Nous avions aussi vu des joueurs accessibles, humbles, respectueux de leurs supporters. Il n’y a pas eu de maillots lancés à une foule en délire, ni d’autographes signés le casque bien vissé dans les oreilles et le mp3 à fond les ballons. Non, c’était un moment très convivial où les joueurs contents de se voir soutenus, parlaient des bonnes résolutions en cours dans la tanière. Ce jour-là, à Blois, j’avais aimé retrouver mon équipe nationale loin du bling-bling de la génération 2002 qui nous a valu tant de fierté, mais qui le succès venant, s’était fourvoyée dans des chemins de travers. Cette équipe de 2002 qui a emmené notre football à des sommets inespérés restera finalement dans l’histoire comme celle…qui n’aura rien gagné. Le constat est un peu trivial, j’en conviens. C’est déjà énorme de nous avoir qualifié pour la première fois à une coupe du monde. Mais je suis l’un des fous (pas si rares que cela) à penser que l’obstacle turc aurait pu, aurait dû être passé. Et qui sait ce qui serait advenu ? Mais le plus triste, c’est cette coupe d’Afrique que nous avons perdu d’un rien face au Cameroun. Je me souviens avoir discuté avant la Can 2002 avec un des Lions qui évoluait à l’époque à Rennes. Je lui avait demandé s’il n’avait pas peur qu’une génération aussi talentueuse ne gagne finalement rien en termes de palmarès. Il m’avait alors répondu que la peur n’existait pas dans leur vocabulaire et qu’ils allaient réaliser des choses que personne n’avait réalisées. Il avait peut-être raison, mais à l’arrivée, en regardant le palmarès de cette génération, que ce soit en sélection ou en club, on retrouve « une coupe de la ligue française, une coupe de la ligue anglaise, un titre de champion de France » et c’est à peu près tout. Pour toute cette génération. Le seul Samuel Eto’o a gagné plus de trophées que l’ensemble de l’équipe du Sénégal réunie. Cela est assez édifiant.
Il faut identifier les erreurs qui avaient commises avec la génération 2002 et les éviter. Qu’est-ce qui nous a été fatal ? D’abord, la façon dont les hyènes s’étaient jetés sur le gâteau « Lions de la Téranga » dès la qualification au Mondial. Elles avaient continué de plus belle après la coupe du monde. L’argent qui devait servir à structurer notre football avait été dilapidé, les joueurs qui devaient être encadrés et mobilisés pour d’autres échéances avaient été starisés et avaient presque tous attrapé le melon, oubliant le degré d’exigence du football de haut niveau. On connaît la suite. Ils resteront un beau souvenir pour les sportifs du monde entier, mais ils n’auront aucun trophée à montrer à leurs arrière-petits-enfants. Ensuite, le complexe du « plafond de verre », cette propension du Sénégalais à se prendre pour le roi du monde dès l’instant qu’il a réalisé une performance notoire. Chose qui attenue son degré d’exigence et sa volonté de tendre vers l’excellence. Bu fi yémoon sax mu néex !
Bis repetita
Malheureusement, l’histoire risque de se répéter. L’équipe de football du Sénégal a retrouvé des couleurs et déjà les marchands du temple reviennent. Cela a commencé avec un président qui n’a pas parlé football depuis je-ne-sais-quand et qui comme à son habitude veut profiter de l’embellie de notre football pour (re)lier son destin à celui du « Sénégal qui gagne ». Les sponsors aussi (re)commencent à affluer. Les généreux donateurs vont (re)commencer à agiter des millions qui iront je ne sais où, la fédération va encore vendre son âme et l’équipe va être entrainée dans des futilités mondaines, au lieu de se concentrer sur ses objectifs. Les journalistes vont commencer à se muer en laudateurs, espérant un maillot par-ci, un vingt euros par-là, oubliant ainsi de rappeler aux joueurs leurs devoirs de performance, la cohorte d’admirateurs et d’admiratrices va grossir, les nouveaux sites Internet et les pages de réseaux sociaux consacrés aux Lions vont encore fleurir. Tout cela risque de mener l’équipe à sa perte. Mais face à ces dangers, les joueurs eux-mêmes détiennent la clé.
Qu’ils ne perdent pas les valeurs d’humilité et de respect du maillot que j’avais entr’aperçues à Blois. Qu’ils sachent qu’ils ne font que passer et que l’équipe nationale reste. Jouer pour son pays, ce n’est pas se comporter en voyou, refuser la critique, « marabouter » ses coéquipiers, écumer les boîtes de nuit de Dakar et j’en passe. On vient donner un peu de plaisir à des gens qui n’ont pas beaucoup d’occasion d’en avoir au quotidien. On ne doit pas se permettre dans la tanière ce qu’on ne se permet pas en club ou ce qu’on ne se permettrait pas si on jouait pour l’équipe de France, par exemple. Vos entraineurs, votre staff peuvent gagner moins d’argent que vous, mais ce sont des représentants de la nation, pas vos employés. Respectez-les. On peut acheter des journalistes, un staff, on peut impressionner des individus avec des voitures et des gadgets de luxe, on n’achète pas la conscience d’un peuple, on n’impressionne pas l’histoire. La seule manière que vous aurez de rester positivement dans l’histoire, ce sont vos performances sur le terrain et l’image que vous donnez en dehors. Ayez de l’humilité mais aussi de l’ambition. On ne retient pas les seconds. Qui se souvient de Buzz Aldrin et Michael Colins? Peu de gens, comparés à ceux pour qui le nom de Neil Armstrong évoque à jamais le premier pas de l’homme sur la lune. L’équipe du Sénégal ne vous permettra pas directement d’enrichir votre compte en banque, mais elle peut vous permettre d’entrer dans les livres d’histoire si vous vous en montrez dignes.
Je connais quelques-uns d’entre vous qui composez l’ossature actuelle de l’équipe nationale du Sénégal et ce sont des garçons aux qualités humaines avérées. Mais je disais exactement la même chose d’un certain El Hadji Ousseynou Diouf pour l’avoir connu avant la Coupe du monde et revu après. J’espère que je ne dirais pas dans quatre ans, comme j’ai pu le faire avec El Hadji et certains de ses copains, « Putain ! ils ont changé ». Parce que malheureusement, cela voudrait aussi dire: « Putain ! ils n’ont rien gagné eux non plus ».
As Malick Ndiaye, New York, ehn2106 @columbia.edu
Il faut identifier les erreurs qui avaient commises avec la génération 2002 et les éviter. Qu’est-ce qui nous a été fatal ? D’abord, la façon dont les hyènes s’étaient jetés sur le gâteau « Lions de la Téranga » dès la qualification au Mondial. Elles avaient continué de plus belle après la coupe du monde. L’argent qui devait servir à structurer notre football avait été dilapidé, les joueurs qui devaient être encadrés et mobilisés pour d’autres échéances avaient été starisés et avaient presque tous attrapé le melon, oubliant le degré d’exigence du football de haut niveau. On connaît la suite. Ils resteront un beau souvenir pour les sportifs du monde entier, mais ils n’auront aucun trophée à montrer à leurs arrière-petits-enfants. Ensuite, le complexe du « plafond de verre », cette propension du Sénégalais à se prendre pour le roi du monde dès l’instant qu’il a réalisé une performance notoire. Chose qui attenue son degré d’exigence et sa volonté de tendre vers l’excellence. Bu fi yémoon sax mu néex !
Bis repetita
Malheureusement, l’histoire risque de se répéter. L’équipe de football du Sénégal a retrouvé des couleurs et déjà les marchands du temple reviennent. Cela a commencé avec un président qui n’a pas parlé football depuis je-ne-sais-quand et qui comme à son habitude veut profiter de l’embellie de notre football pour (re)lier son destin à celui du « Sénégal qui gagne ». Les sponsors aussi (re)commencent à affluer. Les généreux donateurs vont (re)commencer à agiter des millions qui iront je ne sais où, la fédération va encore vendre son âme et l’équipe va être entrainée dans des futilités mondaines, au lieu de se concentrer sur ses objectifs. Les journalistes vont commencer à se muer en laudateurs, espérant un maillot par-ci, un vingt euros par-là, oubliant ainsi de rappeler aux joueurs leurs devoirs de performance, la cohorte d’admirateurs et d’admiratrices va grossir, les nouveaux sites Internet et les pages de réseaux sociaux consacrés aux Lions vont encore fleurir. Tout cela risque de mener l’équipe à sa perte. Mais face à ces dangers, les joueurs eux-mêmes détiennent la clé.
Qu’ils ne perdent pas les valeurs d’humilité et de respect du maillot que j’avais entr’aperçues à Blois. Qu’ils sachent qu’ils ne font que passer et que l’équipe nationale reste. Jouer pour son pays, ce n’est pas se comporter en voyou, refuser la critique, « marabouter » ses coéquipiers, écumer les boîtes de nuit de Dakar et j’en passe. On vient donner un peu de plaisir à des gens qui n’ont pas beaucoup d’occasion d’en avoir au quotidien. On ne doit pas se permettre dans la tanière ce qu’on ne se permet pas en club ou ce qu’on ne se permettrait pas si on jouait pour l’équipe de France, par exemple. Vos entraineurs, votre staff peuvent gagner moins d’argent que vous, mais ce sont des représentants de la nation, pas vos employés. Respectez-les. On peut acheter des journalistes, un staff, on peut impressionner des individus avec des voitures et des gadgets de luxe, on n’achète pas la conscience d’un peuple, on n’impressionne pas l’histoire. La seule manière que vous aurez de rester positivement dans l’histoire, ce sont vos performances sur le terrain et l’image que vous donnez en dehors. Ayez de l’humilité mais aussi de l’ambition. On ne retient pas les seconds. Qui se souvient de Buzz Aldrin et Michael Colins? Peu de gens, comparés à ceux pour qui le nom de Neil Armstrong évoque à jamais le premier pas de l’homme sur la lune. L’équipe du Sénégal ne vous permettra pas directement d’enrichir votre compte en banque, mais elle peut vous permettre d’entrer dans les livres d’histoire si vous vous en montrez dignes.
Je connais quelques-uns d’entre vous qui composez l’ossature actuelle de l’équipe nationale du Sénégal et ce sont des garçons aux qualités humaines avérées. Mais je disais exactement la même chose d’un certain El Hadji Ousseynou Diouf pour l’avoir connu avant la Coupe du monde et revu après. J’espère que je ne dirais pas dans quatre ans, comme j’ai pu le faire avec El Hadji et certains de ses copains, « Putain ! ils ont changé ». Parce que malheureusement, cela voudrait aussi dire: « Putain ! ils n’ont rien gagné eux non plus ».
As Malick Ndiaye, New York, ehn2106 @columbia.edu