Gazette : Le Pr Ismaïla Madior Fall a affirmé que l’Assemblée nationale n’exerce aucun contre-pouvoir sur l’Exécutif. Vous êtes député à l’Assemblée, en quoi peut-on lui donner raison ?
Je peux nuancer un peu mais, avant de la faire, je dirai que sur le plan purement juridique, l’Assemblée nationale est effectivement un contre-pouvoir. Mais dans la pratique, on se rend compte que tel n’est pas le cas. C’est la manière de procéder des députés qui font que ces derniers ne peuvent pas réellement exercer le contre-pouvoir qui leur est dévolu. Je peux prendre le cas de certains textes qui ont été votés à l’Assemblée. Les députés n’étaient pas d’accord sur certains faits, mais compte tenu de l’appartenance à un groupe, c’est la discipline qui a prévalu. Ce qui fait que les députés ont des difficultés pour exercer le contre-pouvoir. L’autre problème réside dans le fait que les députés n’ont pas tout à fait les éléments qui leur permettent d’apprécier les projets de loi qui leur sont soumis. En ce moment, les gens votent parce qu’ils ne sont pas assez outillés soit par manque de formation adéquate ou d’éléments d’appréciation. Je citerai comme exemple les lois de règlement. Nous avons voté ces règlements sans pour autant posséder le rapport de la Cour des Comptes et le rapport relatif aux déclarations de conformité. Ce sont là des problèmes qui font que les députés ignorent les pouvoirs qui leur sont dévolus.
Voulez-vous dire que ces députés ignoraient avant de voter la loi de règlement qu’il fallait au préalable disposer de ces documents dont vous parlez tantôt ?
Bon, en principe, nous avons eu des séminaires avec la Cour des Comptes et lors de ces rencontres, les gens nous ont interpellés mais vous savez qu’on dispose d’une panoplie de documents remplis d’information et de sessions de formation. Il y a des éléments qui nous échappent au moment de la procédure du vote. Le fait qu’on appartient à un groupe nous induit en erreur. C’est l’un des problèmes que nous avons eus durant ces législatures. Parce que nous avons essayé de contrôler l’exécution du budget sur le terrain. Mais à mon avis, c’est vraiment en-deçà de l’espérance du peuple et des populations. On peut donc dire que lorsqu’on voyait les députés faire le tour du pays durant les vacances, ce n’était pas une façon d’aller en profondeur. Tout à fait. Contrairement à ce que pense l’opinion publique, nous avons voulu obtenir une Assemblée de rupture. Et dans cette Assemblée, on a eu beaucoup de cadres et on s’attendait à ce que les députés fassent un travail de profondeur tout en contrôlant l’exécution du budget. Je pense que pour faire ce travail, il faudrait éplucher complètement les budgets, ministère par ministère et voir la part qui est réservée au budget, aux investissements et au fonctionnement, les inventorier et aller sur place vérifier l’état d’exécution. Pour moi, c’était ça le contrôle. On a constaté que beaucoup de chantiers n’étaient pas inachevés. Et on avait toujours des explications insuffisantes : l’entrepreneur a abandonné le chantier ou le chantier était en faillite. On a un peu pêché à ce niveau, d’autant plus qu’on n’a pas fait un travail préparatoire très important avant d’aller sur le terrain.
Quand vous parlez de contrôle, cela veut dire que vous avez accès à un certain nombre de documents et de cadres qui acceptent de vous parlez. Est-ce-que c’est le cas ?
Oui justement, vous savez dans les ministères en théorie, tous les documents sont à la disposition des députés. Mais quand vous allez dans un ministère que vous ne connaissez pas, il vous est difficile de demander certains documents. En plus, il y a des renseignements que ceux qui n’exercent pas ce métier ne sont pas en mesure de vous fournir. Pour en disposer, il faudrait que les gens qui sont à la base acceptent de jouer le jeu. Vous savez, il y a des gens qui sont dans une administration où la plupart ne respecte pas les directives et ces derniers ne disent rien, de peur que le chef d’entreprise ou le ministre viennent dire que telle ou telle information divulguée dans la presse est le fait du personnel de l’entreprise. Cette personne qui essaye de préserver sa carrière refuse de dévoiler certaines choses. J’ai toujours demandé aux ministres qui vont sur le terrain de nous convier à leurs visites et de nous convoquer au Crd. Ainsi on pourra voir ce qui ne marche pas, surtout dans le domaine de l’enseignement. Durant toute la législature, on a été convié qu’une seule fois et tardivement. On ne peut pas être sur le terrain pour disposer des renseignements en cumulant des déficits. C’est le cas du département de Vélingara qui est confronté au déficit d’enseignants, de salles de classes et de fournitures scolaires. Tout cela, on ne l’a pas préparé pour pouvoir porter la revendication au niveau de l’Assemblée nationale. Ça constitue un manquement grave durant cette législature que nous sommes en train d’achever.
Toujours au cours de cette même rencontre, le Pr Ismaïla Madior Fall a estimé que nos députés étaient d’une certaine façon dans l’indigence. Partagez-vous cet avis ?
Tout à fait. L’idéal aujourd’hui c’est d’avoir un petit personnel qui nous permette d’ouvrir un bureau au niveau départemental. Et ce personnel serait chargé de recueillir un certain nombre de renseignements. Moi qui vous parle, je suis dans l’incapacité de me payer un chauffeur. Donc, vous imaginez que je ne peux pas me payer un bureau et d’avoir un ou deux agents et une secrétaire pour faire ce travail qui est d’une importance capitale. Cela m’aurait permis de dire aux gens qu’il y a un bureau à Vélingara. Tous ceux qui ont des revendications à faire dans le département auront un endroit où s’adresser. Ainsi au moment du vote du budget, j’ai des éléments à portée de main. Personnellement, je ne peux pas rester régulièrement à Vélingara parce qu’il y a des tâches qui m’incombent à Dakar. Mais ce serait l’idéal que les députés aient des bureaux dans les départements pour recueillir les complaintes des populations, les informations concernant l’exécution du budget et les doléances relatives à l’exécution du budget et à la législation. Parce que les populations peuvent demander à leur député de porter certains projets de loi. Cela ne se fait pas parce que nous ne disposons pas de moyens.
Hamidou SAGNA
Je peux nuancer un peu mais, avant de la faire, je dirai que sur le plan purement juridique, l’Assemblée nationale est effectivement un contre-pouvoir. Mais dans la pratique, on se rend compte que tel n’est pas le cas. C’est la manière de procéder des députés qui font que ces derniers ne peuvent pas réellement exercer le contre-pouvoir qui leur est dévolu. Je peux prendre le cas de certains textes qui ont été votés à l’Assemblée. Les députés n’étaient pas d’accord sur certains faits, mais compte tenu de l’appartenance à un groupe, c’est la discipline qui a prévalu. Ce qui fait que les députés ont des difficultés pour exercer le contre-pouvoir. L’autre problème réside dans le fait que les députés n’ont pas tout à fait les éléments qui leur permettent d’apprécier les projets de loi qui leur sont soumis. En ce moment, les gens votent parce qu’ils ne sont pas assez outillés soit par manque de formation adéquate ou d’éléments d’appréciation. Je citerai comme exemple les lois de règlement. Nous avons voté ces règlements sans pour autant posséder le rapport de la Cour des Comptes et le rapport relatif aux déclarations de conformité. Ce sont là des problèmes qui font que les députés ignorent les pouvoirs qui leur sont dévolus.
Voulez-vous dire que ces députés ignoraient avant de voter la loi de règlement qu’il fallait au préalable disposer de ces documents dont vous parlez tantôt ?
Bon, en principe, nous avons eu des séminaires avec la Cour des Comptes et lors de ces rencontres, les gens nous ont interpellés mais vous savez qu’on dispose d’une panoplie de documents remplis d’information et de sessions de formation. Il y a des éléments qui nous échappent au moment de la procédure du vote. Le fait qu’on appartient à un groupe nous induit en erreur. C’est l’un des problèmes que nous avons eus durant ces législatures. Parce que nous avons essayé de contrôler l’exécution du budget sur le terrain. Mais à mon avis, c’est vraiment en-deçà de l’espérance du peuple et des populations. On peut donc dire que lorsqu’on voyait les députés faire le tour du pays durant les vacances, ce n’était pas une façon d’aller en profondeur. Tout à fait. Contrairement à ce que pense l’opinion publique, nous avons voulu obtenir une Assemblée de rupture. Et dans cette Assemblée, on a eu beaucoup de cadres et on s’attendait à ce que les députés fassent un travail de profondeur tout en contrôlant l’exécution du budget. Je pense que pour faire ce travail, il faudrait éplucher complètement les budgets, ministère par ministère et voir la part qui est réservée au budget, aux investissements et au fonctionnement, les inventorier et aller sur place vérifier l’état d’exécution. Pour moi, c’était ça le contrôle. On a constaté que beaucoup de chantiers n’étaient pas inachevés. Et on avait toujours des explications insuffisantes : l’entrepreneur a abandonné le chantier ou le chantier était en faillite. On a un peu pêché à ce niveau, d’autant plus qu’on n’a pas fait un travail préparatoire très important avant d’aller sur le terrain.
Quand vous parlez de contrôle, cela veut dire que vous avez accès à un certain nombre de documents et de cadres qui acceptent de vous parlez. Est-ce-que c’est le cas ?
Oui justement, vous savez dans les ministères en théorie, tous les documents sont à la disposition des députés. Mais quand vous allez dans un ministère que vous ne connaissez pas, il vous est difficile de demander certains documents. En plus, il y a des renseignements que ceux qui n’exercent pas ce métier ne sont pas en mesure de vous fournir. Pour en disposer, il faudrait que les gens qui sont à la base acceptent de jouer le jeu. Vous savez, il y a des gens qui sont dans une administration où la plupart ne respecte pas les directives et ces derniers ne disent rien, de peur que le chef d’entreprise ou le ministre viennent dire que telle ou telle information divulguée dans la presse est le fait du personnel de l’entreprise. Cette personne qui essaye de préserver sa carrière refuse de dévoiler certaines choses. J’ai toujours demandé aux ministres qui vont sur le terrain de nous convier à leurs visites et de nous convoquer au Crd. Ainsi on pourra voir ce qui ne marche pas, surtout dans le domaine de l’enseignement. Durant toute la législature, on a été convié qu’une seule fois et tardivement. On ne peut pas être sur le terrain pour disposer des renseignements en cumulant des déficits. C’est le cas du département de Vélingara qui est confronté au déficit d’enseignants, de salles de classes et de fournitures scolaires. Tout cela, on ne l’a pas préparé pour pouvoir porter la revendication au niveau de l’Assemblée nationale. Ça constitue un manquement grave durant cette législature que nous sommes en train d’achever.
Toujours au cours de cette même rencontre, le Pr Ismaïla Madior Fall a estimé que nos députés étaient d’une certaine façon dans l’indigence. Partagez-vous cet avis ?
Tout à fait. L’idéal aujourd’hui c’est d’avoir un petit personnel qui nous permette d’ouvrir un bureau au niveau départemental. Et ce personnel serait chargé de recueillir un certain nombre de renseignements. Moi qui vous parle, je suis dans l’incapacité de me payer un chauffeur. Donc, vous imaginez que je ne peux pas me payer un bureau et d’avoir un ou deux agents et une secrétaire pour faire ce travail qui est d’une importance capitale. Cela m’aurait permis de dire aux gens qu’il y a un bureau à Vélingara. Tous ceux qui ont des revendications à faire dans le département auront un endroit où s’adresser. Ainsi au moment du vote du budget, j’ai des éléments à portée de main. Personnellement, je ne peux pas rester régulièrement à Vélingara parce qu’il y a des tâches qui m’incombent à Dakar. Mais ce serait l’idéal que les députés aient des bureaux dans les départements pour recueillir les complaintes des populations, les informations concernant l’exécution du budget et les doléances relatives à l’exécution du budget et à la législation. Parce que les populations peuvent demander à leur député de porter certains projets de loi. Cela ne se fait pas parce que nous ne disposons pas de moyens.
Hamidou SAGNA