S’il reste légitime pour le Chef de l’Etat d’engager le Gouvernement à intensifier la modernisation de l’Administration publique, dans le but de consacrer l’amélioration de l’environnement des affaires ; il importe de souligner que malgré son influence sur les réformes économiques le Doing Business ne constitue pas toujours un outil satisfaisant pour la formulation de politiques publiques efficaces.
C’est en 2004, que la Société Financière Internationale (SFI), membre du groupe de la Banque Mondiale, a publié le premier rapport Doing Business pour proposer des mesures objectives de la réglementation des affaires et du contrôle de son application.
Ce rapport exprimé par un indicateur composite couvrant dix procédures différents, classe 189 pays en fonction de la réglementation des affaires et plus particulièrement de l’effet des systèmes juridiques sur le développement économique des Etats. Comme d’habitude pour l’édition 214, les pays de "Common Law" ont monopolisé le haut du classement, les deux premières places étant occupées par Singapour et Hong Kong et les Etats-Unis sont numéro quatre.
D’emblée il est permis de dire que les rapports "Doing business" sont bâtis sur une méthodologie et une démarche extrêmement contestables et, comme ses prédécesseurs, l’édition 2014 du rapport prête le flanc à de multiples remarques.
La première des critiques est précisément qu’il semble hermétique à toute remise en cause. C’est en particulier le cas d’un rapport d’évaluation interne à la Banque Mondiale, publié en 2012, qui pointe de sérieux et réels écueils méthodologiques. S’il est fait mention de ce rapport sur le site "Doing business 2014", le lien est inaccessible en anglais et tout bonnement inexistant sur les pages en français. Les réponses apportées sont partielles et minimisent l’étendue de la critique.
Sur la forme, la méthode utilisée par les rapports "Doing business" s’appuie sur l’exploitation des réponses à un questionnaire décliné en une série d’indicateurs. Le système de pondération de résultats est singulièrement flou. Ce qui est mesuré est contestable et mélange sans justification des mesures d’appréciation non pertinentes compte tenu du faible nombre de répondants, à des données statistiques non fiables parce qu’émanant ’’d’experts’’ imparfaitement identifiés.
Sur l’indicateur fiscal, par exemple, une seule et même société internationale a répondu aux questionnaires pour 170 des 189 pays classés pour l’édition 2014
Contrairement à ce qu’on laisse entendre, le rapport "Doing business" n’est pas un travail d’agrégation de données statistiques recueillies scientifiquement. Dit autrement, l’index "Doing Business" ne mesure pas grand-chose sur le terrain mais il affirme beaucoup et avec assurance.
Les rapports Doing Business cherchent à mettre en relief les réformes entreprises dans les différents pays pour faciliter les affaires. Le postulat est simple : plus un pays ne réforme pas, mieux il est classé. Or, il est difficile de considérer une réforme comme constitutive d’un avantage en elle-même. Par ailleurs, les réformes prises en compte sont uniquement celles qui entrent dans le périmètre des indicateurs retenus, et reflètent le parti pris des auteurs. C’est ainsi que ces derniers sont très favorables aux réformes ayant supprimé ou substantiellement réduit l’exigence d’un capital social minimum pour la création d’une entreprise.
L’opportunité de ce parti pris est singulièrement mise à mal dès lors que la crise financière qui dure depuis 2008 tient notamment à la faiblesse des capitaux propres des entreprises. De même, les rapports valorisent d’autant plus un système juridique donné qu’il réduit le montant de l’indemnité de licenciement allouée à un salarié de vingt années d’ancienneté. Plus cette indemnité tend vers zéro, meilleur est le classement. On peut à la rigueur discuter de la philosophie de solidarité sociale que sous-tend l’existence d’une telle indemnité, mais il est très discutable d’en faire un critère de la qualité d’un système juridique.
Une analyse méthodique des dix indicateurs utilisés dans le dernier rapport révèle de nombreuses faiblesses dans l’appréciation du classement.
Un exemple particulièrement éloquent est l’indicateur "Registering Property", qui mesure le temps nécessaire à inscrire le transfert d’une propriété. On constate en effet que les critères pris en compte pour le calcul de cet indicateur varient d’un pays à l’autre. Ainsi, pour certains la durée du transfert de propriété n’est calculée qu’une fois la vente conclue, alors que pour d’autres, celle-ci démarre dès la négociation entre vendeur et acheteur.
Les éléments donnés ci-dessus suffisent à eux seuls pour souligner les réelles lacunes du rapport "Doing business".
Cependant l’exercice n’est pas anodin car l’index "Doing business" est désormais inclus dans le faisceau des indices retenus par les agences de notation financières internationales, d’ailleurs toutes de tradition de "Common Law", pour apprécier l’opportunité d’investir dans des entreprises à travers le monde. D’où l’intérêt que lui accorde le Chef de l’Etat.
(*) Alioune Badara Sy
Ingénieur en Economie industrielle
Délégué à l'Institut de l’Economie Numérique de Toulouse
C’est en 2004, que la Société Financière Internationale (SFI), membre du groupe de la Banque Mondiale, a publié le premier rapport Doing Business pour proposer des mesures objectives de la réglementation des affaires et du contrôle de son application.
Ce rapport exprimé par un indicateur composite couvrant dix procédures différents, classe 189 pays en fonction de la réglementation des affaires et plus particulièrement de l’effet des systèmes juridiques sur le développement économique des Etats. Comme d’habitude pour l’édition 214, les pays de "Common Law" ont monopolisé le haut du classement, les deux premières places étant occupées par Singapour et Hong Kong et les Etats-Unis sont numéro quatre.
D’emblée il est permis de dire que les rapports "Doing business" sont bâtis sur une méthodologie et une démarche extrêmement contestables et, comme ses prédécesseurs, l’édition 2014 du rapport prête le flanc à de multiples remarques.
La première des critiques est précisément qu’il semble hermétique à toute remise en cause. C’est en particulier le cas d’un rapport d’évaluation interne à la Banque Mondiale, publié en 2012, qui pointe de sérieux et réels écueils méthodologiques. S’il est fait mention de ce rapport sur le site "Doing business 2014", le lien est inaccessible en anglais et tout bonnement inexistant sur les pages en français. Les réponses apportées sont partielles et minimisent l’étendue de la critique.
Sur la forme, la méthode utilisée par les rapports "Doing business" s’appuie sur l’exploitation des réponses à un questionnaire décliné en une série d’indicateurs. Le système de pondération de résultats est singulièrement flou. Ce qui est mesuré est contestable et mélange sans justification des mesures d’appréciation non pertinentes compte tenu du faible nombre de répondants, à des données statistiques non fiables parce qu’émanant ’’d’experts’’ imparfaitement identifiés.
Sur l’indicateur fiscal, par exemple, une seule et même société internationale a répondu aux questionnaires pour 170 des 189 pays classés pour l’édition 2014
Contrairement à ce qu’on laisse entendre, le rapport "Doing business" n’est pas un travail d’agrégation de données statistiques recueillies scientifiquement. Dit autrement, l’index "Doing Business" ne mesure pas grand-chose sur le terrain mais il affirme beaucoup et avec assurance.
Les rapports Doing Business cherchent à mettre en relief les réformes entreprises dans les différents pays pour faciliter les affaires. Le postulat est simple : plus un pays ne réforme pas, mieux il est classé. Or, il est difficile de considérer une réforme comme constitutive d’un avantage en elle-même. Par ailleurs, les réformes prises en compte sont uniquement celles qui entrent dans le périmètre des indicateurs retenus, et reflètent le parti pris des auteurs. C’est ainsi que ces derniers sont très favorables aux réformes ayant supprimé ou substantiellement réduit l’exigence d’un capital social minimum pour la création d’une entreprise.
L’opportunité de ce parti pris est singulièrement mise à mal dès lors que la crise financière qui dure depuis 2008 tient notamment à la faiblesse des capitaux propres des entreprises. De même, les rapports valorisent d’autant plus un système juridique donné qu’il réduit le montant de l’indemnité de licenciement allouée à un salarié de vingt années d’ancienneté. Plus cette indemnité tend vers zéro, meilleur est le classement. On peut à la rigueur discuter de la philosophie de solidarité sociale que sous-tend l’existence d’une telle indemnité, mais il est très discutable d’en faire un critère de la qualité d’un système juridique.
Une analyse méthodique des dix indicateurs utilisés dans le dernier rapport révèle de nombreuses faiblesses dans l’appréciation du classement.
Un exemple particulièrement éloquent est l’indicateur "Registering Property", qui mesure le temps nécessaire à inscrire le transfert d’une propriété. On constate en effet que les critères pris en compte pour le calcul de cet indicateur varient d’un pays à l’autre. Ainsi, pour certains la durée du transfert de propriété n’est calculée qu’une fois la vente conclue, alors que pour d’autres, celle-ci démarre dès la négociation entre vendeur et acheteur.
Les éléments donnés ci-dessus suffisent à eux seuls pour souligner les réelles lacunes du rapport "Doing business".
Cependant l’exercice n’est pas anodin car l’index "Doing business" est désormais inclus dans le faisceau des indices retenus par les agences de notation financières internationales, d’ailleurs toutes de tradition de "Common Law", pour apprécier l’opportunité d’investir dans des entreprises à travers le monde. D’où l’intérêt que lui accorde le Chef de l’Etat.
(*) Alioune Badara Sy
Ingénieur en Economie industrielle
Délégué à l'Institut de l’Economie Numérique de Toulouse