En 2002, les grandes communes comme Dakar, Pikine, Guédiawaye, Kaolack, Fatick, Diourbel, Saint-Louis, Louga… étaient libérales. Les résultats de 2009 ont inversé la tendance puisque, ces communes et bien d’autres, sont contrôlées par l’opposition regroupée autour de la coalition Benno Siggil Senegaal. Inversement, le Pds et ses alliés (coalition Sopi 2009) ont pratiquement raflé la mise dans les communautés rurales.
Il nous a paru intéressant de regarder ces résultats sous plusieurs angles et sous trois échelles (communes - urbain -, communautés rurales - rural - et région - globale). Les résultats des élections locales du 22 mars 2009 ont une résonnance politique, socio-économique et culturelle.
La répartition du vote :
Les chiffres obtenus concernant le nombre total de votants lors des élections locales du 22 mars montrent que la Coalition Sopi 2009 détient plus de votants que les autres coalitions et partis en lice. Sur un total de 2. 109. 498 suffrages valablement exprimés, la Coalition Sopi a obtenu 970. 220 voix. La Coalition Sopi a bénéficié donc de 48,55 % des suffrages exprimés. Ce qui la place nettement devant ses adversaires en termes de suffrages obtenus. La Coalition Benno Siggil Senegaal occupe la deuxième place avec un nombre total de voix obtenues de 586. 651 soit 27,81 % des suffrages. La Coalition Dekkal Ngor avec 50. 417 voix obtient 2,39 % de l’électorat. Ensuite, la Coalition And Liggey Senegaal avec 46. 620 voix arrive en quatrième position, et obtient 2,21 % des suffrages valablement exprimés.
Au vu des résultats totaux obtenus par les coalitions et partis ayant participé aux élections, on observe que la Coalition de la mouvance présidentielle a perdu des collectivités locales, en termes de voix obtenues, par rapport aux élections locales de 2002.
Pour ces dernières élections régionales, municipales et rurales, la coalition Sopi n’a pu obtenir que 48,55 % des voix. Les listes concurrentes (opposition et ceux appartenant à la mouvance présidentielle et non investis), quant à elles, ont enregistré 51,45 % des suffrages.
Partiellement, et pour ne s’en référer qu’aux coalitions les plus représentatives, Benno Siggil Senegaal réalise un score de 27,81%, Dekkal Ngor 2,39%, And Liggey Senegaal 2,21%. Le 22 mars 2009, un peu plus de 50 % des inscrits ont voté.
Le vote dans les communes
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Les résultats obtenus lors des élections locales du 22 mars 2009 montrent une nette victoire de la Coalition Sopi 2009 qui gagne presque 54% des communes sur les 104 que compte le Sénégal. La Coalition Benno Siggil Senegaal vient en deuxième position avec 25% des communes, suivie de And Liggey Senegaal (6,7%), And-Jëf/PADS (3,8%), Dekkal Ngor (2,8%), Takku Défarat Senegaal (1,9%), PR (1,9%). Les autres partis ou coalitions de partis (ayant gagné, au moins, une commune) sont l’UC, le PSDS, le PSA et Penco.
Au vu des résultats des dernières élections locales de 2002, on constate que la Coalition Sopi a perdu les grands centres urbains. Comme nous l’indique cette carte des résultats électoraux du Sénégal des communes, la partie Ouest du Sénégal, où se concentre plus de 70% de la population et plus de 60% des communes les plus peuplées (Dakar, Pikine, Guédiawaye, Diourbel, Kaolack, Fatick, Mbour, Louga, Saint-Louis…), est gagnée par l’opposition et, plus particulièrement, la coalition Benno Siggil Senegaal.
b[Le vote dans les communautés rurales
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Nous constatons nettement la victoire de la Coalition Sopi 2009 qui a raflé 237 communautés rurales sur les 370 que compte le Sénégal, dont la plupart se situent dans les parties sud, centre, sud-est, et nord. Ce qui représente 64% des communautés rurales. Pour preuve, Sopi 2009 a raflé toutes les communautés rurales de la Région de Kédougou et du Département de Tambacounda. Cette coalition est également arrivée en tête sur la majeure partie des communautés rurales des Régions de Kaffrine, Kolda, Sédhiou, Ziguinchor, Louga et Saint-Louis. La Coalition Benno Siggil Senegaal, elle, a obtenu 91 communautés rurales parmi lesquelles l’une des deux de la Région de Dakar parmi les plus peuplées du pays, à savoir Yène. Comme la carte des résultats électoraux du Sénégal des communautés rurales l’indique, la coalition de l’opposition gagne un nombre important de communautés rurales dans les régions de l’ouest et du centre comme Kaolack, Diourbel et Fatick. Par exemple, dans les Départements de Diourbel, Benno Siggil Senegaal est arrivée en tête sur 7 des 9 communautés rurales ; de Fatick (10 des 13 communautés rurales) ; de Nioro (10 sur 11) et de Kaolack (8 sur 9). La Coalition Dekkal Ngor vient en troisième position avec 11 communautés rurales dont la majorité se trouve dans la Région de Matam. Ce sont Aouré, Bokiladji, Orkadiéré, les Agnam et Oréfondé. Elle a aussi obtenu 4 communautés rurales dans la Région de Fatick, 1 à Kaolack et 1 à Louga. La Coalition Takku Défarat Senegaal arrive en quatrième position avec 4 communautés rurales toutes situées dans la Région de Ziguinchor (les Communautés Rurales de Thionk-Essyl et Santhiaba).
And Liggey Senegaal a, de son côté, réussi à avoir 5 communautés rurales dont Sangalkam dans la Région de Dakar. Les autres sont localisées dans le département Thiès. Le Parti de la Réforme (PR) a remporté toutes les communautés rurales dans le Département de Ranérou et la Communauté Rurale de Fandène dans la Département de Thiès. La coalition PSDS, elle, gagne 4 communautés rurales : Keur Samba Kane et Diender Guedji.
La comparaison des résultats des Locales du 22 mars 2009 des communautés rurales avec ceux de 2002 montre que la Coalition Sopi 2009 a enregistré un net recul. En effet, il y a sept ans, la coalition de la mouvance présidentielle avait remporté la presque totalité des communautés rurales du pays. Dans le Département de Kaolack, par exemple, la Coalition Sopi n’avait perdu que 2 communautés rurales sur 9 ; alors qu’en 2009, elle n’a remporté aucune d’elles. Pour ces Locales, des communautés rurales à importance économique majeure, comme Sangalkam et Malicounda, sous revenus sous le giron de l’opposition.
b[Le vote pour les conseillers régionaux
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Le vote du 22 mars pour l’élection des conseils régionaux a été très favorable pour la Coalition Sopi 2009. En effet, pour les 14 conseils régionaux en compétition, elle a obtenu les 11. Ce qui lui confère un pourcentage de près de 78,57%. La Coalition Benno Siggil Senegaal s’est vue adjuger les 3 autres à savoir Dakar, Kaolack et Fatick. La carte électorale ci-contre confirme nettement la victoire la Coalition Sopi 2009 sur les régionales. Le pourcentage obtenu par Sopi 2009, dans certaines régions, dépasse de loin celui de ses concurrents. Pour exemple, à Kédougou, 42,73% des votes lui sont favorables contre 11,94% pour son second immédiat, Benno Siggil Senegaal. A Louga, également, Sopi 2009 est arrivée largement en tête avec 51% contre 39,95% pour Benno Siggil Senegaal. Concernant les régions acquises par l’opposition, les écarts de voix entre les 2 principales coalitions - du point de vue de leur poids électoral au sortir du scrutin de mars dernier - ne sont pas très énormes. A Dakar, en effet, Benno a obtenu 27,38% des votes contre 23,31% pour Sopi 2009 ; à Kaolack, Benno a eu 32,15% des voix contre 28,2% pour Sopi 2009. L’écart est cependant assez consistant à Fatick où Benno totalise 34,53% des suffrages contre 26,93% pour la coalition de la mouvance présidentielle. Les autres coalitions de partis ou de partis en lice n’ont obtenu aucune région et arrivent ainsi, nettement, derrière les coalitions Sopi 2009 et Benno Siggil Senegaal.
Cependant, une comparaison avec les résultats des dernières élections locales de 2002 montre une nette avancée de l’opposition du point de vue « régions obtenues ». Car, le Cadre Permanent de Concertation de l’opposition (CPC, cadre unitaire) qui regroupait plusieurs partis opposés au régime du Président Wade, n’avait gagné que la Région de Kaolack au vu des résultats définitifs. Le 22 mars dernier, l’opposition obtient 3 régions sur 14 soit 21,43% en valeur relative ; contre seulement 9,09% en 2002, c’est-à-dire 1 région sur 11 que comptait le Sénégal. L’autre fait marquant à relever est que, l’opposition a gagné Dakar, poids électoral du Sénégal, qui constitue par ailleurs la région la plus importante du point de vue économique. Kaolack est également une région très représentative sur la carte électorale du Sénégal dont le rôle économique n’est pas à négliger.
La crise économique et la marche des imams de Guédiawaye…
Dans le cas des communes ayant basculé de la mouvance présidentielle vers l’opposition, un constat s’impose : ce sont plutôt des communes dont la population est composée de familles à faibles revenus. Atteints par la crise économique, les « coupures intempestives » (1) de l’électricité - il est même arrivé que la société fournisseur traditionnel d’électricité parle, sur le ton de l’euphémisme, d’« interruptions de service » -, les phénomènes (2) de rupture de gaz, le coût élevé de la vie corrélé avec un équilibre financier souvent précaire, les habitants de ces centres urbains aspirent à préserver leur autonomie et à améliorer leur quotidien et le bien-être de leur famille. C’est ainsi que les populations de Guédiawaye ont mis les imams aux avants postes de la contestation populaire contre la hausse des prix de l’électricité.
Le chômage des jeunes…
Les arguments, sur les raisons de la « déroute » du Sopi dans les centres urbains, auraient été moins convaincants s’ils étaient remis en cause par des résultats favorables au pouvoir et ses alliés dans les quartiers résidentiels et semi résidentiels, principalement de Dakar. Mais, même dans ces zones plus ou moins aisées, on affronte chaque jour les difficultés de la vie : les tendances inflationnistes grèvent les bourses et baissent le pouvoir d’achat. Il s’y ajoute les pénuries de denrées de consommation courante. Les frustrations s’accumulent, et le chômage chronique des jeunes n’est pas pour arranger les choses, surtout que le travail est une « denrée rare ».
Les querelles politiciennes et l’influence des média…
Un fait, loin d’être anodin, qui est une sorte de tumeur bénigne capable toutefois de se transformer en un cancer : les querelles politiciennes ! Acceptées presque par tous dans le jeu des rivalités internes des partis politiques, elles ont contribué à la défaite de la coalition Sopi dans les grandes villes. Ces querelles de tendances, parce que rapportées sans cesse par les média, ont desservi la mouvance présidentielle déjà affaiblie par le départ de responsables investis sur des listes autres que celles de la coalition Sopi 2009. En d’autres termes, l’influence des radios, télés, journaux et sites privés a pesé sur le choix de l’électorat urbain et rurbain.
La GOANA et le vote rural…
Cependant, dans les communautés rurales, les électeurs sont restés fidèles à la coalition Sopi 2009. Les ruraux souscrivent, à travers la « nouvelle politique agricole » du pouvoir fondée sur l’autosuffisance alimentaire et la diversité des cultures, à l’offre de Sopi. Peu touché par les grandes pénuries et les coupures de courant, affecté tout de même par la crise agricole, le monde rural fonde son espoir sur la Grande offensive pour l’agriculture, la nourriture et l’abondance (GOANA) qui est à ses balbutiements. Le vote rural a permis à la Coalition Sopi 2009 de gagner 11 régions sur 14 et de remporter les élections locales du 22 mars 2009.
La percée de l’opposition dans les grands centres urbains est liée à la fois, par ordre de priorité, à la politique énergétique de l’Etat (gaz et électricité), au renchérissement du coût des produits de consommation courante, aux agitations sociales (marche et protestation des imams de Guédiawaye contre la hausse du prix de l’électricité, manifestation des marchands ambulants…), aux querelles politiciennes, à l’influence des média…
La cartographie des résultats de ces élections locales du 22 mars 2009 montre que la mouvance présidentielle reste largement majoritaire, mais pour des élections futures, des brèches sont ouvertes pour l’opposition, pourvu que le parti au pouvoir ne redonne pas le « bâton » à ses adversaires. C’est-à-dire que les électeurs dans les zones urbaines ont plus sanctionné la politique sociale et les frasques de la mouvance présidentielle qu’ils n’ont daigné accorder leurs suffrages à l’opposition. Grosso modo, les électeurs n’ont en réalité voté pour personne ; ils ont voté pour eux-mêmes. La mouvance présidentielle et l’opposition sont averties.
(1) qualificatif courant qu’on peut retrouver dans la manière des Sénégalais d’aborder le problème, usité également par les personnes interrogées dans le cadre d’une enquête
(2)caractérisation par un échantillon de personnes approchées de la crise économique et ses conséquences dans la survie des Sénégalais
Source : ferloo.com
(2)caractérisation par un échantillon de personnes approchées de la crise économique et ses conséquences dans la survie des Sénégalais
Source : ferloo.com