Cette question se pose avec plus d’acuité aujourd’hui dans ce Sénégal en proie à des remous sans précédent. Il est vrai que cela devient une habitude qu’à chaque fois qu’on s’achemine vers une échéance électorale, notre pays s’engage dans des troubles multiformes et, parfois même celles-ci débouchent sur des pertes de vie, dans des conditions dont la plupart restent nébuleuses. Cependant, ce qui rend la situation présente plus préoccupante, c’est le fait que de nouvelles notes discordantes sont venues se greffer sur le lot déjà important des motifs de crainte. En effet, généralement, au Sénégal, pays qui jusque-là met en exergue sa téranga ou hospitalité, certains débats n’étaient même pas envisageables. Malheureusement, depuis un certain temps, il apparaît que des sujets jadis tabous ou considérés comme sans objet, alimentent les débats un peu partout. Il suffit de jeter un coup d’œil sur les sites d’informations en ligne, de lire la presse écrite et d’écouter le discours radiotélévisé de nos hommes politiques, pour savoir que des idées d’une autre dimension sont en train, non plus de germer mais de se développer dans notre pays. Ce pays dont la cohésion, l’unité nationale, les relations de convivialité, ont toujours constitué sa marque de fabrique, voire sa position exceptionnelle dans un environnement géopolitique marqué par l’insécurité et l’instabilité manifestes, emprunte lentement mais sûrement une pente qui ne rassure guère.
Il nous plaît de convoquer le passé glorieux de nos hommes valeureux dont le courage et la piété ont largement contribué à préserver l’indépendance culturelle et politique du Sénégalais et à l’orienter vers une spiritualité dominée par la paix, l’ouverture d’esprit, la tolérance et l’hospitalité, conformément à l’Islam, au Christianisme et à nos valeurs traditionnelles qui ne sont pas forcément antinomiques. Cependant, la voie tracée par ces hommes et femmes de référence se trouve être reléguée au second plan par bon nombre de nos compatriotes qui commencent à prôner l’exclusion, le repli identitaire et parfois même à développer des idées xénophobes.
De ce fait, la question fondamentale posée par l’Imam à Gor Mag, devant l’Abbé Léon, dans Guelwaar, film d’Ousmane Sembène, mérite une réflexion particulière de la part de tout Sénégalais soucieux de notre devenir : « Nos ancêtres nous ont habitué à la vérité. Qu’est-ce qui arrive à notre communauté ? ».
La réponse servie à l’Imam par Gor Mag est non seulement d’actualité mais aussi elle donne une piste de réflexion assez intéressante pour comprendre ce qui se passe actuellement et peut être même de trouver une solution :
Nous société va vers la décadence […]
Nous nous sommes assis sur le même mortier pour la circoncision. Catholiques et musulmans, nous partagions la même cérémonie […] C’était un immense plaisir pour nos parents. Aujourd’hui nos repères sont en train de disparaître un à un. Ce sont les voleurs et les détourneurs de deniers publics qui sont devenus des braves.
Cette référence à la conversation entre les hommes religieux (Imam et Abbé) et le représentant de la tradition (Gor Mag) en dit long sur l’importance des valeurs ancestrales dans une société en pleine crise.
En effet, depuis plus d’une décennie, le Sénégal offre le spectacle de l’éclatement de tous les ressorts sur lesquels il s’est toujours appuyé pour contrecarrer les éventuelles difficultés ou trouver des remèdes à celles qui s’abattent sur nous. De nos jours, les parents sont confinés au rang de simples spectateurs indolents, dans l’impossibilité totale de jouir pleinement de leur rôle qui consiste, entre autres, à proposer un modèle éducatif à leur progéniture. Ils ont été substitués, au nom de la mondialisation dit-on, par un conglomérat d’antis modèles qui n’est rien d’autre qu’un ramassis de contre-valeurs indigestes, importées d’un peu partout.
Dans un tel contexte, les institutions étatiques, administratives et coutumières sont dans une phase de banalisation qui va crescendo à cause du manque de civisme notoire, doublé d’une défaite de la pensée qui caractérise une bonne partie des hommes et des femmes qui les incarnent.
Notre système éducatif, si système il y a encore, est devenu méconnaissable avec un niveau de plus en plus exécrable, perceptible à travers les manifestations qui rythment nos établissements et qui sont tout sauf scientifiques. De l’élémentaire au supérieur, en passant par le collège et le lycée, le constat est le même : des espaces supposés être des réceptacles où l’on forme nos élites de demain, offrent la triste image d’une arène au sein de laquelle tous les coups et tous les sons sont permis. Nous nous retrouvons face à un spectacle ahurissant marqué par des propos d’une vulgarité déconcertante, très éloignés de ce qu’on pourrait qualifier d’échanges et de débats intellectuels. Jadis temples du savoir, ces lieux sont devenus des tempêtes du savoir où à la place des échanges d’idées et de réflexion, nous avons un déferlement de vives passions, de tapages de toutes sortes et de vaines agitations basées sur des superfluités qui frisent la déraison.
Sur un autre plan, nos hommes religieux, connus pour le respect et la vénération qu’on leur voue habituellement, se voient ouvertement défier par ceux qui, hier étaient obéissants comme des ombres et sages comme des portraits. Le pire est que ceux-ci, toujours considérés comme les piliers qui supportent notre équilibre national, ont tendance à rester en marge et à laisser les événements se dérouler sans intervenir, du moins pas souvent lorsque l'opinion sollicite leur avis sur un sujet précis. Bon nombre des voix qui s’élèvent de ce côté sont de plus en plus critiquées parce que jugées trop proches de la mêlée ou influencées par un parti pris. Il est clair que l’espace politique n’exclut pas le religieux mais dès l’instant où il décide de descendre dans l’arène, la question de l’acceptation des règles du jeu ne doit pas se poser. Sur ce plan, nous savons qu’il s’agit de manœuvres, de coups bas, de plans et, malheureusement au Sénégal, ce sont les invectives les plus abjectes et les réactions épidermiques qui occupent le premier rang.
Le tableau qui se dresse devant nous étant peu reluisant, il urge de redresser la barre et de retrouver le cap vers lequel Sunugal, notre pirogue voguait tranquillement dans un environnement pourtant toujours marqué par un déchaînement très proche du déluge.
Dr. Amadou SOW
Enseignant chercheur
Université Assane Seck de Ziguinchor
Il nous plaît de convoquer le passé glorieux de nos hommes valeureux dont le courage et la piété ont largement contribué à préserver l’indépendance culturelle et politique du Sénégalais et à l’orienter vers une spiritualité dominée par la paix, l’ouverture d’esprit, la tolérance et l’hospitalité, conformément à l’Islam, au Christianisme et à nos valeurs traditionnelles qui ne sont pas forcément antinomiques. Cependant, la voie tracée par ces hommes et femmes de référence se trouve être reléguée au second plan par bon nombre de nos compatriotes qui commencent à prôner l’exclusion, le repli identitaire et parfois même à développer des idées xénophobes.
De ce fait, la question fondamentale posée par l’Imam à Gor Mag, devant l’Abbé Léon, dans Guelwaar, film d’Ousmane Sembène, mérite une réflexion particulière de la part de tout Sénégalais soucieux de notre devenir : « Nos ancêtres nous ont habitué à la vérité. Qu’est-ce qui arrive à notre communauté ? ».
La réponse servie à l’Imam par Gor Mag est non seulement d’actualité mais aussi elle donne une piste de réflexion assez intéressante pour comprendre ce qui se passe actuellement et peut être même de trouver une solution :
Nous société va vers la décadence […]
Nous nous sommes assis sur le même mortier pour la circoncision. Catholiques et musulmans, nous partagions la même cérémonie […] C’était un immense plaisir pour nos parents. Aujourd’hui nos repères sont en train de disparaître un à un. Ce sont les voleurs et les détourneurs de deniers publics qui sont devenus des braves.
Cette référence à la conversation entre les hommes religieux (Imam et Abbé) et le représentant de la tradition (Gor Mag) en dit long sur l’importance des valeurs ancestrales dans une société en pleine crise.
En effet, depuis plus d’une décennie, le Sénégal offre le spectacle de l’éclatement de tous les ressorts sur lesquels il s’est toujours appuyé pour contrecarrer les éventuelles difficultés ou trouver des remèdes à celles qui s’abattent sur nous. De nos jours, les parents sont confinés au rang de simples spectateurs indolents, dans l’impossibilité totale de jouir pleinement de leur rôle qui consiste, entre autres, à proposer un modèle éducatif à leur progéniture. Ils ont été substitués, au nom de la mondialisation dit-on, par un conglomérat d’antis modèles qui n’est rien d’autre qu’un ramassis de contre-valeurs indigestes, importées d’un peu partout.
Dans un tel contexte, les institutions étatiques, administratives et coutumières sont dans une phase de banalisation qui va crescendo à cause du manque de civisme notoire, doublé d’une défaite de la pensée qui caractérise une bonne partie des hommes et des femmes qui les incarnent.
Notre système éducatif, si système il y a encore, est devenu méconnaissable avec un niveau de plus en plus exécrable, perceptible à travers les manifestations qui rythment nos établissements et qui sont tout sauf scientifiques. De l’élémentaire au supérieur, en passant par le collège et le lycée, le constat est le même : des espaces supposés être des réceptacles où l’on forme nos élites de demain, offrent la triste image d’une arène au sein de laquelle tous les coups et tous les sons sont permis. Nous nous retrouvons face à un spectacle ahurissant marqué par des propos d’une vulgarité déconcertante, très éloignés de ce qu’on pourrait qualifier d’échanges et de débats intellectuels. Jadis temples du savoir, ces lieux sont devenus des tempêtes du savoir où à la place des échanges d’idées et de réflexion, nous avons un déferlement de vives passions, de tapages de toutes sortes et de vaines agitations basées sur des superfluités qui frisent la déraison.
Sur un autre plan, nos hommes religieux, connus pour le respect et la vénération qu’on leur voue habituellement, se voient ouvertement défier par ceux qui, hier étaient obéissants comme des ombres et sages comme des portraits. Le pire est que ceux-ci, toujours considérés comme les piliers qui supportent notre équilibre national, ont tendance à rester en marge et à laisser les événements se dérouler sans intervenir, du moins pas souvent lorsque l'opinion sollicite leur avis sur un sujet précis. Bon nombre des voix qui s’élèvent de ce côté sont de plus en plus critiquées parce que jugées trop proches de la mêlée ou influencées par un parti pris. Il est clair que l’espace politique n’exclut pas le religieux mais dès l’instant où il décide de descendre dans l’arène, la question de l’acceptation des règles du jeu ne doit pas se poser. Sur ce plan, nous savons qu’il s’agit de manœuvres, de coups bas, de plans et, malheureusement au Sénégal, ce sont les invectives les plus abjectes et les réactions épidermiques qui occupent le premier rang.
Le tableau qui se dresse devant nous étant peu reluisant, il urge de redresser la barre et de retrouver le cap vers lequel Sunugal, notre pirogue voguait tranquillement dans un environnement pourtant toujours marqué par un déchaînement très proche du déluge.
Dr. Amadou SOW
Enseignant chercheur
Université Assane Seck de Ziguinchor