L'achat d'un smartphone estampillé « éthique », « durable » ou encore « équitable » va-t-il devenir une vraie préoccupation sociétale ? Possible. Il faut dire que cette année, les initiatives visant à préserver la durée de vie ces « terminaux intelligents », où à porter davantage attention à leur provenance et à leur fabrication se sont multipliées. La semaine dernière, la startup normande Green&Biz a ainsi levé 17 millions d'euros. Spécialisée dans le reconditionnement de smartphones, qu'elle revend ensuite avec des dégriffes « de 9 à 42% » sous la marque « Remade In France », cette société de 230 personnes mise sur cette manne pour soutenir sa très forte croissance. Sachant qu'après avoir affiché un chiffre d'affaires de 23 millions d'euros en 2014, elle espère plus que le tripler cette année, à 85 millions d'euros.
Parmi les investisseurs dans Green&Biz, le fonds Novi 2 d'Idinvest Partners a débloqué 13 millions d'euros. A la tête de cette structure, Valérie Ducourty affirme que « l'aspect responsabilité sociétale des entreprises (RSE, Ndlr) », sur lequel Green&Biz fait son miel, a beaucoup joué dans cette décision d'épauler la startup.
« Il s'est vendu près de 1,3 milliards de smartphones dans le monde en 2014, ce qui implique forcément de se poser des questions quant au respect de l'environnement ou aux conditions parfois contestables dans lesquelles certains métaux précieux utilisés sont extraits, assure-t-elle. Sur ce créneau, nous sommes donc sensibles à tout ce qui peut apporter une alternative intelligente et efficace pour conduire à une consommation citoyenne plus responsable. »
Vers un changement de consommation ?
En d'autres termes, Idinvest - connu au passage pour ses talents à miser sur des startups prometteuses avant tout le monde (comme Dailymotion et Criteo...) - identifie donc ici un sérieux gage de croissance et de profitabilité. « Nous sommes dans une logique d'investissement à long terme », confirme Valérie Ducourty, qui parie sur « un changement de consommation » de ces téléphones intelligents « à moyen terme ».
Or, cette perspective apparaît crédible au regard des préoccupations qui vont crescendo concernant la fabrication et la provenance des matériaux des smartphones. Dimanche dernier, Amnesty International a dévoilé un sondage réalisé par l'institut CSA, et baptisée « Les Français et les minerais du sang ». Dans cette enquête, près d'un Français sur deux déclare savoir que « les téléphones portables contiennent des minerais qui peuvent être à l'origine de conflits ou d'atteintes aux droits humains dans les pays où ils sont extraits ». Surtout, ils sont 83% à souhaiter que la France « se prononce en faveur d'une législation contraignante », visant à encadrer plus strictement ce commerce.
Le Fairphone, un terminal 100% « éthique »
En attendant, certains acteurs ont déjà décidé de proposer leurs propres produits « éthiques ». C'est le cas de Fairphone, une startup néerlandaise, qui confectionne depuis deux ans des smartphones intégrant des contraintes environnementales et de commerce équitable. Après avoir écoulé 60.000 exemplaire de son premier terminal, son dernier bébé, le FairPhone 2, devrait être disponible au mois de décembre, à partir de 525 euros. Dans un communiqué publié en juin dernier, la startup donne le ton :
« Le Fairphone 2 va intégrer et améliorer les initiatives entreprises avec le premier Fairphone, y compris l'approvisionnement de minéraux 'sans conflit', notamment l'étain et le tantale, provenant de la République du Congo, en investissant dans un second fonds de prévoyance contrôlé par les travailleurs avec son nouveau partenaire de production en Chine, et en améliorant son programme de recyclage des déchets électroniques débutés au Ghana. »
Réparer plutôt que jeter
A côté de l'apparition de ces téléphones « alternatifs », plusieurs sociétés misent pour leur part sur la réparation de smartphones. En plein essor, ces services permettent ainsi de prolonger sensiblement la durée de vie des terminaux. Et ce, à moindre frais. C'est notamment le cas de WeFix. Cette startup déploie actuellement des dizaines « corners » dans les centres commerciaux et grands magasins de l'Hexagone pour offrir une seconde jeunesse aux smartphones et tablettes aux écrans cassés ou aux batteries défectueuses. Comme nous le confiait Edouard Menantaud, le co-fondateur de la société, en juillet dernier, la demande est là : « On répare entre 8.000 et 10.000 smartphones par mois. » A défaut de privilégier des terminaux « éthiques » et « durables », les Français font progressivement, semble-t-il, davantage attention à leurs smartphones. Même si pour l'heure, ce souci s'explique probablement plus par des prix neufs parfois élevés.
latribune