégal en Arabie Saoudite, ancien Conseiller spécial des Présidents Leopold Sedar Senghor et Abdou Diouf en charge du monde arabo-islamique.