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Mercredi 21 Août 2013

"Les Bonnes Feuilles": "La croyance et la conviction" de Denis Muzet (Par Lamine Souané)


Ce livre du sociologue des médias Dénis Muzet est le résultat d’enquêtes inédites sur l’impact du discours politique dans notre société médiatique marquée par l’existence d’individus considérés comme des « médiaconsommateurs ».



"Les Bonnes Feuilles": "La croyance et la conviction" de Denis Muzet (Par Lamine Souané)
Muzet, à travers une médiascopie, c’est-à-dire l’enregistrement des réactions à temps réels des auditoires, a donné l’occasion aux Muets du Sérail (ici, les citoyens lambda) de disséquer, par l’observation, les véritables ressorts de l’action politique et l’évolution du discours politique avec des études de cas significatives.

Aujourd’hui, le résultat est sans appel : « le discrédit frappe l’ensemble des paroles publiques, quelles qu’elles soient : politiques d’abord, mais aussi dans la foulée celle des patrons, jusqu’à celle des experts-eux-mêmes. Chaque discours est soupçonné de servir des intérêts catégoriels ou d’être acheté » (p.36). En effet, il existe une profonde crise de confiance débouchant sur une méfiance et même une défiance, surtout, envers les responsables politiques.

Au fond, ce livre constitue un éclairage sur des questions qui sont devenues une énigme : Peut-on encore convaincre ? Comment nos femmes et nos hommes politiques parviennent-ils à nous convaincre ? Quels sont les nouveaux moyens et les nouveaux champs de conviction ?
Autant de questionnements qui forment la trame essentielle de l’œuvre de Muzet et dont leur tentative de résolution met en évidence les ficelles de l’action politique, les astuces, les artifices et les ruses des personnalités politiques dans leur relation avec les citoyens. On y découvre avec stupéfaction que l’Agir a, maintenant, remplacé le Faire. L’Agir est « un acte ou un geste fort relayé par les médias et qui, grâce à eux, prend valeur de symbole ».

Ainsi, on peut saisir aisément ce que l’auteur appelle la « figure de l’éprouvé » qui est un phénomène de projection faisant du faible le héros devant les puissants par l’entremise des médias. Plus exactement, c’est le fait qu’un leader politique tente de susciter l’émotion de ses concitoyens, en racontant ses souffrances, ses malheurs et ses épreuves personnelles afin de bénéficier d’un courant de sympathie. Alors, les larmes d’Hillary Clinton lors des primaires démocrates en 2008, et tout récemment, chez nous, les larmes d’Idrissa Seck face aux journalistes du Groupe Futurs Médias ne constituent-elles pas une manifestation symbolique de la « figure de l’éprouvé » ?

De toute évidence, on note que l’attention des citoyens s’est déplacée vers l’émotionnel, la forme et les images de telle sorte qu’ils ne retiennent plus le contenu des messages des acteurs politiques. C’est ainsi que Muzet parle de « démémorisation ».

La conséquence immédiate qu’il faudrait tirer de tout cela est que les individus ne croient plus aux paroles politiques et le discours politique n’est plus convaincant. Cela se manifeste par la banalité du vote (qui est pourtant un acte sérieux) et par l’abstentionnisme. Selon l’auteur, l’abstention est absence. Car voter n’a de sens que si l’on croit en quelqu’un qui porte une idée. Et c’est ce qui fait cruellement défaut.

Finalement, la plupart des abstentionnistes justifient leur attitude en déclarant avec désolation qu’il manque «Un élan… Quelqu’un qui devrait faire preuve de pragmatisme en donnant de l’espérance et affirmer une fermeté… Un personnage capable de prouver sa valeur par l’action et le mouvement, et de tracer une voie » (p.64).

N’est-ce pas là une réelle attente ou du moins une manière sublime de secouer vigoureusement nos dirigeants politiques ?


Lamine Souané






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