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Les Etats d’Afrique noire se doivent d’intervenir au Mali

Rédigé par leral.net le Lundi 17 Septembre 2012 à 13:42 | | 0 commentaire(s)|

La communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO) se doit d’intervenir au nord Mali au nom de l’identité culturelle pour défendre les sites culturels de Tombouctou classés patrimoine mondial de l’Humanité mais également au nom de la stabilité géopolitique des pays du Sahel. Des risques de « sahélistan », en faisant un parallèle avec l’ Afganistan, menacent les Etats situés au Sahel comme le Sénégal ou la Mauritanie.


Les Etats d’Afrique noire se doivent d’intervenir au Mali
Tombé en fin mars aux mains des Touaregs du mouvement national pour la libération de l’Azawad (MNLA) et des intégristes salafistes d’Ansar Eddine, alliés à des combattants d’Al Quaida au Maghreb islamique ( AQMI), quatre sites classés patrimoine mondial de l’UNESCO sont menacés . Il s’ agit de Tombouctou , de la la tombe d’Askia Mohammed (haut lieu de l’empire Tsongai du XVe siècle), de la vieille ville de Djenné et des falaises de Bandiagara en pays Dogon. C’est la sauvegarde d’un des patrimoines culturels les plus prestigieux de l’Afrique qui est en jeu.
Tombouctou a été fondée au XIIe siècle et a joué un rôle essentiel dans l’expansion de l’islam en Afrique. Trois mosquées (Sidi Yahia, Djingareyber et Sankoré) ainsi que seize mausolées dédiés aux saints soufis constituent des sites classés par l’UNESCO patrimoine mondial de l’Humanité depuis 1948. Cette partie de l’Afrique a connu l’ apogée de l’Empire du Mali avec l’empereur Soundiata Keita. Une partie de l’Empire du Ghana s’étendait aussi jusque là. La ville de Tombuctou incarne un mélange de cultures. Il n’y a pas que des monuments historiques mais également des musées, des manuscrits qui datent de l’apogée de Tombouctou du XIIe au XVe siècle. Les 333 saints de Tombouctou sont vénérés partout en Afrique.
Depuis l’occupation du nord Mali en fin mars, les intégristes d’Al Quaida au Maghreb islamique ont procédé à la destruction de sept mausolées et ont commencé à détruire la grande mosquée Sidi Yahia. Seuls quelques dizaines de milliers de manuscrits dont
certains datent de l’ère pré -islamique ont réussi à être sauvés par les autorités maliennes.
Comme l’a dit la Directrice générale de l’Unesco Mme Irina Bokova (Le Monde du 4 août 2012) : « Les destructions au Mali hypothèquent l’avenir de l’Afrique. …La culture est l’ ultime énergie renouvelable . Quand tout le reste est détruit, c’ est elle qui donne à un peuple la force de se reconstruire. Ceux qui s’ en prennent aux mausolées de Tombouctou, comme les talibans qui ont détruit les Bouddhas de Bamiyan en Afghanistan en 2001, savent exactement où frapper , au cœur des idendités .» L’enjeu est la défense de l’identité culturelle de l’Afrique, fondement de tout développement économique futur. La mondialisation économique a besoin d’un supplément d’âme par le biais de la culture, l’Afrique peut y contribuer. La balkanisation des Etats africains , peu viables sur le plan économique mondial ,a besoin d’être relayée par un processus d’intégration continentale.
Mais ce ne sont pas seulement les biens culturels qui sont menacés, de nombreuses exactions sur les populations locales ont également été commises : viols collectifs, lapidations à mort de couples non mariés au nom de la charia, expropriation de biens et de domaines fonciers.
Avec la venue de la sécheresse, une grande partie des troupeaux est menacée de disparition par la sécheresse, en raison de manque de nourriture.
C’ est aussi un mode de vie, une culture qui sont menacés par l’ imposition d’ un islam extrémiste, contraire à l’ islam ouvert et modéré des populations locales.
La situation sanitaire des populations est devenue déplorable. Elles survivent grâce à l’ action humanitaire des organisations non gouvernementales européennes.
Raison pour laquelle une intervention militaire de la CEDEAO s’avère urgente. Un appui logistique de la France est la bienvenue. Mais c’est aux africains de régler eux-mêmes leurs problèmes. Des puissances régionales comme l’Afrique du Sud, le Nigéria et certains pays pétroliers riches comme le Gabon, l’Angola, le Congo-Brazzaville, peuvent participer à l’effort financier. Les risques de contagion à partir du nord Mali menacent tous les pays du Sahel et tous les ingrédients d’un « sahélistan », en faisant un parallèle avec l’Afghanistan sont en train de se rassembler. Au niveau géopolitique, d’autres pays voisins comme l’Algérie, et à moyen terme la France, risquent d’être menacés par les mouvements intégristes armés par Al Quaida au Maghreb. Pour preuves, les nombreuses prises d’ otages de ressortissants européens.
D’ailleurs, le silence de certains pays du Maghreb comme l’Algérie semble inquiétant.

Les possibilités d’un dialogue avec le mouvement touareg (MNLA) ne peuvent être envisagées qu’ultérieurement (décentralisation et autonomie culturelle). Mais les terroristes d’Al Quaida doivent être étouffés dans l’œuf.
D’ailleurs, le Ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, a déclaré le 4 août, « qu’une intervention militaire africaine est souhaitable et inéluctable. (…) Que la France la soutiendra…. La France n’ a pas à prendre une initiative militaire au Mali… Elle souhaite que ce soient les forces africaines , en particulier celles de la CEDEAO et éventuellement de l’ Union africaine, qui prennent l’ initiative. C’ est le sens de la résolution votée par le Conseil de sécurité…. Sud- Ouest 5 août 2012 …. »
Les Etats-Unis peuvent aussi participer au soutien logistique.
C’est toute la sous-région qui est menacée. La résolution votée par le Conseil de sécurité fournit un fondement juridique au sens du droit international pour justifier une intervention militaire (référence à la notion de guerre juste, selon la doctrine du juriste Grotius).
L’Union Africaine aussi, comme instance supra-nationale doit s’ engager davantage
. Selon certaines sources, la CEDEAO est disposée à envoyer une force d’environ 3300 soldats pour aider l’armée malienne. Les autorités maliennes doivent aussi prendre leurs responsabilités et parler d’une seule voix. Mais une intervention logistique s’avère urgente. Selon certains observateurs de l’ ONU , «  le plan présenté par les Africains au début du mois ne convainc pas à l’ ONU , il est trop vague , il manque encore la partie opérationnelle……Le Monde du 10 Août 2012 «  .
 Le temps presse car avec Al Quaida on ne négocie pas.
Pour la reconstruction d’une partie du patrimoine détruit au nord Mali, la résolution 2056 du Conseil de sécurité de l’ONU a fait mention d’un compte spécial approvisionné par des contributions volontaires depuis le 25 juillet et géré par le comité du patrimoine mondial.
Et le Sécretaire général de l’ ONU, Monsieur BAN Ki – Moon ne dit pas autre chose :
 « avec l’ afflux des djihadistes régionaux et internationaux, le nord du Mali est en train de devenir un sanctuaire pour les groupes terroristes et criminels… Le Monde 10 Aouût 2012…… »
Certains Etats africains pétroliers mais aussi des hommes d’affaires africains nantis du continent ou de la diaspora se doivent de contribuer à cet effort financier. Il s’agit de reconstruire une partie de l’identité culturelle africaine menacée.
Comme le disait le grand juriste sénégalais Kéba M’Baye : « L’Afrique doit attendre tout (…) et de l’Afrique d’abord (…)» Tel est le défi de la mondialisation à de l’ère des grandes intégrations régionales pour peser dans les décisions internationales. L’Afrique y est cruellement absente.

Tom Amadou SECK, Docteur en droit, enseignant à la faculté de droit de Reims, Université Champagne –Ardennes, France.