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Lettre ouverte de Cheikh Sène, Économiste, Enseignant-Chercheur à son Excellence le Premier Ministre, Monsieur Ousmane Sonko


Rédigé par leral.net le Lundi 27 Janvier 2025 à 17:52 | | 0 commentaire(s)|

Lettre ouverte de Cheikh Sène, Économiste, Enseignant-Chercheur à son Excellence le Premier Ministre, Monsieur Ousmane Sonko
Face à l’alerte budgétaire lancée par le président de la République, Son Excellence Monsieur Bassirou Diomaye Faye à Diamniadio, le Sénégal doit impérativement engager des réformes structurelles pour assainir ses finances publiques et préserver sa souveraineté économique. L’objectif ne se limite pas à une réduction mécanique des dépenses, mais vise une réallocation stratégique des ressources vers les secteurs à fort impact social et économique. Une gestion plus rigoureuse, combinée à une optimisation des investissements, permettra d’assurer une croissance inclusive et durable, tout en renforçant la résilience du pays face aux chocs économiques.

Fonction publique : Moins de coûts, plus d’impact !

Avec une masse salariale représentant 25 % du budget national, bien au-dessus de la moyenne africaine de 15 %, l’État dispose de marges de manœuvre budgétaires limitées. Une baisse ciblée de 10 % permettrait d’économiser plusieurs dizaines de milliards FCfa, tout en préservant l’efficacité des services publics.

Concentrer les embauches sur les secteurs essentiels, la santé, l'éducation et la sécurité, en outre, rationaliser les effectifs dans les autres administrations, grâce à une gestion optimisée.

Plafonnement des rémunérations des hauts fonctionnaires, réduction des avantages non justifiés et alignement des indemnités sur des standards plus soutenables.

Subventions : Du gaspillage au levier de croissance inclusive

Les subventions généralisées pèsent lourdement sur le budget et bénéficient souvent aux couches les plus aisées, au détriment des populations vulnérables. Une approche plus ciblée permettrait d’en maximiser l’efficacité.

Remplacer les subventions aux carburants et à l’électricité par des transferts monétaires directs pour les ménages modestes et introduire une tarification progressive.

Transformer les aides en nature en subventions directes aux petits producteurs, en mettant l’accent sur l’irrigation intelligente et l’agriculture durable.

Modèles inspirants : L’Indonésie a réussi à réaffecter ses subventions énergétiques vers les infrastructures et les services sociaux, tandis que le Rwanda a mis en place un système de bons électroniques, garantissant un meilleur ciblage des agriculteurs.

Bourses universitaires : Vers un modèle plus juste et durable

Le système actuel des bourses souffre d’un manque de ciblage, entraînant une pression budgétaire croissante et une répartition inefficace des ressources.

Conditionner leur attribution à la performance académique et aux revenus des familles, afin de garantir un soutien aux étudiants les plus méritants et les plus démunis.

Création d’un fonds de prêts étudiants : Inspiré du modèle ghanéen, ce dispositif offrirait un financement avec remboursement différé après insertion professionnelle, facilitant ainsi l’accès aux études supérieures.
Investissements dans les infrastructures éducatives : Encourager les partenariats public-privé pour moderniser les campus, améliorer les logements étudiants et rehausser la qualité des enseignements, assurant ainsi un cadre propice à la réussite.

Encourager l’investissement privé : Un levier essentiel de croissance

Dans un contexte de contraintes budgétaires, attirer l’investissement privé devient un impératif pour dynamiser l’économie. Un climat des affaires favorable, fondé sur la stabilité juridique, des incitations fiscales compétitives et une infrastructure moderne, est essentiel pour compenser la réduction des dépenses publiques. En facilitant l’accès au financement, en simplifiant les procédures administratives et en renforçant la protection des investisseurs, les États peuvent stimuler l’entrepreneuriat, favoriser l’innovation et accroître la compétitivité. Ainsi, un environnement propice aux affaires ne se limite pas à attirer des capitaux, mais constitue un moteur durable de croissance et de création d’emplois.

Incitations fiscales stratégiques et soutien à l’entrepreneuriat

Mettre en place des mesures attractives pour encourager les investissements étrangers dans les infrastructures, l’innovation technologique et l’industrialisation, en favorisant les secteurs à fort impact économique et social.

Réorienter les économies budgétaires vers le financement des jeunes entreprises, avec un accent particulier sur le numérique et la transition énergétique. Un meilleur accès aux crédits, des garanties étatiques et des partenariats public-privé, permettront d’accélérer leur croissance et de stimuler l’emploi.

Dérégulation et privatisations stratégiques : Un partenariat public-privé optimisé

L’État ne peut assumer seul la charge du développement économique. Une meilleure implication du secteur privé, permettrait d’améliorer l’efficacité des services essentiels, tout en allégeant le fardeau budgétaire.

Libéralisation progressive des secteurs stratégiques en encourageant la participation du privé dans la production et la distribution d’énergie et d’eau, sous un cadre réglementaire strict garantissant accessibilité et qualité de service.

Privatisations ciblées des entreprises publiques déficitaires : Transfert sous conditions de performance pour améliorer leur rentabilité et leur gouvernance.

Rationalisation des agences publiques : Avec plus d’une centaine d’organismes, une fusion ou suppression des structures aux missions redondantes est nécessaire, pour une meilleure efficacité administrative.


Ces réformes ne visent pas seulement à alléger la charge budgétaire, mais surtout à maximiser l’impact des dépenses publiques. En luttant contre le gaspillage et en réorientant les ressources vers les infrastructures, l’éducation et les services sociaux, le Sénégal peut bâtir un modèle de croissance plus équilibré et résilient. Toutefois, la réussite de ces réformes repose sur une mise en œuvre progressive et bien encadrée afin de minimiser les tensions sociales et garantir un développement inclusif.







Cheikh SEN, Économiste, Enseignant-Chercheur

Ousseynou Wade